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University of Ottawa
http://www.archive.org/details/revuecomiqueluOOpari
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RKvrr. coArioiE
- TYI'0(iRAI'IlIE I.ACRAMTE FILS ET t'^
Rue niiiiiidlo. i.
rÂMEU DE LA KABRlglE d' ESSONNE.
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l{i:\llE (OMIOl I
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A i.'usAdi: in;s (ii:\s skiui:i \.
iiisidiiii; >i(iit\ii;, !■ Il I iiiMii' Il lui i; , roi.iTioiK
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A. LiiiEiJx — c. cahaimki. — p. Miiini — i:. m; lA iiiniii.iii m; — litnAun m: nerval — etc., etc.
BERTALL — NAUARÇ) — tAimir/U S — (ITTU — l.dHEN rZ — BElil IN — yUILLENBOlS — ETC.
NOVE.MIîRt; 18'(8 — AVKIL 1849.
1>\R1S
I ) V M I N !■: Il AY , i> 1 B 11 A 1 n !■: - 1': i> 1 1 1: i
IIICHKLIEU.
Li GBENOriIlE ET LE BOEIF.
— Exirait du PlPPET Show.
VISITE AL' LION DK W.UEKl.dO.
Dessiné par Schmit.
Gravé par Wii-U/'-MS.
NF.z Dr pniN*:E mt r rire pendant i..v lecture de l*artici.e (ï8 de la constititio.n,
AVRC CNE VCE DE SOS f ONrlUENT.
De5SttȎ par Otto.
Gravé par Bar\
Ce pelil Kouln^uel, doiil la l"raiice su moque,
A du bonaparlisme arboré le drapiaii.
Des brillanis s-ouvenirs, qi/avec bruit il évoque,
Aux campaf^iiards séduils il présenlc l'appeau.
El pour mieux soutenir son candidat baroque,
Astucieux serpent, il a chaulé de peau.
Du vainqueur d'Auslerlilz il a pris la défroque :
La redingotte grise et le petit chapeau.
La lorgnette à la main, en t;énoral habile,
Il contemple le champ, so'jiLé d'encie cl de bile.
Où combattent Bugeaud, Girardin et Viron.
Ce pygmée, affublé d'un harnais de bataille,
Espère en vain grandir sa misérable taille;
Mais ce n'est que le tiers d'un faux Napoléon
Dentsé pu Fashitzii-s.
GraTé pir BaDLAMT.
p. 6t.
Dïssiné par OTto
Voyez de ce dessin quel est le sens profond ;
Dans ce chapeau fameux, mais qui n"a plus de fond,
Si notre République, hélas! pique une léte,
ta passant au travers comme un irait d'arbalète,
Aux m;iins du parti rougo elle tombe d'un bond!
Oui, bourgeois aveugles, gent débonnaire au fond,
On peut vous le prédire, cl sans ôtre prophète,
Si la Terreur revient, c'esl vous qui l'uurez faite.
Gr»v« par Ballant.
u Kii prùsprice de Dieu el deviiiit le [leuiile IVaiiÇiiis, je jur/ ilé r.'ster li.l^le a la Ukim iu,ic.in; riLMoiUAiiniF,
une el iiiiliriMlile, e( île rvnipllr Iniis les drMiii-s i|iie iiriiiipiise la Ciinsliliilioii. n
Dessiné par OîTu.
Gravé par BiiIsuAtiK.
LE GATEAU DES ni'H DE ISl').
D?s^iné par Fabritzics.
Gravé par BauLant.
UN NOUVEAU 13 MAI,
-.1 Milla It'- pens qii
iii-liinil aiiMivliisles:
Da^iné par Xaiiard.
Gravé par Baulant.
, Blilil KVAHU Ill':s ITAI 11'.^
30 cciiflnici* la livralHoii.
hUP. mCOELIEV, ."là
iditlons de la Souscription. — La Revue comique formera un iniisnifique volume, grand in-8, publié en 30 livraisons à 30 centimes,
ir la poste, -iO centimes. — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Lireui, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
taliens.
i' nilTION. DVMINXHAT. BDITEVR, 53, HUK &ICBEI.IED. [re LivTaiSOn.
P.iri..— TirJ aux preoei mjfaniqne! àt Lickamph Hli «1 Comp., rue Uainielle,
QUKLQUES LIGNES DE PREFACE.
Dr COMIQUE ET DP SEBIEIX. — NOS INTENTIONS.
Ce n'est pas en France, dans le pajs où Haliekis,
Montaigne et Voltaire ont écrit, qu'il est possible de
nier que si le sérieux a son côlc comique, le comique
puisse à son tour avoir son côté sérieux.
Nous n'étonnerons donc personne en disant que
c'est aux esprits réfléchis, bien plus qu'aux esprits fri-
voles de ce tennps-ci, que nous destinons notre recueil,
et que, sous ce titre : Revue comique, nous entendons
faire, sous une forme souvent légère, une œuvre au
fond toujours sérieuse.
Le comique, en France, ce n'est pas Scapin seule-
ment, Scapin est de tous les pays; c'est Akeste lui-
même, c'est Figaro, c'est Timon, c'est ce qui est plai-
sant jusque dans la colère, c'est ce qui est digne jus-
que dans la plaisanterie, c'est ce qui est cruel, au be-
soin, et implacable contre les pervers et les menteurs ;
mais c'est aussi et surtout, hàlons-nous de le dire, la
raison aimable, la gaieté du bon sens.
Dangers, misères, supplices, n'ont jamais fait fuir
la gaieté de France. Pour l'Allemagne sentimentale,
pour la chagrine Angleterre, le rire est un effort, un
masque grimaçant, presque une inQrmité. Chez nous,
le rire est un don de nature; il nous a sauvés bien
souvent, il nous sauvera encore. C'est parce que nous
savons rire que nous savons regarder en face un orage,
et qu'au lieu de nous croiser les bras à l'heure du péril
comme les Orientaux, qui ne rient jamais, nous savons
courir aux pompes et dominer la tempête.
Rh quoi , nous dira-t-on, n'avez-vous pas d'yeux
pour voir ce qui se fait, pas d'oreilles pour entendre ce
qui se dit, pas de cœur pour souffrir avec le pays des
maux qui l'écrasent? Aurez-vous bien le courage de
ru-e à l'heure où nous sommes, ne fut-ce que de ce rire
dont parle la romance, lequel est bien souvent plus
triste que les pleurs? Pleurez, au contraire, pleurez
sans façon et devant tous ; pleurez sur la place publique,
trépîgnez, tempèlez, étalez vos douleurs ; faites connue
nous.
C'est une belle chose, il faut en convenir, que la
violence, puisque, grâce à elle, les vérités, voire les
meilleures, peuvent devenir odieuses, et qui pis est,
ridicules. Aussi, de cette violence dont on nous offre
de si beaux exemples, dont nous voyons de si piteux
effets, aurons-nous soin de nous garder. Forte, sensée,
intelligente, sûre de son passé et sûre de son avenir
comme elle l'est, la France a horreur des colères inu-
tiles ; ce qu'elle déteste par-dessus tout, même à
l'heure où elle semble s'y montrer le plus attentive,
c'est l'exagération dans la forme ; c'est la passion ,
quand cette passion est dans les mots seulement; c'est
enfin le bruit sans la besogne, la fumée sans le feu.
Assurés que nous sommes que, pour un bon et \i-
goureux pays comme le nôtre, il n'est point de mala-
die sans remède, et qu'on peut dire de lui ce que
saint Paul disait du peuple : « Qu'il peut être patient,
parce qu'il est éternel; -o patiens quia œferniis , nous
n'ajouteions pas à ses maux le mal qui est le pire de
tous, celui qu'on a appelé le mal de la peur.
REVUE COMIQUE
Nous traiterons sérieusement, avec un zèle sym-
pathique, ses maladies sérieuses, — ce n'est pas notre
titre qui nous séchera les yeux, — mais nous ferons
justice des maux factices, des misères artificielles, des
plaies simulées ; nous eu débarrasserons la voie pu-
blique, et nous dévoilerons sans merci les manœuvres
effrontées de certains médecins en renom qui inventent
des maladies pour avoir l'occasion de débiter leurs
drogues et de l'aire avaler leurs remèdes à la foule
crédule des malades imaginaires.
Nouveaux venus dans la carrière, nous n'avons d'en-
gagement pris qu'envers la vérité. Ceux qui ont intérêt
à la cacher, celle vérité, le sentiront bientôt. A une
situation nouvelle, il faut des organes nouveaux
comme elle; or, dans noire sphère, nous avons la pré-
tention d'être un organe entièrement nouveau.
Et ce n'est pas, peut-être, un médiocre avantage.
Dans une société aussi facile que la nôtre, où les liens
se forment du moindre prétexte, de la moindre occa-
sion, où l'on en vient à se saluer parce qu'on s'est re-
gardé deux fois en se croisant dans une rue, tout passé,
fùt-il le plus honorable, est une entrave, est un obsta-
cle, est un empêchement, nos confrères le savent bien,
à ce que la vérité puisse se dire.
Cet obstacle n'existe pas pour nous; nous sommes
eu mesure d'être sincères, sans forfanterie comme sans
impolitesse, sans manquer enfin à aucun de ces petits
devoirs dont se compose la vie de riiomme bien élevé.
.Nous allons partout; mais obscurs comme nous le
sommes, on ne nous voit nulle part. — Nous serons
donc des mieux informés. — Nous connaîtrons les
hommes, nous connaîtrons les choses, nous sommes
en mesure de dire toutes les vérités qui sont bonnes à
dire ; nous nous efforcerons de ne dire que celles-là ,
et de taire les autres, si tentés que nous puissions
être de ne rien garder pour nous seuls. — Ou le voit,
nous n'invoquons point notre passé, nous n'avons point
d'aïeux; quand ou a aboli les tilres, ou ne nous a
rien ôlé ; notre seul domaine, comme à vuus, chers
lecleiii's , c'est l'avenir; — l'avenir, c'esl sur hii que
nous détournerons vos yeux quand le présent sera trop
douloureux. — Patience, le sang reviendra dans
nos cœurs languissants; nos épreuves sont grandes :
qu'importe, si notre courage les égale? tant mieux, s'il
doit les surpasser et les vaincre ! il faut déchirer la
terre pour y jeter une semence; la semence faite,
l'hiver arrive ; pour qui n'aurait |)oint vu le laboureur,
qu'y aurait-il à attendre de cette terre couverte en
apparence de fiimas seulement! — et pourtant au
prinlemps l'herbe se montre, les campagnes reverdis-
sent et les épis se lèvent. Eli bien! la main de Dieu,
sa main seule a pu Iroiibler l'Europe, et l'éitranier,
comme il arrive aujourd'hui, sur ses vieux fondements ;
ne croyez pas qu'il ait pu appartenir aux hommes seuls
de décider tous ces grands mouvements; liez-vous-en
à celle main redoutable; ses desseins vous sont cachés,
mais ce n'esl pas en vain, croyez-le bien, qu'elle secoue
les rois et les jieuples; dans ce sol, dans ces empires
bouleversés, une semence mystérieuse est tombée d'en
haut, à coup sûr; patience, l'heure de hi récolte que
Dieu nous prépare sonnera à son tour. La Providence
ne fait point de choses inutiles; si l'homme s'agite,
c'esl, aujourd'hui comme toujours, que Dieu le mène.
(tO.
II.IJ STIIMIO.NS.
Le crayon a des droits, il a des ressources.qui ma'ii-
([uenl à la plume; sans son art notre lâche n'eût été
qu'à moitié remplie ; avec le concours indispensable des
dessinateurs les plus renommés de notre temps, et de
quelques talents encore inconnus , mais qu'on nous
saura gré de mettre en lumière, nous n'avons point à
craindre de rester au-dessous de l'obligation que nous
impose notre litre de lievue comique; et c'est sur cette
coopération principalement que nous nous reposons du
soin de justifier jusque dans son sens le plus étendu
j'épithètc par laquelle n(piis avons caractérisé notre
recueil.
nrùcc à ces deux éléments, la plume el le crayon,
s'enlr'aidanl, se complétant l'une pour l'autre, il nous
sera possible de rendre toute notre pensée , qui se ré-
sume dans celle proposition, laquelle n'est paradoxale
que parce qu'il maïuiiie à notre langue un adjectif qui
permette de séparer le comique noble du comique
vulgaire: «Ecrire une Revue coniiijue à l'usage des
gens sérieux; l'écrire à l'usage du vrai public, eu un
mot, el non dans le but, Irop commun de nos joui's ,
de prôner, de servir i|ueliiue palrnu , quelque acleiir
célèbre ou puissant. »
Disons encore, mais eu deux mots, que notre placi-,
nous la demandons, non-seulement au salon , mais au
coeur même de la maison, dans le foyer domestique,
et que nous n'oublierons jamais , par conséquent, que
notre public est un public de femmes aussi bien que
d'hommes éclairés. '/./..
A I.ISACK DKS <;F.NS SI.IîIKMX.
SMM l'IKIUU;, SVIM VWL KT Lr:S Hll'l HFJCAINS 1)K LA VKILLK.
Il o>t tiii|i tard pour le dire aux ri'|iul)lii'ains de la
veille; — mais eoiiime mieux vaut, dit-oii, tard que
jamais, je le leur ilirai néanmoins : leur grand tort a été
d'être cxelusifs : ils sont lomliés là dans un péclié (jui est
vieux eoninie le monde ; je voudrais le leur faire sentit
par un exemple.
Il y a eu autrefois, dans un coin du monde, une dou-
laine de répnldiiains, c'est bien peu, un peu moins
qu'en France, nous le reconnaissons, qui, sous le souffle
puissant de l'un d'entre eux, se levèrent décidés à prê-
cher la doctrine, alors bien nouvelle, de la liberté, de
l'égalité et de la fraternité. Parmi ces douze hommes,
il V en avait deux remarquables entre les autres: l'un
s'appelait Pierre, l'antre s'appelait Paul; Pierre était,
et je vais le dire pour être compris, pour être actt el ,
Pierre était muge, j'iiilends qu'il aurait siégé par
exemple à l'assemblée nationale de son pays, s'il y eût
eu dans ce pays une assemblée nationale, à côté du ci-
toyi'H l.edru-Rollin de cette assemblée. F.h bien ! Pierre
disait à l'aul : « Nous sommes juifs, soyons fiers de
l'être, ne baptisons que les juifs. »
.\ quoi Paul, qui, tout républicain de la veille qu'il
était, n'était pas 7-ouge du tout, répondit ; « Pierre,
mon ami, vous n'y pensez pas ; que ferons-nous du
pauvre peuple de juifs que nous sommes? C'est sans
doute un peuple do bonnes i-'ons, qui ont bien mérité
du monde entier; maiscniin depuis longtemps ils onl
vécu bien opprimés, et si ce n'est qu'ils ont appris à
souffrir et qu'ils n'ont peur ni de la mort, ni de la mi-
sère, ni des cachots, pires que la mort et la misère, je
ne vois pas qu'ils puissent à eux seuls suflire à tout ce
qu'il nous faut faire ; il ne s'agit pas seulement aujour-
d'hui de conspirer et d'aller en prison bravement, il faut
que nous nous montrions au grand jour pour enseigner
tout haut la doctrine de notre maître, l'organiser sur
toute la terre, et la faire accepter de tous. Si nous ne
sommes que des juifs pour cette divine besogne, nous
n'en viendrons-jamais à bout. Croyez-moi, baptisons
un peu les Gentils. Ces païens, je vous assure, ont du
bon, et quand notre doctrine sera à eux, ils la défen-
dront honnêtement. Ils aiment ce qui leur appartient,
faisons leur une propriété commune avec nous, de notre
sublime Évangile, et ils le défendront, comme de tout
temps on a défendu ce qu'on sait être son bien.
Pierre se fit bien un peu tirer l'oreille; mais enfin
c'était un brave homme ; c'était un grand saint. Il avait
du bon sens comme tous les gens du peuple, quand on
l'aidait à en avoir, et qu'on le mettait sur la route : il
céda, et, au lieu de n'avoir à garder que les clefs de Jé-
rusalem, il eut bientôt à garder les clefs du paradis.
Le conseil de saint Paul était bon.
00.
LES DEUX OMBRES ET LOriS->APOLÉO>'.
IMIIK. HK I. M.I.KMAMi.l
Entendez-vous dansl'air brumeux ce bruit étrange? 1
on dirait des hennissements lointains de chevaux. .Mi-
nuit sonne ; c'est l'heure des ombres. Des cavaliers
s'ariêlent devant la porte de cet hôtel. On ne k-s a
point vus passer; d'où viennent-ils? Demandez-le au
vieux dragon qui les garde. Comme ses yeux flam-
boient sous son casque! Sa moustache est longue et
blanche. 0 ciel ! le vent qui entr" ouvre son manteau ne
me laisse apercevoir qu'un squelette. Minuit sonne ;
c'est l'heure des ombres.
Un homme est assis dans une belle chambre, de-
vant un feu pétillant. Son costume est celui d'un biil-
lant cavalier qui revient d'une fêle. Sans doute, il a
passé sa soirée au bal, ou au milieu d'un festin joyeux.
Il jette un coup d'oeil distrait sur des lettres et des
journaux répandus sur sa cheminée; puis il se dit,
avec un sourire : Je serai donc roi ! Et sa tète s'incline
sous la fatigue du plaisir, sa paupière se ferme; il va
s'endormir.
Tout à coup la porte s'ouvre avec un bruit solennel,
des bottes éperonnées retentissent sur les tapis moel-
leux. Une voix invisible jette successivement ces mots
à l'écho, avec une lenteur majestueuse :
« L'Empereur !
" Le roi de Rome 1 «
Lhomnie du baf et du joyeux festin se lève en tres-
saillant; il veut faire quelques pas en avant, puis il
s'arrête. Ses janibes chancellent. Voyez comme son
teint est pâle ; il tremble devant cette vision.
Cependant 1 Empereur déboulonne sa redingote
lŒVUE COMIQUK
grise ; il s'avance vers le loyer, et approche du feu ses
grosses bottes, comme au bivouac d'Austerlitz. A côté
de lui, un pâle jeune homme, vêtu d'un uniforme
blanc, se tient debout, dans une attitude mélancolique.
L'Empereur se lève, croise ses mains derrière son dos,
et, marchant à grands pas dans l'appartement, il dit ;
« Savez-vous, mon neveu, pourquoi je suis ici?
— Non, sire, répond le maître du palais,
— Pour vous en)pècher de fiiire une sottise, et de
commettre un sacrilège. Ecoutez-moi bien.
« Vous réclamez mon héritage; mon héritage n'est
à personne, pas même à cet enfant que voilà, et qui,
pourtant, dans son berceau, porta le titre de roi de
Rome, héritier de Napoléon ! Où est donc ma suc-
cession ? Peut-on léguer, par-devant notaire, Arcole,
Marengo, les Pyramides. Austerlitz, ^Vagram, Jlont-
niirail? Vous me parlez d'un sénatus-consulte signé
de ma main. Le temps a déchiré celte vaine formule,
et le vent des révolutions en a emporté bien loin les
débris. Savez-vous, mon neveu, quel est mon héritage,
un héritage que nul ne peut revendiquer? ce sont les
résultats de mon génie, les travaux de ma volonté. Des
idées et des souvenirs, voilà tout ce que j'ai laissé
après ma mort. Cet héritage, nul ne doit y prétendre,
ma gloire ne peut plus se continuer ; si l'on y touche,
on la ternit. La seule ambition qui convienne aux des-
cendants des grands hommes est de se faire oublier.
M'entendez-vous, mon neveu? »
Louis-Napoléon courba la tète.
Alors le roi de Rome, s'approclianl de lui, et mettant
sa main dans la sienne, lui dit d'une voix douce : « Mon
cousin, croyez-moi, ne touchez pas non |)lus à mon
héritage, cela vous porteiait malheur. Hélas! de quoi
se composc-t-il? de quelques pleurs, qui ont coulé
d'un œil de mère, en songeant à ma destinée d'orphe-
lin. Cette couronne, que vous voulez placer sur votre
tète, c'est le captif de Sainte-Hélène, c'est le captif de
Vienne qui chacun vous en ont tressé la moitié. Ne
convertissez pas les larmes et les regrets en monnaie
électorale. Vous voulez régner par le droit du souvenir
et de la pitié. Que restera-t-il au général Ronaparte et
au duc de Heisclitadt lorsque vous aurez livré tout cela
au vent de l'intrigue et de l'ambition? Me comprenez-
vous, mon cousin? »
Louis-Napoléon courba la tète de nouveau.
« Vous n'hériterez ni de la gloire du père, ajouta
l'Empereur, ni de la compassion généreuse qu'inspire
le fils ; vous les déroberez. C'est à vous à voir ce que
vous voulez faire. Adieu. »
Pour la troisième fois Louis-Napoléon courba la tête.
Cependant l'aube blanchit les rideaux de soie, le feu
s'éleint dans le vaste foyer. Entendez-vous dans l'air
brumeux ce bruit étrange? on dirait des hennissements
de chevaux. Ils montent, ils montetit; on cesse de les
entendre.
L'homme assis devant la cheminée se réveille, il
jette des regards effarés autour de lui. « Sire, balbutie-
t-il, sire... Puis, se rassurant peu à peu, il murmure
avec im sourire : Ce n'était qu'un cauchemar, je serai
empereur
— Silence, mon lils, dit un sage vieillard qui venait
d'entrer, vous en disiez autant à Strasbourg et à Bou-
logne. — Rappelez-vous toujours Ham et Londres. »
TT.
IL. \,
iiilinn iii infi
- — jpffl
Tiens, mou pclil, en voilà un qui t'ira uiieu\, il esl ukmh- l'um:
Dessiné par Bertall.
Oravé'par MlODERiiiH.
1^ B^k'Ui.aMi ) (LouAÂ-NaAaU'iT».)
REVUE COMIQUE
AUX CHr':FS de partis.
Si le spectacle que présente la France en ce nionieiit
est triste et douloureux, c'est moins à cause de la pro-
fondeur du mal dont elle souflVe, qu'à cause de la ma-
nière dont ce mal se produit.
Si terrible qu'il soit, en clïut, il ne serait rien, car
dans ce monde où tout passe, le mal passe comme le
reste, s'il était le résultat de quelques-unes de ces pas-
sions vigoureuses qui trouvent une excuse et une con-
solation dans leur grandeur; mais celte excuse, cette
consolation nous manquent absolument.
Reconnaissons-le : la Fi-ance s'ennuie encore ; son
plus grand mal c'est son indifférence : et c'est par en-
nui, rien que par ennui, et en quelque sorte par dés-
œuvrement, que, tète baissée, elle peut se jeter dans
un abîme, que le moindre effort de son bon sens et de
sa volonté pourrait éviter.
11 semble que notre pauvre pays ne soit habité que
par des somnambules, et qu'un génie malfaisant mette
à profit cette léthargie pour égarer l'opinion publique
en prolongeant son engourdissement.
Comment expliquer cet inexplicable vertige?
Qui nous fera comprendre que quand tout le monde
se dit : « Nous sommes perdus, si nous allons à cet in-
connu, personne n'élève la voix, et que chacun, à la
façon des musulmans, des sauvages et des idiots, se
croise les bras en courbant la tète, comme si c'était
écrit, comme si c'était fatal, inévitable.
Mais, fût-ce écrit, le fût-ce de la main de Dieu mê-
me, il nous faudrait, pour l'honneur du nom français,
protester. 11 faut que quelqu'un dise la vérité, et non
pas le citoyen obscur que nous sommes; mais il faut
qu'une voix, je ne sais laquelle, vienne sauver le pays,
le secouer, le réveiller, lui dire qu'il se perd, et lui
montrer l'abime des révolutions prêt à se rouvrir sous
ses pas.
Cette voix, qui la fera entendre, puisque les hommes
les mieux placés pour parler restent muets?
Si le peuple se trompe, désabusez-le, vous (|ui avez
sa confiance !
Pourquoi Béranger se tait-il ? IN'a-t-il rien à dire au
neveu de cet empereur jiour l'arrêter dans sa folie ,
pour lui apprendre qu'on n'est bien qu'à sa place, et
que sa place n'est point où s'est assis son oncle? L'im-
mortel chansonnier n'a-t-il rien à dire à ces paysans, à
ces ouvriers, sur qui sa voix serait toute-puissante? Un
mot de lui, une chanson peut-être, qui leur appren-
drait à tous que Napoléon est mort, aussi bien que
Henri IV, et qu'il ne saurait revivre dans aucun de ses
descendants, ce mot suffirait à leur ouvrir les yeux;
pourquoi ne le prononce-t-il pas ?
N'est-ce pas une trahison que ce silence? Une trahi"
son, non pas contre la République seulement, mais
contre la société tout entière, contre le sens commun,
contre la dignité du pays, qui ne peut faire son dieu
du hasard, et (]ui va se livrer au hasard.
Ce hasard, à qui peut-il profiter? A quoi servira-
t-il à M. de Lamartine, par exemple, d'avoir ouvert le
jeu? Le sort en est jeté, a-t-il dit; mais qui donc l'a
jeté, ce sort, à la France, si ce n'est ceux qui auraient
pu la garantir contre ses chances mauvaises qu con-
traires?
Enivré, étourdi à Màcon, M. de Lamartine conipte-
t-il encore pour son compte personnel sur Ifs bénélices
de ce hasard ?
Hélas, non ! M. de Lamartine no sera pas président
de la République; mais que lui importe? la France
sera mal présidée ; elle souffrira, et il se consolera de
son échec comme président, en coni|)tant les douleurs
de celte France, ingrate envers lui, nous le reconnais-
sons. 0 ambition! quelque légitime qqe tu sois, quand
lu l'emportes dans un cœur sur l'amour du bien pu-
blic, tu es un vice et non pas nue vertu !
Ainsi donc, meure le malade, si je ne suis pas son
médecin 1
S'il y a des hommes coupables entre tous, ce sont, à
coup sûi', ceux qui, ayant le droit de parler, ne com-
prennent pas les devoirs que ce droit leur impose.
Mais il y en a d'autres plus coupables encore; car ils
font pis que de se taire, puisqu'ils disent le contraire
de ce qu'ils pensent !
Eh quoi ! M. Tliicrs, il n'est pas un de vos griefs
contre la Républi(|ue, contre le général Cavaignac, que
vous honorez au fond de votre <àmc et qui n'aurait rien
à craindre de vous, historien, j'en suis sûr ; il n'est
pas un de ces griefs que vous n'ayez pu articuler, et
vous n'osez pas dire tout haut ce que vous dites tout
bas du pi'incc Louis-Napoléon...
Dans vos paroles, dans vos confidences, dans vos en-
treliens demi-particuliers, préoccupé sans doute de
l'idée de prolester, pour riionneui-de votre jugement,
contre l'égarement d'une partie du pays, et de f.iire
ainsi les réserves de votre bon sens, vous dites, de ce
prétendant à la présidence, tout ce qu'il en faut dire
|)0ur en détourner les honnêtes gens; vous le dites, et
vous en dites plus môme qu'il ne faudrait, car votre es-
prit gaulois n'a peur d'aucun des mots que chérissait
Rabelais ; et vous ne rediriez pas un jour au pays, em-
porté par la vérité, toutes les vérités dont vos mains
sont pleines ! Si ce n'est pas une lAcheté, c'est bien
pis, c'est un calcul. Ne pouvant être le premier, vous
A L'USAGE DES GENS SIÎRIF.JJX.
voulez que le premier soit aii-tlessotis de sa mission.
— I,a Rt'piil)li(|iie sans vous, vous l'avez dit, vous lu
voulez grotosiiiie. Prenez garde, M. iliicrs; prenez
garde, le grotesque et le terrible se touilieiil dinis des
temps cornnie les nôtres.
Braves bourgeois, qui croyons en M. Thiers, noni-
monsdonc Napoléon ; M.Tliiei-s a besoin que la l'Vaiuc
soit ridicule.
(Iroyez-voiis qu'on eût pu ramener M. Tbiers, et
qu'en neeordant au pays, à son parti, tout ce qu'il
eiU pu lui donner lui-même, il eiU été satisfait ? .^on.
Il n'y a qu'un président au monde qui eût pu conve-
nir à M. Tbiers mieux que Napoléon, et ce président,
c'eût été M. Tbiers lui-même. — Kst-ce notre faute si
M. Thiers est impossible '?
Eh bien ! M. Tbiers, il y a des républicains qui va-
lent mieux que vous. Entre Louis-Napoléon et vous;
je dis plus, entre .M. Bugeaud et Napoléon, entre
M. Mole et Napoléon, entre tons et Napoléon, nous en
connaissons qui n'eussent pas hésité.
L'histoire dira que, placé entre le bien du pays et sa
perte, vous avez sciemment volé pour sa [Hile.
Votre calcul est faux, .M. Thiers : la révolution de
Février vous avait laissé en arrière; mais debout en-
core et possible encore , mais nécessaire, peut-ôlre ,
dans des temps, dans des conditions données. Larévo-
lution nouvelle, celle que vous préparez avec tant d'im-
prudence en appuyant un homme dont vous savez tout
le néant, cette révolution passera par dessus vous en-
core, mais c'est à terre qu'elle vous laissera.
r»a|)pelez-vous que votre conduite d'aujourd'hui
donne aux honnêtes gens de tous les partis le droit de
ne se souvenir que de vos fautes.
S. S.
L'habit ne Lut pas le moine.
10
RF.VIIF, COMIQl'E
CK QUE DIT M. THIF.RS QUAND II. DOUT
INE SKANCE DS MAliNÏTISMI- A I.A l'LACK SAlNT-(iEOECES.
Au iioiiibre des cliosos (jne niu M. l'Iiiers, il tant, il
failiiil du moins placei' le magnétisme.
M. Thiers niait tout, nièmele sonimcil magnétiiiue,
à plus forte raison niait-il qu'on pût faire |)arler de
forée un homme endormi.
In habile et spirituel médecin de ses amis, résolu à
venger le magnétisme, demanda à M. Thiers qu'il vou-
lût bien se soumettre à une épreuve.
M. Thiers accepta.
C'était le soir même du jour oii le Constitutionnel
venait de faire savoir à ses abonnés que M. Thiers ap-
puyait la candidature du prince Louis.
51. Thiers s'assit, une jeune et aimable femme prit
une plume et consentit à dresser le procès-verbal de la
séance; — ce qu'elle lit aussi bien qu'un greliier l'eiU
pu faire.
M. Thiers résista pendant cinq minutes à peine, à la
puissance du fluide. — Après avoir li , plaisanté son
médecin , son regard vert, si net et si brillant d'ordi-
naire, se ternit; ses mains, ses jambes, toujours si
peu calmes, si inquiètes, se fixèrent, sa tète tomba sur
sa poitrine. — M. Thiers dormait.
« Cela ne prouve rien, dit sa femme, M. Thiers dort
toujours. — Il dormait chez le roi ; il dort partout. »
M. Thiers est en effet l'homme le plus actif et le plus
endormi qui se puisse voir ; entre la fièvre et le som-
meil il n'y a pas pour lui de milieu.
(( Faites parler M. Thiers, » dit-on de toute ]iarl
au magnétiseur.
Le savant opérateur prit les mains du malade, ap-
puya solennellement son pouce sur son front, et s'a-
di-essant au patient :
» Parlerez-vous ? lui dit-il.
— Oui, répondit .M. Thiers ; et avec ce oui, un long
soupir s'échappa de ses lèvres. — Ici nous copions le
procès-verbal.
Demande. « Qu'avez-vous fait ce soir ?
RÉPONSE. — J'ai fait une sottise.
D. — laquelle ?
R. — J'ai écrit pour le Constitutionnel vingt-cini]
lignes, au bout desquelles je fais dire à ce journal qu'il
faut appuyer la candidature du prince Louis.
D. — Vous regrettez donc de l'avoir fait?
R. — Oui et non. — J'eusse préféré ne rien faire du
tout. — On m'a trop pressé. — Toute la responsabilité
de cette élection va retomber sur moi pendant ces trois
semaines ; et après qui sait ce qui arrivera ?
D. — Pourquoi avez-vous empêché le parti modéré
d'avoir un candidat?
R. — Ils avaient pensé à Bugeaud au lieu de penser
à moi ; dans la réunion préparatoire Bugeaud avait eu
presque toutes les voix. — Mole et moi presque rien.
D. — Pourquoi ne vous ctes-vous pas décidé à ap-
])iiyer le général (]avaignac ?
II. — Le général Cavuignac, de sa personne, me con-
vient assez ; si j'étais femme je ne lui serais pas cruel.
1'. — Mais enfin pourquoi ne l'avez-vous pas appuyé?
R. — Le général Cavaiguac est un soldat; il est vif,
il est prompt, il trouverait tout naturel (ju'on lui cédât ;
et avec lui la défaite n'aurait ])as plus de mérite que la
résistance.
D. — Que craignez-vous du général Cavaiguac ?
R. — Sa Réjuiblique serait sérieuse; avec le temps
tous les intérêts du pays seraient venus de son côté. Le
général Cavaignac, nommé, eût fait ses quatre ans ,
nous autres nous nous serions trouvés bientôt des chefs
sans armée, sans parti.
D. — .\vez-vous pensé à M. de Lamartine?
R. — Ma foi non ; qu'il préside à .Màcon.
D. — Et à M. Ledru-Rollin?
R. — Si nous ne dirigeons pas bien le prince Louis,
et si nous ne le faisons pas échouer en lieu sur , le tour
de celui-là ou de quelqu'un des siens pourrait bien
arriver.
It. — Kt à Raspail?
R. — Raspail ferait chérir Ledru-Rollin. Voilà bien
ce qui m'in(|uiète ; je suis patriote au fond , et quand
j'ai eu le tort de trop penser à moi, je le regrette. Si
la République rouge arrive , ce sera notre faute. Le
[irince Louis peut y mener.
1). — Pourquoi appuyez-vous le prince Louis ?
Ici M. Thiers lit un mouvement d'impatience, et ne
répondit pas; ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en
sortit.
« Pourquoi ! » reprit le magnétiseur.
R. — Parce que son incapacité est notnire, parce
qu'il est impossible, parce que c'est la révolution à re-
faire, et que j'espère refaire cette révolution, qui nous
a échappé une fois, pour notre compte à nous. Mais la
referons-nous? Voyez Barrot, son parti l'abandonne,
et les mienss'éloignent déjàde moi.
— Vous voulez donc renverser la Républiipic ?
— .Non, je veux la gouverner , (ju'on me la donne ,
je saurai la défendre ; j'accepte la République, mais
je n'aime pas les républicains. Avec le prince Louis,
c'est la lutte qui recommence, et avec la lutte tontes
les incertitudes, mais aussi toutes les espérances de
l'avenir. Dans six mois.... dans moins de six mois,
i\i\\s cent jours peut-être... »
00.
Arrivée triomphale. — L'Oiseau conduit par un m-^e Vipill ird.
Roule (le Londres. — L'Oiseau reconduit par un u imiu ,1e Pa
Dessiné par Otto .
Gravé par Leblanc et Bailant.
15
REVUE COMIQUE
LES DKUX BONAPARTISTES.
Il- KiiNAi'MtiisTi': i>r i\ m:ii,i i: (ISÔ2)
«Citoyens! s'i'ci-iii Isiilorc l'imiiclion eu se lovant
sur son siège, vuici le inoiiienl de lions ociuper de
choses sérieuses.
— Oui, oui, répétèrent les antres convives, la pa-
role est au citoyen Fumichon. »
Fumichon, toujours debout, déboutonna son liabif
noir à larges basques, qui laissa voir en s'ouvraut ini
gilet blanc à larges revers, passa la main dans ses longs
cheveux, et continua en ces termes :
« Vous n'ignorez point, citoyens, quels projets cache
ce simple pique-nique au Veau qui tette. L'avenir de
la patrie ne ligure pas sur la carte; mais c'est de cet
avenii' qu'il s'agit. Deux ans se sont écoulés depuis la
révolution de Juillet; les moins clairvoyants ne peuvent
s'y tromper : on veut escamoter cette magnanime ré-
volution. Citoyens, le souirriioiis-nous?
— Non ! mille fois non.
— 11 faut donc renverser le gouvernement ingrat et
perfide qui opprime la France. Nous sommes tons d'ac-
cord sur ce point. Maintenant que mettrons-nous à sa
place ?
— La République ! la République 1 Vive la Répu-
blique !
— Ce cri a devancé ma pensée ; oui, citoyens, la
République. (Test le seul gouvernement qui convienne
désormais à la France.
— Permettez, messieurs, dit une voix qui partait
de l'extrémité de la table , je proteste en faveur des
droits du roi de Rome.
.\ussilôt tous les regards se dirigèrent du coté de
l'interlocuteur. C'était un homme de quarante-cinq
ans à peu près, vêtu d'une redingote bleue, le front
orné d'une balafre transversale, les lèvres recouvertes
d'une épaisse moustache noire entremêlée de quelques
poils gris; l'air bonhomme et naïf au fond, malgré
l'apparente dureté de ses traits. Il paraissait étonné de
l'émotion excitée par ses paroles dans l'assemblée.
« Citoyens ! s'écria d'un ton véhément l'un des con-
vives , il y a parmi nous des agents provocateurs, .le
demande (|ue le citoyen qui vient de parler du roi de
Rome soit tenu d'exhiber ses papiers.
— Rassurez-vous, reprit Isidore Fumichon, ce ci-
toyen est mon oncle. .\mi de Laborie et des quatre
sergents de la Rochelle ; compagnond'armesde Vallée,
conspirateur dans l'âme, ennemi juré des Bourbons, à
quelque branche qu'ils appartiennent, j'ai cru qu'il ne
serait pas déplacé dans notre réunion. On ne saurait
mettre en doute la pureté de ses sentiments et de ses
intentions. (Test à nous maintenant de le convaincre,
et de lui prouver qu'il se trompe. Quoiqu'il ait eu les
pieds gelés en Russie, qu'il ait reçu un coup de sabre
à Luizen, nue balle à Montmirail, et qu'on l'ait laissé
pour mort h Waterloo , il n'est point inaccessible à la
persuasion. Voyons, mon oncle Jollivet, quels sont les
droits du roi de Rome à gouverner la France'!
— Ses droits, il les tient de sa naissance.
— Cela veut dire (|u'il est (ils de son jière. Rel ar-
gument ! Est ce que le génie se transmet par voie de
succession'! D'ailleurs le roi de Rome n'existe plus
depuis longtemps, il a été remplacé par le duc de
Reischtadt. Est-ce que vous obéiriez à un homme qui
vous dirait : En afant, marche ! Rordez, armes ! hre-
zentez, armes ! En chou, feu ! Non, mon oncle , non !
et lors même que le fanatisme pour le petit caporal
vous boucherait les oreilles an point de vous empêcher
d'entendre l'accent ludesqiie de son lils, la France l'en-
tendrait pour vous. La France n'admet plus, du reste,
les privilèges de la naissance ; elle veut être gouvernée
par le plus capable et le plus digne. La France est
républicaine ; nous sommes tous républicains.
— Nous verrions bien ce que dirait la France si le
fils de l'Empereur se présentait à la frontière, le petit
chapeau d'une main la redingote grise de l'autre
— Oncle .Jollivet, vous êtes incorrigible, vous et tous
les vieux bonapartistes avec votre petit chapeau etvolie
redingote grise. Vous vous imaginez toujours que
l'aigle va voler de clocher en clocher jusque sur les
tours de Notre-Dame. Vous pensez faire peiir"à Louis-
Philippe en Vous promenant encore quatre à quatre
avec de longues redingotes bleues boutonnées comme
sous la restauration ; vous vous croyez des conspirateurs
bien dangereux parce que vous avez le buste du roi de
Rome sur votre cheminée; mais Louis-Philippe se
moque de vous et vous laisse conspirer à votre aise.
L'empire n'existe plus qu'au Cirque Olympique; l'Em-
pereur est mort; nous pouvons dire vive Cobert ! car
je dois rendre cette justice à mon oncle , qu'il ne fait
nulle diflicnlté de convenir que l'Empereur est mort;
n'est-ce pas, oncle Jollivet!
— Est-ce que par hasard tu voudrais te moquer de
moi, blanc-bec'/
— Jamais, mon onde, jamais; respect aux braves !
Portez armes ! Présentez armes! Crions tous : Vive Go-
bert !
— Vive Cobert !
Jollivet prend sa canne cl son chapeau et s'en vafu-
A l.ts.\(.i; l)i:s GKNS SÉRIEUX.
rieuxen s'écriimt : A revoir, niussieiirs les rL'pubiicuins
à Irois ('rares par lùte ! yiiaiil ù vini!;, inuiisieiir mkhi
iicvcu, vous 1110 li; pujLTc/..
Les roiivivi's repreiniciil déplus lielle : Vi\t Gobert!
0 Maiiilen.ml (jne re vioiix grognard a repris le ciieiiiin elioc des verre
de son iluunp il'asilt , siliié rue aux Ours, s'éiiie Isi- ' (leei se passait en 1SÔ2
dore rutnichon, un dernier loasl an Irdpos de lous les
Ijraiis! Plus d'empereurs, plus de rois, plus de consuls,
la Ui''pulili(|ue ou la niurt !
— La lU'puhliiine ou la inorll répète l'assemblée au
II
LE I(0\AI'AI11I>1K lu l.KNKF.M.UN (l)SiS].
(I Kli bien 1 lunn novon ruiiiiclion, i'i'S|.i'i-L' ijul' le
voilà euntent, nous sommes eu Ilépnbluiue. (lomniiiit
vont les alFaircs ?
— Mal, mon (inile .lollivel, très-mal.
— La crise ne durera pas, j'ai tout espoir dans le
bon sens du pays. Tel i\ue tu me vois, je nie suis récon-
cilié avec la lîépublique. .Tu avais raison quand tu
me soutenais autrefois que c'était la seule forme de
gouvernement qui convint à la France. Que veux-tu,
nousauti'es vieux soldais auxt]nels le grand honmie a
pincé le bout de l'oreille, nous avo.s eu plus de peine
que d'autres à nous défaire de nos préjugés; il nous
semblait que la France était peidue si elle ne retour-
nait pis à rem]iire. Me voilà bien revenu de ces illu-
sions. Tu disais donc que les affaires n'allaient pas très-
bien.
— La bonneterie est nmrle ! .l'aurais bien mieux l'ait
de Continuer mon droit et de passer avocat; mais au
lieu de Irava lier, je...
— Tu conspirais; je me rappelle encore le banquet
du Venu qui tetle. Vous étiez là une douzaine de fa-
meux lapins républicains. Ktais-je ridicule alors, avec
mon roi de Rome'?
— .le n'étais pas encore dans la bonneterie. C'était
le bon temps.
— Tu es triste comme un bonnet de nuit avec ta
Il lunelerie. Laisse nommer le président, et puis tu ver-
ras le commerce reprendre de plus belle. Causons un
peu politique, cela nous distraira, quoique cette fois
nous risquions fort de nous trouver du même avis. Tu
votes pour Cavaignac'ï
— Non.
— Pour Lamartine?
— Point du tout.
— Pour Ledru-Rollin '?
— Lncore moins.
— Pour qui donc?
— l'our Louis Bona|)arte.
— Toi, un liomine éclairé, un vieux républicain ;
c'est impossible. Quels sont donc les droits de Louis
Ronaparle à la présidence?
— Ses droits : il les tient de sa naissance.
— Cela veut dire qu'il est le neveu de son oncle,
bel argument! Est-ce que le génie se transmet par voie
de succession? D'ailleurs le neveu de l'Empereur
n'existe plus depuis longtemps; il a été remplacé par
lin grand seigneur britannique ou allemand, je ne sais
trop lequel, une espèce de monstre qui commence en
boninie et qui finit en queue de const.ible anglais. Tu
veux nommer Louis Bonaparte, brézldent te la Ripi-
jtlique vi'unçaise !
— Il a pour lui li!s souvenirs.
— Sont ce là des titres au gouvernement?
— Un nom !
— Qu'est-ce qu'un nom? La Fiance n'admet plus
les privilèges de la naissance, elle veut être gouvernée
par le plus capable et le plus digne. Tu vois que je me
souviens de tes paroles. La France est républicaine,
nous sommes tous républicains. Quoi! c'est lorsque
tous les bonapartistes de la veille se rallient à la Répu-
blique qu'il y aurait des bonapartistes du lendemain?
— Mais vous ne savez pas, mon oncle, que si Louis
P)onapartc est nommé, l'empereur de Russie a promis
de faire à la fabrique de Paris une immense commande
de bonnets de coton pour son armée du Caucase.
— Mon neveu, je ne vous dirai point mon opinion
sur votre compte. Sachez seulement que vous me faites
rougir d'avoir été bonapartiste, .\dieu, et ne comptez
plus sur ma succession. »
Ceci se passe en 1848.
li
HEVUE COMIQUE
CHOSES QUELCONQUES.
AtX HONNK.TES GENS DE 1. AM.IKN I'AUTI CONSERVATEIR.
Les ennemis do la Uopubliiiue ne sont pas dans le
parti conservateur. Les ennemis du parti conservateur
ne sont pas dans le parti républicain. I.e parti conser-
vateur est le parti des gens qui craignent les révolu-
tions, non parce qu'ils les croient tout à fait stériles,
mais parce que la mise de fonds nécessaire à leur ac-
complissement leur paraît hors de proportion avec les
résultats. Le parti conservateur a trop bravement ré-
sisté à la révolution de Février pour ne jias savoir Tac-
cepler. Les gens qui se sont bien battus ne se délestent
pas. Que M. Tliiers, qui n'a point eu l'honneur de lu
lutte, défaite ou victoire, se conduise comme il fait,
cela n'a rien qui doive surprendre; ce n'est qu'affli-
geant, ce n'est que fâcheux. Sans parler des nécessités
de son caractère, on comprend qu'il ait la fièvre; cette
fièvre que l'amour du pays seule pourrait guérir, on
comprend qu'il en cherche l'aiiaisement dans l'agita-
tion et le mouvement. Le repos auquel il est con-
damné lui pèse; c'est pour lui l'enfer. Plutôt que
de ne rien faire, voyant qu'après une attente de sept
mortelles années, l'heure d'entrer en scène n'est point
venue encore pour lui, il se jette aujourd'hui dans le
trou du souffleur.
C'est là que nous le trouvons. Son but, en y allant,
est-il d'aider l'acteur qu'il se propose de remjilacer
plus tard, ou de troubler le spectacle? C'est à lui de
répondre.
Mais il a réiioudii : « Je ne serai jamais le ministre
de Louis-Na|)oléon Bonaparte. »
Que sera donc M. Thiers? De quelle catastrophe sor-
tira ce qu'il souhaite?
Le vrai parti conservateur, le pays modéré est toul
entier représenté par le Journal des Débats. — Nous
n'a])pelons pas des modérés ceux des anciens meneurs
do ce parti qui payaient le Globe, et fondaient l'Époque.
I,a candidature du prince Louis perd tous les jours
du terrain. Chacun se demande avec effroi si le moyen
de se guérir d'un mal est de se jeter dans un pire. Le
suicide est sans doute un remède à tous les maux ;
mais un pays sensé comme le nôtre a-t-il le droit de se
conduire comme une grisette?
On s'étonne que la France soit indifférente à la Ré-
publique; maison oublie que cette indifférence, on l'a
prèchée, vantée depuis dix-huit ans, et qu'on avait fait
de l'indifférence en matière [)olitique, c'est-à-dire de
l'oubli de la pairie, une vertu. Vous avez semé l'indiffé-
rence et leculte des intérêts matériels, ne vous étonnez
pas de ce que vous recueillez. Vous avez parlé argent,
actions, jeux de bourse, on vous répond salaire, heures
de travail, etc.
En 1848, nous avions Louis-Philippe ; si Louis Bonaparte nous arrivait
en 1849 1849 .serai' Van pire, lli! hi! Li !
A L'USACK i)i;> i.iNs si;iui:ux.
ir.
i.E Ni':vi:r m-: la colonne.
Quoique jp sois votre cmpcretir
Par le (Iroil ilj iKiiS'aiicc,
Je veux bien, de chaque i^leeteiir,
Tenir la présidence.
Danil ceh linrera
Tant que i;a pouiT.-!.
Si la claire vous lente.
De mon oncle ninriileu !
Je suis le neveu ;
La Colonne est ni:i tuule.
Il fiul, — suspeniliz VOS l)r;ivos,
Savoir ce (pie l'on troque:
Si vous n'avez plus le liéros.
Vous aurez sa iléfroque.
Dans mon porte-manteau.
J'ai son petit chapeau.
Sa culotte collante.
De mon oncle, morlileu.'
Ne suis-je pas le neveu '?
La Colonne est ma tante.
Je n'ai pas s'rti du fourreau
Ma moileste namberjîe.
Je connais trùs-hien Marengo
Par les poulets d'auberge;
Aiist ^rlitz, léna.
J'ai bien mieux que cela
Dans ma vie éclatauto...
De mon oncle, morbleu !
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est ma tante.
A StrashourR, portant mon drapieau,
Je singe le «rand homme :
(irandes bottes, petit chapeau,
l.iir^'nette, habit verlprjmme;
A Boulo:ne. plus lard.
Je plonge comme un canard,
.\vec l'aigle expirante;
De mon oncle, morbleu .'
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est mi tante.
L'empire étant tombé dans l'eau,
F.l l'aigle hor de scrv'ce,
A Londres je niels le manteau
D'un agent de polife.
Cli.irtistes enlèlcs.
Ah.' je vous ai frottés,
A coups de gourdin, je m'en vante.
De mou oncle, morbleu .'
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est ma taule.
Après ces glorieux hauts faits,
France, je conjecture
Que tu vas l'aire le sulCùs
De ma c.anlidature :
Six cent mille francs de plus,
Ç:i n'est pas de refus
Quand la bourse est souiïranle.
De mon oncle, morbleu !
Ji' suis bien le neveu !
La C lonneestma tante.
P.*R n< REPIBLICAIN tir I.ENDFM.AIN
L'ONCLE ET LE NEVEU.
L HOMME DE BRONZE.
- Extrait du PtiPtT Show. —
L HOMME IIE PLATRE.
0<li;t.RVARU DKS ITAI.IKN
:iO «•fiidiiiOM la li%'i-aiHOii.
hiK mr.nr.i.ir.i', '.ii.
tadidous de la ^ioascription. — La Revcb coaiQiiE formera un magniliciue volume, grand in-8, publie en iiO lÎTraisons à 30 centimes,
par la poste, 3o cenlimes. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. LiaEtn, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
llaliciis.
DVMXNEBAT. EDITE1TB, S3, B.UE HICHEI.IEU.
2<" Livraison.
l.A CllliNOl'lLl.li liï LE BOliUr.
Le petit et le grand Napoléon.
Extrait du PuiTET Show.
[0TA.t 0^ y<rit cf'u' Hv
Pari.. - Tir4 .ai pr««s méc.niquc. de UciuWI Wi «l Comp., rue BaBi.»., 2-
/r
U SEMAINE.
— Pau ! pan ! pan !
— Qui va là^
— C'est moi; ouvrez tout Je suite.
— Qui, vous?
— La semaine. Je viens vous raconter mes aventu-
res, mes joies, mes douleurs, mes l'êtes, mes ennuis de
huit jours.
— Dicte* donc vite, nous sommes pressés.
— Comme vous me recevez ! Est-ce pour me traiter
ainsi que vous avez intitulé cette revue : Histoire jjfii-
lusophique, littéraire, politique, morale, critique, ar-
tistique de la semairie. Couimençons doue par causer
histoire.
— On en fait tous les jours; à quoi bon en parler.
— Causons alors philosophie.
— Ce n'est guère le monieul.
— Littérature...
— Plus tard.
— IJeaux-arts.
— La semaine prochaine.
— Politique.
— A la bonne heure : nous ne faisons que ça. Mais
vous êtes bien arriérée, ma chère amie, pour parler
politique. De quoi allez-vous nous entretenir? de ce qui
se passait hier, de ce qui se passe aujourd'hui. Pouvez-
vous nous dire ce qui se passera demain ?
— Non.
— C'est cela seulement qu'il importe de savoir. Le
reste nous touche médiocrement. Le public, aujour-
d'hui, va toujours en avant sans daigner regarder der-
rière lui. Que lui importent, ô semaine passée! vos li-
vres, vos vaudevilles, vos comédies, vos drames, vos
fêtes, vus bals, vos concerts? L'heure écoulée, c'est
pour lui le passé ; et vous voulez qu'il se souvienne de
ce qui existait il y a huit jours ? Vous ne vous doutez
pas, ma bonne femme, de ce que c'est que la curiosité
en temps de révolution.
— Alors, pourquoi m'avoir dit : Dictez!
— C'est que, après tout, vous devez savoir mieux
que personne ce qui s'est fait pendant ces huit jours ;
et si vous avez quel(]ue anecdocle entièrement inédite à
nous apprendre. quel(iue mystère à nous révéler, une
belle action, un crime, ou même un simple bon mot...
— Ma foi, non ; je dois convenir que j'ai été une
sage et modeste semaine, aussi calme, aussi rangée
que l'on peut rètre dans ce temps-ci. J'ai vu la fête de
la Constitution, j'ai assisté à la représentation gratuite
de l'Opéra, j'ai dansé la polka chez M. Marrast. En fait
de crime, voulez-vous que je vous raconte l'assassinat
Je Fualdès? J'en ai fait un joli petit mélodrame. Je
n'ai guère à vous offrir maintenant, en fait de belles
actions, que le duel J'un ancien ministre des finances
avec .un général Je Jivision ; et si vous vous contentez
de quelques couplets de vaudeville, en guise de bons
mots, je puis vous chanter...
— Silence ! Laissez-nous en paix ; votre audience est
tinie; allez oii vont toutes les vieilles semaines, je ne
sais où. Nous verrons si la semaine prochaine saura
mieux se faire écouler.
16
REVUE COMIQUE
AV
I-MIRKS ILLLSTHKES
(Si NON U.LrSTRK?)
l 'H IN Ci: roiu uiuK.
CllAPlTHF. I'.
SOS ENFANCE ET SON ÉDl'CATION.
Iclcrie et la Kussîe tiennent sur les fous le prince Pour liii
Œ QUE C'EST QU'UN IMÎÉTENDANT.
Nous somniL's un |)eu|ili' lU' (lliiiT à l;i vie politique.
Idées, mœurs poliliiiuos, clioz nous lout est à faire,
tout est à cioer.
La morale polili(|Me suiloul. C'est un eo.lc [iliiloso-
pliique à révéler, ù tirer des limbes.
Quant aux autres morales connues, nous les avons
poussées aux plus extrêmes limites. Ea casuistique nous
en a trop appris ; le code civil et le code de commerce ,
avec les interprétations des avocats et les arguties des
procureurs, ont tellement bouleversé toutes les notions
lie la morale naturelle, (iii'il faut qu'un fripau soit
bien maladroit pour se [iiivor de l'bonneur d'étiv bon-
nèle liomnie.
La probité s'apprend conimc l'art de laiie des tra-
gédies; elle a ses règles d'.\ristiile.
Mais interrogez le premier venu sur ce qui est per-
mis en politique et sur ce qui ne saurait l'être, il
vous avouera ingénument qu'il n'y a jamais songé. Il
lie juge que les résultats, ou plutôt il les subit ; les
moyens employés ne sont pas son affaire. Aussi voyons-
nous lies bonimes d'Élat, honnêtes gens d'ailleurs,
mettre en œuvre la duplicité, la trabison, la violence,
en un mot, recourir sans scrupule, à des moyens tels
(pie ces mêmes principes, qui dirigent leur vie poli-
tique , appliqués à leur vie privée les feraient consi-
dérer comme des monstres.
Ne les accusons pas trop. Ils peuvent du moins se
donner à eux-mêmes cette excuse qu'ils ne violent au-
cune convention établie. «Vérité en décades Pyrénées,
mensonge au delà, » dit Montesquieu. l)'ailleui-s, l'im-
punité les tente, elle les jnstilie presque. Pour beau-
coup de gens la mai(ine du délit n'est que dans la ré-
iressiou.
Dans cent ans, dans cinquante ans peut-être, il y
aura une morale politique, et les éléments qui entre-
ront dans la composition de ce code nouveau apparais-
sent déjà. La science du droit des gens a consacré un
grand |)rincipe en rendant désormais impossibles les
guerres de conquêtes.
\-t_on assez admiré ce fléau des sociétés ancieniu's
qui s'appelait le Conquérant ! Que n'ont pas écrit les
pédants et les sots sur Alexandre le (Jrand et ses ému-
les! Nos livres classiques sont pleins du plus absurde
riitbousiasme pour ces hommes qui ont fait le malheur
de leur siècle, et l'on ne sait poinqiioi Gengis-kan et
Attila n'ont pas trouvé grâce devant eux. Aujourd'hui
nu Alexandre le Grand ferait horreur; c'est un grand
pas en morale.
Ceci ne nous éloigne pas autant qu'on le |iouriait
croire du titre de cet article : Qu'est ce qu'un pré-
tendant?
Un prétendant, c'est un conquérant en diminutif.
Avant que le principe de la souveraineté du peuple
A I.TSAC.F, DKS (IKNS SKIUKllX.
17
lui rcronmi cl mis en prati(|ii(', c'est-ù-dirc lorsque
les rois n'H-iiaient de droit divin, un prétendaiil l'tail
un [irinee dépossédi' (|ui essuyait de reciini]ui'iir par les
ariuos riu-rita^'e |)oliliiiue de sa famille.
I.e elievalier (lliarles-Kdounrd , par ex(iii|ile , est
resté prétendant toute sa vie. Il est mort prétendant à
Montpellier. C'était, au dire des eonteniporains, un
lidinine eliarmant , plein d'airahilité et de giàcc. (À't
iiomine eli.u'inaiil, pour ne pas réussir dans ses entre-
prises sur le royaume d'Aii(;leterre , a l'ait ujourir en-
viron dix mille iiomines sur le cliamii de liataille, sans
parler de ceux de ses partisans qui lurent roués et dé-
capités, et dont on planta les tètes siu- des piques, les
yeux tournés, comme dit Waller-Seott, vers les lileues
montagnes d'Kcosse qu'ils avaient tant aimées.
Ce chevalier Charles-Edouard se croyait, malgré cela,
un très-honnète homme, et ses contemporains, ainsi
que nous l'avons dit, le considéraient comme un hoiiinn'
charmant.
Si vous aviez un héritage de famille à recouvrer et
qu'il fallût pour cela la mort violente de dix mille
hommes, et que vos meilleurs amis fussent suppliciés,
en votidriez-vous à ce prix? J'en doute.
Pour Charles-Kdouard , le royaume d'.Vngleterre
était un héritage de famille. Un royaume vaut mieux
qu'une terre, soit, mais cette différence de valeur
change-t-elle quelque chose à la moralité du fait?
Dans ces derntèri's années, que de victimes tombées
en Espagne dans les guerres de prétendants ! Nous les
avons vus, ces rois bannis et ces fils de rois, pendant
que le sang coulait en leur nom, dormir d'un somiueil
paisible; ils allaient à lâchasse et à la messe, ils don-
naient alternativement audience à leur maîtresse et à
leur confesseur. Est-ce insensibilité naturelle, égoïsme
féroce? Mon Dieu , non : c'est vice d'éducation , force
de préjugé, lin prétendant croit toujours à son droit
surhumain , et le vulgaire garde encore le respect de
ce droit, auquel pourtant il ne croit plus.
Il viendra cependant un temps où forcés de priiscr
par l'exercice de la liberté politique, les citoyens per-
dront les derniers préjugés de la monarchie. Alors,
j'imagine que les prétendants se trouveront dans tai
grand embarras.
Leurs tentatives seront appréciées à leur juste va-
leur, parce que le jugement public n'étant plus per-
verti par des idées et des sentiments préconçus , le
peuple osera enlin appeler « un chat un thaï », et la
délinition du prétendant sera possible.
Quand par exemple quelque héros de hasard , à la
tête d'une bande de valets et d'intrigants s'en viendra
dire en arborant un drapeau quelconque : « Citoyens,
reconnaissez en moi le fils ou le neveu du grand jirince
un tel. Aux armes! marchons sur les Tuileries! » les
citoyens lui répondront tout simplement :
« Vous êtes, avant tout, notre ennemi ; vous venez
nous voler notre liberté et noire repos ; et votre appel
C'est étonnant, comme il ressemble à son oncle!,..
'our préparer le prince à ses hautes destinées et lui apprendre tout
ce qui concerne son état, ou lui enseigne à apprivoiser un aigle ;
mais l'aig'e, qui n'aime pas ces gens-là, le mord — et crânement !
UEVUE COMIQUE
i on appreud seulement, au prince, à les empdiUec.
)s de M. Verreaui, naluraliste de l'ile Bourbon, professeur
s gens de qualité.
aux armes devant amener reffusion du sang à votre
profit, c'est une tentative d'assassinat que vous faites
sur chacun de nous. Or, on prend les assassins et les
voleurs, et on les traduit en cour d'assises.
B 11 n'y a aucune différence entre vous et Schiibry,
r.inaldo Rinaldiui, Mandrin , Carlouclie, Schinderanes
et les autres héros de grand chemin. »
.\lors, il faut espérer que les prétendants seront plus
rares; mais nous avons encore cinquante ans à attendre
cl notre éducation monarchique à oublier.
— RipipUque! ribihliquel
— Bépublique! donc... Quelle brute que cette petite oie-U
LE PARTI CRETIN.
Il y a un grand nombre d'individus en France qu'un
motif singulier rend partisans décidés de Louis-Napo-
léon. L'autre jour, dans un estaminet, je demandai à
cinq ou six joueurs de dominos :
« Pourquoi votez-vous pour Louis-Napoléon?
Parce que c'est un homme nul.
— Et vous?
— Parce que c'est nn niais.
— Et vous?
— Parce que c'est un imbécile. »
Ces gens-là sont convaincus que le salut de la Ré-
publique exige impérieusement qu'on place un crétin à
sa tète, et que la machine gouvernementale est mue par
une manivelle qu'un homme sans idée peut seul avoir la
patience de faire tourner. Ce préjugé, qui date de l'ère
constitutionnelle, et qui est une des nombreuses théo-
ries politiques du célèbre Odilon Barrot, est plus gé-
néralement répandu en France qu'on ne le suppose,
surtout chez les joueurs de dominos.
Il commence déjà à se répandre parmi les joueurs
de dames, d'où il se répandra chez les joueurs d'é-
checs, qui le communiqueront infailliblement aux
joueurs de tric-trac ; de là une nouvelle série de i)arti-
sans pour Louis Bonaparte.
Le hasard peut vous faire tomber sur un membre
du parti crétin ; n'essayez pas de le convenir, vous y
perdriez votre allemand.
« Savez-vous que votre Louis-Bonaparle s'est habillé
un beau jour comme un iigurant de l'Opéra dans la
Juive, et qu'il s'est fait inscrire parmi les comparses
du tournoi d'Eglinglon sous le titre de chevalier des
miroirs.
— Bravo !
_ lue autre fois, il a parié qu'il volerait du haut
(I.; la tour de Londres jusque sur le dôtne de saint
l'.uil , et l'on a eu toutes les peines du monde à l'em-
pêcher d'exécuter ce pari. Il prétendait, en sa qualité
de capitaine d'artillerie, avoir inventé un appareil in-
faillible pour voler.
— Très-bien !
— Un charlatan lui ayant persuade qu'on pouvait
\ I .'USAGE DKS GKNS si;;!ur';iJX.
10
fairo (le l'or, votre candidat le prince Kotiis n'a-l-il pas
iMi imtnc'diatemont le soin d'installer des foiirne.iiix
chez lui et do se livrer à nne smilHerie eUrénéel
— Parfait!
— Cdinmeiil, pul'iil! en vérité, je ne voii- eniii-
prends pas. Mais tont cela est fort bête.
— Justement ! c'est à cause de cela que je le ( licu-
sis. M. Barrot vous dira hii-mènie que le jeu des iusli-
liilions coiislitntionnelles exige un iioninie parl'aile-
monl nul. Or, de ee coté-là, notre candidat, eonvenez-
en, laîsse bien peu de prise à la criti(]ne.
— J'en conviens. »
El on essayerait en vain de les ennvaincie. Les r;ens
imbus des théories politiques de M. Odilon liarrot ne
se rendent jamais, même à l'évidence.
l.e chef du parti crétin, après JI. Odilon lîarrot, est
M. Adolphe Thiers. C'est lui qui a écrit dans le Cons-
titutionnel ce mémorable premier-Paris qui se termine
par cette phrase : « l.e prince Louis-Napoléon est un
imbécile, mais il a toute notre conliance. »
Cette ])hrase a du moins l'avantage de n'être point
philosophique comme les axiomes de Odilon Barrot sur
la nécessité du crétinisme en matière <rinslitulions
constitutionnelles.
J'ai eu dernièrement une discussion avec nn mem-
bre naïf du parti crétin arrive la veille de sa province.
a A qui, lui ai-je demandé, donnez-vous votre voix
dans le Poitou?
— Parbleu, m'a-t-il répondu, vous le savez bien.
— Ma foi non.
— Eh bien, à Napoléon Bonaparte.
— Pourquoi '?
— Parce que, selon M. Odilon Barrol, il faut placer
un homme nul à la tète de la Bépublique. Nous vo-
lons pour le soliveau.
— Vous vous trompez, c'est pour une autre fable.
— Laquelle, s'il vous plait'.'
— Pour le chat et le singe. Bappelez-vous les mar-
rons du feu. »
CHAPITRE 11.
SON ADULESCEKCE.
^/^—
Télémaque et Mentor.
SOUVENIR d'un DESSIM liÉ GBASTILLE.
Les victoires et conquêtes du prince.
r.KVUE r.o>noiîK
cnAriTur. m.
b'ëlant revêtu pour la première fois du costume hstorique, il ne
reconnaît pas dans son ombre, et il a peur!...
EXPtDITlON DE STRASBOUnC.
— Mon poa ami, che'souis le fils de l'empereur, et chc fous nomme
maréchal de Franco. Pufez celle fer de rhoum : être pien poni
— Oq ti'passe pas!
r.ABABECK ET LES F.VKIRS EN IS'tS.
Lorsque j'étais lians la ville de Bénai-ès, sur le ri-
vage du Gange, je tâchais de in instruire. J'entendais
passablement l'indien, j'écoutais beaucoup et remar-
quais tout. J'étais logé chez mon correspondant Omri :
c'était le plus digne homme que j'aie jamais connu. Il
était de la secte tricolore; j'ai l'honneur d'appartenir
à une secte d'une autre couleur : jamais nous n'a-
vons eu une parole pl«s haute que l'autre au sujet de
nos nuances respectives. Nous faisions nos ablutions
chacun de notre côté , nous buvions de la même limo-
nade , nous mangions du même riz comme deux frères.
Un jour nous allâmes ensemble à la pagode de Ga-
vani. Nous y vîmes plusieurs bandes de Fakirs dont
les uns étaient des Fakirs phalanstéricns, et les autres
des socialistes propremenls dits, qui se divisent en
icariens, en proudhoniens et en disciples de Pierre Le-
rous ; ceux-ci sont des Fakirs contemplatifs. Ils ont ,
comme on sait, une langue savante qui ne permet pas
au vulgaire de les comprendre.
Je passai devant un Fakir phalanstérien qui lisait
le livre sacré de Fourier. « Ah ! malheureux civilisé ,
s'ccria-t-il , lu m'as fait perdre le lit des séries cos-
mogoniques ! et de cette affaire-là le bonheur de l'hu-
manité est retardé de mille ans, au lieu d'arriver dans
cinq ou six siècles, comme j'avais tout lieu de m'en
tlatter ! Je lui donnai une roupie pour le consoler.
A quelques pas de là , ayant eu le malheur d'éternuer ,
le bruit que je fis réveilla un autre Fakir de la secte de
Pierre Leroux , qui était en extase : « Oii suis-je ?
dit-il, quelle horrible chute ! je ne vois pas le bout
de mou nez : la lumière céleste est disparue.» Si je
suis cause, lui dis-je, que vous voyez enlin ])lus loin
que le bout de votre nez , voilà une roupie pour
réparer le mal i[nc j'ai fait : reprenez votre lumière
céleste. »
M'étant ainsi tiré d'affaire discrètement, je passai
aux autres Fakirs. Ceux-ci se tenaient immobiles
en attendant qu'il leur poussât une queue. Ceux-
là dansaient sur les mains , plusieurs voltigeaient
sur la corde roide, d'autres allaient toujours à cloche-
pied; il y en avait qui portaient des chaînes, quel-
ques-uns balayaient le parquet avec leur barbe ; au
demeurant, les meilleures gens du m.jnde. Mon ami
Omri me mena dans la cellule d'un des plus fameux ;
11 s'appelait Bababeck, et portait au cou une cliaiiie de
^()ixante livres. Omri me dit que c'était sa manie de
porter cette chaîne, et que lorsqu'on la lui ôlait il n'a-
vait rien de plus pressé que de la reprendre. Beaucoup
de gens venaient le consulter, il était l'oracle de
sa secte, et l'on peut dire qu'il jouissait d'une grande
réputation. Je fus témoin du long entretien qu'Omri
eut avec lui.
— Cnvrz-vous, lui (lil-il, mon père, qu'après
A !;USAGE DES GENS SÉRIKIX.
avoir passé par les l'prctivcs convcnal)lcs, je puisse
pri'U'ndre an lih c ilc Inm i ilnycn V
— ('/est selon, dit Ir jjkir, c .niiuu'iil vivez-vous?
— Je làilie, (lit Oiiiii, d'elle bon iimri, lion |ièie,
bon ami ; je prête de l'argent sans intérêt aux rielies,
dans l'occasion j'en donne aux pauvres ; je paye l'iin-
pôt de grand cœur; j'entretiens la paix parmi mes
voisins.
— Vous t'aites-voiis imili'o i[iieli|iierois en prison ?
demanda le Fakir.
— Jamais, mon révérend père.
— Mais du moins vous lianlez les clubs, vous pro-
noncez des discours dans les banquets à vingt sons cl
vous parlez pertinemment île rémeiile ".'
— l'as le moins (lu monde.
— J'en suis fâché, répliipia le Fakir; mais vous
n'êtes qu'un mauvais citoyen et un ennemi du peuple.
— Comment ! s'écria Omri, ce n'est donc pas assez
d'être honnête homme et d'obéir aux lois? Je vous
trouve plaisant de ju-élendre être meilleur citoyen
que moi ; et sur quoi d'ailleurs fondez-vous cette pré-
tention ? Sachez que je donne plus en aumônes en un
jour que ne coûtent en un an la chaîne que vous portez
au cou et le pain que vous mangez dans votre cellule,
encore c'est PF-tat qui en fait les frais. Le peuple a bien
alfaire que vous passiez votre vie enfermé avec une
chaîne an cou : vous rendez-là un beau service à la
patrie ! Je fais cent fois plus de cas d'un homme qui
sème des légumes ou qui plante des arbres, que de tous
vos camarades qui regardent lebout de leur nez, on qui
attendent dans un coin qu'il leur pousse une queue.
Ayant ainsi parlé, Omri se radoucit, le caressa, le
persuada, l'engagea enfin à couper sa barbe, à laisser
là sa chaîne et à venir chez lui mener une vie honnête.
On le décrassa, on le IVotta d'essences parfumées , on
l'habilla décemment. Il vécut quinze jours d'une ma-
nière fort sage, et avoua qu'il était cent fois plus heu-
reux qu'auparavant. Mais il perdait son crédit dans le
]ieiiple, personne ne venait plus le consulter, et l'on ne
parlait plus de lui. Il quitta Omri, alla jeter des pierres
au corps de garde voisin et se lit remetlic sa chaîne
pour avoir de la considération. CC
l.F. BONWAI'.TISMF. lUIiAI..
Vous est-il arrivé queliiiiefois de séjourner, je ne
dis pas dans une petite ville, dans un bourg, ou même
dins un village, mais dans un hameau éloigné de tout
centre, perché au sommet de quelque rocher ou perdu
dans la vallée, sans église, sans mairie, sans école,
composé de quelques maisons habitées par quelques
centaines d'habitants. C'est là qu'il est curieux d'étu-
dier la politique. Mais fait-on de la politique dans de
pareils endroits"? 11 faut bien le crou-e, puisqu'on nous
S'EtME
LXrÉDlTION t>E BOULOGNE.
États de service.
îsoiiveau procède de
i'u;aj;e d'un j-'ré'.i-Ti'-iaat.
REVUE COMIQUE
HironUlle chentille
Foltichant à 1
' Tu cachot Dni
. Etc. etc. »
lie
PROJET D'EVASIOS.
Le prince emprunte pour sN'chapper le costume de la présidente
de Folle-Mêche.
affirme que c'est dans la campagne que la candidatnrc
du pi-ince I>ouis Bonaparte compte le plus de parti-
sans. Or, pour une certaine étendue de pays, le ha-
meau est un chef-lieu.
Dans la petite ville, c'est l'ofticier qui fait de la
propagande napoléonienne, l'oflicier retraité, qui ne
sait plus que jouer aux dames et parler de l'empire;
au hourg, c'est le sous-oflicier, qu'on a nommé lieute-
nant de la garde nationale; au village, c'est le soldat
qui a repris la charrue ; au hameau, c'est un person-
nage inobservé jusqu'à ce jour, pro|iagandiste inconnu
et infatigable, plus actif, plus alerte à lui tout seul
que tous les officiers, sous-ofliciers, soldats de la petite
ville, du bourg et du village.
Ce personnage, c'est le domestique impérial, la
basse livrée de l'empire, sons-piqueur, palefrenier,
marmiton, buandier, laveur d'écuelles, tous les gens
remplissant corvée dans les écuries ou les offices des
Tuileries au temps de l'empire.
M. de Balzac, dans son Médecin de Campagne, met
dans la bouche d'un ancien soldat une histoire de
Napoléon racontée à la veillée. Figurez-vous ce que
peut être une histoire de l'Empereur narrée par un
balayeur d'office. Ce qui est poésie dans l'imagination
du soldat prend des proportions matérielles dans la
tète du domestique. L'un raconte les exploits du
grand homme, l'autre met en lumière les qualités du
maître de maison. Pour le premier, Napoléon est un
héros, pour le second un fermier habile.
J'ai entendu, il y a quelques années, la femme d'un
pauvre paysan de la haute Provence me parler de
l'Empereur.
« Ah! monsieur, me disait-elle, quel homme c'était
que Napoléon! Figurez-vous que tous les matins il
sortait déguisé fit allait marchander les légumes à la
halle pour savoir si ses domestiques ne le trompaient
pas. C'est l'argent du peuple qui paye mes provisions,
je ne veux pas qu'un tasde fainéants le gaspillent, ajou-
tait-il ensuite. Chaque semaine, il faisait ses comptes
avec son maître d'hôtel , et il n'y avait pas moyen de
lui fane la queue. Il savait aussi bien que vous et moi
le prix de chaque chose, et il vous aurait dit sans se
tromper d'un liard ce que coûtait un poulet, un pi-
geon ou une livre de lard à la halle.
Mais de qui tenez-vous donc tous ces détails?
De Marins, qui a quitte les Tuileries en 1813,
où il était blanchisseur, et qui s'est retiré chez nous
avec six cents bonnes livres de rente qu'il a ramassées
au service de l'Empereur. »
Un fait digne de remarque, c'est que ces domesti-
ques impériaux s'adressent plus volontiers auX fem-
mes; ils leur parlent des layettes du roi de Home et du
trousseau de l'impératrice Marie-Louise. J'ai entendu
dire également à une fermière de la Bourgogne que
chaque année Joséphine faisait elle-même ses confi-
tures, gelées de groseille on marmelades d'abricots.
A L'USAGE DKS GENS Sl^lHIEUX.
23
Mal m'en cill pris de sourire, elle savait cela de
scitMK-c certaine; c'était M. Piiiiiiicliot, anciiMi niar-
Miilon (lu cuisinier des i>a^'f:i. qui le lui avait dit.
Que de gens, grâces à ces conlidenccs I)our lesqiiels
le vainqueur d'Austerlitz n'a pas d'autre gloire que
celle de bien connaître le prix des volailles, el José-
phine d'autre mérite cpie celui de faire ses conlitures
elle-même !
Blanchis par l'Age, ces invalides de la grande ou de
la petite buanderie sont devenus les oracles des ha-
meaux. Ce sont eux que les paysans viennent consulter
quand il s'agit pour eux d'accomplir un acte ]iulitique.
Il a été domesticpie de l'Euipcrem-! cela suffit pour
leur donner une importance. C'est par eux que se sont
répandus dans les campagnes ces bruits fantastiques
sur les millions du prince Louis, et sur la remise de
tous les impôts pendant quatre anss'il est nommé pré-
sident de la République. Eux-mêmes se persuadent
qu'ils n'auront qu'à se présenter au neveu de TEmpe-
reur, et lui dire qu'ils ont été domestiques de son on-
cle, pour obtenir une pension, attendu, disent-ils,
que Napoléon, en mourant, a laissé un testament dans
lequel il lègue une somme de plusieurs millions à par-
tager entre tous ceux qui l'ont servi. Ce testament
avait été tenu secret jusqu'à ce jour par les ennemis
de l'Empereur, et son neveu vient pour l'exécuter.
On ferait un livre curieux avec l'histoire des petites
influences sur les grands événements. Cinquante ou
soixante buandiers, disséminés sur toute la France,
vaudront peut-être des milliers de votes au préten-
dant. Qu'on me dise, après cela, qu'il y a des bonapar-
tistes en France !
Après tout, pourquoi pas? Je connai.> bien un jan-
séniste !
L.NE niSTOIUE Di: DEMAIN.
Messieurs les voyageurs, nous dit-il, vous auriez
tort de me juger sur l'apparence : je ne suis pas ce que
je parais être, et j'ai joué autrefois un rôle fort impor-
tant. Les malheurs du temps m'ont réduit à me faire
Tyrolien et à chanter les Idées napoléoniennes. Je vais
vous en chanter pour un sou, messieurs; cela vous
portera bonheur pour votre mariage.
Ce Suisse, qui .est Tyrolien, n'est qu'un Savoyard,
pensâmes-nous ; voilà qui est assez bizarre. Interro-
geons-le. Je porterai la parole pour mes compagnons.
« Nous sommes tous mariés ; et vos souhaits nous
sont inutiles; mais contez-nous comment il se fait que
vous soyez Savoyard.
— Je l'ignore, j'ai eu tant de patries dans ma vie,
que je ne sais pas bien ce que je suis. On m'a vu tour
à tour Suisse, Hollandais, Anglais. En dernier lieu,
j'étais Français ; voilà pourquoi je chante les Idées nn-
La seule chose spiritueVe qu*l ait faite dans sa vie.
CHAPITRE IV.
A l'ÉTBANGER.
Renonçant à son ingrate pair.c et ..„ ; .- - —
pas«e ses esamens de Suisse, et devient bourgeois de Xt
21
HE\TîE COMIOrK
Le,'
i pantomime sentimentale, en coippagni<
in i;rus major.
Lt VAIVQLEUR D'ÉCIISGTON.
: pendant au_tablcau de la bataille d'Austerli z.
poléoniennes aux voyageurs qui liavorsent la monta-
gne. Un petit cliou, messieurs; un petit chon.etyoup
la Catarina! Qui sait si un jour vous ne sciez pas riî-
iluits à chanter des harcarolles. L'avenir est imptiné-
trable. l'n petit cliou, messieurs, et je vous chanterai
mon histoire. »
Nous lui donnâmes cliacnn un .-ou, et le Savovard
commença sa tyrolienne.
« J'appartiens à une famille riche, mais honnête ,
qui me lit donner une hiillantc t^'ducation.. Ma nais-
sance m'appelait à régir la monarchie des harengs
saurs, la Providence en ordonna autrement ; et, ne sa-
chant comment utiliser mes loisirs, je m'improvisai
capitaine d'artillerie du canton de Tliurgovie. La la
ouh, la lu ouh, la la ouh oiih !
« Ij'artillerie commençait à iirenimycr, lorsciue je
trouvai, dans des papiers de famille, le testament d'un
oncle, qui, à dtifaut d'ht-rilier mâle, m'instituait son
Itjgataire universel, ('et oncle, connu vulgairementsoiis
le nom de Napoléon, avait été autrefois empereur des
Français. La la ouh, la la mih ouh! Je réclamai sa suc-
cession pour me distraire. Mes efforts aboutirent à me
faire traduire devant les assises. Les jurés m'acquit-
tèrent en raison de mon jeune âge, et comme ayant agi
sans discernement. On me mit poliment à la porte du
beau pays de France, et je me réfugiai en Angleterre.
La la ouh!
«Tel que vous me voyez, messieurs, avec ce costume
de Tyrolien, j'ai été, pendant toute une saison, le lion
de Londres. J'obtins le même succès qu'un livre de
.M. d'israéli, et qu'un gilet du comte d'Orsay. Lord
Brougham vint me voir : mon portrait parut iiiênie
dans V Illustration de Londres; je figurai au tournoi
d'Eglington, sous le nom du chevalier Bliombéiis, que
j'avais trouvé dans une nouvelle de Florian ; et un
cuisinier donna mon nom à un pudding de son inven-
tion. Ces marques desympalhie me décidèrent à récla-
mer une seconde fois mon héi'ilagc. La laouhouhnuh.
In la you, la la ijou t/ou. »
.Sprès ce inagMiliiiuc [loint d'orgue, il reprit en ces
termes :
« Je débarquai donc sur la plage de Boulogne avec
queliiues amis, et un aigle apprivoisé, qui mesuiva;l
comme un caniche et ré|)ondait au nom de John. Je
lui a\ais appris .son rôle, ipii consistait à \()'er de clo-
cher en clocher jus(]ue sur les tours de .Notie-Daiiie.
La la ouh.
B A peine sur la plage, je vis accourir un grand nom*
bre de douaniers, de soldats et de gardes nationaux.
Un tel empressement était de bon augure.
« Citoyens, leur dis-je, c'est moi (jiie vous atten-
diez?
— Nous n'atlendiins personne. Qui ètes-voiis?
— Je suis le neveu de l'Iioiiuiie.
— Quel homme ?
— Napoléon !
A L'USAGE UliS GENS SÉIIIEUX.
— Tiens, liens! s'écrièrenl-ils, c'est encore ce
laiciMir (If Slia>lMiiiit,'. Il l'uil le cniKliiirc clicz
M. le niant'. On le ili>,ul -ncn de >,t manie (l'rlic
t'in|i<'icui-.
Il llss't'nipaii'ii'nt en iMrl ili' ma |um>i o. AIhis,
ji! Ji'iiiaiitlai mon aigle. Mc:^ amis, dis-je à nus
ioni|iagiions, je ne puis vous eiiilirasseï- tous, mais
i'eiiiliiasse John. Comnii' je le serrais dans mes liias,
Jojiii me mordit à la joue. Ji' le posai à lerie en
disant: Kaiis ma reliaiti' , j'écrirai les grandes
elio.<es (]ue nous avons faites ensemlile. — .Mais , j'y
pense; vonle/.-v<His voir Joiin? »
Sans attendre notre réponse, le Tyrolien silll i,
et nous vîmes, de derrière un rocher, aiii\er nn
aigle tout di'peiiailli', i|iii nous leyardail iliiii an-
triste.
« John, lui dit son niaiire, saluez ces messieurs. »
l.'aigle lit un monveineiil.
« Maintenant, John, dites-nous (pud est le plus
napoléonien de la société. »
Même mouvenient de l'aigle.
a Sautez pour l'FMiipereiir. l'oit hieii. Sautez
pour C.avaignac. Vous voyez, il ne saute pas. C'est
une hète si bien élevée ! Des Anglais m'en ont oiïei l
plusieurs fois cinquante giiinées ; mais je ne veii\
pas me séparer de John. Je compte, cet hiver, li.i
apprendre à jouer aux dominos; et, quand je serai
vieux et aveugle, j'achèterai une clarinette, et mon
aigle me conduira. «Mon pauvre chien ne me quitte
jamais.» Mais, revenons à mon histoire. La la ou/i
oiifi oii/i , you you you la ! »
Ce prélude achevé, il continua :
« Le maire de Boulogne me fourra au violon.
De là, on me conduisit au fort de Ilam. iN'e pou-
vant apprivoiser des araignées dans mou cachot, je
me jetai dans le socialisme, et j'inventai des pians de
gouvernement pour la France. Ces plans, que
j'écrivais avec mon sang sur les murs de mon ca-
chot, éveillèrent la susceptibilité du pouvoir. L'or-
dre était donné de me jeter dans un souterrain avec
un masque de fer sur le visage, lorscjue je réussis à
m'écliapper, déguisé en gâcheur de plâtre. Je me
réfugiai de nouveau en Angleterre, une de mes
nombreuses patries. La la you, you la la lu !
« L'histoire dira comment et pourquoi j'en suis
sorti. Je me soumets aux décrets de la Providence,
cjui ne m'a élevé un moment si haut, que pour me
faire retomber plus bas. You you you, la oiih, la In
ouli!
« Oui, messieurs, j'ai été le fivori du Constitn-
/ionnel, l'homme piédestiné de la Presse. Cliaijue
jour, j'étais réveillé par les salves de la prose de
M. Thiers, et je m'endormais au doux murmure
des alinéa de M. de Girardin. La pâle Regnaiilt
s'était donnée à moi corps et boite. J'avais promis à
M. Véron la charge de grand pectoral de France.
- 1 t ^l le prmre qui fasse a\ec ses deux amis, le neveu «Je Wellington et le
liU de sir Hildson-Lowe. Kn voili un Ijrare homme de prince et pas lier !
- Et qui ne nous fera j iinais, à nius autres Anglais, le mal que nous a fait
son gueusard d'oncle !
Le prince concourt peur le bâton de constable. C'est en assommant les char
tistes anglais qu'on apprend à gouverner la France.
REVUE COMIQUE
- Ponchûur , mon
Hélène...
- Farceur, vous m'
: fife l'Enibercur!... che reviuas le Saiiite-
l l'effet de r'ïenir de Pontoise !
— La suite au prochain numéro. —
Mille voix s'élevaient du matin au soir autour diî
moi, pour me jiiomettre l'empire. La layou. Tout
ce brillant éclialauJage s'est écroulé comme un châ-
teau de cartes. La Fiance s'est réveillée un beau
matin; et, d'empereur que j'étais, je me suis
trouvé Gros-Jean comme devant. Que faire, que
devenir? Je ne pouvais plus être capitaine, lion,
Bliombéris, ou prétendant. Tous mes amis m'a-
vaient abandonné. On me conseillait de courir les
campagnes, et de me l'aire Napoléon XVII. Ce métier
avait tro]) d'inconvénients. J'ai préféré me faire
Tyrolien dans ces montagnes. Etijoupla Catarinal»
Je l'arrêtai au inomeiil où il allait faire suivre ce
cri des trois petits sauts de rigueur, en lui disant
qu'en faisant ainsi le Savoyard il s'enlevait de gaieté
de cœur une bonne partie de l'intérêt qu'il était si
digne d'inspirer.
« Merci, mon bon monsieur, de votre conseil,
me répoudit-il , je me bornerai à la tyrolienne.
Youp la la you, ouh la la. Maintenant, voulez-vous
que je vous chante un petit couplet <ï' Idées nupu-
léoniennes? La la ou/i ouh.
— Merci.
— Alors, John, fais tes adieux à la société. »
L'aigle, portant une sébile au bec, lit le tour
du cercle, et rapporta à son maître l'écuelle pleine.
Nous nous mimes en route, songeant à la bizarrerie
de la destinée de ce pauvre prétendant, réduit à se
faire Tyrolien. Pendant cinq minutes encore, l'écho
nous a|)porta le refrain de la cantilène d'adieu, ou/i
ouh, la la you.
CHOSES QUELCONQUES.
Dans le duel de MM. Baraguay-d' Milliers et
r.ondchanx, où tout s'est passé de la façon la plus
honorable, tout le monde s'inquiétait de l'inéga-
lité qu'il y avait entre les deux adversaires, M. Ba-
ragiiay-d'llilliers étant un des hommes les plus
éprouvés de l'armée et M. Goudchaux, en sa qua-
lité de financier , étant tout à fait novice dans le
maniement des armes.
M. Goudchaux, qui montra dans cette affaire que
le courage n'a pas besoin d'être forlilié par l'Iia-
bitude, eut, arrivé à la porte Maillot, un scrupule
d'une bonhomie qui fera sourire tous ceux qui con-
naissent les deux adversaires. « Croyez-vous, de-
iiianda-t-il à l'un de ses témoins, (|u'on puisse me
blâmer de me battre dans des conditions si inégales,
avec un homme ^\n\ n'a qu'un bras pour se dé-
fendre'? »
Notez que le brave général Baragnay d'ililliers
n'a qu'un bras, en effet; mais que le bras cpii lui
reste est le bras droit et qu'il s'agissait d'un dueljiu
pistolet.
A i;USA(.K l)i:s t.L.N.s .slIllKLX.
27
BOUTADK D'UN RÉPUBLICAIN.
Aiii : Alte:-vout-eUf gens de la noce.
Pour trôiuT ;i lu |iic.'.i.k'uce,
Na|iuU-oii ust (le»i^ii(' ;
(Juoiquu ami île riiidéiifiiduiui',
A ce choix je suis résijjui^.
Puisque Torique de liarhaiie
(llunlc sa ^lulru en faux buuiduii,
Noiniiie/.-le doiii'.
Nommez le doue!
Que vous iniporle la (laliie?
lions |ia|saus, uouiiuez-le donc!
J'avilis pensé qu'an plus tial>ile
l.es honneurs seraient adjuges;
Mais vous porlez, indélébile,
La souillure des préjugés.
Bien qu'un César de bas élage
Ne vaille pas un l.aridon.
Nommez-le doue,
Noinin z-le donc!
Qu'il régne par droil d'Iierilage
Bons paysans, nonjniez-le donc
L'empire n'est point à sa taille;
Kt pourtant, rouvrant les tombeaux.
Il va, sur les clianips de bataille
Jeter vos enfants les plus beaux.
Pour lui, de la moindre eiiucelle
Ou saura bien Taire nu brandon.
Nommez-le donc.
Nommez-le donc!
Vive 1j guerre universelle!
Boas paysans, nommcz-le donc!
Sous ses lois arislocraliipies,
Nous allons fêter le retour
D'une cour aux formes gothique
Pages, nienins, dames d'atour;
Des chambellans à large panse
b'étaleronl sur l'édredon.
Nonimez-le donc.
Nommez-le donc!
Le peuple paîra la dépense.
Bons paysans, nonuiiez-le donc !
(iloritiant les algarades
Dont autrefois uous avons ri,
Il va, de titres et de grades
ABubler plus d'un favori.
A la cabale qui le pione
Il répartira maint cordon.
Nommez-le donc.
Nommez- le donc!
Et vous saurez ce qu'en vaut l'aune
Uon:> paysans, nommez-le donc !
Dans quels splendides équipages
Nous verrons ces messieurs briller!
Pial sera gouverneur des pages,
Et Larabit grand ecuyer
Eu dame d'honneur on aflJrnie
Qu'on transformera la Gordon.
Nomraez-le donc.
Nommez-le donc!
Il a beau n'être qu'un iulirnie,
Bous paysans, nommez-le donc!
Mais, qu'ai -je dit'/' Dit l'cspérincc
.\ mes yeux les durtes ont lui;
l-a raison n'est pas morte eu Franc
Et les pi'iiices n'ont plus d'appui.
Pour une oulraj^eanle pen>ec.
J'implore, amis, votre pardon.
Cliassez-Ie donc,
C!ussez-le donc!
Des prétendants l'heure e^t pa-sée.
Bons citoyens, chassez-le dont !
Que l'hérédité soil bannie!
Car les héros que nous vantons
Rarement laissent leur génie
A leurs inûnies rejetons.
On voit l'aigle aux élans sublimes
Couver dans son aire un dindon.
Chassez-le donc.
Chassez-le donc!
Vous êtes seuls rois Ugilinies,
Bons citoyens, chassez-le donc!
Compagnons, pussiez-vous m'en tendre!
Et sur vous, pour calmer vos maux,
La République va s'étendre
Comme un arbre aux féconds rameaux.
Sa verdure serait flétrie
Par un président mirmidon !
Chassez-le donc.
Chassez le donc!
Pour le salut de la patrie,
Bons citoyens, chassez -le donc!
PKOMF.SSES DE DEVOIEMEM, DEMANDES
— Extrait du Chat. —
u'kmplois. — « Dans iiiicliiiies sùmajies, loul cela ^era pa\r. »
I, DOOLEVAttD DES ITALIENS.
30 oeiiliiiics la llYraiNOii.
RIIK RICHELIkU, Ht
-pXT
lltions de la Soaseription. — La Revue comique formera un iiKignifuiiie volume, grand in-8, publié en 50 livraisons à 30 centimes,
la poste, 40 centimes, — Pour tout ce qui coucerne la direction, écrire [franco) à M. Lireuï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
iens.
DUMUVX&AT, B9XTSUB, SS, B.US BX^ULISU. 3e H^aison.
'Z' EDITION.
GLORIEUX EPISODE DE LA VIE DU PRINCE POUR RIRE.
VISITE A WELLINGTON.
Attitude (lu neveu de la colonne devant le lion de Waterloo.
Ptri«,— Tiré aui presse* méctniqnes de Lichampb fils •! Comj>.j ru0 DamielUi 2.
LA SEMAINE.
Cette fois la Semaine entra chez moi sans se faire
annoncer, s'assit dans mon meilleur fauteuil, et m'an-
nonça son arrivée en me lançant une bouffée de ciga-
rette à la figure.
C'était une assez jolie petite Semaine, les yeux ani-
més, les cheveux noirs, la casquette sur l'oreille, une
cravache à la main.
« C'est vous, lui dis-je, mademoiselle; qu'avez-vous
à me raconter?
— De fort jolies choses ma foi ; par où faut-il que
je commence ?
— Par où vous voudrez.
— Je vous dirai donc que je suis allée au Théâtre-
Français, où je me suis fort ennuyée.
— On donnait une tragédie.
— Pas du tout, un drame, un vrai drame, André
del Sarto. Il est vrai de dire que ce drame ne s'atten-
dait pas à monter sur les planches, et que c'est un
honneur que les comédiens lui ont fait malgré lui.
J'espérais me dédommager en entendant Desdemone à
l'Opéra, mais Othello est sérieusement indisposé. On
assure qu'il a fallu le saigner.
— Il fallait aller aux Italiens.
— J'avais fart retenir une loge pour voir les deux
débutantes, mademoiselle de Méric et madame Ron-
coni; mais ici une autre indisposition
— La grippe?
— Non, quelque chose de plus grave.
— Quoi donc?
— La faillite m'a fermé la porte au nez. Le malade
est dans un état grave.
— Il guérira peut-être ; les médecins espèrent-ils
le sauver?
— Oui, si on lui applique la subvention à temps.
— Il vous restait l'Opéra-Comique.
— Je n'aurais trouvé de place qu'à la quinzième
représentation du Val d'Andorre, et je n'avais pas le
temps d'attendre. J'ai préféré d'autres distractions. J'ai
inventé le banquet mâle et femelle, le toast androgyne;
j'ai fait communier l'homme et la femme sous les es-
pèces du veau et de la salade; et, grâce à moi, des en-
fants au-dessous de sept ans ont récité des discours po-
litiques.
— J'aimerais mieux des fables.
— Cela dépend des goûts ; d'ailleurs les enfants ne
veulent plus entendre parler de l'apologue. J'aurais
voulu refaire pour eux Peau d'Ane et le Petit Poucet
au point de vue des idées modernes ; malheureusement
mes huit jours d'existence n'y auraient pas suffi.
— D'autres Semaines s'en chargeront.
— J'aime à le croire; d'ailleurs des affaires plus
graves m'occupaient.
— Lesquelles?
— Des duels parbleu ! Est-ce qu'il y a aujourd'hui
de bonnes semaines sans un petit duel.
— L'Assemblée nationale a donné l'exemple.
30
REVUE COMIQUE
— Et elle le suit.
— Cette fois, c'est le socialisme qui s'est battu.
_ Vous ne dites rien du manifeste du prince Louisï
— C'est une chute poui- M. Tliiers.
— Ce grand homme, vous le savez, s'est posé en
protecteur, non du prince Louis dont il dit pis que
pendre, mais de sa candidature qui sert ses desseins
secrets. Il avait daigné faire lui-même un manifeste
superbe pour cet infortuné prince ; or, ce manifeste,
le citoyen iirince a eu l'impertinence de le refuser, de
le refuser tout net. Le Constitutionnel en a tressailli,
et la moitié de la rue de Poitiers, qui s'était livrée un
peu étourdiment à l'ex-prétendant, a fait comme le
Constitutionnel. M. Thiers est de ceux à qui le mal
qu'il fait n'a jamais profité: cela devrait le corriger d'en
faire ; mais à son âge on ne se corrige plus.
— Autre guitare :1e grand poète, l'homme profond,
il est dans les 34 ; il a voté contre le général (lavai-
gnac.
— Vous vous trompez ; M. de Lamartine...
— Qui vous parle de M. de Lamartine".' il n'y a (lu'un
poète et qu'un homme profond au inonde; deiuaiHhz
plutôt -Ci l'Événement. M. Victor Hugo...
— Allons donc ! en politique, M. Victor Hugo est
de la force d'Alcidc Tousez.
— Avez-vous lu les vers de madame de Girardin'?
l'auteur aussi illustre que malheureux de Cléopâtre.
— Oui. La haine fait des miracles que ne fait pas
l'amour. Quand l'ex-inuse de la patrie mourra, je
propose qu'on grave ces paroles sur sa tombe ;
Ci-g!lle nioiUMe des épouses;
Elle fut fidèle à son mari en vers comme en prose.
— Ajoutera-t-on que son époux inconsolable...
— Vous m'en demandez liop long, répondit la Se-
maine.
— Est-ce là tout ce que vous aviez à nie dire?
— Tout. Est-ce que par hasard vous ne seriez pas
content? En ce cas »
La Semaine allait me provoquer en duel pour finir
comme elle avait commencé. Heureusement l'heure
fatalesonna, et elle s'évanouit comme une légère fumée.
« Je te parlerai du pape à ma |)rochaine visite, »
dit-elle.
Ti-nlative de coiiibiiiciison nmiisUTielle du prince poMrnVe;
A i;USAGE DES GENS SfillIEUX.
^
Je me connais ! citoyens ; c'est pourquoi je m'engage à faire réussir toute candidature de n'importe qui à
n'importe quoi, pourvu toutefois que ce ne soit pas la mienne !...
A MADAME DELPHINE GAY DE GIRARDIN,
A PROPOS DU FKLILLETOM DE Li. PRESSE DU Î8 NOVEMBRE 1S48.
Air des Rossigncls.
Vous qui chantiez l'indépendance,
Qui de Foy pleuriez le trépas,
A la commune décadence,
Delphine, vous n'échappez pas. .
Le temps, dans son essor rapide.
Épargne encore vos beautés ;
Mais c'est votre esprit qui se ride.
Hélas ! hélas ! tous m'attristez.
Contre un général que la Presse
Poursuit de sarcasmes amers,
Vous lancez avec maladresse
l'n lourd pavé de deux cents vers.
Suspendez, je vous en conjure,
Des coups aveuglément portés.
A votre époux laissez l'injure.
Hélas ! hélas! vous m'attristez.
Vous aviez les ailes d'un ange.
Et voilà leur éclat 0étri ;
Et vous les trempez dans la fange
Pour le bon plaisir d'un mari.
En suivant sa funeste voie.
Pauvre bas-bleu, vous vous croltez :
Trop de tendresse vous fourvoie.
Helas ! hélas ! vous m'attristez.
Mais non : la haine seule altère
Votre esprit jadis si brillant.
Quelle tournure militaire
Vous affichez en rimaillant !
D'un casque afl'ublant votre verve,
La lance au poing, vous combattez.
On va vous prendre pour Minerve.
Hélas .' hélas .' vous m'attristez.
Ou bien vous serez confondue
Avec ces dames dont Vadé
Prôna la langue bien pendue,
La verdeur et l'air décidé.
A leur brutal vocabulaire
Vos gros mots semblent empruntés.
Voyez où conduit la colère :
Hélas! hélas! vous radotez.
REVUE COMIQUE
SlITF. OES .VVKMlllES I>1' l'HI.NC.K POIK UIRE.
■ Ayant toujours aimé la sociélé des gens bieo mis et des hommes spirituels,
le prince Pour Rire se tait présenter au jockey-club, à son arrivée à Paris.
— Ce petit chape
1 est beaucoup trop grand pour vous; celui de monsieur
Toui irait mieux.
UN CLUB NAPOLÉONIEN.
LE PRÉSIDENT. « Citoycns, la si-ancc est ou-
verte ; la candidature du prince Louis-Napoltjon
est à l'ordre du jour.
IN CITOYEN. — Je demande la parole.
LE PRÉSIDENT. — Parlez !
LK CITOYEN. — Je uionte à cette tribune pour
appuyer la candidature du prince.
Voix nombiTuses. — Bravo !
LE CITOYEN. — L'Empire fut une époque glo-
rieuse poui nos armes, et je suis lier d'avoir con-
tribué, pour ma faible part, à couvrir la France
de lauriers. Ah ! citoyens, je ne puis retenir des
larmes d'admiration, en songeant au grand hom-
me que nous avons perdu ; pardonnez cette émo-
tion au vieux soldat; elle est d'autant plus na-
turelle que le héros, je puis le dire, m'honora
d'une affection particulière. Ah! laissez-moi vous
rappeler les principaux faits de son immortelle
histoire, pour réchauiler nos cœurs dans un
commun enthousiasme.
L'Empereur naquit en Corse ; moi, je vis le
jour dans un humble village, ile parents agri-
culteurs; vous savez que l'agricultureexci ta tou-
jours la sollicitude du héros. A vingt ans, étant
tombé à la conscription, et ayant été juge bon
pour le service, quoique j'eusse avalé vingt-
quatre gousses d'ail pour me donner la fièvre,
je me cachai afin de ne point partir. Mon pro-
jet était de rester au pays pour le défendre
contre une invasion. Les événements de 1814
et 1813 ne m'ont donné que trop raison. L'Em-
pereur me le dit lui-même à Fontainebleau, le
jour où il signa son alidication : » Mon brave,
dit-il, en me pinçant l'oreille, tu avais bien jugé
la situation. Je n'ai qu'un regret aujourd'hui,
c'est de n'avoir pas tiré de tes lumières tout le
parti possible. Tu aurais pu me servir dans la
diplomatie. »
Découvert par les gendarmes et conduit au ré-
giment, je conquis rapidement le grade de capo-
ral. Après six années de service, l'Empereur
m'uffrit lui-même les galons de sergent sur le
champ de bataille. Je les refusai respectueuse-
ment pour des motifs qui furent mal jugés :
« Ah ! ah ! monsieur l'orgueilleux, médit l'Eni-
])crcur en me donnant une légère tape sur la
joue, vous voulez rester toute votre vie le pre-
mier caporal de France pour faire concurrence
au petit caporal ! Eh bien ! soyez le premier capo-
ral de France, j'y consens... » Citoyens, après
bien des années, je ne puis me rappeler ces
simples paroles sans verser des larmes. Nom
d'un petit bonhomme ! Je n'ai pleuré que trois
\ r;rs.\<;K uks gkns skuikux
fois dans ma vie: lorsque je perdis mon eoloiiel,
— le jour où l'oii iiimoii(;a la luort de l'Kmpe-
reur, — ciifm, loi>;ijue je reçus le dernier sou-
pir de ma vieille lionne femme... Mille liombes !
pardonnez à l'émotion du vieux soldat! (// s'es-
suie un œil avec le revers de la main.)
Ayant refusé les j^'alons de sergent nlTerls par
l'Empereur lui-même, je jurai de eonserver
éternellement le litre glorieux de premier ca-
poral de France. On voulut en vain me nommer
lieutenant, capitaine, colonel, général de bri-
gade ; je n'acceptai rien, pas même la croix, (l'est
que j'avais l'àme ulcérée de voir les anticham-
bres du grand lionmie remplies de grands cor-
dons, de grosses épaulettes, d'uniformes chamar-
rés d'or, qui le trahissaient! Ah! nom d'une
pipe! quand je pense qu'efîeclivement il a été
trahi !... Mille millions de cartouches !... mil-
liards de bombes ! Moi, me mêler à ces traîtres !
Moi, faire voir le tour à l'homme du destin ! Ah !
sacrebleu !... Mille milliards de millionsde pipes
du bon Dieu ! ! !
Voix nombreuses. — Bravo! bravo!
l'orateur. — Et maintenant que je vous ai
retracé dans une rapide esquisse les principaux
traits de la grande ligure de l'Empereur ; main-
tenant que nous avons ensemble jeté de nou-
velles fleurs sur sa tombe, permettez au vétéran
qui fut son ami de descendre de cette tribune ;
les forces me manquent; je succombe à mon
émotion ; j'ai besoin de me rafraîchir avec quatre
gouttes de quelque chose. »
{L'orateur descend de la tribune au milieu
des plus bi'uyants témoignages de sympathie.)
LE pRÉsiDERT. B Citoyens, je crois me faire ici
l'interprète du sentiment unanime de l'assem-
blée, en votant des félicitations à l'orateur.
Cris nombreux. — Oui ! oui !
LE PRÉSIDENT. — Quclqu'uu dcmande-t-il en-
core la parole ?
UN MEMBRE DU CLUB. — Jo la demande.
LE PRESIDENT. — Parlcz!
l'orateur. — L'Empire fut une époque glo-
rieuse, et je suis fier, etc., etc., etc. L'Empereur
naquit en Corse; moi, je vis le jour dans un
humble village, de parents agriculteurs... A
vingt ans, étant tombé à la conscription, et ayant
été ti'ouvé bon pour le service , quoique j'eusse
avalé vingt-quatre gousses d'ail pour me donner
la lièvre, je me cachai afin de ne point partir.
Mon projet, etc., etc. » (La suite comme au dis-
cours précéde/it .)
Quand l'orateur a fini, un autre monte à la
tribune.
« Citoyens, laissez-moi vous rappeler les princi-
paux traits de l'immortelle histoire de l'homme
De même que son oncle consultait ma-l' tr.o.;t-!Io Lcrtormand, de même il se
fait tirer les cartes pat une sorcière de la rue Slontorgueil; elle lui promet
tout ce qu'il veut : la Présidence, l'Empire, Austerlitz. Mais ce qu'il
demande et ce qu'il cherche en vain, c'est l'iToiLEl!! — sans compter la
manière de s'en servir.
REVUE COMIQUE.
— Prince, nous aTons pensé qu'il fallait vous populariser. J'ai
l'honneur de présenter à Votre Altesse monsieur, — un de mes
amis, dont je réponds comme de moi-même, — et qui va vous
céder à des prix doux un petit Traité skt le Paupérisme.
us AMI DU PRINCE COURTIER ELECTORAL-
— Nous sommes immenEément riches. Pendant cinq ans, le prince
paie les impits pour la France entière, et il retire tous les habits
du Mont de Piété.
— Vous devriez bien lui dire alors qu'il commence par votre
redingote.
qui, etc., etc., etc. L'Empereur naquit en Corse; moi,
je vis le jour, etc., etc., etc. L'agriculture excita tou-
jours la sollicitude du héros, etc., etc., etc. A vingt
ans, étant tombé à la conscription, etc., etc., etc.
(Tf orateur quitte la tribune au milieu d'un tonnerre
d'applaudissements.)
IN ouATRiÈ'\iK oRATErn. — L'Empcrcur naquit en
Corse; moi, etc., etc., etc. » [L'orateur descend en
triomphe de la tribune, et le président lui vote des féli-
citations.)
LE pRÉsinENT. a Quclqu'un dcmande-t-il encore la
parole'?
VK CITOYEN. — Je la demande. Est-il permis d'expri-
mer franchement son opinion?
LE PRÉSIDENT. — Cc doutc cst uuc injurc.
LE ciTOTEN. — Citoyens...
LE PRÉSIDENT. — Nous somnics tous des amis de la
liberté.
LE CITOYEN. — .le monte à cette tribune...
LE PRÉSIDENT. — Parlcz sans Crainte : Napoléon aima
a liberté ; il voulait que chaque citoyen pùtmetli-eson
opinion au pot tous les jours. Parlez avec assurance,
vous en avez le droit.
LE CITOYEN. — Jc viens donc ici pour...
LE PRÉSIDENT. — Daus Ics idécs napoléoniennes, la
liberté de la tribune est sacrée comme la liberté de la
presse.
LE CITOYEN. — Jc viens donc ici pour combattre...
LE PRÉSIDENT. — Hein ! Plaît-il?
LE CITOYEN. — Pour combattre la candidature du
prince Louis.
LE PRÉSIDENT. — Jc VOUS rappelle à l'ordre !
Plusieurs rneiubres du club. — Qu'est-ce à dire? A
la porte, l'impertinent!
Voix nombreuses. — A la porte ! A la porte !
LE PRÉSIDENT. — Flanqucz-moi ce drôle à la porte.
A bas le jiékin!
[Cris, tumulte : une douzaine des plus vigoureux
membres du club escaladent la tribune, enlèvent l'ora-
teur et le jettent dehors.)
I,ES COMITÉS BONAPARTISTES.
Il y a dans Paris une demi-douzaine de comités bo-
napartistes qui fonctionnent nuit et jour dans l'intérêt
de la candidature du prince Louis.
On a le droit de s'y présenter en amateur et comme
un homme encore indécis, qui désire s'éclairer sur les
mérites respectifs des candidats avant d'écrire son bul-
letin. Le directeur vous reçoit avec la plus grande po-
litesse, afin de dissiper le préjugé trop répandu sur les
façons violentes des vieux braves de l'Empire à l'égard
des pékins.
Les bureaux sont généralement au premier , pour
A L'USAGE DES (TENS SERIEI X.
35
ménager les jambes des visiteurs. Sur la porte,
on lit : Ne prenez pus la peine de tourner
le bouton, s. v. p. Le paillasson vous essuie les
pieds du lui-même; c'est un paillasson auto-
mate, rt5vé autrefois par Yaucanson. II y a une
patte d'aigle au cordon de la sonnette ; mais on
n'a pas même besoin de sonner : un garçon de
bureau, déguise en invalide, avec une fausse
jambe de bois, vous guette par un œil-de-bœnf,
et la porte s'ouvre avant que vous l'ayez tonclii'f.
Il y a des gens à qui le prodige du paillasson
automate et de la porte qui s'ouvre d'clle-mi"nie
inspire une subite méfiance : au lieu d'entrer ils
prennent la rampe et redescendent précipitam-
ment. Mais vous êtes plus aventureux : vous
mettez le pied dans l'antichambre. Deux domes-
tiques vous retirent votre paletot; s'il y a de la
poussière, on vous donne un coup de brosse ;
s'il d plu, on vous éponge ; on vous ^iropose de
vous cirer les bottes; au besoin, on vous rase-
rait et on vous donnerait un coup de fer. Si
vous faites mine de regarder par la fenêtre, on
vous apporte une longue-vue. Il y a des visiteurs
qui abusent de ces prévenances au point de de-
mander un bouillon, qu'on ne leur refuse pas.
Ces divers offices d'antichambre sont remplis
par des amis du prince, qui se sont déguisés en
domestiques pour épargner à la bonne cause des
frais de bureau, il y en a un qui est déguisé en
nègre, et qui répond au nom de Cocambo. C'est
lui qui cire les bottes. — Voici ce qui s> passe
dans les bureaux du comité :
Le directeur est assis dans un vaste fauteuil ;
il est décoré de plusieurs ordres étrangers. Sa
phrase favorite avec les visiteurs encore indécis
dans leur vote, est celle-ci : « Fils de soldat, sol-
dat moi-même, je suis convaincu que la poli-
tesse doit être, après' le courage, la première
vertu de quiconque porte une épée. Dites-le à
vos amis ; qu'ils sachent bien que l'on nous ca-
lomnie en nous représentant comme des traî-
neurs de sabre systématiquement incivils envers
les pékins. Monsieur est sans doute militaire?
cela se voit à son air martial.
— Je suis simple pékin.
— Le mot est charmant. Simple pékin, comme
on dirait simple soldat ; le rapprochement est
ingénieux! Ah ! monsieur, que l'on a de l'esprit
aujourd'hui dans le bourgeois ! Le prince est
bien loin de partager les préjugés de son oncle
contre les idéologues ; son projet est de s'en-
tourer de gens d'esprit et de faire régner la
politesse partout. Oserai-je vous offrir son por-
trait?
— Offrez !
— Une courte biographie l'accompagne ;
- Prince, je tous amène ces messieurs, tous vieux de la vieille, pour composer
votre cabinet et votre cour.
Le prince, ne les trouvant pas asseï bien mis, choisit son cabinet et sa cour
parmi quelques journalistes de ses amis et plusieurs personnages très-consi-
dérés dans toutes les tables d'hôte des Bâti gnoUes.
36
KEVLIE COMIQIE.
GRi;«D cOiNCOlJns Foin le foilthut dd pbin
L'exposition aura iieu dans le prochain numéro.
Physionomie des artistes^ après qu'ils ODt pris connaissance du
programme.
LES OHGUES ELECTORALES EN PROVINCE.
Rendez-lui son petit chapeau.
Sa redingote grise
Et sa noble dcTise;
Rendez-lui son petit chapeau
Et son épée et son drapeau.
— Connu, connu ! c't' air-U I noua en avons plein l' do>,
parûtes aussi!
— La suite au prochain numéro.
quelques lignes seulement sur ses malheurs... ce récit
vous arrachera des larmes. »
Un garçon de hureau se présente d'un air effaré :
« Commandant, il y a là six colporteurs qui deman-
dent des portraits du prince. "^
— Qu'on leur en donne un ballot à chacun.
— Mais, commandant, il n'y en a plus; le tirage est
épuisé ; ces drôles donnent les exemplaires pour rien.
— Eh bien! servez-leur l'image du Juif errant;
c'est assez bon pour les campagnes. »
Le garçon de bureau sort et rentre presque aussitôt,
a Commandant, il n'y a même plus de Juif errant :
il ne reste que du Crédit est mort.
— Donnez-leur du Crédit est mort, et laissez-moi
tranquille. »
Un commis entre, une note à la main :
« Commandant, voilà encore Turlurobert qui fait
ses farces.
— Qu'est-ce que c'est que Turlurobert?
— Notre agent dans le centre ; il se laisse enfoncer
par les paysans en leur payant bouteille. Voici sa note,
qui s'élève à 1,537 francs 50 centimes.
— Turlurobert est un ivrogne : c'est lui qui a soif
et non pas les électeurs. Ecrivez-lui que s'il continue à
griser les départements nous le mettrons à pied. Allez ! »
D'autres commis se précipitent dans le bureau :
« Commandant, de mauvaises nouvelles !
— Commandant, nous sommes fumés !
— L'agent Fumichon a voulu prendre la parole
dans un comité électoral, et le peuple l'a attendu à la
porte pour le lapider.
— Corbleu !
— L'agent Saucissard est en plan dans une auberge,
d'où on ne veut pas le laisser sortir jusqu'à ce qu'il ait
payé sa note.
— Fichtre !
— Mais ce ipii nous fait le plus de tort, c'est que
Saucissard a promis que les impôts seraient sujiprimés
pendant cinq ans, et que le prince Louis distribuerait
des millions aux paysans; avec ça, il ne paye pas son
aubergiste.
— Eh bien ! que Saucissard aille se faire...
— Et Fumichon?
— Qu'on l'assomme !
— Mais si Saucissard crève de faim dans la rue en
parlant des richesses du prince Louis, quel effet ça va-
t-il faire?
— L'effet que ça pourra. Allez tous vous promener,
vous me rompez la tète. Nous n'avons plus le sou;
l'emprunt de 500,000 francs payables après le vote de
la présidence n'a pas réussi, et le propriétaire va nous
donner congé. Cocambo, donnez-moi ma canne et mon
chapeau, et allons-nous-en duier. Fils de soldat, soldat
inoi-mèine, je continue de vous recommander la plus
grande politesse avec nos visiteurs; on ne sait pas ce
qui peut arriver;
.\ I.LSAGE DKS GKNS SKUIIXX.
37
TYRANNIES OCCULTES.
DU DESPOTISME DES LUNETTES.
LE HEGABD, C'eST l'bOMME.
[Varianlt détagréabU'pour M. le cotnle de Buffon.)
hose étrange ! Tandis qu'à rheurc présen-
te tous les peuples se ruent à rencontre
des pouvons portant sceptre et couron-
ne, ces mêmes peuples laissent Iran
Uement fleurir à l'om
bre de l'hyopcrisie une foule de tyran
nies inédites bien autrement redou-
tables que celles qui se pré'
sent sur un trône entre
deux griffons dore's. ^=%
L'une des plus
dangereusesdeces
puissances caute-
leuses et terri-
bles, celle à l'en-
droit de laquelle
le moment de l'in-
surrection est en-
fin arrivé , c'est ^
évidemment le
despotisme formi-
dable qui se dissimu-
le sous le nom ano-
din de lunettes.
Ceci n'est pas unebou- _
tade à prétentions paradoxa-
le,; — la pire espèce de plaisan- —
teries, — c'est un cri d'indignation
sincère, c'est un appel au courage
de tous les hommes loyaux qui marclient dans rni
la vie le front haut et l'œil nu.
C'est, dit-on, au milieu du quatorzième siècle que le
Pisan Alexandre Spina médita et accomplit les besicles '^ ' ■
dans son fatal génie. L'Italie du moyen âge, qui fournissait
l'Europe de poi
sons et d'astrolo-
gues, d'inquisi-
teurs et de bravi,
et qui la fournit
aujourd'hui, en
concurrence a-
vec l'Allemagne,
d'insurrections ,
hélas! avortées,
devait en effet la doter du plus terrible
^ ' auxiliaire, de l'astuce et de l'hypocrisie.
Voici donc cinq cents ans que l'humanité se courbe,
ans le savoir, sous le despotisme persévérant et caute-
leux des lunettes.
Depuis ce temps, bien des races augustes, qui se promet-
= taient l'éternité, ont disparu devant le souffle des nations.
Depuis ce temps, bien des multitudes se sont émues contre
toutes les tyrannies, et les lunettes se sont accrues sans
cesse en nombre et en audace, et pas une vois ne s'est
élevife contre
*V
W
leur oppression,
la plus sournoi-
se, et partant,
la plus dange-
reuse de toutes.
Mais les puis-
sances d'iniqui-
tés s'écroulent
toujours dans
leur triomphe.
Il est bien
entendu que ce-
ci ne s'adresse
58
REVUE COMIQUE.
pas aux braves gens qui pensent, dans leur simplicité,
que les lunettes sont faites pour y mieux voir. —
Loin d'édaircir la vue, elles la brouillent, au con-
traire, connue chacun peut s'en convaincre. Or,
puisque cet instrument trouhle les meilleurs yeux, à
plus forte raison doit-il évidemment empirer les mau-
vais.
Il est vrai que certains hommes poussent l'effronte-
rie jusqu'à noircir leurs verres, toujours pour y voir
plus clair. A ceux-là, nous demanderons ce qu'ils pen-
seraient d'un sourd qui se boucherait les oreilles afin
d'y mieux entendre.
Du reste, la nécessité très-visible où se trouvent tous
ceux qui portent lunettes, de regarder par-dessus ou
par-dessous, quand ils ont réellement intérêt à y voir,
est une preuve sans réplique de leur duplicité.
Non, le but de ces hommes, perfidement habiles,
n'est pas d'y voir plus, mais d'être vus moins. — Dissi-
muler leur regard en brisant celui des autres, lire dans
la pensée de leur adversaire en cachant la leur, voilà
leur seule, leur vraie raison. — Un duelliste qui se
cuirasserait de fer sous prétexte d'avoir la poitrine fai-
ble, ne serait donc ni plus fourbe, ni plus lâche que
ceux qui se masquent ainsi les yeux sous semblant de
mauvaise vue.
Mais les vieillards?
Eh! mon Dieu, les vieillards y voient si net qu'ils
lisent presque tous leur journal à trois pieds de dis-
tance ! Mais en avançant dans la vie, tout homme s'a-
perçoit que ses amis à lunettes le trompent plus encore
que ses autres amis, et, pour lutter contre eux à ami~
tié égale, il s'emprisonne aussi les yeux.
D'ailleurs, jeune ou vieux, tout porteur de lunettes
cache derrière elles la ruse, la défiance, la sécheresse
de cœur et de tous les autres vices égoïstes qui consti-
tuent ce qu'on appelle la sagesse des vieillards.
C'est, qu'en effet, ce n'est pas au front que Dieu a
marqué les bons et les mauvais, comme l'ont traduit
quelques hébraïstes ignares; c'est dans l'œil et dans
l'œil seulement. — La bouche de l'homme sourit au
mensonge, sa voix chante, pleure et joue ce qu'il veut,
mais son regard ne ment jamais, parce qu'il ne lui
appartient pas.
L'œil est donc la révélation sincère de l'homme. —
A i.isAci: iti;s CKNS si^iURUX.
39
A regard droit, cœur loyal; — à œil faux, cœur
faux.
I>ii<" i|ii'iiii ri'^'iird csl faiixesldii reste une siiUise ;
il est Irès-t'nuic ati eniilraiii; iMiis(ju'il dil liiiiiièiiie :
je suis fiiux.
Or, avant la déplurahle invoutiou de Spiiia , Ions
les lioiniiies étaient égaux devant leurs (iropres jeux.
Alors, en politique, en diplomatie, en afraircs, le
viirilalde génie, le calme naturel et l'Iialtileté a(((uise,
l'enipiirlaient toujours de liant dans des luttes où cha-
cun se montrait à visage découvert.
Alors, pour domineret tromper les autres, il (allait
avoir une snpérioiité réelle ijni juslili.U le iles|)otisme et
enudldit la tromperie.
L'antiquité connaissait le verre : Moïse, Job et Aris-
tote en parlent. — Mais jamais l'idée de l'employer en
lunettes ne pouvait venir à des hommes qui respec-
taient trop la ruse pour la matérialiser.
La célèbre controverse sur les nez amiqces, qui a
lieu en ce moment à l'université de Gœttingue, met
en doute, il est vrai, le mérite des Grecs dans cette
question de loyauté.
Se fondant sur ce que, depuis l'Apollon jusqu'à la
Vénus de Milo, jamais une slatue gricqu! ne nous est
parvenue avec son nez {ce qui est parfaitement liistu-
rique) , la majorité des docteurs allemands pensent que
le nez est d'invention romaine, et que jamais Grec n'en
a porté. — Cette assertion parait très-sensée quand on
songe aux effroyables nez que se mettaient les Césars.
Tout inventeur aimanta voir exagérer sa découverte,
on comprend alors combien cette inscription devait
flatter le sénat et le peuple romain. S. P. Q. R.
40
REVUE COMIQUE
Mais que ce soit faute de nez, ou par un noble mé-
pris , toujours est-il que les Hellènes ignoraient les
besicles, et que les nations modernes ont seules gémi
sous ce iléau.
Dans les trahisons intimes de Tamitié, comme dans
l'exploitation des idées généreuses qui mènent le peu-
ple, les hommes francs, à l'œil libre, sont donc cons-
tamment victimes des hommes à l'œil Titré.
Ainsi, les médecins, les savants, les usuriers, les
hommes d'État sans état, tous ceux enfin qui ont be-
soin d'imposer et d'en imposer, portent presque tous
des lunettes.
Si bien, chose honteuse, que pour s'opposer à ce
despotisme des médiocrités, les hommes forts d'eux-
mêmes sont contraints de s'abaisser, quand leurs yeux
le permettent, jusqu'à se servir de ce triste expédient.
Un diplomate, qui gouverna longtemps l'Allemagne,
ne pouvait s'habituer aux lunettes. En ce péril, de-
vant des adversaires qui en portaient , il s'est fait
borgne ; oui, borgne ! Et cela, pour cacher du moins la
moitié de sa pensée.
Feu , de glorieuse mémoire, Napoléon essaya aussi
inutilement, à Brienne d'abord , puis en Egypte , de
porter lunettes. Mais pour y suppléer , il inventa
bientôt son fameux coup d'œil d'aigle, qu'on ne pou-
vait subir, sous peine de pulvérisation, ou tout au
moins d'éternuement.
Ou plus souvent encore de démission.
A défaut de son génie, de sa gloire et de ses traités ,
si certain oiseau collatéral croyait avoir hérité du moins
de ce regard avunculaire , nous lui conseillerions de
n'accepter encore cette dernière vanité que sous l)éné-
lice de lunettes.
Enfin, le plus souple, le plus adroit et le plus mé-
ridional de tous nos hommes d'État depuis 1830; le
seul qui ait su pendant dix-sept ans se ménager le pou-
voir dans la popularité et la popularité dans le pouvoir,
cet homme qui essaye encore aujourd'hui de remonter
à flot, ne doit sa supériorité de bonheur et d'adresse
qu'aux lunettes historiques qu'il porte depuis son am-
bition, c'est-à-dire depuis son enfance.
Faute de descendre ainsi dans les ruses privées des
grands dominateurs du monde, l'histoire désorientée
entasse souvent théories sur théories pour tâcher d'ex-
pliquer ces immenses supériorités. Un seul mot suffi-
rait presque toujours pour illuminer ces questions
comme un phare. Demandez , par exemple , aux his-
toriens, la raison du génie de Louis XI ? Que de causes
majeures ne donneront-ils pas aux succès du despotisme
de ce chat-tigre ! Et pourtant cette puissance féline no
prenait naissance que dans un simple fait complète-
ment oublié : — Louis XI était le seul roi de son temps
qui portât des besicles.
Notez que nous n'avons pas cité l'Amour, qui fait
semblant de n'y pas voir pour mieux atteindre sa vic-
time.
A cette dégradante tyrannie, quelques yeux coura-
geux , mais imprudents, ont essayé d'opposer le lor-
gnon. Cette tentative eut le sort des demi-révoltés,
elle échoua. — Se servir de lorgnon I Mais autant vau-
drait se jeter dans une mêlée avec son épée dans le
fourreau !
La noble France qui a toujours guidé le monde dans
A L'USAC.L DES GENS SERIEUX.
41
le chemin do la liberté, doit aussi secouer la iirciuière
le joug liuniiliaDt des lunettes.
Pour cela, deux simples petites lois sulïisont; cl par
la fécondité de nos législateurs, deux lois ne sont pas
une alTaire d'Etat.
I.a première supprimerait les ojiticiens, et assimile-
rait leurs marchandises à l'acétate de nioii)liine, aux
couteaux-poignards, aux cannes plombées et aux fusils
i\ vent.
Par la seconde, on inscrirait au seuil des chambres
législatives, des tribunaux, des études de notaires, etc.,
partout où se traitent et se débattent des intérêts : Ici
O.N NK rOUTK PAS DE LINETTES.
A moins ce|)cndaiit que, comme pour la vaccination,
l'État ne préfère imposer aux parents l'obligation de
luneter leurs enfants au berceau.
Tous les hommes n'ayant pas la môme vue, le pre-
mier projet nous parait encore préférable. — Porter
lunettes est certainement d'un grand secours pour
tromper, mais il faut pour cela avoir d'excellents yeux.
VOTONS POUR BONAPARTE.
Air : Gai, gai, marioHS-nous
Gai, gai, c'est convenu,
Nous porterons Bonaparte ;
Gai, gai, c'est convenu.
Nous voulons qu'il soit élu.
On dit qu' sa bourse est creuse.
Tant mieux, j'en suis content;
La France est généreuse.
Donnons-lui notre argent.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Chaque socialiste
Dit qu'il va l'appuyer,
La France communiste
Est bonne à partager.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Vous, paysans utiles.
Vile plantez vos choux;
Les fainéans des villes
Les mangeront sans vous.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
A la France on peut dire
Quel sera son bonheur,
Car elle aura l'empire
Complet... moins l'empereur.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
La guerre sans victoire,
Le nom sans le héros ;
Nous n'aurons pas la gloire.
Nous aurons les impôts.
Gai, gai, c'est convenu.
Tous nos principicules,
Gras de dotations,
Nous donn'ront des férules
Et prendront nos millions.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Tous les chapeaux à claques
Prendront position,
Puis viendront les Cosaques
Avec l'invasion.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Ob ! la reconnaissance
Déborde de mou cœur ;
Français, à bas la France
Et vive l'empereur.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Icare impérial.
— Extrait du journal LE Bossu, journal français publié à Londaes. —
11(111 rVAiin iii>, iiAi.ii..'
:E0 rciiiiitKs la livraison.
ii{ i: Miiiviin-, f(2
aditions de la Soascripiion. — La Kevue comique formera im masailique volume, grand in-8, publié en SO livraisons à 50 cenlinies.
mr la poste, 33 ceuliinos. — Pour tout ce ([ui coiicerue la direction, écrire [franco) à M. LiuECX, au bureau de la Revue, 2, boulevard d.^s
Italiens. , „ . , ■
DUMINERAY, EDITEUH, 52, aUE HICHELIEU 4e inraiSOn,
12 DÉCEMBRE 1848.
So7. (lu prince pour rire, — avec une vue de son confident.
Pari.. — Tir.' mu prc<i.'i m,Vaiiiqn.>! rie T-acrampr (il( ol Comp., rue Damielle,
LA SEMAINE.
Et comme la scmainp dernière ?p pn'senlait pour
être entendue à ?on tour, je me levai et lui dis brus-
quement :
— Pour aujourd'hui, madame, je me priverai du
plaisir de vous écouter, car je sais d'avance que vous
n'avez rien à me dire.
— Comment rien ?
— Absolument. Croyez-vous que l'on puisse entre-
tenir en ce moment le public des vaudevilles plus ou
moins aristophanesques de M. Clairville, et des traduc-
tions deM. Bulwer,qne l'on joueauThéàtre-Historique?
— Mais l'Opéra ?
— Les débuts de mademoiselle Lagrange dans
Othello, voilà bien de quoi occuper les Parisiens. D'ail-
leurs mademoiselle Lagrange n'a rien d'assez extraordi-
naire pour...
— Laissons donc de côté les théâtres.
— De quoi me parlerez-vous donc?
— De miss Burdett-Conts.
— Qu'est-ce que cette miss '?
— La plus riche et la plus laide héritière de Londres.
Autant de millions que de printemps : quarante-cinq
peut-être ; le teint légèrement couperosé comme toutes
les riches héritières anglaises ; les cheveux blonds : c'est
la future Marie-Louise du futur empereur. Le prince
Louis a cherché une archiduchesse dans la haute ban-
que. Miss Cents est à Paris, elle a mis ses millions à
la disposition de la candidature du prétendant, e'est
la France qui payerait les intérêts; miss Cents a promis
de se faire catholique afin de rendre possible un nou-
veau sacre.
— A Reims ?
— Non, à Notre-Dame. Le prince Louis compte sur
le pape pour verser sur son front l'huile sainte. Vous
savez qu'on répand le bruit, dans les campagnes, que
Pie IX , chassé de Rome par un Bonaparte , n'a quitté
Rome que pour venir en France sacrer le cousin de
son persécuteur. C'est madame Delphine Gay de Gi-
rardin qui doit être nommée première dame d'hon-
neur de l'impératrice, ou, si vous aimez mieux, de
miss (]onts!
— La muse prendre la livrée, vons n'y songez pas;Né-
mésisdame d'honneur, c'est impossible. Mais j'ai une
autre nouvelle à vous annoncer.
— Laquelle?
— La résurrection du poète Barthélémy.
— C'est la troisième au moins.
— Il chante Louis-Napoléon.
— Après avoir chanté la République et Louis-Phi-
lippe, que ne chanterait-il pas? Maintenant, avez-
vous fini de défiler votre chapelet de cancans hebdoma-
daires?
— Il me reste encore à vous parler des bals.
— Mais voilà deux semaines que ^L Marrast ne re-
çoit pas.
— Nous avons les bals publics.
— [Is sent occupés par des clubs.
— Les bals d'actrices. Figurez-vous que mademoi-
selle Scrivaneck, du Palais-Royal, adonné samedi der-
nier une soirée dansante des plus animées, et que...
Comme je vis que mon interlocutrice allait entrer dans
toutes sortes de digressions indignes de la gravité du pu-
blic, je pris poliment la semaine dernière par la main,
et la conduisant sur le seuil , je lui fermai la porte au nez .
Il
l'.i'AHK co.Miuir;
SLlTt DtS AVKMlliFS lU l'IJNr.t l'(H II lUlU.
CllAl'irUE \l.
APOTllEOS!;.
ur 11 colonne.
IMlllTl'.MT DU.N CONTEMl'OUAlN.
11 L'.-l un lioiniiio iloul riiitelliyoïu'C , iliosc r;u'0 ,
n'est uoiilesU'e par porsoiine; cet liuiiiino, un des es-
prits les plus actifs, les plus pei-sêvérants, les plus opi-
niâtres, les plus lahoiieux de ce lenips-ci , est parvenu,
à lurce de patience et de talent , à travers mille dé-
boires et mille diflicultés, contre vents et marées, à
créer un des journaux les plus considéraliles de France;
il est le roi de ce journal, il en est le maître absolu ;
l'éloge , le blâme, l'attaque y sont tour ù tour dispen-
sés par lui d'une main toujours prodigue; cet homme
pourtant n'a pas un ami, que dis-je, il n'a pus même
un envieux, ce cpii revient à due, et c'est monstrueux
h penser, qu'il n'est peut-être personne à Paris , à
l'Iicure qu'il est, qui consente à éclianger son nom
contre le sien.
Objet tour à tenir de la haine, du mépris , de la co-
lère d'un grauil nombre, cet homme , disons-le, ne
uousa jamais inspiré ([u'une profonde et douloureuse
pitié.
A le voir tous les soirs, nouveau Sisy[ihe, rouler in-
raligablement en haut de la montagne le roclier que
chaque matin il retrouve à sa hase, nous nous sommes
demandé plus d'une fois quand Dieu ^pardonnerait à
ce malheureux, et si tant de courage n'aurait pas enfin
pour récompense l'oubli possible de son passé. — Et
voyant qu'au contraire la main qui le punit s'appe-
santit tous les jiuirs davantage sur sa tète, nous
avons recherché qui donc avait pu lui attirer cet épou-
vantable châtiment.
Dieu eût pardonné à Sodome s'il s'y lut trouvé sept
justes; nous disions, nous : N'y a-t il pas sept bonnes
actions dans la vie de ce coupable, qui puissent plaider
pour lui devant la justice divine , ou tout au moins
l'absoudre devant les hommes?
Nous primes donc sa vie jour à jour, feuille à feuille,
ligne par ligue ; d'abord l'espoir nous vint ; car au
lieu de sept, nous y rencontrâmes cent , deiiv cents
bonnes actions évidentes et à côté d'un grand nombre
de paroles mauvaises, haineuses, perfides, d'idées dan-
gereuses et inap[)licables, un grand nombre aussi d'i-
dées bonnes, justes et sensées, généreuses peut-être.
Kt nous allions blasphémer, nous allions accusera
la lois et Dieu et les hommes, nous attendrir sur le sort
de cet infortuné, aller à lui, l'enconiMger, lui dire de
ne point désespérer, de revenir au bien tout à fait, et
de chasser de son cœur l'amertume qui chaque jour
eu déborde, quand tout à coup nous fûmes arrêtés par
nu dernier scrupule ; et reprenant alors une à une les
bonnes actions, les bonnes paroles, les idées généreuses
([ui nous avaient frappés dans sa vie et qui nous avaient
paru devoir plaider en sa faveur, nous les soumîmes
pour plus d'impartialité, à une dernière expérience.
Nous recherchâmes leurs causes, puis leurs effets;
A i;us.\r.K i)i:s r.KNS sfiniKnx.
.M:ii< liiciilot, dpouvanlés Au ri-siilliit de ce dernier
f\iinicn, iioiisl'aliandonnAmes n\oc liorrour, cm- sous
t.ïiil ce liicn iiu-ntciir, il nous l'nt ini|)nssil)l(î de dccini-
viir uiu' seule l'oiine iiilention, un seul acte désinlé-
lessé, un seul l'I m uni n'eût son ealcul ; — les nuil-
leures elioses smis nlle main liinesle n'i'taieiit eni-
ployécs ([ne ennnne un innycn de faiie le mal on de
détruire le liien.
Centristes, dégoùl.'s, le euMir serré, il nous falliU
aliandonner cette déploralilo nalin'eàson stérile labeur;
assurés désormais que le mal seul lui est possible, nous
nous éloi-nàmes d'elle avec effroi. I.a voix du peuple
est bien la voix de Dieu. — Condamné à n'être jamais
qu'un de CCS agents dangereux qu'on utilise pendant
la lutte, qu'on renie après la victoire, cet bommeaura
donc fait le mal sans profit pour lui-même et le dernier
de ses ennemis vaincus restera toujours pour lui un
objet de jalousie et d'éternelle envie. — 5a 'punition
est dans ce seul fait, elle est terrible; qui donc lui
refuserait ce que nous lui accordons, — de la pitié! —
On s'éloiene des monstres, on ne les liait pas.
A MM. RUCKAin, TllII'r.S Kl MOM..
La lettre du maréclial Hugcaud prenant parti pour
Louis-^apoléon, est un des plus tristes témoignages
de ce que la vanité blessée, de ce que la rivalité mé-
contente peut faire faire de sottises en ce monde à ceux
que n'éclaire pas l'amour du bien public.
Pour n'avoir pas pour chef, pour supérieur, un de
ses anciens lieutenants , un homme pour leciuel d'ail-
leurs il avait professé publiquement la pins grande es-
time, et qu'il avait signalé dès son début comme devant
atteindre à de hautes destinées, le maréchal accepte de
se subordonner à l'étourdi politique, à l'ambitieux sans
portée, qui par deux fois a eu la prétention de ren-
verser dans la personne de Louis-Philippe, le prin-
cipe et l'homme auquel le maréchal Bugeand s'était
aveuglément dévoué.
J'ai hésité d'abord , écrit-il lui-même ; et on eût
hésité à moins, M. le maréchal ! Le geôlier de la
duchesse de Berry aurait pu être le geôlier de Louis-
Napoléon ; cela n'a pas été, parce (ju'on ne vous l'a pas
ordonné. — Quand vous avez passe outre , avez-voiis
cru que la France l'oublierait?
Ce sera l'éternelle honte de M. Thiers, de M. Bu-
"caud, et de M. Mole, dont nous voyons à regret la
carrière finir dans cette honteuse coalition , d'avoir pu
se réimir pour tromper tout haut le pays sur la valeur
d'un homme, dont chacun d'eux tout bas proclame
rinsufiisance et la nullité, dans des termes que nous
n'oserions pas répéter
Si Louis-Napoléon vaut mieux que ne le disent ses
perfides conseillers, il le prouvera en s'éloignant d'eux
avec mépris, au cas oii par impossible, grâce à leur
Y)
<^-A"
y/f"!\^f^
Si nous devons avoir cette éclips", je parie qu'elle ne dure pas.
cmicoiirs inoincnUinL' , suii nom sortirait de
l'urne olectonile ; car, il faut bien qu'il le sa-
che, il ne peut attendre d'eux que trahison.
M. Vl.iiON lIOMMi: l'OLITlQUE!!
S'il y a eu quelque chose de bouffon dans ce
monde, cela a été l'incroyable prétention qu'a eue
le pharmacien Vérou de se donner comme un
homme politique.
M. Véron, industriel habile, n'avaiteu jusque-
là d'autre prétention que celle de savoir, comme
on dit, tirer de l'huile d'un mur. — Quand il a
pris le Constitutionnel, il a voulu... faire une
affaire. — Pour faire réussir, je ne dis pas ce
journal, mais cette affaire, que n'a-t-il pas ima-
giné'? Les romans de M. Sue, ses romans les plus
rouges, les plus socialistes, qui les a publiés?
Réponse : M. Véron, chef, avec M. Thiers (pau-
vre M. Thiers !), du parti prétendu modéré, des
MOIIÉRÉS lUH CES, si VOUS VOUlcZ.
Il faut qu'on sache que le traité qui lie M. Vé-
ron et M. Thiers est un traité comme il pourrait
s'en faire entre un marchand de pommade et
un marchand d'orviétan, et que, dans ce traité,
la politicjue, celle du moins de M. Véron, n'a pas
le plus petit mot à dire.
« Vous avez une boutique'? a dit M. Thiers à
M. Véron.
— J'ai une boutique, a répondu M. Véron,
et une fameuse, et je m'en vante.
— Votre boutique a deux compartunents, a
dit M. Thiers.
— Ma boutique, a dit M. Véron, a autant de
compartiments qu'il peut me plairequ'elleen ail.
— Supposons, dit M. Thiers, qu'elle n'aitque
deux compartiments, le premier étage, le rez-
de-chaussée.
— Après, dit M. Véron en faisant sonner ses
pièces de 3 francs dans sa poche, et en étalant sa
chaîne d'or sur son gilet.
— Après, a dit M. Thiers en tiianlde la poche
de six de ses amis un portefeuille d'où sortirent
une centaine de billets de banque.
Ici il y eut un moment de silence, dont la vi-
gnette seule pourrait reproduire l'éloquence.
— Après, dit M. Thiers, je vous achète, avec
l'argent de ces messieurs, votre premier étsge
pour les cent billets de mille francs que voici,
moyennant quoi je débiterai au premier étage
de votre journal la politique qu'il me plaira d y
débiter, sans que vous ayez à vous en mêler le
moins du monde.
— Du reste , de votre boutique , mon brave
homme, vous ferez tout ce que vous voudrez :
IqS arts, la littérature, l'industrie, les chemins
A L'USAGE DES GKNS SÉRIEUX.
47
(le liT, Il ]ili,irmaii(' , l,i lillL-ratiii-c facile, le
fcuilletuii, y reslomnl sniimis à vos lois; vous
pourrez en garder ou on livrer la direclion en tout
ou en |)arlie i (|ui vous voudrez : nous n'avons
neii à y vdii-, ces messieurs mes associés politi-
«lues et moi.
— C'est l'ait, dit M. Ynon.
M. Tlners ouvrit le |.ortorouille, les lullels lu-
rent comptés, nii, (l('ii\, tiois, etc.. etc., jus(iu"à
cent; total I0(», ()()(» IV.
— ("/est l'ait, ajouta .M. Véron en tendant la
main ; c'est fait, sous cette réserve pourtant, que
>i le caprice me prend de rentrer dans mon pre-
mier étage, si je trouve une surenchère, j'en
serai quitte pour vous rendre vos 100,000 fr.
Ces 100,000 fr. rendus, je pourrai relouer ledit
premier étage à un autre locataire ; et ce fut ac-
cepté.
« Comment diable M. Véron veut-il qu'on
voie en lui un homme politique? — Y a-t-il trace
d'une intention politique dans la situation qu'il
s'est faite dans son journal? Si l'honorahlc mais
changeant M. Thiers devenait carliste demain,
s'il devenait Cavaignacquiste, si.... qu'aurait à
dire M. Véron?
Morale. — Le chef du [)ouvoir exécutif est
un bien honnête homme. Beaucoup, à sa place,
n'en eussent pas tant dit au pharmacien Véron.
Si nous sommes le peuple le plus spirituel
de la terre, on ne contestera pas (]ue nous en
soyons aussi le plus ignorant des qu'il s'agit d'un
foi t qui s'est passé au-delà de nos frontières.
l/.\ssemblée nationale a discuté pendant tout un
long jour à propos du Pape et du secours que
nous avions bien fait de lui envoyer.
1,'Opposilion surtout s'est récriée: Vous allez
au secours des princes, vous n'allez pas au se-
cours des peuples. S'il y a quelque part une ten-
tative républicaine, vous êtes contre elle, et là-
dessus M. Ledru-Uollin, M. Favre de parler.
Or, ces messieurs n'ignorent qu'une chose, cl
il est vrai que c'est la principale. C'est qu'en par-
lant, à propos de l'insurrection romaine, de
M. Mamiani, par exemple, et de ses collègues du
ministère imposé au papd, ils parlaient pour un
ami, ami intime, ami non douteux et politique
de M. Guizot et de M. Libri, pour le roi Char-
les-Albert et pour le parti qui veut faire de l'I-
talie, non une confédération républicaine, niai>
un vaste royaume avec le roi de l'iéraont pour
chef. M. Mamiani rira bien quand il verra tout le
mouvement que se sont donné pourlui, adver-
saire des idées républicaines, nos braves étour-
dis de la Montagne.
Les Tillageois, s'aperccvant qu'on n'a pas du tout paye pour eux les impôts,
ainsi qu'on le leur avait promis, se lirrent à une grande chasse à t'oie.
La farce est jo
EXPOSITION
DU GRAND CONCOURS OUVERT POUR l.K rORTUMT DU PRINCE TOUR RlUE
Avec les notes du jury.
N» 1.
REFUSÉ. — Les jambes vont bien, mais la rosscinblance de tèlc csl insuffisante.
N" '2.
MEMUIN llONOliVCLE. — Celle conipojilion est lionne: les accessoires ont do I.i gaieté; le
costume, les allures anglaises, et le bras en trompe d'éléphant , sont bien saisis; le pantalon
drapa avec sràee; seulement, le masque annonce une énergie qui manque absolument a 1 or.gmal.
N" 5.
IL U;VtK DU SCI.LIL. 10 DLCKMIIRE. PREPARATIFS.
Bonnes iiUcntions, cxucution satisfaisante ; une médaille d'argent pour la chemise et les papillottes.
N" i.
N» 5.
Ce portrait sera ressemblant plus tard, lorsque \o prince pour
rire, de retour à Lonires, et réduit à vivre de ses talents^ ira
faire lasala'ie en ville.
Vérité dans la pose; ir-ais le deasiu manque. Néanmoins, l'ap-
proche du jour dcTao permet d'offrir au peintre 25Bolsde s-jn
tableau.
REFUSÉ, mais avec mention lionorali'.e. — Le corps est bien, mais la tête est flattée.
No 7.
iTRENNES rOUR 1f<f9.
C .-s es luisses incunvcniintes ont été mises
hor-î de
Nouveau modèle de pipe.
Tabatière à attrappe.
N» 10.
1. |:nS1lI<;\KM1 M SILTL'EL.
MÉDAILLE D'On. — M.illicurenseinenl c'est aussi le prolil de Gra^snt.
N" H. N" d2.
l'IF.K.I^E DhLIDKvrE.
Renvoyé au Jardin d*-s plantes.
Bou'iULl uir.it udî la Presse à ses abonnés.
N" 15.
GliANUt; MlLu.WLI-E DOR. - Ce i orlniil aurait en le (-t
SI l'urliale, se ccuiforniant au programme, avait dessiné 1"(
semble.
LIS l'ItllllOT liLl VtUT lililTEU L'AI .LE.
I Ct tableau a été retiré du concours et acheté par un monsieur
riche tt am:>nt de l'allégorie.
N" 'ir;.
.\" ;c.
L'aute.ir est assez récom|.ee.sé : .1 .1 obt.nu de nomb-euscs com-
maiides p"ur la Frai.ce et l'étrangtr.
GlUM) PRIX!!!
La ressemblance est saisissante. La lournuie Une et les manières gracieuses .lu moil.le sont liicn rendues.
L'exécution est peut-être un peu trop lùdicc : le prince semble avoir un paratonnerre dans le dos.
— Acheté par la reine de Portugal, —
REVUE COMIQUE A L'USAf-E DES GENS SÉRIEUX.
LE CHEVALIER »K LA TRISTE FIGDRB.
PROBLÉHE MATUEMATIQUE.
Du succt^s (le celui (ju'il avait conilamné,
D'un zéro que l'on encense,
Emile Girardin se montre consterné.
Les discours feraient pitié,
On (lirait un fanlùme errant sur les ruines,
Si de sa rare éloquence.
Et son bit'me visage accuse un noir cliaurin.
Un tiers n'était la moitié.
Le fait n'est pas nouveau: l":imi de Sainl-Bcrain,
A toujours eu du tristes mines.
VOTfZ Nl-IIEBO 8.
Lorsipron nous représente, en un certain local.
DENEGAKON.
Un préti.'ndant connu par m^iiule peccadille.
On assure, depuis longtemps.
Nous nous rappelons tous ce refrain musical ?
Que l'autocrate paye à beau'i deniers comptants
Où peut-on être mieux qu'au sciu de sa f.iiiiille.
Emile Girardin. Le propos est niable.
Le Czar, nous le pensons, sait mieux placer son or.
Amis, lisez la Presse, et vous serez il'l(M;ord,
Que Girardin est impayable.
(:O.MPL.\INTE
LES LOl'ANXES DK LA PRESSE.
BN FAVF.IR d'kMILE DE GIRARDIN.
Depuis que Louis Bonaparte,
Est appuje par vous, Emile Girardin,
— PREMIÈRE P.^RTIE —
Du pauvre candidat chaqui! jour on s'écarte.
L'éloge de la Presse engendre le dédain.
Air de FualJts.
Cependant le pouvoir que vous vouliez détruire,
Sur ses rivaux confus est prêt à l'emporter;
Ecoulez, peuples de France,
A notre président si vous clicrcliiez à nuire,
Des Baligoolles aussi.
Le moyen le plus sûr était de le vanter.
Le si surprenant récit
D'une histoire où la décence
N'a rien à faire Dieu merci !
En raccourci la voici.
DU PEC d'aide fait GRAND BIEX.
D'un manifeste vain pourquoi faire tapage'?
Autrefois dans les afl'jires
Grognards impériaux, cessez d'en être tiers.
Il y avait un certain
Le prioce n'a pas seul rédige cette page;
Monsieur Emile Girardin,
On sait que, pour écrire, il a besoin d'un tiers.
Journaliste doctrinaire.
Inventeur du bon marché
Pour le papier imprimé.
SDR UNE HL'SE ATRABILAIRE.
En l'an dix huit cent vingt-huile,
Ce jeune homme eut la candeur.
'Delpbine Gay, jadis poêle de bon (on.
De publier le f^oleur,
L'autre jour, dans un leuilletou,
Journal assez mal écrite,
Outragea Cavaigoac, et le traita d'infime.
Oiis qu'il n'y eut d'attrappé
Qu' l'actionnaire et l'abonné.
Cette amére satire esl-elle d'une femme"?
En voyant tant de fiel tristement prodigué.
Cbacun se dit: ce n'est pas gai.
— La suite au numéro prochain. —
^^^^0
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TAliLEAU UllISlUIUK.
Les deux Scsie.
Extrait du Litehaky-Pionier journal anglais. —
lori.i-VAiin nr- itki uns.
ao ceiitlincM lu lUi-aiHoii.
mr. RiciiFLiEt', rii
indldons <
par la poste, 33 ceii
lt;ilit>iis.
de la SoascripUon. -LaREVCE coïiQDE formera un maRnifique volume, grand in-8, publié en 50 liTraisons à 30 centimes,
. 33 ceiilimos. — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco) à M. Lireci, au bureau de h Revte, 2, boulevard des
: qui
DUMIMX&AT. ÉI>ITE1T&, 5», B.VT miCHELIZU-
a« Livraison,
Ce petit citoyen, dont la France se mo(|ue,
A du bonapartisme arboré le drapean.
Des brillants souvenirs, qu'avec bruit il évoque,
Aux campagnards séduits il présente l'appeau.
El pour mieux soutenir son candidat baroque,
Astucieux serpent, il a cliangé de peau.
Du vainqueur d'Austerlilz il a pris la défro |U0 :
La redingote grise el le p élit chapeau.
La lorgnette à la main, en général hjbile.
Il contemp'e le champ, souillé d'encre et de bile,
Où comb ittent Bugeaud, Girardin et Véron.
Ce pygmée, affublé d'un harnais de bataille,
Espère en vain grandir sa misérable taille;
Mais ce n'est que le tiers d'im faux Napoléon.
Dessiné par Faeritziis.
Gravé par Baulant.
P«ri<. — Tire OUI pros.
LA SEMAINE.
La Semaine se précipita tout éplorce à mes genoux.
— Relevez-vous , lui dis-je avec bonté ; qu'y a-t-il
pour votre service?
— Sauvez-moi du déshonneur, me répondit-elle en
versant des larmes. Je suis une Semaine perdue.
— Comment cela?
— Il est question de rétablir la censure dramatique.
Quel désespoir pour moi, si cela arrivait pendant ma
vie ! Je n'ai pas eu le moindre banquet à présider; que
répondrai-je donc lorsque mon juge souverain me de-
mandera : Qu'as-tu fait de tes huit jours d'existence?
Faudra-t-il que je lui réponde : J'ai rétabli la cen-
sure
— Rassurez-vous, ma chère, les choses n'en sont pas
encore là. La commission des théâtres a ses inconvé-
nients, sans doute; mais elle a aussi ses avantages.
Avec elle la tyrannie d'un ministre, celle d'un direc-
teur des beaux-arts est impossible. Mais, à propos, puis-
que nous parlons de théâtres, dites-moi donc de quoi se
plaignent messieurs les directeurs ; tous lessoirs les théâ-
tres regorgent; d'un bout du boulevard à l'autre depuis
le poulailler de la Poule aux œufs d'or, jusqu'au Val
d'Andorre, il n'est pas un théâtre qui ne ferme sa
porte au nez du public désappointé. Est-ce que la Ré-
publique ne serait pas aussi ennemie qu'on le dit des
arts et des plaisirs?
La Semaine essuya en souriant ses larmes hypocri-
tes, et s'assit à mes côtés; causons politique, lui
dis-je.
— Autant dire : Causons élections, reprit-elle. Les
chances continuent d'être pour le général Cavaignac ;
la marée monte de ce côté ; tout le commerce, la ban-
que, la vraie banque, M. de Rothschild, M.Odier, etc.,
voient en lui la seule digue à opposer aux révolutions.
— Les adresses pleuvent de toutes parts ; et si l'on en
croit des gens qui se prétendent bien informés, les
campagnes, si affolées, disait-on, du nom du prince
Louis, seraient bien loin de lui être acquises. — En
voulez-vous juger? Lisez la Presse; sa rage redouble ;
elle s'use les dents ; elle devient idiote, imbécile de
fureur. Quand on sent sa force, on est plus modéré,
fût-on la Presse.
H Emile manque décidément de tact et de générosité,
disait hier un de ses amis. Non content d'attaquer
chaque matin le général, il s'en prend aussi à son père.
Comment voulez-vous que le général lui réponde? Les
armes ne sont pas égales. »
Que dites-vous des efforts tentés par les Baziles du
parti bonapartiste pour faire une montagne de l'af-
faire des récompenses nationales? Et quelle souris a
enfanté cette montagne! Le triomphe du général
Cavaignac ne leur a donc pas appris que chaque ba-
taille était pour eux un échec? Il manque un nom à la
liste, disait un bonapartiste rouge; c'est <celui du
prince. Sa place y était marquée à côté de celui de
Barbes. Tous deux n'ont-ils pas conspiré? Tous deux
n'ont ils pas tué un soldat français, en haine de Louis-
Philippe?
f.O
REVUE COMIQUE
— Ayez donc des amis !
Parlons de l'alliance de la Montagne et de
M. Thiors. M. Lediu-Roliin et M. Tliiers s'entendent
pour s'abstenir en matière de République: lequel des
deux doit avoir plus de honte de servir aux desseins de
l'autre? Quelle est la dupe, si tous les deux ne sont pas
dupeurs?
— Et les pamphlets, ma chère Semaine; on dit que
la province et Paris en sont inondés. — Et cette fois
le Gouvernement
— Le Gouvernement! ne m'en parlez pas; un gou-
vernement de journalistes qui n'a pas un journal à lui:
qui est défendu d'oflice par deux ou trois amis ; qui a
pris M. Yéron pour un homme politique; qui ne ré-
pond pas à la Presxe jour par jour, dans In Presse
même, et qui se contente de démentir dans un coin du
Moniteur du soir les innombrables attaques dont il est
l'objet; vous faites trop d'honneur à un gouvernemcnl
comme celui-là , quand vous le supposez capable de
combattre ses ennemis sur leur propre terrain. — Hélas!
détrompez-vous. Les cordonniers sont toujours mal
chaussés.
— Et le Pape ; oubliez-vous le Pape'?
— Le Pape"? eh bien ! le Pape, chassé de Rome par
un Bonaparte , n'a jias voulu rentrer en France tant
que la question de la Présidence ne sera pas vidée.
Fuir l'un, pour trouver l'autre, il n'y avait pas de
quoi rassurer le Saint-Père.
Ail ! j'oubliais: on a lu dans la Presse du 8 :
On dit qu'une comniaude considérable de bottes à double
fond vient d'ôlre faite dans un très-grand atelier de menui-
serie.
Nous laissons à la saga>:ité des électeurs de deviner à ([uel
usage sont destinées ces boites.
Est-ce plus bète qu'ignoble? est-ce plus ignoble que
béte? Qui pourrait le décider? Des boîtes à double
fond — et ce double fond; double Girardin que
vous êtes, ce double fond, ce serait donc un double
fond qui saurait lire, qui choisirait les votes, tout seul,
à mesure qu'ils tomberaient dans l'urne. La belle in-
vention que ce dcuible fond ! M. de Girardin devrait
bien avoir un double fond de ce genre à la boite où i
laisse, pendant le jour, cuver ses calomnies; entre
toutes, il choisirait au moins les vraisemblables.
— Que tu es candide à ton tour, chère Semaine !
Les électeurs du prince, demande-le au prince lui-
même, ses électeurs peuvent tout croire : ils croient
en lui.
La République éUnt justement dans son ncu\iéme mois, monsieur Vipérin, journaliste venimeux,
que nous connaissons trop, lui présente à l'improvistc un monstre
pour la faire avorter.
Mais ciinn. dilcs-moi un pou |iouri]uoi vous uomniei Louis-Najioîéou".
DamI ma feinrao aime beaucoup les oiïCiuT.
Ce qu'il y a dans le sac, on n'en sait rien ; mais voyez
l'étiquette.
— Une idée l si je nommais Napoléon-Landais î . . .
Ma foi, non!... ce Napoléon-là sait un peu le français ; il
n'aurait qu'à nous faire des calembours î. . ,
Dessiné par BERT.iii.
Gravé par Leblanc.
62
REVUE COMIQUE
LES PARVENUS.
« Voulez-vous parler raison ?
— Volontiers; je suis un homme de poids.
Je n'en doute pas. Vous votez pour Louis Boua-
paite ?
— Certes.
— Peut-on vous demander pourquoi"?
— Je vous le permets.
— En votant pour le prince, prétendez-vous protes-
ter contre la République?
— Dieu m'en garde !
— Alors, vous avez pour lui une sympathie person-
nelle?
— Pas la moindre.
— Vous le tenez au moins pour un homme de ta-
lent ?
— Je sais que c'est un bien pauvre sire.
— Alors, pourquoi diable lui donnez-vous votre
voix ?
— Parce que c'est un nom.
— Qu'est-ce que vous entendez par là?
— J'entends que Louis Bonaparte n'est pas le pre-
mier venu; que c'est un homme comme il faut, un
prince!
— Il faudrait peut-être parler beaucoup pour vous
prouver que cette idée n'est rien moins que républi-
caine; mais passons. Quel besoin avez-vous que le
président de la République soit un prince ?
— Quel besoin?
— Oui, répondez.
— Je veux pour président un prince par égard pour
moi-même ; ma propre considération y est engagée.
Voulez-vous donc que je reconnaisse pour chef su-
prême de l'État M. Pierre ou M. Paul tout court?
— Pourquoi pas, si M. Pierre ou M. Paul tout court
a fait ses preuves.
— Preuves ou non, c'est toujours M. Paul ou
M. Pierre ; et comment voulez-vous qu'un homme
comme moi...
— Qu'est-ce que vous appelez un homme comme
vous?
— Monsieur !...
— Vous avez dit que nous allions parler raison.
— Soit. L'n homme comme moi ! mais sachez que
j'ai gagné un million dans mes opérations commercia-
les; j'ai une voiture et un valet de chambre; je dine
bien, j'ai du ventre ; je porte une grosse épingle eu dia-
mant et des breloques. Voilà ce que c'est qu'un homme
comme moi !
— Et monsieur votre père était sans doute un duc
ou tout au moins un marquis?
— Mon père était un simple ouvrier, monsieur! Il
ne m'a pas laissé un sou, monsieur! J'ai fait ma for-
tune peu à peu, jour par jour, à force de travail , et,
j'ose le dire, grâce à quelque pou d'intelligence. Je
suis le fils de mes œuvres, monsieur!
— Kt cela fait votre éloge.
— Je le crois bien. Je m'appelle Funiichou tout
court, moi! Mais parlez de Fumiclion à qui vous vou-
drez dans le commerce, et l'on vous dira si ma signa-
turc ne vaut pas mieux que bien d'au très plus brillantes.
— Eh bien, M. Fumiclion tout court, soyez un peu
conséquent avec vous-même.
— Comment?
— Trouvez-vous raisonnable, vous Fumichon, lils
de vos œuvres, de vouloir pour président, tin nom,
c'est-à-dire un homme qui soit (ils des œuvres d'autrui?
— Permettez....
— Ne protestez-vous point par là contre votre pro-
pre fortune ?
— Cependant il me semble que la politique....
— Qu'est-ce que vous direz sur la politiciue? Pen-
sez-vous par hasard qu'il soit plus facile de gouverner
un État comme la France que de gérer la maison de
commerce Fumichon et compagnie?
— Je suis loin de le penser.
— S'il vous eijt fallu confier la gérance de votre
maison à quelqu'un, auriez-vons pris un nom ou
un homme capable?
— Dans le commerce, la capacité avant tout; c'est
ainsi qu'on fait les bonnes maisons.
— Les bons gouvernements se font de la même ma-
nière ; est-il besoin de vous le prouver?
— C'est clair comme le jour.
— En serez-vous plus avancé , quand le président
de la République s'appellera le prince Louis ou le prince
de Saint-Amaranthe , si ce président est un niais et
que le pays soit sens dessus dessous ?
— Il est certain que non.
— Eu serez-vous plus lier quand vous pourrez vous
Jire : — Mes correspondants ont fait faillite, c'est vrai ;
je suis ruiné , c'est encore vrai ; mais du moins ce n'est
pas M. Pierre ou M. Paul qui habite l'hôtel de la pré-
sidence, c'est le prince de Saint-Amaranthe.
— Hélas non !
— Vous êtes un bon homme au fond, mais en de-
mandant un prince, vous avez cédé à un sentiment
d'orgueil irréfléchi, mais ordinaire aux parvenus. Je
prends le mot dans sa bonne acception. Vous êtes un
parvenu, M. Fumichon , c'est-à-dire un homme qui
doit tout ce qu'il est à sa propre capacité, et la juste
estime que vous en avez conçue pour vous-même doit
vous faire estimer les autres parvenus comme vous.
Parvenus dans le commerce , parvenus dans la poli-
tique , dans la littérature , dans les arts , dans l'armée,
la République est le règne des parvenus. Injuste pour
eux , vous n'avez pas le droit d'être juste pour vous.
A i;US\r.E DES GENS SIÎRIEUX.
f)3
— Vous pourriez bien avoir raison.
— Cette vrritéotaitdéjà vieille ilu temps ilcl" Encyclo-
pédie; mais les mœurs sont toujours en relard d'un
siècle sur les idées , voilà poiu(iuoi il faut tant répéter
lesclioses. Uappeicz-vous .seulement (pie vous , l'"umi-
chon, fils d'ouvrier, enrichi par votre travail , et au-
jourd'liui un homme considérable, vous ôtes la glori-
fication vivante de la démocratie et la condamnation
des princes. .Ne l'oubliez pas rpiand vous écrirez votre
bulletin ! C. C.
h\ POLITIQUE DK DETAIL.
I.e Spee/iilnr, un dos jouniaux: les plus sérieux et
les plus iniluents de r.\iiglelerro, publie sous le litre,
lu /'oli/if/iie (la Détail, de très-curieuses et très origi-
nales réilexions dont riuimeur n'exclut ni la justesse,
ni la raison, (let article est évidemment de Carlyle,
écrivain et philosophe, justement renommé chez nos
voisins; nous la traduisons littéralement. M. ïliiers.
M. Lamartine et le général Cavaignac pourront trouver
leur profit, sinon leur compte, dans la lecture de celte
appréciation de chacun d'eux, faite par un des esprits
les plus éminents de rAngleteire.
Les liommcs d'État de ce temps-ci manquent, généralement,
d'idées larges et bitn définies, et sont surtout incapables d'un
dévouement absolu. Ils font palriolcs, jusqu'à une certaine
limite, suivant l'enjeu qu'il faut risquer. Lamarline, tout
poétique qu'il est, ne s'aventurera pas dans la bataille élec-
torale pour la présidence de la République, sans prendre ses
garanties contre le ridicule. Tliiers, son aiUipode, ne peut s'é-
lever au-dessus des questious purement nialériellis; sa plus
haute philosophie n'est que de l'crononiie politiciue d'occa-
sion. 11 y a peu d'hommes de celle classe qui brûleraient leurs
vaisseau.i derrière eux. Lepoëte patriote lui-même a toujours
ro'il sur son domaine. Il en rcnille ([ue dans la confusion où
l'Europe est jetée, il ne se présente pas un h omme qui puisse
j^uider le peuple et le rallier autour de ses drapeaux, an nom
d'un grand sentiment qui leur soit commun ; il n'y en a pas
un qui soit prêt à périr à la tSche , qui fasse même les sacri-
fices qu'exige le succès. Il n'y a pas de Curtius prêt à se dé-
vouer pour le triomphe de tous. Et ce n'est pas seulement à lu
France <iue s'appliquent ces" observations: il en est de môme
en Allemagne. Les chtfs du pays ne pensent qu'à eux et à
leurs idées plus ou moins bizarres; chaque prince n'est oc-
cu pé que de ce qu'il peut sauver pour lui et sa famille. Tout
a été détruit, mais personne n'a un plan d'action bien étudié,
et ce plan exislàl-t-il, son auteur ne risquerait pas tout ce
qu'il possède pour l'exécuter.
li n'en était pas ainsi autrcf^'is. 11 ne faut pas remonter
bien loin pour trouver des exemples de ces fermes résolutions,
de ces volontés de fer, de celte persévérance indomptable il i
immortalisent les héros et entraînent les peuples aux plus
grandes actions. Napoléon savait mettre des trônes pour en-
jeu afin de gagner des empires. Avant lui , Robespierre mar-
chiiit à son bul, à travers le sang et les haines. Nelson, quand
il avait arrêté son plan de bataille, ri^qu3it une flotte four
une victoiie. Consultez l'histiire, et vous verrez tous les
grands hommes non-seulement risquer leur vie (c'est ce que
font tous les jours les agents de police, au milieu des disputes
d'hommes ivres), mais accept r toutes les conséquences de
leurs actes. Cromwell, la Bible d'une main, l'épée de l'antre,
n'aurait point été arrèlé par un lion. Pour lui, il n'y avait qcc
la victoire ou la défaite, le iricir.phe ou la dcslinciitn. Bruns
m arcbait a Philippes.César passait le Rubicon avec cette résolu-
tion qui fait les héros, de vair.cre, et csrs icus Us cas dt n : i
cher en avant. C'est l'audace qui a sanvé Tbémistocle ; Venise-
aurait pi-ri à Chio/,za sans des sacrifices dése.'prrés de sang et
d'argent; et, de nos joitr'.s, Washington, abandonné par pres-
que toutes ses irorrpes, dont 11 ne lui restait plus qu'un faible
noyau , est parvenu à maintenir le blocus de Boston avec
l'ombre f;'une arn ée , et à battre le général Gage avec les
seules fjrces d'une volonté inflexible. Washington était un
colonel diins l'armée anglaise, il avait une certaine fortune, et
une grande dose de prudence; eh bien! il a tout risqué, sa
vie, son rang, sa fortune; rien ne l'a arrêté; il a toujours été
en av.inl, et c'est ainsi que souvent, sans argent, sans armée,
même sans espoir, il est parvenu à faire passer tant bien que
mal, à ses concitoyens, les jours de tribulations, et à fonder
une républiciue en dépit de la Grande-Bretagne.
Mais de telles vertus ne conviennent pas à notre système de
détail. Nous ne les trouverons que parmi Jes gens qui ne sont
guère err renom aujourd'hui: les barbares Croates, les Ita-
liens, si dégénérés, qu'ils se ressentent encore de l'ancienne
domination militaire du moyen âge, les Arabes algériens, qui
ont coûté tant de sang à la France.
Cavaignac, avec ses rudes façons de soldat, nous parait
marqué de ce cachet héroïque, ([ui a presque entièrement
disparu de nos jours. Dans les grandes occasions, et dans les
questions de sa compétence, il s'est montré, indépendamment
des règles de la politique technique, doué d'une résolution
inébranlable. Il va droit au but, sans s'inquiéter du bruit qui
se fait autour de lui. Chargé de défendre Paris, il le défend
suivant les règles, sans égard aux reproches et aux objections
des hommes de robe. Calomnié, il .défie ses adversaires et
mar-cbe à la tribune comme il marcherait au canon. Il ne re-
doute pas, lui, les conséquences. Orateur des plus médiocres,
il étonne tout d'un coup Paris par l'éloquence de sa défense,
le vulgaire confondant l'éloquence des faits, de la détermina-
tion, des réalités, avec l'adresse du langage. Cavaignac ne
connaît que les faits, et les enfonce jusqu'à la gorge dans la
bouche béante de ses adversaires. Là où il prend sa position,
il demeure sans que rien puisse l'en arracher; vous pouvez
le couper en pièces', mais non le faire reculer. Sa force ne re-
pose pas sur des subtilités, c'est contre le fait brutal que
ceux qui luttent contre lui doivent absolument se heurter. Ses
idées ne s'étendent ni ne s'égarent contre son gré; elles sont
positives; toute sa puissance est toujours au service de sa
résolution ; s'il est déterminé à s'abstenir, rien au monde ne
le fera mouvoir; s'il veut frapper, il frappe de toutes ses
forces et le sabre arrive jusqu'aux os. Il ne s'atlache pas aux
petits avantages, aux profils de détail, il lui faut toutou rien.
Toutes les fois que son ministère s'est jeté dans des combi-
naisons de détail, soyez sur que Cavaignac ne l'a pas suivi.
C'est un soldat, ce n'est pas un boutiquier. C'est lui qui le
premier a jeté l'ordre au milieu de l'anarchie; de la lame de
son sabre a lui le premier éclair de paix dans cette tempête
sanglante; son canon a dominé le chaos et a annoncé le réta-
blissement du pouvoir dans l'Ét;.t. En marchant droit au but
sans que rien l'ait arrêté, le soldat est arrivé à un résultat
que le rci-détaillant n'avait pu atteindre en cherchant à sub-
stituer les ressources de l'intrigue à la puissance de la force.
Louis-Plrilippe a pu être un excellent instrument poirr des
temps tranquilles et heureux , mais il ne pouvait plus servrr
au moment d'une grande crise nationale.
Audaces foi-tuna juviit.
Dc»iiié par Otto.
Cruvé par DliEVlliKli.
REVUK COMIQIIK A I/l'SAGE DES GENS S|::UIKlix.
65
SAINT CimiSTOPlIli ET LA Ri:i'LTiLlQLI-:
En tc loiiips-li il y avait un liiMiiiiii' ipii s'appelait
(',luiï.ti)plie, cl voici |)our([iioi :
O'iitail un géant qui faisait métier do passer les voya-
geurs qui voulaient traverser un lleuve à un endroit où
il y avait un gué.
l'n jour qu'il était assis, attendant les prati(|ues, il
vit venir vers lui un tout petit enfant qui lui demanda
s'il croyait pouvoir le porter sur ses épaules jusciu'à
l'autre rive. Le géant sourit à cette question, lui dit
qu'il avait porté de bien plus lourds fardeaux que lui;
et il le prit et le mit sur ses épaules.
Mais à mesure qu'il avançait dans le gué, le poids
devenait de plus en plus lourd; et enfin, succombant
sous le fardeau, il n'arriva qu'avec une peine et une
fatigue extrêmes à la fin de sa tiîche.
Cet enfant était Notre-Seigneur Jésus-Christ, et c'é-
tait l'intelligence qui écrasait la matière. C'est pourquoi
cet homme l'ut saint.
Dans ce temps-ci, un autre tout petit enfant d'un an à
peine eut un instant la fantaisie de se faire porter à un
passage très-périlleux, sur les épaules d'un iiomniequi
ne s'appelait pas Christophe, mais qui était le neveu
d'un géant. Celui-ci était présomptueux, il accepta.
Il croyait la chose d'autant plus facile que son oncle
le géant avait pendant quelque temps porté la sœur
aînée de la petite fille, et que, fatigué de la porter, il
avait fini par la manger. Mais il était si grand et si fort
(ju'on jiouvait bien lui passer ce caprice.
Le neveu du géant espérait trouver une occasion
pour en faire autant. Mais le téméraire n'avait pas les
forces de son oncle ; il ne lit que quelques pas, trébu-
cha, et s'engloutit au fond de l'eau pour ne plus repa-
raître jamais.
Pour ce (juiestdu petit enfant, après avoir fait un geste
d'adieu moqueur à ce pauvre homme, il passa lestement
tout seul de l'autre côté, et, arrivé sur la rive, il gran-
dit, grandit, que c'était U[i plaisir pour tout le monde
de le voir.
Personne ne se soucia plus du pauvie homme, qui
depuis resta toujours au fond de l'eau.
'l'^^ll
G6
REVUE COMIQUE
- La Jievue comique l'appelle une oie, — mais ce tt'est pas une
oie, car le beau d'une oie est de sauver le Capitole, et celui-là
en est incapable.
— Tout cela n'empêchera pas Mosieu de voter pour lui.
LES CLUCS EN PLEIX YENT.
^ i te lieux Ikiiicï.-, qiinlrc plantlies, un Iréleau, un
échafaudage quelconque, l'aris ne saurait se passer
plus longtemps de huslings.
A tous les coins de rues , sur les places publiques,
dans tous les carrefoui's, sur les boulevarls, nous
avons des clubs en plein air où l'on discute les candi-
dats à la présidence, mais ce sont des clubs de conver-
sation, la tribune y manque, que voulez-vous que
fasse un orateur ?
11 s'épuise au milieu des groupes, il argumente à
droite, il argumente à gauche, il discute des pieds, des
mains, des coudes, mais sa voix meuit étouffée dans
la foule ; il n'a pas le libre jeu de son argumentation,
son éloquence reste inutile comme une épée qu'on a
à son côté, mais qu'on ne peut tirer du fourreau. Si
au moins auprès de l'orateur il y avait une borne !
mais la borne a été supprimée depuis longtemps par
les progrés de l'édilité, ce n'est plus qu'une illusion,
nne métaphore, un trope, un souvenir!
Je ne comprends pas le suffrage universel sans les
hustings.
Vous voulez donc naturaliser en France les orgies
électorales de l'Angleterre et de l'Amérique ? Quoi !
nous verrions au milieu de notre Paris civilisé, se re-
nouveler sur un cirque de quatre pieds carrés les
cruautés du paganisme ? Ici c'est un orateur qu'on la-
pide, là deux orateurs se prcnnentau.t cheveux, et font
de l'escrime à poing formé. Ilurrah [)our le gladiateur
rouge! bravo pour le gladiateur tricolore. Celui-ci a
le nez écrasé, le front de l'autre est ouvert, ^"y aura-
t-il pas dans la foule quelque âme sensible pour lever
le pouce et mettre un terme à ce combat ? Laissez donc,
le peuple souverain s'amuse, il est venu ici pour voir
tirer la savate électorale, il ne s'en ira pas avant d'avoir
vu cinq ou six orateurs sur le carreau; le peuple ne
demande que punem et circenses, plaies et bosses.
L'origine des hustings se perd dansia nuit des temps ;
le jour où Diogèue dressa sur son toimeau deux plan-
clies transversales et se servit decette tribune pour par-
ler aux citoyens, il inventa les hustings. Ne soyons pas
plus fiers que les Athéniens, et ne faisons pas fi de cotte
éloquence qui ne déguise rien, et qui ne craint rien.
Les Anglais et les Américains dont vous parliez tout
à l'heure, nous valent bien sans doute, et ils trouvent
tout naturel que des candidats qui après tout se font
les solliciteui-s du peuple, lui adressent leur requête
avec les formes qui peuvent lui plaire, et dans la langue
qu'il connaît.
Nous n'eu sommes pas encore là. Les candidats ne
descendront pas cette fois sur la place publique, mais
ils y viendront tôt ou tard ; il serait absurde d'en dou-
ter, et puéril de le craindre. Il y a vingt ans que les
hustings préservent l'Angleterre des barricades.
Et d'ailleurs ces clubs en plein vent, ces réunions
A i;ilSACF, DIvS f;ENS SI^IUIKIIX.
07
ipii' nous voyons se former le soir, ù l'iunire de lu ces-
siilion (les Inivaiix , smil-ils nu fond plus |mciri([iies,
plus digues ([iif les iiustiiif;s? Non, mille l'ois non. l.à
les trois quarts des audileurs n'aperçoivent pas l'orn-
teur en face; là les l)rij;ues et les menées ont beau
jeu ; ce que Diogène lui-nic^mc n'eiU pas osé dire du
iiaut de sa tribune en plein soleil, on le murmure tout
l)as, on ne clierclio pas à émouvoir le peuple, mais à
le séduire. I/intrigue circule dans les groupes; l'élo-
quence seule agit sur les hustings. Quelle éloquence,
bon Dieu ! Qu'importe , nous ne sommes pas des pro-
fesseurs de rbétoriiiue, et j'aime bien mieux entendre
un mauvais discours , que de ne pas entendre ce que
certaines bouches peuvent glisser à l'oreille des gens
ignorants au milieu d'un rassemblement.
Mais d'où vous vient, mon pauvre ami, cette joue
enllée-?
— J'ai perdu deux dents à la porte Saint- Denis, à
vouloirdire quelques niotsen favenrde Louis-Napoléon.
— Et vous, mon brave, pourquoi ce tatouage au-
dessous de l'a'il '?
— Parce que j'ai essayé sur la place de la Bourse de
convertir quelques ouvriers aux idées napoléoniennes.
Des dents brisées, des yeux pochés, des nez écrasés
par la politique, on n'entend plus parler que de cela
depuis que les clubs on plein veut existent. De ce côté-
là , ils n'ont déjà rien à reprocher aux hustings. Si
après l'élection du président, on faisait un relové des
blessés des diverses candidatures , je suis sur qu'on en
trouverait pour le moins autant h Paris qu'à Londres
ouàNew-Yorck. Seulement, bien plus philanthropique
que l'Angleterre ou l'Amériiiue, la France trouverait
alors dans son sein un citoyen pour proposer de con-
vertir les Tuileries en hôtel des invalides électoraux.
Les clubs les plus noiid)reiix sont ceux qui se réu-
nissent sur les boulevarts et sur la place de la Bourse.
Celui de la place Vendôme est entièrement composé de
domestiques. La haute cl i)asse livrée, l'office et l'an-
tichambre, les marmitons et les suisses s'y réunissent
non point pour discuter, leur vole est acquis quand
même au prince Louis, mais pour le saluer à son pas-
sage. C'est escorté de ces acclamations touchantes qu'il
se rend à l'Assemblée nationale lorsqu'il s'y rend , ce
qui lui est bien ariivc trois fois depuis sa rentrée.
Le badaud abonde dans les clubs en plein vent, le
badaud nuit essentiellement à l'orateur. 11 demande
sans cesse : Qu'y a-t-il'? Qu'est-ce? Qu'enlendez-vous
par là ? N'est-ce pas que l'Empereur n'est pas
mort? etc., etc., etc.
Je sais bien qu'on leur répond on général par des
renfoncements, mais à la longue les renfoncements
même fmissent par paraître médiocrement comiques.
Aussi jusqu'à présent les clubs en plein vent n'ont-ils
pas tout le succès qu'on pouvait en attendre. Le cu-
rieux commence à les dédaigner; l'hcmme timide les
évite, vous verrez que bienlôt ils dégénéreront en forum
do gobo-nionchos et de nouvellistes. Ils remplacent
l'ancien arbre do C.racovie.
LE PARTI DES DOMESTIQUES.
C'est un parti nombreux ot important, et qu'il n'est
point facile, quoi qu'on on dise, do faire voler contre
ses opinions.
Mais quelles sont ses opinions?
Pour cola, je l'ignore, tout ce que je puis vous dire,
c'est que la livrée pense, la livrée agit, la livrée est un
parti, demandez-le plutôt à l'ancien régime. Les deux
plus grands ennemis de l'aristocratie ont été les philo-
sophes elles valets. La révolution se fit le jouroù Figaro
emporta d'assaut la bastille du Théâtre-Français.
La livrée cependant n'était point unanime; mais où
est l'unanimité? Crispin, Frontiii, Jasmin, Lafleur
endossèrent la carmagnole révolutionnaire, tandis que
Bourguignon, Dubois, Laverdure, Bemy, la Jeunesse
passèrent le Rhin avec l'émigration, se cachèrent dans
les caves de leurs anciens maîtres, ou portèrent leur
tète sur l'échafaud. Ils tenaient à leurs privilèges et
ne voulaient pas déposer leurs galons sur l'autel de la
patrie.
Crispin, Frontin, Lafleur, Jasmin, Pasquin,ont de-
puis longtemps quitté le service. La révolution leur
ouvrait une carrière brillante, ils l'ont suivie, et c'est
poiit-ètre un des plus utiles bionfails de cette révolu-
lion d'avoir aboli celle domesticité effrontée, intri-
gante, mendiante, cynique, s'essayant à l'égalité par
l'égalité des vices, faisant descendre l'aristocratie à son
niveau, tyrannisant les familles dont elle possédait tous
les secrets, remplaçinl enfin le confesseur par le valet.
Tartufe par Pasquin.
Mais ne nous laissons point emporter au vol de la
philosophie; pmdo majora cancamis, prenons-le sur un
ton plus modeste.
Vous fignroz-vous le jour où ce pauvre la Jeunesse
sortit enfin de ce souterrain où il avait passé les cruel-
les années de la terreur, ce trou sombre où la petite
laitière du château venait chaque matin , au péril de
sa vie, lui apporter sa nourriture? Et Dubois, l'in-
tendant Dubois, et Bourguignon, le valet de pied gras
et fleuri? on vient leur dire tout d'un coup qu'ils sont
libres, qu'ils peuvent se montrer au grand jour, que
personne ne demande plus leur tète ! Les voilà qui sor-
tent de leur cachette , et leur premier soin est de se
REVUE COMIQUE
La Grenouille et le Bauf.
LE PRINCE POUR RIRE, parle a haute voix en arpentant son salon
à grands pas.
De Itclat de mon nom le peuple est ébloui.
l'écuo Oui.
Âussî<«es buUelins porteront tous mon noiu,
L'ÉCHO Non.
rendre au château ou à l'hôtel. Bien souvent le châ-
teau est hnilé, l'iiôtel en ruine ; les maîtres sont ah-
sents ou morts. La Jeunesse, Duhois et Bourguignon
ne sont plus les domestiques de personne, c'est tjgal,
leur premier soin est d'endosser leur livrtje, de se
promener dans cet équipage, d'affronter le muni-
cipal et l'ancien président du cluh. Qui l'eût dit"?
cette livrée est poureu\ le signe de l'affranchissement
et de la liberté !
Qui leur a fait ces doux loisirs? Bonaparte. Qui est-
ce qui a ramené les lourdes perruques, les gros co-
chers à triple collet, les bas de soie, les culottes cour-
tes, le feutre galonné, l'habit à la française? L'empe-
reur Napoléon. Ceci peut vous donner l'explication de
kl ptilitique du parti des domestiques.
Hériter à ce point d'un oncle, qu'on lui doive tout,
même la sympathie des laquais. C'est honteux!
Lisette et Marton travaillent dans l'ombre la matière
électorale. On avait de si bons prolits sous l'Empire;
l'amour était de courte durée, mais il était généreux,
c'est ce qu'il faut aux confidents de l'alcôve ou <le
l'antichambre. C'était alors le beau temps des femmes
de chambre; pour elles c'était bien mieux que l'ancien
régime. Loin d'ici Frontin et Crispin ! Marton et Li-
sette sont devenues riches, elles peuvent épouser un
colonel, et même un général, manchot à la vérité,
mais on n'y regarde pas de si près pour être madame
la générale. Quant à Nanon la cuisinière, qui a eu son
premier tué à Waterloo, pour qui voulez-vous qu'elle
fasse voter son quatrième ou son cinquième? car Ma-
non a plus de quarante ans, mais elle est encore fraîche
et a])pélissante pour un tourlourou de vingt ans?
Et puis elle a des économies, et le fruitier du coin,
qui est veuf, est trop habile pour ne pas se laisser iii-
lluencer par mademoiselle Nanon.
La République a donc de rudes eimemis à com-
battre. Les souvenirs de la grande livrée, les profits
de Marton et de Lisette , le bouillon de mademoiselle
Nanon et son livret à la caisse d'épargne , le plumet
de coq des chasseurs , et mille autres choses sembla-
bles; mais la République triomphera de tout cela, la
France ne s'affublera pas tout entière de la livrée; la-
(juais qui attendent un siège derrière une voiture,
poètes, généraux, journalistes, administrateurs aux-
quels on a promis des places , le parti des domesti-
ques ne ti'iomphera point.
SOLDATS, VOILA CATI.N !
La halte est bonne après une longue marche. En-
trons dans cette auberge, le vent fait crier l'enseigne
de fer à la Vieille vivandière; on dirait qu'elle nous
appelle. L'âtre flambe joyeusement. Arrêtons- nous ici;
bientôt nous continuerons notre roule. Encore une
étape, et nous serons au régiment.
A i/usALK DKs c.KNS si::»ii:i;x.
0«.»
Kl les jouiios suMats l'iilirrenl.
Ijx lille (riuilifrpe les salue de son plus gracioux
sourire; on leur fait place au foyer, place à la lalile ;
les enfants de l'In^te traînent les lourds havre-sacs dans
la,sallc voisine ; le plus A^'é transporte un à un rlia(|ne
fusil dont le puids l'ait ployer ses épaules, ("est l'accueil
que reçoit partout le soldat eu France, mais avec un
grain de liienveillance et d'atnitié de plus, ("."est (|ue la
mère de l'hôte a l'ait toutes les guerres de la révolulicui;
elle a été vivandière, elle a >u ri';|.'ypte, l'Italie, l'Ks-
pague, rAlleniagne. Aussi voyez connue son lils en est
lier.
o On est-elle'î se deniauileiit alors les jeuiies soldais,
nous voulons boire à sa santé.
— Kt rin tin tin, lép.md une voi\ chevrotante, sol-
dais, voilà Catin I »
I,a vieille se luonlre en uu-nie temps, le chef un ])eu
tremhiant, la taille un peu voûtée, mais Td-il hrillaiil
encore, et l'air robuste malgré les rides. C'est elle ipii
va verser le coup de l'étrier à ses hôtes.
a A votre santé , la mère, et à celle de l'Knipereur 1
— De quel empereur voulez-vous parler?
— Parbleu, de celui que nous allons faire.»
La vieille poussa un petit éclat de rire.
« Mais, mes enfants, reprit-elle, savez-vous com-
ment case fait un empereur"?
— Ou écrit le nom de I.ouis-.N'apoléon Bonaparte
sur un petit morceau de papier, et l'affaire est faite.
— Oui-dà, ils disent tous la même chose, le sulfragc
universel ! Nous savons bien que le suffrage universel
n'est pour rien dans tout cela, nous autres qui en avons
fait un d'empereur.
— Vous?
— Cela vous étonne, mes enfants, c'est pourtant
comme cela. Moi qrù vous parle, je suis partie comme
vivandière lors de la levée en masse, aux cris de vive
la République 1 Plus de vingt gars du village sont par-
lis en même temps que moi. Nous comptions être de
retour après avoir chassé l'étranger, et reprendi-e qui
l'aiguille, qui la bêche et la charrue, mais ça n'a pas
été fait en un tour de main ; nous nous sommes tant
battus qu'il nous a semblé que nous ne pouvions plus
faire autre chose. Le drapeau du régiment nous avait
fait perdre de vue le clocher du village; nous ne con-
naissions plus que notre général , si bien qu'un beau
jour nous avons voulu qu'il devint le général des bour-
geois conmie le général des soldats, et nous l'avons fait ^
empereur. Nous lui avons donné une couronne eu re-
tour de vingt victoires. Voilà, mes enfants, comment
se font les empereurs. »
La vieille reprit après un moment de silence :
« 11 ne faut pas croire que plus d'une fois nous ne
l'ayons regretté. Un empereur, voyez-vous, ça finit par
devenir gênant. Il donne des croix, des épauletles , des
titres, mais il faut le suivre aujourd'hui, demain, tou-
jours; on se bat pour lui , on se fait tuer [lour lui , o
Le Renard et les Uaîï
Oa prétend que Caligula
Fit son cheval consul de Rome.
Quoi d'éloanant.â crlu î
Eo France, on va bien au delà;
Puisque d'aucuns veulent qu'on nomme,
Se basant sur ce précédent,
D'une autorité fort antique.
Un âne comme président
De notre jeune République.
70
REVUE COMIQUE
n'est plus un lionmic , on n'a plus de patrie. Les an-
ciens sentaient cela, quoi qu'on en ait pu dire; Lien
souvent pendant les nuits de bivouac, je les voyais tris-
tement rangés eu cercle, silencieux et rêveurs. Alors,
j'arrivais avec mon rel'raiu : Uin tin tin, soldats, voilà
Câlin !
a Les tètes balafrées des grenadiers se levaient vers
moi, leurs yeux pensifs s'illuminaient, ils me faisaient
une place devant le foyer. C'est que ce n'était pas seu-
lement de la liqueur que je leur versais, mais des sou-
venirs. Je leur parlais de Marceau, de lioclie, de Kléher,
je leur chaulais la Marseillaise, le Chant du ilépart,
et tout bas ils répétaient les refrains républicains. Alors
on eût vu plus d'un de ces vieux grognards essuyer
furtivement sa paupière. Souvenez-vous, jeunes sol-
dats, de ces larmes de vos pères. »
l.a voix de l'aïeule sembla s'attendrir.
« Et moi aussi je pleurais, car je me souvenais de
celui que j'avais voulu suivre, et qui chantait la Mar-
seillaise lorsqu'il tomba frappé dans mes bras sur les
rives du Rhin, en criant . Vive la liberté !
« Enfants, croyez-moi , si la grande-armée aimait
Catin, c'est ([ue Câlin, c'élail pour elle In P>épul)li(|ue,
c'est-à-dire la jeunesse, l'élan, l'enthousiasme de la
patrie et de la liberté, que le fanatisme de la gloire ne
remplace jamais. C'est ce que j'aurais voulu dire au
chansonnier qui a écrit mon histoire. Pauvre Répu-
blique! ils ne l'ont pas revue, les braves qui sont
morts ! ils l'auraient saluée et bénie. Ce n'est point de
leurs mains mutilées qu'on eût pu attendre un bulletin
pour ressusciter le fantôme de l'Empire.
« Soldats, rappelez-vous les paroles de la vivandière :
On ne meurt bien que pour la patrie. Je le sais, moi,
qui ai recueilli les dernières paroles de tant de vieux
combaltanls. Rnvez à leur mémoire et à la jeune Ré-
publique ! »
El comme rajeunie par ses souvenirs, la vieille ver-
sait d'une main moins tremblante la liqueur aux jeu-
nes gens, en répétant d'une voix plus claire et plus
ferme : Riu lin tin , soldais , voilà Catin !
Les hôtes lui répondaient en criant : Vive la Répu-
blique ! Ce cri lunglemps répélc par l'écho, se perdit
enfin avec les pas mesurés des soldats qui disparurent
sur la route dans l'ombre du soir.
Réranger, Béranger, ajoutez donc ce dernier couplet
à la chanson de (!alin.
LA TOUR DE B.\BEL.
l'n Picard qui était venu d'Amiens pour être socia-
liste , prit un cabriolet à l'heure et dit au cocher de
le conduire chez M. Lcdru-Rollin.
Il se trouva que le cocher était un citoyen des plus
avancés , homme de bon conseil et en état de prendre
la parole dans un club, de sorte qu'il recoimut bien
vite l'ingénuité du Picard, et tous deux se mirent à
disserter chemin faisant, sur l'avenir humanitaire.
— Vous le voyez , dit le Picard , je suis un patriote
de bonne volonté qui ne demande qu'à prendre ses
grades dans le socialisme ; c'est pourquoi je vais me
présenter au citoyen Ledru-Rollm pour qu'il m'impose
les mains.
A ces mots le cocher ricanant avec amertume :
— On voit bien, dit-il, que vous arrivez d'Amiens.
ne|)uis vingt-quatre heures, il a été reconnu que Lcdi-n-
Rollin était un faux frère. Le club Montesquieu l'a
signalé hier comme traître à la République ; dans une
lettre publiée ce matin par les journaux, le saint
Blanqui assure que Ledru-Rollin est un ennemi achar-
né du peuple. Aussi vous pensez bien que je ne vous
conduirai pas jusqu'à sa porte, mes opinions me le
défendent. Descendez ici, vous n'avez guère que deux
cents pas à faire dans la rue, et il ne pleut ])resque
])as.
— Je ne descends |)as, s'écria le Picard; je tiens à
avoir ce qu'il y a de mieux porté en socialisme. Puis-
que Ledru est un ennemi acharné du peuple, menez-
moi chez Proudhon.
En route, le cocher dit au Picard que Proudhon
n'aurait peut-être pas le temps de le recevoir, parce
qu'il se battait le matin même avec un autre socialiste ;
— Je tombe de mon haut, dit le Picard ; les socialistes se
battent donc entre eux? Et la fraternité! — Tu raisonnes
comme un mouchard , dit le cocher. Le Picard liumi-
hé, se rejeta dans le fond du cabriolet et ne souffla
mot.
Arrivé chez Proudhon, il le trouva effectivement qui
descendait l'escalier avec une boite de pistolets sous le
bras.
— Lisez mes livres et mon journal, lui dit le socia-
liste en le regardant par dessus l'épaule; au surplus
vous avez bien fait de vous adresser à moi ; tout le reste
est un amas de crétins. Et il passa sans lui en dire
davantage.
Le l'icard se fil alors conduire chez Pierre Leroux.
— Monsieur, lui dit-il, j'arrive d'Amiens pour sa-
voir... Pierre Leroux l'interrompit en lui demandant
s'il connaissait la triade. Le Picard pensa qu'il s'agis-
sait de quelque monument d'Amiens; mais Pierre Le-
roux, sans lui laisser le temps de répondre; — Voyez-
vous, reprit-il, un cordonnier est un empereur et un
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
71
l'tiiptM'i'Ui' csl lin cordonnier, c'i'sl la vérilé puro ; (|uaiit
.'( l'i'oiitlIiOM on 110 saurait voir vn Ini qii'ini Vandale;
mais je vous (|ui(le; on m'attend à un linni|uet oi'i je
dois portiM- un toast à saint Crépin.
Le l'ieard avait envie de retourner à Amiens, tepen-
ilantil voulut voir M. C.ahet. — l'icard, lui dit M. Ca-
liel, je suis sur que Pioudlion, Leroux et (Considérant
vous ont dit (pie j'étais un radoteur ; le fait est qu'ils
nnt tous les trois perdu la tête; mais je vois bien que
votre intention est de vous cnihanjucr pour riearic.
Partons, il y a un liacre en bas (]ui nous attend. Le
l'icard s'échappa à grande |)eine et arriva dans les bu-
reaux de /« Itcfurme, où l'on était en fureur contre la
Réjiulilique. Il courut à la IW-imblique où l'on se plai-
iinait ainèrenient de la Itoforme.
— Où donc trouvcrai-je la fralernilé? s'écria dou-
loureusement le Picard.
— A Vincennes , dit le cocher ; c'est là qu'un trouve
lus vrais amis du peuple. En parlant ainsi il regarda
le Picard de travers, paice qu'il le prenait de plus en
pins pour un mouchard.
Le Picard courut à Vincennes. Il ne put voir, à la
vérilé, Blaïupii, Barbés et llas|)ail , mais on lui apprit
que ces trois martyrs habitaient des chambres séparées
et qu'ils n'avaient aucun rapport entre eux |)arce qu'ils
avaient juré de s'élianjjler réciproquement a la ])remière
occasion.
Alors le Picard se fit conduire au chemin de fer du
Nord; il paya ÔO francs de cabriolet, et, sans le poste, le
cocher qui n'aimait pas les mouchards, l'aurait battu :
— 0 socialisme ! s'écria-til, o Proudhon , ô Cabet , ô
Pierre Lero\ix, ô Raspail , ô vous tous qui vous déchi-
rez à belles dents au nom de la fraternité, je serai des
vôtres quand vous aurez échangé un baiser sincère. Il
monta dans le wagon qui partait, revint à Amiens el
reprit sa profession de fabricant de pâtés.
C. C.
jn — ^
Le retour des cendres de celui-là.
IinVAIlD IlF< ITAI.irNS.
ao ceiiilinrN la livralHon.
Niiiii .mil mil III I II 111,1!,, ,,|JJJII|IIIIII||II|IIII|iII|IIhI.MI'i|Ii ,:! f.'ij')- liU,,!,,; , ,';'*
IIIR nlCIlKMEl', .'>2
M l)l>A.L£,
•ndUlons de la Sonscrîpdon. _ La Rewe com.qoe formera un magnifique volume grand in-8, publié ^n SO livrabons à ^^J^^^^'^
p°f" p°Us 40 ceulimes. -Pour tout ce qui conoerue la direction, écrire (franco) à M. L.becï, au bureau de la Revue, 2, boulevard de.
Italiens
DUMINKHA-r, ijUTSVU, 5», RUB BICHEIIXU.
6« Livraison.
Desâiné pai Otto.
Vovrz de ce dessin (|iiel est le sens prolund :
Dansée chapeau fameux, mais qui n'a plus de fond,
Si noire République, hélas ! pique nue lèle ,
Eu passant au travers comine un trait d'arbalète ,
Aux mains du parti rouge elle tombe d'uji bond !
Oui, bourgeois aveuglés, gent débonnaire au l'ond.
On peut vous le prédire, et sans être prophète,
Si la Terreur revient, c'est vous qui l'aurez l'aile.
Gravé par Eal'LANt
liqtie' 'le Lacrampb fiU el rom|i..
LA SEMAINE.
— Quoi ! c'est vous?
— Sans doute. N'est-ce point mon tour de vous
raconter mes aventures.
— Vos aventures ?
— Certainement.
— Eh bien ! repris-je d'un ton goguenard, voyons
vos aventures, ma chère Semaine.
— Eh!... j'ai nommé un président de la Républi-
que.
— Et vous appelez cela une aventure?
— Évidemment , puisque c'est une affaire h laquelle
le hasard a eu la plus grande part.
I — Je vous passe donc votre aventure présidentielle.
Alix autres maintenant.
La Semaine, embarrassée, garda le silence.
— Vous n'avez absolument, ma belle, lui dis-je,
que des chiffres à me donner : je connais le résultat
général du scrutin, cela me suffit. Allez faire vos ad-
ditions ailleurs; j'attendrai la Semaine prochaine pour
raconter quelque chose d'amusant à nos lecteurs. 11
faut espérer que d'ici là les événements ne nous man-
queront pas.
Ayant dit cela, je poussai la Semaine dernière par
les épaules et lui fermai ma porte au nez.
COUP D'OEIL SIR Li; NOIVEAI MINISTÈRE.
Quelle sera la couleur du nouveau ministère? Ques-
tion difficile à résoudre, tant l'iiabilelé de ses parrains
s'est exercée à fondre en une douteuse combinaison
toutes les nuances du prisme parlementaire. Les lis-
tes, d'ailleurs, ne sont point closes encore. Chaque jour
y apporte quelque modification. Nous avons tant de
dévouements à pourvoir ! Toutefois, à en juger par cer-
tains choix qu'il est permis de considérer comme défi-
nitifs, c'est la teinte ci-devant centre gauche qui do-
minera, augmentée d'une nuance de gauche dans la
personne du président, adoucie par une addition de lé-
gitimisme, corrigée parla présence d'un élément con-
servateur. Quant à la République, on en mettra sur
l'éliquetle.
Après cela, si le pays se trouve plus mal, la faculté
s'en lave les mains. Elle l'aura traité suivant toutes les
règles du codex. C'est l'honorable conducteur d; l'an-
cienne opposition conslitulionnclles qui est appelé à
couvrir de son nom les actes de l'administration na-
poléonienne. 11 y a longtemps que la probité de
M. Oïlilon Barrot est affectée au service de chaperon.
M. Odiion Barrot sera le chef nominal .sinon réel du
cabinet. C'est donc à lui de prendre le pas. Ab j'ove
principium.
Hélas ! nous le voyions hier encore, et il nous a sem-
blé plus sombre, plus fatidique que jamais. Moins que
jamais son front ne se déride ; les noirs pensers et les
soins pesants alourdissent ses sourcils contractés. Quel-
les préoccupations assiègent son âme inquiète ? Songe-
t-il à l'intervalle qui le sépare encore de ce pouvoir
convoité pendant dix-huit ans, et qu'il n'atteignit un
jour, Tantale politique, que pour le voir emporté loin
82
r.EVLE COMIQIE
de ses lèvres par la vague populaire. Son expérience
lui ferait-elle redouter une nouvelle déception, quel-
que saut de vent semblable ù celui de Février? Ou
bien gémirait-il sur le rôle ingrat auquel l'a soumis
de tout temps et le soumet encore l'égoïste amitié de
son allié, M. Tliiers?
Comme contraste à cette figure désolée, le nouveau
ministre de l'intérieur étale sa face épanouie. Pendant
longtemps, les électeurs de Montauban (extra-muros)
nommèrent à l'unanimité M. de Maleville pour sa
taille héroïque, sa physionomie empourprée et sa voix
retentissante. Quand M. de Maleville montait sur leslius-
tings du Tarn-et-Garonne, il dépassait 'de plusieurs cou-
dées le plus haut de ses compétiteurs, et le meeting,
enthousiasmé d'une aussi incontestable supériorité,
élisait d'acclamation ce magnifique candidat. « C'est le
plus bel homme de la Chambre ! » disaient avec or-
gueil les électeurs montalbanais admis par la protection
de leur député dans les tribunes du palais Bourbon ; et
ils emportaient à Caussade la satisfaction d'avoir doté
l'ordre de choses d'un de ses plus solides piliers.
M. Thiers s'appuyait avec confiance sur le bras de
M. de Maleville ; et il s'y appuie probablement au-
jourd'hui plus que jamais.
Plus frêle d'aspect, M. Léon Faucher possède, à l'en-
droit de l'ancien président du !'=■■ mars, un de ces dé-
vouements de longue date, dont la solidité est à l'é-
preuve. M. I.éon Faucher, entré dans la politique par
la porte du libre échange, ne dissimule nullement son
dédain pour les opinions stationnaires de son ancien
patron en matière de finances et d'économie. Mais une
conformité d'humeur et de vieux liens de subordination
en font un de ses séïdes les plus ardents. M. Faucher
est de plus un des chicaneurs les plus aigres de la rue
de Poitiers. Devant sa dialectique acariâtre, l'enfant
prodige de la rue de Poitiers, M. Fresneau, c'est tout
dire, est contraint de baisser pavillon. Et depuis le ">
mai, il a partagé à l'Assemblée, avec M. de Maleville,
le monopole des interruptions passionnées et des ré-
criminations amères.
Qui tempérera, dans le cabinet, la fougue juvénile
de ces deux ministres introduits, ce nous semble, tout
exprès par M. Thiers pour embourber la voiture,
comme il le dit patriotiquement? Sera-ce l'honnètc et
conciliant M. Drouyn de Lhuys ou le nébuleux M. de
Tracy, placé probablement à la marine pour glisser un
grain de philosophie dans la discipline de nos esca-
dres, où l'on éprouve le besoin de remplacer les coups
de garcette par des démonstrations in balordo ?
M. Passy, le financier, apporte ici la panacée à nos
finances. Cet ex-conservateur de la monarchie saura-
l-il mieux conserver la République?
Devant une nouvelle bataille de Juin, est-ce la ra-
pière de M. le général Rulhières qui sauvera la société
menacée?
Quant à M. de Falloux, qui représente la liberté de
l'enseignement, n'esl-il pas surprenant de voir son nom
accolé aux champions de l'Université, aux hommes
de cette école soi-disant libérale, qui, dans la dernière
Chambre, se montrait moins libérale que M. Guizot?
Certes, si nous étions à la place de M. de Falloux ,
de M. Drouyn de Lhuys, de SE de Tracy, nous goûte-
rions médiocrement de servir ainsi de paravent aux
tours de passe-passe de la rue de Poitiers. Nous aimons
à croire que M. Odilon Barrot, qui a l'expérience de ces
choses, est, au fond, peu flatté de hasarder encore une
fois sa main dans les charbons. Les oreilles ne lui tin-
tent-elles pas du classique refrain : Sic vos non vo-
his?..
Le nouveau cabinet est placé là, dit-on ironique-
ment, pour ressuyer les plâtres. C'est un jeu malsain.
On y gagne des rhumatismes. Quelque soit le dévoue-
ment des hommes qui se sotrt consacrés à cette tâche,
nous ne pouvons supposer qu'il aille jusqu'à jouer
ainsi leur santé. Qui sait, lorsque la maison sera as-
sainie et devenue habitable, s'ils ne se sentiront pas
quelque envie d'y rester définitivement? Le tour se-
rait charmant et de bonne guerre ! et nous ne serions
pas les derniers à en rire aux dépens des chefs ù'em-
plois dépossédés de leurs, rôles par leurs doublin-es
LES HOMMES DU LENDEMAIN.
Dans les changements politiques, il y a quelquefois
des hommes de la veille ; il y a toujours des hommes
du lendemain. Les uns sont exposés à s'entendre re-
procher la constance de leurs opinions; les autres ne
sont jamais convaincus d'erreur, parce qu'ils se laissent
aller au cours des événements. Ceux-là devancent l'ave-
nir; ceux-ci attendent le présent.
IjCS circonstances produisent les hommes du lende-
main, comme la pluie fait éclorc les grenouilles.
Avant le 10 décembre, ils étaient pleins d'hésita-
tion et d'in lilférence ; aujourd'hui, ils chantent vic-
loire, et lèvent les mains au ciel. L'élection est leur
ouvrage ; le nouveau Président est selon le vœu de
leur cœur ; ils n'ont jamais songé qu'à lui, et bros-
sent leurs fracs râpés pour aller réclamer la rétribu-
tion de leur zèle. Jls ont tous des titres; ils ont tous
lies droits ; ils demandent tous des places, n'en fût-il
plus au monde ! Si l'on n'écoute pas leurs conseils; si
on ne suit pas leur impulsion; si l'on ne leur confie pas
la direction des affaires, nous tombons dans l'abomi-
natinn de la désolation. Pauvres gens, qui uni oublié
la fable du Coche et de In Mnuehel
« Je ue suis iju'uue femme, une folle, nue buse. »
— Extrait d'un grand journal.
SUR CERTAINE El'lTKU
Enlre tous les journaux qui, chaque jour, énielknl
Ces récils mensongers dont le peuple est repu,
La Presse est le plus corrompu.
Vous le voyez : les vers s'y metleut !
AVÈNEMENT.
Desigué par le choix d'une foule égarée,
Sur un char triomphal, en costume éclatant;
L'héritier d'un grand nom va faire son eulrée.
Vous le verrez : le char l'attend !
84
REVUE COMIQUE
AU GÉNÉRAL CAVAIGNAC
LA FEMME D l'N DE SES ELE(.TEUI\S.
Mon cher Général,
Vons avez dit le lemleinain des journées de Juin, au
moment même où l'AssemJjlée nationale, unanime ce
jour-là, avait déclare que vous aviez bien mérité de la
patrie, vous avez dit que les républiques étaient ja-
louses, vous pouvez ajouter aujourd'hui qu'elles sont
ingrates.
En effet, la première ville de France semble avoir
oublié qu'ily acinqmoisà peineellcvousavait proclamé
son sauveur. Qu'avez-vousdoncfait pour ètrcabandonné
parcette ville sans mémoire et trabi par elle aujourd'hui.
Quels sont vos crimes?
Permettez, Général, à une femme, à une Parisienne
de vous les dire.
Paris, mon cher Général, nos poêles, nos artistes
l'ont toujours représentée sous la figure d'une belle et
séduisante femme, pleine de grâce encore plus que
de majesté. Vous n'en avez pas jugé ainsi, Général,
vous lui avez fait plus d'honneur qu'elle n'en méritait,
vous l'avez traitée comme une ville antique, vous l'a-
vez forcée au respect, à l'admiration, elle vous a res-
pecté, elle vous a honoré; mais, il faut vous le dire,
Général, on n'aime pas tout ce qu'on admire, et Paris
vous a craint et admiré plus qu'elle n'a pu vous aimer.
Paris n'a pas que des vertus, Général, et si bour-
geoise qu'on la suppose, elle n'a pas, non plus, que
des intérêts. Ses maisons, ses foyers, son honneur, ses
biens vous les avez sauvegardés, c'était beaucoup;
une autre ville que Paris, une ville sage et sensée eût
trouvé que c'était assez, et dans ce jour, jour solennel
où elle a dû se donner, se choisir un protecteur, entre
vous et tout autre, aucune capitale d'Europe n'eût
hésité.
Ce n'est pas Londres , cette fille bien élevée et
toujours convenable de l'aristocratique Angleterre;
ce n'est pas Vienne, cette Vienne battue et pourtant
fidèle, qui, abandonnée de son vieil et imbécile empe-
reur, se livre docilement et sur son ordre à un enfant,
son neveu; ce n'est pas Berlin, qui garde son roi
fantasque, malgré ses représentants eux-mêmes; ce
n'est pas Saint-Pétersbourg enfin, qui baise les pieds
de son redoutable maître, ce n'est aucune de ces villes
qui vous eût préféré votre douteux rival.
Mais Paris est une ville unique, elle ne ressemble à
aucune autre: grande et petite tout ensemble, assem-
blage bizarre de défauts monstrueux et de magnifiques
qualités, quand on a pris toute sa raison, quand on a
toute son estime, on ne la possède point encore tout
entière, on n'est encore que son frère ou son ami. —
Or, Général, Paris est une Parisienne, c'est-à-dire une
de ces Françaises qui ne vieillissent pas, et qui, dans un
époux, cherchant surtout un amant, prennent plus vo-
lontiers l'amant à part de l'époux que l'époux à part
de l'amant, si un miracle ne leur montre pas l'un et
l'autre réunis dans un seul.
A qui la ville de Paris vous a-t-elle préféré, mon
cher Général. Ne le lui demandez pas. Elle n'en sait
rien encore! Ce qu'elle sait, c'est que vous avez eu un
tort envers elle ; ce tort, tort léger mais énorme, a été
de l'enfermer, sans la consulter, dans le cercle de Po-
pilius du mariage quelques jours plus tôt que la chose
ne pouvait lui convenir. — Je te donne six semaines,
lui avez-vous dit un jour, jour fatal, six semaines pour
faire un choix! De ce jour-là, Paris a été perdue pour
vous, hélas! et vous avez été perdu pour elle.
Ce qu'il y a de plus féroce au monde, ce n'est ni un
tigre, ni une hyène, ni un peuple en furie, ni des sol-
dats ivres de poudre et de sang, ni un bourgeois dé-
fendant sa propriété, ni un communiste se ruant sur
celle des autres, c'est une femme aimable, à qui l'on
semble vouloir prendre aujourd'hui ce qu'elle avait
résolu de ne livrer que demain. — Vous avez f;iit de Pa-
ris, en une journée, cet être implacable. — Dût-elle en
mourir, elle devait se venger, — elle s'est vengée!
Que pouvait faire, en effet, cette fille très-fière et un
peu folle en présence de deux soupirants, l'un, grand,
noble, victorieux sans doute, mais pressé, mais impé-
rieux, mais au geste hautain; l'autre, timide, embar-
rassé, soumis, prêt à tout, promettant tout, acceptant
tous les délais; si ce n'est une sottise?
Cette sottise, Paris l'a faite. — Votre tort a été de
ne pas la prévoir, votre faute de ne pas l'éviter. Crai-
gnant d'avoir en vous un maître, elle vous a préféré
votre rival. —Après tout, s'est-elle dit, c'est un fils de
famille, c'est l'héritier d'un grand nom. Je serai nièce
d'empereur, et mon nom sera sonore, c'est une aven-
ture à courir. Et le oui fatal a été dit.
Plaignez Paris, Général, mais ne vous ne plaignez
pas. — Vous auriez été le mari, vous serez... l'amant.
Paris était à peine dans la voiture qui la ramenait
de l'hôtel de ville avec son nouvel époux, — j'y étais
avec elle et j'en parle savamment, — que se prenant
pour la première fois peut-être aie considérer sérieuse-
ment, un long et significatif soupir sortit de sa poitrine,
l'atience donc, Général, le dernier mot d'une femme
n'est jamais dit, le divorce est de tradition dans cer-
taines familles, un jour viendra oi'i vous aurez à par-
donner, pardonnez alors, mais n'oubliez pas. N'ou-
bliez pas qu'une fennne, une ville et une nation, se
prennent et se prendront toujours par leurs défauts,
aussi bien que par leurs qualités.
Vous êtes bien coupable, Général : vous nous avez
crus parfaits. Mahie "■.
A L'USAGK DIÎS GENS SIÎRIliUX.
LE (KUOM'I. Vr.lto.X.
Le liiiiil sV'st ri'();in<lii ijuc .M. Vi'iiin tilait un colo-
nel en rotiaili', et (lue c'éliiil à lui qu'il fiiliail s'adres-
ser |)our obtenir ([iieliiue laveur ili; M. I.ouis IJoria-
|)arle.
» M. Véion, nous disait iiier un provincial, est un
ancien colonel de cuirassiers misa la demi-solde par
les Bourlions en I8iri.
— Vous vous trompez; M. Véron est, au contraire,
un ancien pluuinacien qui a inventé la pàte-Ke-
gnauld.
— Vous voulez dire la cuirasse-Hegiiauld.
— Qu'est-ce (jue vous ajipelez la cuirasse-Ite-
gnauld?
— Une cuirasse d'un nouveau genre, essayée pour
la première fois à Wagram, et inventée par Véron,
alors simple chef d'escadron. L'Empereuren fut si con-
tent, qu'il nomma Véron colonel sur le champ de ba-
taille.
— Qui diable a pu vous donner ces renseigne-
ments?
— l'arbleu ! tout le monde. Lisez les bulletins de la
grande armée, vous y verrez le colonel Véron et ses
cuirassiers mis à l'ordre du jour pour s'être couverts
de gloire. On dit que sa Mlle va se marier avec M. Louis
Bonaparte.
— La fille de qui ?
— Du colonel Véron.
— Mais le colonel Véron, puisque vous y tenez,
n'est pas marié.
— Vous voulez dire qu'il est veuf?
— J'entends qu'il n'a jamais eu femme ni enfants.
— La plaisanterie est bonne. Alors, vous prétendez
que le colonel n'a pas une fille, la charmante Alina?
— Je soutiens que non.
— Et cette fille n'a peut-être pas été élevée par un
ancien maréchal des logis de cuirassiers nommé Brant,
qui sauva autrefois la vie à son colonel dans une ba-
taille?
— Je n'ai jamais entendu parler de Brant, je ne
connais que .Mcrruau.
— l'ossible iiue Brant ne soit qu'un nom de guerre.
Merruau, puisque c'est le véritable nom de Brant,
après avoir été longtemps le brosseur du colonel et lui
avoir sauvé la vie dans une bataille, l'a suivi dans sa re-
traite ; et lecolonel, qui le considère comme son ami, lui a
confié l'éducation de sa fille, la charmante Mina.
— Et Mina doit épouser Louis Bonaparte, qui de-
viendrait ainsi le gendre du colonel Néion?
— On ledit. Fidèle Brant, que tu vas être heu-
reux!
— Vous voulez dire Merruau?
— Soit. On m'a montré hier le fidèle Merruau sur
le boulevard : quelle belle tète de grognard! Deux ba-
VII' l'OLITIori'. l'T LITTi:il Allli:
m:
VIPÉIUIN
JOiniNALISTE ET IM)L>Tri|(-;L.
Vipérin vint au monde tout seul.
Recuei li par des perîODnes chaniable?, il voit en rêve son
ange gardien.
8ti
REVUE COMIQUE
hitVes sur h joue et une moustache on broussailles : un
vrai dessin de Cliarlet ! Je nie suis laissé dire que Mer-
ruau n'avait versé que deux pleurs dans sa vie : ce fut
d'abord le jour où il reçut la croix des mains de l'Em-
pereur, et, plus lard, lorsque son colonel, qu'il venait
de sauver, le serra dans ses bras.
Il versera un troisième pleur, le jour où il si-
o-nera au contrat de mariage de Mina, son élève, avec
Louis Bonaparte.
— Je le crois volontiers. Ce mariage est un acte de
haute politique, qui fera tomber tous tes bruits qui
courent au sujet d'une protendue alliance entre Louis-
îsapoléon et l'empereur de Russie. A vrai dire, le pays
n'aurait pas vu cette alliance avec plaisir, les Russes
ayant toujours été nos ennemis. La campagne de Mos-
cou ne nous a point laissé d'agréables souvenirs. « Ils
sont là-bas qui dorment sous h neige... »
— Je sais le reste ; mais la dot?
— Quelle dot ?
— Celle que l'empereur Nicolas devait donner à sa
nièce.
— Est-ce que vous croyez que le colonel n'a pas de
quoi doter richement sa fille? C'est un colonel à la de-
mi-solde, il est vrai ; mais quand il vit sa carrière mi-
litaire brisée par la Restauration, il se lança dans l'in-
dustrie.
— C'est alors qu'il inventa la pàte-Regnauld?
— Où diable avez-vous pris ce conte? Je vous ai dit
que c'était la cuirasse-Regnauld qu'il avait inventée
sous l'Empire. Rentré dans la vie privée, il fonda une
usine pour la fabrication des cuirasses ; et cette entre-
prise réussit. Des dépôts de cuirasses-Regnauld furent
établis chez tous les pharmaciens, et ces cuirasses sou-
veraines contre les rhumes et les maladies de poitrine
eurent un succès prodigieux. Le ciel bénit les efforts
du vieux soldat, secondé par le lidèle Merruau, contre-
maître de l'usine ; sa iille Mina elle-même tenait les
livres de compte. Celte charmante enfant était la pro-
vidence des ouvriers ; aussi fallait-il les voir se cotiser
tous pour lui acheter un superbe bouquet le jour de
sa fête! Aujourd'hui, le colonel Vcron est le plus ri-
che industriel de France ; et, certainement, il donnera
une dot impériale à sa fille.
— Le fidèle Merruau lui-même n'est pas sans quel-
([iies petites économies, et je suis bien sûr qu'on aura
Ibrt à faire pour l'empêcher de les donner à la char-
mante Mina. Mais il se fait tard, et je vous quitte pour
aller assister à la reprise du Soldat laboureur. »
Comment Vipérin se fit journaliste,
Et passa tonjours pour un homme de mauvaise mine.
A I.ISAf.E DES r.KNS SIIUIKIIX.
«7
UU.NMiZ-.NUlS IMiNC DES NOUVELI.LS Dl. M.
|»l. (.II'.AI'.IMN.
_ Oii »ont iM «iffleti, «a «orpcnti. !
Qu'est dcvcniiM. (leCiiaidin? QtiedevienlM. de Ci- I
raidin? En vain nousle deniandoiisii tous les écliosde ta \
Presse ; le échos sont muets ; la J'ressc ne répond nen .
— Il se fait celer, dit l'un, pour échapper à la cohue
des solliciteurs.
— Un autre : il court sur la loule de Saint-Péters-
bourg où on l'envoie négocier un grand mariage.
— Bouderait-il par hasard, répliiiue un troisième?
— Quoi, déjà!
Au fait, tandis que les plus obscurs d'entre lesvam-
queurssont convoques pour le partage'du butin, seul
le rédacteur en chef de lu Presse manque au gala des
[uirtefeuilles et des places. C'est à peine, infortuné
convive, si la rumeur publique lui a un jour attribue
l'héritage de M. Caussidiére; vingt-quatre heures après
il n'en était déjà plus question.
Avec le quart d'heure de Rabelais, l'heure des désil-
lusions aurait-elle déjà sonné'?
11 est de tels services qu'il devient souvent diflicile
de reconnaître. On se sauve alors par l'ingratitude.
C'est l'expédient des souverains, peuple ou prince. U
uous plait de von- qu'en l'an de grâce 18iH les bonnes
traditions du pouvoir se conservent.
En ce qui touche M. de Girardin, nous ne pensons
pas cependant que l'opinion réclame bien fort contre
ces réminiscences monarchiques. Si /« Presse n'a pas
satisfaction, disait ces jours-ci, avec quelque effroi, un
ami de M. L. Bonaparte, elle est capable de recom-
mencer contre nous la même cami)agne qu'elle a faite
successivement contre M. Guizot, contre le Couverne-
ment provisoire, la Commission executive et le géné-
ral Cavaignac. — Qu'elle recommence, répondit .me
interlocutrice, dont les mâles conseils ne sont point,
dit-on, sans quelque influence dans les conciliabules de
l'hôtel du Uhin.
Si le futur président, au premier coup de plume, fait
jeter le rédacteur de la Presse à Viucennes et, moins
clément que son prédécesseur, l'y laisse pendant quatre
ans écrire les mémoires d'iin journaliste au secret,
croyez-vous qu'il y ait à Paris soixante voix pour pro-
tester? Croyez-vous qu'il y en ait vingt? Croyez-vous
qu'il y en ait dix?
REVUE COMIQUE
El fit sa tétc avec les anciens ami?.
CONFIANCE! CONFIANCE!
Sur le coup de deux heures, Gobseak, N'ucingea ,
Chaudnreille, i'etitrenard , Leiiipoignas et Hapinaud ,
les princes de la (inance, firent leur entrée à la Bourse
au milieu d'un cortège de courtiers marrons, de prè-
teuzs sur gage, d'escompteurs de primes, d'avaleurs
de différences et do coulissiers pattus de la grande et de
la petite espèce.
Aussitôt il y eut un mouvement extraordinaire au
parquet, et les fonds commencèrent à monter.
Grandputois, l'agent de change, échangea un signe
avec lioursicot; son collègue, et un effroyable tumulte
plongea dans le ravissement la foule grouilianle à l'en-
tour de la corbeille. On aurait pu croire que le monu-
ment croulait , et que les sculptures détachées de la
voùle fendue allaient tomber du haut en bas sur le
cinq pour cent. Heureusement le cas a été prévu ;
les sculptures sont peintes à la détrempe, et les murs
sont à l'épreuve de la hausse. Le bruit de la cave
montait jusqu'au grenier , où siège la justice consu-
laire, et l'on vit des magistrats quitter leur fauteuil
et leur toge pour reprendre leur costume civil de
marchands d'huile en gros, d'escompteurs patentés, ou
de négociants en peaux de lapin, et aller faire quelque
coup de commerce dans les fonds publics avec la dot de
leur femme en couverture. — C'était un beau désor-
dre, un véritable effet de l'art !
Les fonds montaient.... montaient toujours.
Gobseak et Nucingen faisaient cercle au milieu du
temple. (Le vieux style revient avec la hausse )
Quanta Chaudoreille et Petitrenai-d, ils circulaient
comme deux fouines dans les bas côtés, entraînant
sur leur piste des meutes de gobe-mouches la langue
pendante.
Lempoignas et Rapinaud , en leur qualité de grands
pvopriétaires de primes et de banquiers fonciers,
s'étaient mis en lapport direct avec la haute pe^re de
l'endroit, comme disent plaisamment les hnanciers du
perron de Tortoni, lorsqu'ils sont assez riches pour
avoir un peu d'argot.
Ce fut alors que l'on put assister à un spectacle
bien fait pour mettre du baume dans l'âme de nos
concitoyens, et pour assurer la reprise soudaine du
véritable commerce. On a vu dans cette journée favo-
rable, reparaître le crédit qui s'était retiré du monde
depuis quelque temps. Crédit a mis un habit neuf;
— bleu barhot à boutons de métal , basques en queue
de morue ; breloques battant sur le devant <i^, la culotte
à petit pont, — et deux montres en sautoir comme au
jours de suprême élégance du consulat.
Confiance ! confiance! voilà Gobseak et Nucingen
qui rassurent les pontes I Allons, messieurs et dames,
faites votre argent.
i
J
A L'IISAGF I)KS Cr.NS SKHir.lX.
«9
— Mon pon ami Cobseiik, dit Nuciiigen ù liaiilc
voix, fuitos-fous les bedilcs iiiïaircs?
— Baron, répond C.olisoak d'un air cap.ii)li', j'acliètu
LiMil nulle cens de renies! — Puis se i)en(hanl niyslé-
rieiiseinenl à l'oreilie de NucingiMi, — Je sais de
sdiiiie ceitaine (pie l'on vient de l'aiie une eominande
iuipoi-laule de manteaux de cour aux tadieurs de la
iiie Neuve Vivieiuie.
— Oli! mon pon ami, s'écrie Nuciuyeu transpoité,
i|ue me liles-lbus là!... J'aciiète tout.
Confiance! conliance! — On éloulVe C.obscak cl Nu-
cmgen. — Les imbéciles, les aigrelins, aclictcurs, ven-
deurs, dupes eldupeurs, joueurs, llàneurs, le paniuel
et la coulisse ne sont plus qu'une même coliue.
— Que dit-on? Quoi! Gobseak et Nucingen acbè-
Icnl?
— Six mille manteaux de cour chez les tailleurs de
la rue Vivienne !
— En vérité ! Boursicot, prenez-moi du cinq!...
— Pu cinq? Qui est-ce qui vend du cinq? au comp-
tant? — Le cinq demandé ! — Vendeurs à "otr. — J a-
cbète !
I.e cinq monte de ô francs.
A ce moment, un personnage perce la foule. C'est
Crocanti, ex-colonel des Cent-Jours si connu à Tor-
loni, par sa redingote à poil. Crocanti est l'iiomme des
nouvelles, ses relations avec les puissances étrangères
et trois danseuses de l'Opéra, en font un oracle : « Eh
bien! colonel, quelles nouvelles? — Messieurs, vtve la
Colonne! répond le colonel Crocanti en se découvrant
avec solennité. »
Ces simples mots produisent un effet d'émotion.
Les plus farouches crocodiles se sentent une larme au
coin de l'œil. — Confiance! confiance ! le cinq monte
à 76. — 1 fr. de hausse-!
Chaudoreille el Petit-Renard ne sont pas gens à ar-
rêter le cours du crédit public. — Je tiens de M. de
Nucingen, s'écrie Chaudoreille avec son adorable naï-
veté, que la garde nationale va être entièrement sup-
primée et remplacée par des constables spéciaux qui
conduiront le soir avec des lanternes les bourgeois dans
les maisons dont ils ne sauraient pas l'adresse. Genre
anglais !
Confiance ! confiance ! le cinq monte comme la ri-
vière. 1 fr. 50 G. de hausse!
— Je ne sais pas trop, continue Petit-Renard, si je
puis sans indiscrétion vous faire part d'une confidence
que je tiens de quelques-uns de ces messieurs de la rue
de Poitiers qui font des affaires ici. Il parait qu'il n'y
aura plus de journaux: on est décidé à s'en passer.
Plus de journaux! confiance! confiance! — On se
précipite sur les coupons. — Encore t fr. de hausse.
Vous savez, ditRapinaud dans un autre groupe,
que nous nous débarrassons de l'Algérie. Mon Dieu oui,
on va la donner aux Anglais, c'est bon pour eux !
Plus d'Algérie! confiance ! et 50 c. de hausse.
liant el le plu»
Fout d'idées ! — Mais c'est toujours de
farine.
Confiance I confiance
90
REVUE COMIQUE
— C'est incontcstableinentaux curés, insinue Lein pei-
gnas à plusieurs financiers dévots, que nous devons Télec-
tion : quand ils le voudront, ils feront nommer Henri V.
Confiance! confiance! notre belle France n'a point
cessé d'èlre catholique ! — 5 fr. de hausse! — Si rheure
de la clôture n'avait pas sonné, on ne sait où la hausse
se serait arrêtée.
Gobseak, iNuciiigen et leurs amis, très-satisfaits de la
journée, s'en allaient en assurant avec autorité que le
futur président était résolu à ne plus jamais laisser
baisser les fonds. — Sur la dernière marche, le baron
heurta le petit jière Lavcrtu, cet imbécile qui escompte
à 4 p. 100 , qui ne prend qu'un demi de commission,
et ne joue jamais. — Et pien, mon prave homme, lui
dit-il, vous n'affre bas fait de bedites affaires.
— Eh ! eh! répondit le père Lavertu, je me réserve
pour le jour oii vos bonnes nouvelles seront vraies; la
rente vaudra cent sous, j'achèterai au comptant.
LA DISCORDE AU CAMP D'AGRAMANï
Nous serions-nous trompés avec tant d'autres? Celui
qu'on traitait d'àne chargé de reiiquesaurait-il l'heu-
reuse opiniâtreté d'un mulet? Tiré à droite par les lé-
gitimistes, moins à droite par les Orléanistes, refuse-t-il
de monter tout à fait sur la Colonne à la place de son
oncle? Aurait-il la raison, ou l'entèlenient, comme
quelques-uns de ses faux amis le disent, de comprendre
que le seul parti en France qui puisse n'être ni jaloux
de lui, ni dangereux pour lui ; qui ne puisse être l'en-
nemi dans sa personne que de l'empereur, c'est préci-
sément ce parti qu'il est supposé avoir vaincu?
Tels sont pourtant les bruits qui courent.
On assure que la guerre est dans le camp d'Agra-
mant: M. ïhiers boude : le Constitutionnel lui est
enlevé; les légitimistes sont furieux ; le prétendant s'a-
vise de prendre son rôle de président au sérieux. —
KEB ACTION.
Résolu de se contenter du certain, il recule devant l'in-
certain, c'est-à-dire devant le piège qui lui était
tendu.
M. Louis-Napoléon Bonaparte est encore un peu
républicain : il parle de la Constitution sans mépris;
— les ministres qu'il choisit sont décidés à n'en point
sortir, à la défendre. On parle de conciliation ; des
propositions sont faites à des républicains de la veille ;
François Arago serait vice-président. —On ne rom-
prait pas avec cet odieux parti.
Le prince, placé en face du quart d'heure de Rabe-
lais, se sentant chanceler sur sa montagne de votes, et
sur le point d'avoir à rendre à chacun ce que chacun
lui a prêté, jette un regard d'envie sur les votes acquis,
bien acquis, au général Cavaignac.
Patience ! patience ! la République vit encore!
LE bERFEST ET LA LIME.
Drtsi-i qui peut se passer de leg nde.
Il se choisit alors un ami bien
iDnocent pour lui donner la ré-
plique.
Et poursuivit son édition quotidienne de
l'An de s'eng en société el de t'en
/aire plusieurs mille francs de revenus.
A l.lISAf.E DES GENS Si::i\IEL'X.
!t|
NOIIVKLI.ES DES DÉPARTKMENTS.
Onassiiri' que neuf mille cinq cenls Corsos vieiineiil il'arri-
ver à Mar>eille. Cliacini lii-nl à la main droite une pelilioii i
l'adresse lin futur Président.
On a classé ainsi ci'S [leliliims :
4.120
80
2,00«
1,200 .
9.500
. deniaiidi'nt un consulat en Italie;
. demandent la prifeelnrc' d'Ajaecio;
. exit;ent lu vice-iiresidenee;
veulent l'Ire colonels de };endarmerie ;
viennent représenter au neveu de IKiuperenr
que le siejje de l'Assemblée nationale doit
élre transfeié à Ajaecio ;
nombre épal, d'iiabilanls de Baslia réclament
cet honneur pour leur ville.
( On assure que le futur Président, pour les
mettre d'aeeiird , inclinerait à laisser le
siège du gouvernement à Paris. )
Trois mille veuves d'anciens compagnons de l'Empereur se
Minl jointes à ce convoi et vont arriver à Paris; elles sont
loHiesparcntfS à un degré trés-rapproclié du prince Louis.
l'Insieurs autres convois de Corses sont egalemet en route,
pir divers chemins, pour P.iris.
Af Conslittilionnel venant n n joiif on aille à In Presse,
M. Véfon .ioiinant la main à M. de Giiardin, s'est
élevé contre rénormité commise, disait-il, par le gé-
nérai Cavaignac, à Tégard de M. de f.irardin. Uien ne
instillait cette airestation aux yeux du journal de M.
Tliieis. Elle n'avait pas de précédent. — C'était un
forfait inouil — Comment se fait-il qu'aucun joiii'-
ual n'ait relevé cetle incroyable assertion?
Qui donc avait emprisonné, mis au secret Armand
Cartel.
Qni donc, après l'avoir accusé sans preuve de com-
plicité dans un odieux assassinat, — celui deFiesclii, —
qui donc fui obligé de le lelâclier? Si ce n'est M.
Thieis, — le patron du Constilulionnell
Et qui oserait, d'autre part, comparer ce qu'il y
avait de révoltant dans la mesure par laquelle M. Tliiers
accusait le noMe Armand Carrel de complicité avec un
infâme scélérat, avec ce qti'avait d'explicable l'arresta-
lioii do M. de Cirardin attisant le feu de la guerre ci-
vile à la veille des journées de juin'?
Nous croyons devoir avertir nos lecteurs que si nous
avons cru pouvoir, dans la personne de M. Louis-Na-
poléon Bonaparte, combattre énergiqucment le candi-
dat à la présidence, c'est-à-dire le simple citoyen am-
bitieux d'un titre et d'un pouvoir dont, selon nous, un
antre s'élait montré plus digne, nous nous trouverions
coupables d'user de la même liberté envers celui dont
le suffrage universel aura fait le premier magistral de
la République.
Contrairement à l'usage où l'on est en France d'at-
taquer le pouvoir dans l'bomme qui en est investi,
nous pensons que ce qu'il faut avant tout respecter et
se garder d'affaiblir, c'est le principe de l'autorité,
quelles que soient les mains dans lesquelles il repose.
A défaut de l'bomme, c'est la fonction, qui, selon
nous, doit être honorée. Nous aurons donc grand som,
.lès que la nomination officielle du président de la Ré-
publique sera définitivement arrêtée, de séparer la
personne du président de la personne de M. Louis-Na-
poléon Bonaparte. L'une nous sera sacrée ; et quand
notre critique touchera l'autre, nous prendrons garde
encore d'atteindre le président.
Mais, comme il tournai! à l'hydro-
phobie, OB le musela pour cause
de sécurité publique.
Entrée de Vipérin en prison. — Effet proluit par sa
présence sur les autres animaux malfaisants et
venimeux.
Pour se tirer de là, il file doux et
offre ses services, dont on ne veut
pas.
REVUE COMIQUE
PKTITE EXPLICATION D INE GRANDE MAJORITE.
AlK : Ai/icu, chiiiismts.
ClIOEUll DES BLANCS.
Pour Henri Cinq on sait noire faiijlesse;
Oui, nous coin liions, sous l'empire des lis.
Ressusciter les titres de noblesse,
En février vainement abolis.
Puisque aujourd'hui le peuple nous écarte.
Pauvres débris des barons féodaux!
A notre élu, monseigneur de Bordeaux,
Pour marche-pied donnons un Bonaparte.
Nos jours viendront, il faut qu'en attendant
Nai)oléon soit nommé président. (bis.)
CHOEIB DES BLEUS.
Sous un vieux roi, qui nous donnait l'exemple,
Chacun de nous cherchait à s'arrondir;
Pour le veau d'or nous avions fait un temple
Qu'une débâcle empêcha de grandir.
Seuls détenteurs de l'urne électorale.
Nous avions droit d'y déposer nos noms.
Ayons un prince, et sans bruit retournon ;,
Par la traverse, à la roule royale.
Nos jours viendront, il faut qu'en attendant,
Napoléon soit nommé président, (bit.)
CHOEl'R DES ROUGES.
Nous avions dit : «La lutte est nécessaire:
Frères, marchons, fermes et convaincus »
Mais Cavaignac, implacable adversaire,
A décimé nos bataillons vaincus.
Inaugurons un pouvoir plus fragile;
Et quand de tous il sera détesté,
Au nom du peuple et de l'Égalité,
Nous briserons cette idole d'argile.
Nos jours viendront; il faut qu'en attendant,
Napoléon soit nommé président, (bis.)
f leine demorali'.- .
Et sur combien uc cliosts avyii.
voile de la pudeur !1!
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
RÉCLAMATION D'UN CUL'UTIER ÉLECTORAL.
Air : Marchong ! n'écriait Mayeux.
93
Vous V(]ilii iioniini', je pense.
Mon prince, et j'en suis ravi;
Mais j' veux une rcconipeuse.
Car je vous ai bien servi.
Pour attirer dans la nasse
Le rictie et le plébt'ien.
J'ai {'.lit (les coules eu niasse:
A vot" tour, faites le luien.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi.
Ou n'importe quoi! {bis.)
Pour votre eauiliilaluie,
lui toui lieux j'ai r('|iauiln
Mainte superbe brochure.
Dont le fruit u'e.-t pas perdu.
Couini' sauveur de la patrie,
A tous j' vous ai révélé;
Dans la Fiance et l'Alfiérie
Que nus canards ont volé !
Pajez-nioi !
Duiinez-nii'i
lin eiiipini.
Ou n'importe quoi.
I'iii<, auprès de la Colonne,
IJans les groupes ameutés,
De votre auguste personne
J'ai vanté les qualités.
Maltraité par des sauvages,
Qui de vous ne voulaient point.
Je n'ai ro<;u, pour mes gage.",
Hélas 1 que des coups de poing.
Payez- moi!
Donnez-moi
Un emploi.
Ou n'importe quoi!
On m'a promis des espèces
Payables dans l'avenir;
J'avais rêvé des richesses,
El je ne vois rien venir.
Je suis accablé de notes
Pour c' que j'ai dit dépenser;
Car c'est en usant mes bottes,
Que j' vous ai fait avancer.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi,
Ou n'importe quoi!
J'ai parcouru la province.
En disant aux campagnards
Que vous étiez un grand prince,
Riche de plusieurs milliards.
De piquette détestable
Obligé de m'abrcuver.
Je suis tombé sous la table,
Alin de vous relever.
Payez-moi !
Donnez-moi
Uu emploi,
Ou n'importe quoi!
Montrez d' la reconnaissance.
Président, si vous avez
Les honneurs et la puissance,
A mes soins vous le devez.
Avoir en décnnliture
Mis r général Cavaignac,
Ça vaut bien un' préfecture.
Et môme un bureau d' tabac.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi,
Ou n'importe quoi! [Ins.)
LES VARIATIONS D l N PARISIEN.
Air : Saluf, petit covsin (jfrmttin.
28 FÉVniEB.
Louis-Philippe est expulsé ;
La nation s'est aflVanchie;
Sa grande voix a prononcé
La chute de la monarchie.
Pour notre France, l'avenir
l-M plein de bonheur et de gloire ;
Il ni-sons-nous pour soutenir (lis.
Le gouvernement provisoire!!!
10 DÉCEMBRE.
Ah! gardons-nous bien de porter
Oavaignac à la présidence.
Pour Bonap irte on doit voter:
RenJons-noiis tous à l'évidence.
Dans la ville et dans le faubourg,
.\vec transport chacun le nomme.
Oublions Boulogne et Strasbourg :
VfVe le neveu du grand homme!!!
1'
Unis'on5-nous pour renverser
Le gouvernement provisoire,
Et ne nous laissons plus bercer
Par mainte pronie.ssc illusoire.
Un seul homme habile et (irudent,
Nous a sauvés de la ruine.
Ah! mes ami-;, pour président
Choisissons le grand Lamartiue!!!
\" JUILLET.
Ah! mes smi-, pour président
Ne choisissons pas Lam irline.
Cavaignac en nous défendant
Briie la discorde intestine.
Sous un chef énergique et loit.
Que l'autorité se condense;
Elevons d'un commun accord,
Cavaignac a la présidence!!!
Mais ce choix peut-il des Français
Changer l'inconstant caractère'?
J'ai vu les dieux que j'encensais
Tour à tour re:iversés à terre.
Si Ton m'invite à remplacer
Celui qui tient le rang suprême,
Ne sachant sur qui me fixer,
Je prétends me nommer moi-même.
Dessiné pir Fabritzius.
Cet homme à l'œil rairon, i\\ù, ccrl.'s, n'est pas beau.
Est connu dans la prisse et dans la pliarmacie,
Par la pite-Regnault, le biberon-Darbo,
Et les premiers-Paris auxquels Tliiers s'associe.
Son image est lidéle, et nous avons pris soin
D'y placer les produits qu'on doit à sa science ;
Môme le biberon dont il aura besoin,
Car son journal tombe en enfance.
Gravé par MoNTIgneul-
nol 1 8VA«D ORS ITALIENS.
3<l rciidiiies Ih livraison.
MUE mCBELIEU, S2
\¥^
.ndlUoosde la Sonscriprton. - L:i Revue comique formera un m,isn.lu[,io volume, gran.l in-8, publié en 50 livraisons à 30 centimes,
^ ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Lirecï, au bureau de la Revue, 2, boulevard de»
lar la poste, 40 centimes. — Pour tout
italiens.
DUMUVKHAT, ÉDITEVB, S9, AUS BICHSLXZV.
7* Livraison.
LK M.\U1U.E IMPREVU.
En prùscnce de Dieu cl devrint le peuple fiMnetiis, je juic île rcslcr fidèle à lu UiaTiiuorE di;mocratioue,
" une el indivisiljle, el de reiiiplii' lous les de\oirs ijuc m'ini])Ose la Goiislilution. »
— Article 48 de la Coiislilulioii. —
P.iiii.— Tire- MU prajsoj m.-cml.|iic» d.' LiCluMPU lil' ol fomi.., rut lliiiiiiillf, ï.
LA SEMAINE.
— Ah çà ! ma chère , dis-je à la Semaine, il n'est
pas permis Je négliger nos intérêts et nos distractions
comme vous venez de le faire.
— Que voulez-vous dire'.' nie répondit-elle; ne
vous ai-je pas donné une revue au théâtre Montansier,
un vaudeville de M. Bayard au Gymnase, et la conti-
nuation des débuts de mademoiselle Lagrange à l'O-
péra?
— 11 s'agit bien de vaudevilles, en vérité ! Comment,
vous avez une chose des plus nouvelles , des plus rares,
des plus choisies, l'inslallalion d'un président de la
République , et vous vous la laissez escamoter.
— Vous avez raison, mais que voulez-vous"? il faut
bien faire quelques sacrifices à la raison d'Ktat.
— Belle raison ! Eh quoi ! la politique s'opposait-elle
à ce que vous nous donniez une fête quelconque , des
ifs, un cortège, un serment en plein air sur la place
de la Concorde; un orchestre monstre, les chœurs de
rOpéra, des lampions, tout cela fait bien. En fait
d'illumination, j'ai été obligé de me contenter du gaz
municipal. Mon portier était navré. C'est, à peine si
on a entendu tonner le canon des Invalides, et encore
n'a-t-on su que le lendemain pourquoi il avait tonné.
— J'ai agi d'après les ordres du président du conseil,
ainsi ma responsabilité est à couvert. Le citoyen Bar-
rot craignait...
— Quoi donc ?
— Demandez-le au citoyen Changarnior qui crai-
gnait aussi...
— Mais quoi donc '?
— Interrogez le citoyen Malloville, ministre de l'in-
térieur, qui redoutait de son cùté...
— Me direz-vous quoi ?
— Informez-vous auprès du citoyen r.ébillot , iiré-
fet de police, qui n'était pas, de son côlé, sans conce-
voir de sérieuses appréhensions.
— Encore un coup, que craignaient-ils?
— Ma foi , je n'en sais rien; mais tout ceci ne me
regarde pas. C'est de la haute politique. D'ailleurs de
quoi vous plaignez-vous, n'avez-vouspas eu une revue?
— Voir cent mille nez rouges, le beau plaisir ! Et
puis, cette revue manquait de gaieté.
— Comment, le colonel Dumoulin à cheval à côté du
président 1 vous ne trouvez pas cela drôle? Et puis, mal-
gré le froid, on a beaucoup crié : Vive la liêpublique !
— Oui , c'est une compensation. A propos, pouvez-
vous me dire de quel ordre le président de la Répu-
blique française portait le grand cordon ?
— De la Légion d'honneur.
— Et où l'a-t-il gagné?
— Le prince l'a dit devant le jury de Strasbourg :
Je l'ai trouvé dans mon berceau.
Je croyais que ce n'était point là que se trouvait
oïdiiiairenient la crois d'honneur, et ni Lannes, ni La-
place, ni...
— Mais tous ces gens-là n'étaient pas princes.
Louis-Napoléon est grand-cordon de naissance. Igno-
rez-vous donc que Louis XIV lui-même venait confé-
rer l'ordre du Saint-Esprit à ses petits-lils le lende-
main du jour où ils étaient nés ?
100
REVUE COMIQUE
— Mais il me semblait que la nouvelle Constitution
avait aboli tous les privilèges de naissance, et qu'il ne
pouvait y avoir des légionnaires de droit divin.
— Oui, mais ici il y a un sénatus-consulte. Le ci-
toyen Odilon Garrot range les sénatus-consulte au nom.
bre des faits accomplis. Acceptons donc sans murmurer
îe grand cordon du président de la République.
— Va pour le grand cordon ; mais les épaulettes de
lieutenant général, qui ont brillé sur les deux épaules
du président, que vous en semble? Feu le système de
Louis-Philippe ne donnait aux princes leurs grades que
l'un après l'autre. Que doit penser de ces épaulettes
le vieux général Lebreton? J'espère bien qu'après avoir
attaqué les promotions illégales du général Lamori-
cière, il va, en honnête homme, monter à la tribune
et dire leur fait à ces malencontreuses épaulettes...
— Vous êtes fou, mon cher; le général Lebreton,
comme pas mal d'autres vieux grognards, est fort ai-
mable quand il n'a pas devant lui les jeunes officiers
autrefois ses inférieurs, aujourd'hui ses supérieurs; il
pardonnera tout, sinon au président, au moins au
prince.
— Vous croyez'? Alors, passons à d'autres tableaux.
Voyons un peu, chère Semaine, ce que vous avez fuit
à l'Académie?
— J'ai ressuscité feu Monlhyon.
— Quoi ! ce vertueux philanthrope existerait encore?
— Oui, sous le pseudonyme de M. Delestre-Poirson.
Cet estimable directeur vient de fonder des prix de
vertu, de bon sens et de géographie. Mille francs à la
vertu, mille francs au bon sens, ])ourvu qu'il n'outrage
pas la langue française, et mille francs à la géographie,
à condition qu'elle sera domiciliée dans le douzième
arrondissement. Deux mille francs seront ensuite ac-
cordés à l'éloge du général Cavaignac, soit eu vers, soit
en prose. Ici une petite difliculté se présente.
— Laquelle?
— C'est que r.\cadémie ne peut vanter (jiie les
morts, il lui est intcidlt par le règlement de faire l'é-
loge des vivants.
— Comment fairu?
— On a nonuné une commission qui se chargera
d'aplanir les obstacles.
— Très-bien. En attendant, s'occupe-t-on de rem-
placer les trois académiciens défunts?
— L'Académie attend que l'Assemblée nationale ait
voté les lois organiques.
— Je ne vois pas grand intérêt dans tout ce que vous
me racontez, ma pauvre Semaine, et vous êtes d'un
vide, d'une insignifiance '.
— Ingrat, me répondit-elle, ne t'ai-jc pas apporté
le réveillon de famille, et peux-lu traiter ainsi ta pau-
vre semaine de .Noël? Attends ma sœur; d'ailleurs elle
t'apportera dès demain mille et uue interpellations.
Quelques nez commencent à s'allonger.
Nouvelle représeutalion d'une vieille comédie.
NOËL.
— Pan ! pan !
— Qui est là?
— Le vieux père Noël de 18-48.
— Farceur !
— Il n'y a pas de farceur ; je suis réellement le
père Noël qui vient vous rendre visite. Ouvrez, je
meurs de froid.
— Entrez, alors ; mais, à vrai dire, je ne vous at-
tendais guère. Pourquoi n'èles-vous pas tombé chez
moi par la cheminée, selon l'usage?
— H y avait du feu, et j'ai craint de griller mes
vieilles jambes.
— Asseyez-vous dans ce fauteuil et réchaulTez-vous.
Voici un verre de i-atafia pour vous remettre le
cœur.
— Merci, jeune homme. S'il entrait dans vos pro-
A I.IISACK DKS GlvNS SKlUiaJX.
101
jets (le faire réveillon, iiy vmis gi'iu'/. pas ; ji' iiiaii(,'orai
un morcL'au, pour vous tenir coni|)agnio.
— Je vois ([ue vous n'avez pas soupe depuis l'année
dernière.
— Ma foi, non, puisqu'il faut vous l'avouer.
— Voici une moitié de boudin, mangez. Queiionle
ne vous fasse pas dommage, comme dit Sanelio. Mais
à quoi dois-je riionnourde votre visite'?
— Je viens vous apporter mon cadeau annuel.
— Vous êtes donc toujours dans l'usage de faire des
cadeaux?
— Certainement. On met un soulier dans la chemi-
née, et j'y dépose ce que je veux. Or, comme vous
n'aviez pas mis votre soulier dans la cheminée, et que,
du reste, il y avait grand feu, j'ai frappé à la porto.
— Je comprends. Et que m'apportez-vous?
— A un homme sérieux connue vous, à un électeur,
on ne peut pas donner des dragées, des sucreries, des
brimborions; je vous apporte un cadeau politique.
— Un nouveau ministère, peut-être?
— Justement. Un nouveau ministère sous la prési-
dence du citoyen Odilon Barrot.
— Nous l'avions avant que vous eussiez |)ensé à le
mettre dans mon soulier.
— Je comptais vous faire une surprise.
— La surprise n'en existe pas moins. Un ministère
Barrot-Falloux sera toujours quelque chose de bien
surprenant. Mais dites-moi, père Noël , pcnsez-vnus
que ce ministère dure ?
— Il durera toujours autant que moi.
— Autrement dit, vingt-quatre heures : les enfants
prodiges vivent peu. Je vous trouve bien sarcastique,
père Noël ?
— C'est votre moitié iFc boudin qui me met en belle
humeur ; je me sens tout gaillard. Que pensez-vous de
votre nouveau président?
— Heu ! heu !
— Je comprends.
— Vous ne comprenez |ias du lonl. .i'i'iili'nds que le
nouveau président pourrait jouer un bien joh loiir à
M. Thiers et aux légitimistes qui lui ont donné leur
voix ; ce serait de se faire franchement républicain. F'^t
voici ce qui arriverait : le jour où les dynastiques qui
ont fait son élection voudraient le renverser, — et ce
jour n'est pas bien éloigné, — Louis Bonaparte serait
défendu, par qui? Justement par les véritables républi-
cains, par ceux qui ont eoiiiliiitlu sa candidature avec
le plus d'acharnement.
— VA pensez-vous que la chose arrive?
— Pourquoi pas? Ce serait alors la gloire du parti
républicain, d'avoir su reconnaître et défendre, dans
un chef de l'État qui n'a pas ses sympathies, le droit
sacré de l'élection ; ce serait sa justification aux yeux
de l'Euiope et la démonstration irrécusable de sa vi-
talité. Après une telle épreuve, la forme républicaine
deviendrait, pour tous les esprits sensés, une nécessité
politique prouvée mathématiquement.
— Vous pourriez hien avoir raison. Mais Bonaparte
sera-t-il républicain?
— Peut-être, si son entourage le lui permet. Voilà
déjà M. de Girardin qui commence son opposition.
— Ce nom m'agace les nerfs, il me met en fuite ;
aussi bien le boudin est fini, et je vais continuer mes
excursions <lans les cheminées voisines. Si je passe par
l'Elysée national, et que le nouveau président ait mis sa
botte dans la cheminée, j'y laisserai tomber les quel-
ques mots de conversation que nous avons eu à son
sujet.
— Vous ferez bien, père Noël ; mettez aussi dans
la botte de Bonaparte que ce sont les conseils d'un en-
nemi de la veille, et que ces ennemis-là valent mieux
pour lui que ses amis de la veille et du lendemain.
Bon voyage, père Noël, et à l'an prochain, si nous
sommes encore de ce monde.
LE GENERAL CAVA1GX.4C.
AU OÈNEBAL C&V&IONAC.
Nous recevons, avec prière de l'insérer, celte adresse au
Général Cavaignac.
Nous adhérons complètement aux sentiments si péuéreu-
semeut exprimés dans cette adresse.
« Général,
« La France vient de donner au monde un douloureux spec-
tacle, celui de son ingratitude pour l'homme qu'elle avait par
deux fois proclamé son sauveur.
<( Mais vous donnerez au monde le spectacle consolant d'un
honnèle homme suhissant, sans étonnement, sans amertume
et sans emphase, une monstrueuse injustice ; el ce dernier
spectacle, aussi glorieux pour vous que rassurant pour la di-
gnité humaine, contiendra une leçon qui sera comprise par la
France, un instant égarée.
a Pour nous, Général, plus Termes que jamais dans la voie
où vous marchez à noire lélc, vaincus aujourd'hui, mais non
découragés, confiants d'ailleurs dans les destinées impérissal)lcs
de la Répuhlique, nous serons calmes el recueillis comme vous.
0 Sentinelles vigilantes, maisnonmalvcillanlesde notre Con-
stitution républicaine, résolus que nous sommes à rester justes
en dépit de nos plus vives sympalhies, préoccupés uniquement
du salul de la République et de son bien-être, nous savons que
nous sommes d'accord avec vous quand nous prenons l'enga-
gement solennel de voir le bien partout où il sera, et de res-
pecter le principe d'autorité dans la personne du citoyen que
le suffrage universel en a fait le représentant.
« Nous ne rendrons donc pas à nos adversaires coalisés la
guerre déloyale qu'ils nous ont faite; nous n'oublierons pas
que c'est toujours aux dépens de la patrie que de pareilles luî-
tes peuvent se soutenir ; et, décidés à n'avoir d'ennemis que
les ennemis de la République, nous nous inclinerons devant
toul acte émanant d'un pouvoir régulier, quand cet acte aura
pour bul rafrermisscmcnt et la défense de la Conslilulion.
<( Que si un jour, — désintéressés pour vous comme pour
nous-mème, nous souhaitons que Dieu veuille éloigner ce jour;
— que si un jour, la France malheureuse el divisée devait
tourner ses regards vers vous, Général, comme vers une ancre
de salut, il faut que les plus pervers puissent vous rendre
récbilant témoignage qu'innocent de ses maux votre mission
ne peul être que de les guérir.
« Des Electeurs du (jcncral Cavairjnac. »
LOUIS-NAPOLEON DONAPARTE.
— D'après un dagaeiréoty,-'(
AU CITOYEN LOUIS BONAPARTE, PRESIDENT DE LA REinBLIQITE FRANÇAISE.
Citoyen présiilcnl,
Hier encore, vous n'étiez, pour les gens de bon sens et de
bonne foi qui ont voté contre vous pour le général Cavaignac,
qu'un bomme dont le passé turbulent devait faire redouter
1 'avenir, qu'un joueur léméraireet opiiiiàlrc, résolu à pousser
jusqu'au bout, sans pilié pour la France, les cbances de cetle
martingale politique, votre rêve incessant, dont deux fois déjà
vous aviez en vain tenté le succès à Sirasbourg et à Boulogne.
Pour beaucoup d'autres, amoureux du passé, impatients du
présent, vous étiez un prince, un prétendant à l'empire, un
ennemi de la République pouvant servir d'arme contre elle et
frayer le passage à d'autres prétendants, vos rivaux, tout préis
à confisquer à leur profit votre victoire.
Quant au peuple, — celui des campagnes voyail en vous
l'héritier d'un grand nom et le destructeur fanlaslique de tout
irapiil, pendant que celui des villes, personnifianl dans votre
candidature la baine qu'il portait à son vainqueur de juin, vous
faisait le symbole de sa première vengeance.
Aujourd'hui vous êtes pour tous le président de la Républi-
que française.
Devant ce grand fait, oublions le passé, le votre surtout ;
oubliez la Suisse, oubliez Londres ; laissez-y le jeune homme,
dont mieux qu'un autre, si la lumière s'est faite dans voire es-
pril, vous savez ce qu'il fallait penser; el, obligé de compter
avec ce redoutable succès et de le justifier, pensez, non aux
grandeurs de votre situation nouvelle, mais aux devoirs qu'elle
vous impose, aux dangers qui l'environnent, — et reconnaissez
que par un sort bizarre, mais fatal, la plupart de vos amis
d'hier, si vous êtes sage, doivent être cuusidérés par vous
comme vos ennemis d'aujourd'hui.
Diles-vous que, prétendant, vous éles isolé entre tous;
qu'orléanistes, légitimistes et républicains se tourneront contre
vous et que vous succomberez.
Dites-vous qu'empereur, vous ne serez jamais que l'ombre
afl'aiblie de votre oncle, tandis que, président de la Républi-
que, vous aurez dans l'histoire un rôle, rôle unique, magnifi-
que, dont la gloire sera bien à vous, dont le mérite vous ap-
partiendra et qu'aucuiî autre ne saurait effacer.
Dites-vous cela, et vous aurez fondé une république là oii
le plus grand homme des temps modernes n'a pas suffi à fonder
un empire, — el vous aurez donné aux partis une de ces le-
çons de probité contre laquelle aucune voix n'osera s'élever, et
qui vous assurera, non-seulement l'eslime, mais le concours
même des honnêtes gens que vous aurez vaincus.
Des Électeurs du Général Cavaignac.
iOt
REVUE COMIQUE
UNE RAISON PAUMI IVAllUKS rOlT. F.XrMQUF.R L'KCHEC DE M. DE LAMARTINE.
S'il était besoin de donner à quelquo âme candide
les raisons de l'incroyable échec de M. de Lamartine
dans la question de la présidence de la République, un
les trouverait résumées en un seul petit fait qui, pour
être minime en apparence, n'en est pas moins au fond
très-sisniticatif pour tous les physiologistes de bonne
foi.
Le Bien public , journal créé par M. de Lamartine,
et qui soutenait avec quelque talent sa candidature,
vient de mourir avec cette candidature. A quelle porte
croyez- vous que la rédaction du Bien public ait été
frapper, à qui pensez-vous que l'écrivain de confiance
de M. de Lamartine, et M. de Lamartine lui-même
aient été demander asile. Hélas! à la Presse, et à
M. de Girardin. Cet incroyable manque de tact, de
conduite politique n'explique que trop lachute immense,
chute imméritée d'ailleurs sous beaucoup de rapports,
de l'homme qui, ayant tenu dans ses mains le pays tout
entier pendant trois mois, en est arrivé à y trouver
moins de suffrages que iL Raspail !
Un des grands défauts de M. de Lamartine, c'est de
se croire au-dessus du proverbe : Dis-moi qui tu han-
tes, je te dirai qui tu es, et de ne pas connaître les
hommes. Comme nos anciens rois de France, il nie la
contagion de certaines maladies morales, et semble
croire au contraire qu'ainsi qu'eux, il a le don de les
guérir : Aussi le voit-on s'entourer sans discernement
d'esprits faux, de natures imparfaites, et parfois de
gens peu considérés à qui il prodigue en public les mar-
ques les moins équivoques des jjIus singulières préfé-
rences. Semblable en cela à ces amants ou naïfs ou ef-
frontés qui donnent le bras en plein soleil à des fem-
mes dont les relations, si pleines de charmes qu'elles
puissent être dans l'intimité, reculent d'ordinaire de-
vant le grand jour et la publicité.
Il n'y a peut-être qu'un homme d'état au monde
qui soit capable de se sentir, à tort ou à raison, assez
fort de son aveuglement pour s'associer tout le monde
dans un gouvernement ; cet homme, c'est M. de La-
martine. — Dans sa loyauté, disait hier un de ses amis,
il eût à coup sûr ou refusé les services de M. de Girar-
din, ou, les ayant acceptés, il les eût récompensés d'un
portefeuille. — Le président actuel de la République
ne l'a point osé.
Nous répondrons à l'ami de 5L de Lamartine par
une seule question : Est-il une voix, une seule qui se
soit élevée contre la réserve du nouveau président, et
qui l'ait taxé d'ingratitude.
Charles-Quint disait : «11 faut que la France soit un
pays bien particulièrement aimé de Dieu ; car elle ne
cesse de faire de grandes fautes, de commettre les plus
graves erreurs, de courir d'elle-même à sa perte; et
toujours elle sort de toutes ses épreuves plus grande,
plus belle et plus puissante. » Dieu veuille que le mot
de Charles-Quint soit vrai aujourd'hui comme au temps
de François I".
— Ce n'était pas assez de l'aigle de Boulogne. Un ami
du président, ami à la façon de l'ours de la fable, ne
UN TERRIBLE LOGICIEN.
Un de plus, ils étaient trois. Le plus chauve releva
ses lunettes sur son front dévasté par le syllogisme, et
se sourit agréablement dans un miroir qu'il avait volé
vingt-cinq sous.
Si la Société avait vu ce sourire, elle aurait tremblé
comme dans une caverne de propriétaires.
Car, chez le grand socialiste, celte douce gaieté est
le prélude des plus impitoyables parado.xes.
L'unique témoin de cette révélation sublime se
prosterna devant le buisson ardent des favoris roux de
son dieu.
s'est- il pas avisé de lancer au moment de la revue un
aigle en papier peint, sous forme d'un cerf-volant, dans
les alentours des Champs-Élisées ! — Il épuisa alors
toute son adresse à diriger cet aigle d'un nouveau
genre et à le faire planer au dessus de la lète de
M. Louis Bonaparte. On assure que l'auteur de cette
innocente bêtise a été arrêté et mis en prison, lui et son
aigle. — C'est bien cruel.
— On offre de parier (lue le maréchal Bugeaud et que
le général Cluuiganiier se brouilleront avant un mois.
Et, pour se faire un nom dans Israël, des hommes vous débiteront les
plus impies extravagances. (Jérémie. Lamentalions.)
Le dieu releva son Moïse, et l'invita à partager une
proposition dont la majeure était une tasse de lait, la
mineure un petit pain, et la conséquence un déjeuner
social.
11 est juste de dire que cette cène avait lieu un de ces
derniers dimanches. Un beau jour de printemps encadi;é
dans l'hiver! Le ciel était bleu, l'air était tiède. Les
oiseaux égrenaient leurs éclatantes ritournelles qui se
mêlaient aux cris joyeux des enfants dans la rue. C'é-
tait enfin un vrai temps du bon... diable, selon l'expres-
sion chérie de riiôle de céans.
A l/ISACK l»i;S C.I'.NS SKIlll.rX.
105
Pour conilile de mallii'iii', l'ii I ne ilc son Siiiai , ili'
braves ouvriers se disposaienl ;j;ui'iiieiil à |ic>i'l('r leur
vœu dans l'urne uléalcire. Après (|ii()i iino iironienadc'
en famille terniiiieiall, pniir eux, eelte siileiiiiilé.
Kt pas un Idasplièine n'(iiitra;;eail Dicii! pas une
colère ne maudissait la Sdcic'ti' I
C't'tait viaiinent iiilnli'iaide.
Celte (jniétude anti-siu-ialiste cxasinMait doiu; élian-
gciuent la verve ardenlc du célèlire réloriiialeiir.
Aussi, après iivnir résolu sa pioposilimi an lai(, il
s'écria tu IV.ippaiit trois eoiips de >in\ jonc l'oniiiilaijic ;
KuuÉKk !
A celle exclamation qu'il |uit pour un éternunient,
le disciple peu rassasié répondit par un respectueux :
Dieu vous bénisse !
Mais, tout entier à son ins])iration , le niailie n'en-
tendit pas cette odieuse parole qui l'eût l'ait bonJir de
colère.
— Oui, j'ai trouvé, répéta-t-il en français cette
fois. Aussi bien , il nie fallait un dernier axiome ponr
former ma triade. I^eroux a raison. Toute théorie doit
être une et triple comme l'Humanité. Ce n'est pour-
tant pas que Leroux soit bien fort. Sa tète est une vraie
cave sans soupirail. 11 dit qu'il y a quelque chose de-
dans parce qu'on n'y voit goutte. Demandez- lui , par
exemple, comment l'Homme est toujours un et triple
à la fois; s'il comprend, plus que moi, un mot à ce
charabia philosophique, je veux bien que Dieu m'em-
porte. Ah! s'il s'agissait de prouver que l'Homme est
souvent triplement ennuyeux, ce serait une autre paire
de vérités!
Quelle différence entre les nuages de ses rêve-
ries et le soleil de ma logique! Quand j'ai dit p(Mir
mon début: Dieu, c'est le Diable, qui donc n'aurait
pas compris'! A vrai dire, cette idée manquait un peu
de fraîcheur. Vers le troisième siècle , un certain Cu-
bricus fut légèrement écorché vif pour avoir prêché
pareille drôlerie. Mais combien ne l'ai-je pas rajeunie
à force d'audace dans l'absurde, et de mépris pour le
bon sens des hommes!
Et vraiment , ami , continua le socialiste , après
avoir laissé souffler un moment son orgueil, c'est là
tout le secret de ma célébrité. »
Le disciple profita de cette pause pour essuyer ses
yeux ccarquillés qui pleuraient d'admiration.
— Oui, reprit le maître, la sottise humaine est
ainsi faite. Jetez une pensée honnête et juste dans le
monde, et elle tombera à terre sans bruit. I^ancez au
contraire un sophisme odieux ou ridicule, et l'indi-
gnation des uns et la bêtise des autres vous serviront
aussitôt de hérauts. Vois, ami, mon axiome sur la
propriété. C'est un barbarisme plus vieux que le l'ar-
thcncn. Du temps d'Aristophane, Athènes en riaitdéjà
à gorge chaude. C'est enfin une invention rancie de-
puis deux mille ans. Et pourtant quel triomphe! Tu
l'as vu : rien ne lui a manqué, pas même la parodie !
— C'est vrai, balbutia le conliibnl, dont le cerveau
s'eiii humait d'enthousiasme.
— l',h bien ! je vais augmenter cette gloire par une
maxime plus audacieuse encore. Ma tiare se complé-
tera par celle dernière couronne. El, sur cette triade
de mon génie, la Société pourra s'asseoir enfin solide-
ment comme une marmite sur un trépied.
— Et celle maxime, ô grand penseur"?
— .Mouche-toi d'abord, dit avec bonté le socialiste,
en voyant le dé[)lorable étal du nez de son ami.
— C'est l'ait, inaitre.
— Eh bien ! mon nouvel axiome, c'est :
lE PARRICIDE EST UNE VERTD.
« Qu'en dis-tu? s'exclama le moraliste, en dessi-
nant avec sa canne un délicieux moulinet socialiste.
Vois-tu quel effet produira cette sentence imprimée en
grosses lettres ? Entends-tu d'ici les vociférations des
bourgeois qui prendront celte fantaisie au sérieux?
Si je ne passe pas du coup à l'état de Croquemilaine-
Olympien, je reconnais une idée h Raspail , et je jette
ma dialectique aux Icariens.
— 0 sublime révélateur ! celte découverte est un
chef d'œuvre. Mais, vu la pruderie de nos jours, ne
la trouvez-vous pas un peu gaillarde?
— Enfant, plus on frappe fort et plus on fait de bruit.
— C'est d'autant plus beau, maître , que je vous
sais, comme Figaro, le meilleur fils du monde.
— C'est vrai, et je bourre les enfants de pain d'é-
piee. Mais qu'importe ce que je pense, ami, pourvu
que je prouve ?
— Et vous prouverez qu'un bon lils doit tuer papa
de temps à autre ?
— Rien de plus simple. Écoute et comprends.
— J'aime mieux vous admirer, loussa le disciple.
— A ton choix. D'abord lu m'accorderas bien, n'est-
ce pas, qu'Adam et Eve n'ont eu ni père ni mère ?
— Avec le plus grand plaisir.
— Eh bien ! privés d'ascendants qu'ils étaient,
Adam et Eve n'ont pas pu connaître l'amour filial. —
Ceci est limpide comme eau de roche. — Car, en les
créant, pourquoi la nature leur aurait-elle donné un
sentiment dont ils n'auraient pas eu l'emploi?
-^ En effet, c'eût été un gaspillage.
— Tu as raison, ami, un pur gaspillage. Donc, suis
bien mon raisonnement. — .Si Adam et Eve n'ont pas
connu l'amour filial; si la nature n'a pu les doter de
ce sentiment ; ledit sentiment est alors purement d'in-
vention humaine ; c'est-à-dire une violation flagrante
des lois naturelles et primordiales. Ce que je nommerai
en termes de philosophie socialiste, — une usure pré-
levée par le capital de l'égoïsme paternel sur l'ignorance
exploitée des enfants. En un mot, une superfétation
anti-naturelle dont le contraire, par conséquent, doit
être la vcrilc et la vertu. Or, ceci reconnu, je pose
ainsi mon syllogisme :
106
REVUE COMIQUE
MAJKIRE.
Le contraire de tout sentiment naturel est un crime.
MlNEl'HF.
Or, l'amour filial n'est pas un sentiment naturel.
CONSÉOCENCE.
Donc, le, contraire de l'amour filial est une vertu.
Et maintenant, ami, — acheva le sophiste triom-
phant, — dis-moi un peu ce qu'il y a de plus opposé à
l'amour filial que le petit expédient en question?
— Bénissez votre esclave, — hurla l'apôtre au comble
de son coriza. — Bénissez-le, maître, car si vos raison-
nements sont un peu tirés par les cheveux , vous n'en
demeurez pas moins le plus grand logicien du monde.
— Heureux ceux qu'on peut tirer par les cheveux ,
— soupira le maître en jetant un regard mélancolique
sur le miroir qui reflétait sa calvitie.
Sur quoi le disciple se retira sufllsamment héni et
complètement enchifrené.
— Ah ! stupide espèce humaine, — murmura le
sophiste en saisissant sa plume. — Ah ! société, ma
mie, le scandale seul attire ton attention. Eh bien !
je vais t'en flanquer.
Et en effet, quand paraîtra ce nouvel évangile de
l'immoralité, on entendra le troupeau des niais bêler
en chœur :
— Voilà un terrible logicien !
Puis, au lieu d'ensevelir ces déplorables perversités
dans le silence de leur dédain , les esprits honnêtes
augmenteront encore cette clameur par la maladresse
de leur indignation.
Alors le bruit sera fait et le tour aussi.
Lorsque vous conlemple/. cel lionnôle visage.
Ce menton entouré d'un cordon de poils ronx,
Ce front patriarcal, et ces jeux sans courroux,
Vous croyez, d'un bourgeois voir la lidùle image.
Cest un propriétaire, un ancien conimerrant.
Dont les tonds sont placés en rentes cinq pour cent.
Erreur! ces trait-benins sont ceux d'un pamplilélaiio,
Que redoute à bon droit la gent propriétaire,
Car des antiques lois adversaire fatal,
11 lutte sans relâche avec le capital,
Ses sopliismes hardis, parés de grandes phrases.
De la société démolissent les bases,
Comment refera-t-il l'édiDce écroulé ?
On l'ignore, et les gens qu'il charge d'anathèmes
Veulent en vain saisir le fil de ses systèmes.
C'est un dédale obscur dont lui seul a la clé.
A I.TSACi; liKS CKNS Shil'.l i;ii\.
107
I.KS I,.\1\11M0NS.
!,(' i't il.rcniliro, (|iirli|ii(w li;ililt:inl< de Pdiilni-^i'
lurent il,in-> 1rs jiiiiriiau\ d mIIii . k II y mira rc soir
il Paris une illuiuiniiliou yi'ucraK'. n
« Ma foi! sfi (liront-ils, si nous nous passions lu liu-
taisic (l'aller la voir? » V.l ils montèrent en wa;,'iiu.
[.e soir venu, après avoir (lin(; à la liAte, ils s'eni-
pressèrenl de s'aventurer dans les rues, pour jouir de
l'i'hlouissant speetacle ([ni leur était promis.
Tout était sombre. Le lictzar des Vui/tu/es vWd seul
éclairé de (luehjues verres de couleur; mais c'était
moins une manirestation politi(iue, ((u'une ivclaiiic
commerciale.
«Peut-être, pensèrent les IVmtoisiens, est-il d'usage
(rallumer un peu [iliis (lud. Mlendnns. » VA ils atten-
<lirciil. Mais les façades des maisons reslèicnt noires
et mornes comme des lonibeaux.
Alors les l'oiiloisieus cluuilèieiit le cliniii de la
/>iiiiw IHuiicIk: :
Je n'y puis lieii ciiinpreiulrel
Ktraii^e mystère ! vuil.'i un lioinme ipie Imil le lucpude
a nommé, et dont personne ne fête l'avéueinent.
L'élu de six millions de suffrages ne voit pas six
lampions fumer pour lui !
On aura beau dire, ça n'est pas clair.
POllTlliMT l'LMTE.
4. Or, il il arriva que, comme je marchais et que j'approchais de l'Assemblée
nationale, tout a coup une grande lumière venant du ciel resplendit comme un
éclair à l'eniour de moi.
5. Et je tombai sur la place et, levant les yeux en l'air, je vis le petit chapeau
qui rayonnait, et je rayonnais aussi de l'espoir d'un petit ministère ou autre
chose. l^"*' -^«'«s ''c» Aj'Olres, cap. xjcu.)
Cet avocat retors, l'on •luiii l'url ur.iloire,
D'argumenls spécieux possède un réperloire.
Il siégeait à la Chambre, assez obscurément,
Quanti Fc^vrier brisa le trône héréditaire;
Et, bien qu'il n'eiUjamai?, avant révénemenl.
D'un cœur républicain montri^ le dévouement,
Il se douiia Uii-mènie un petit ministère.
Et se glissa sans bruit dans le gouvernement.
Depuis, il a prouvé son humour ineoiislaiile,
De partis en partis incessamment llottame.
D'abord, de Cavaignac partisan déclaré,
A tous les candidats il l'avait préféré ;
Mais, voyint l'autre étoile à l'horizon grandie,
11 emplit les journaux de sa palinodie.
De ces revirements ne vous étonnez pas.
L'i raison en est simple... Il descend de Judas.
108
REVUE COMIQUE
LES JOURNAUX DEVANT LE NOUVEAU GOUVERNEMENT.
On a changé le nom sur Taffiche et rafraîchi les dé-
cors. Voici les acteurs déjà en scène. Nous les avons
passés en revue déjà. Les uns débutent dans remploi :
Eub! Si fata aspera rumpas!
Les autres font leur rentrée, et nous sommes forcés de
dire qu'à l'exception des Romains du parterre, le pu-
blic a fait une assez froide réception à leur mérite su-
ranné.
Nousn'en sommes encore qu'au prologue. Orozmane-
Barrot se fait attendre; l'intérêt languit quelque peu
sur les planches. Regardons au parterre de la presse où
les uns s'impatientent déjà, les autres crient et gesti-
culent, ou chacun prépare ses esprits et son visage pour
la circonstance.
Semblable au chœur de la tragédie grecque, le Jour-
nal des Débats se renferme dans le rôle de conseiller
mélancolique et débonnaire qu'il a adopté depuis le 24
février vis-à-vis du pouvoir : «L'Expérience, mère de la
Sagesse, m'a appris, dit-il, que l'implacable Justice
châtie les peuples qui foulent aux pieds les lois, filles
du grand Jupiter. Puisse-tu, ô mon fils, préserver ta
maison des maux qui accablèrent les Atrides, les frères
de Paris et la race incestueuse d'CEdipe. Puissé-je,
avant de descendre dans la sombre nuit, ne pas voir
l'industrieuse patrie des Gaulois bien bottés, dévastée
par les barbares de la Colchide, leur capitale opulente
rasée et complantée de peupliers par le Scythe Pierre
Leroux; les femmes et les enfants à la mamelle trans-
portés aux rivages d'Icarie d'où nul n'est jamais re-
venu ! »
Mais ses confrères traitent le journal de la rue des
Prêtres de vieillard poltron et rêveur. Le Constitu-
tionnel surtout ne partage pas ses craintes, fruit d'un
cerveau affaibli. Le voyez-vous depuis quelques jours,
ce ci-devant beau de IS'î"? Il a repris son aplomb, et
le voilà très-ragaillardi. La gaieté lui revient, tempérée
par cet air digne qui convient à une position semi-of-
ficielle. Foin des appréhensions et des alarmes! Du
haut du ciel, sa demeure dernière, l'ombre du grand
homme ne nous protége-t-elle pas? et du haut de la
colonne aussi? Après tant de vœux et de déceptions, le
Constitutionnel est enfin au pouvoir ; il entend que
tout le monde soit en liesse avec lui. Ceux qui ne s'a-
museront pas, on leur coupera la tête.
Il ne parait pas que cette jubilation soit partagée
entièrement par cet autre combattant de la veille, qui,
mieux que le Constitutionnel pourtant, semblerait
avoir droit aux dépouilles opimes. La Presse, il est
vrai, déclare qu'elle ne veut rien du pouvoir. Ambas-
sades, ministères, rien ne lui sourit. Vit-on jamais dé-
sintéressement plus inattendu? Mais voici bien une au-
tre affaire : M. de Cirardin, qui ne veut pas avoir à
conduire un ministère ni une administration, M. de
Cirardin prétend conduire la République tout entière.
La réformer, la refaire à sa façon, tailler en plein drap
dans la Constitution et l'administration. Avec un petit
bout de projet qu'il présente, on aura bientôt organisé
la France par doit et avoir, comme une caisse de négo-
ciant. Recettes, dépenses, voilà tout ce dont se com-
pose le mécanisme d'un gouvernement. C'est simple
comme bonjour. M. Proudhon n'a pas inventé autre
chose avec sa banque d'échange. Maintenant, si le
nouveau président refuse d'appliquer le plan que lui
apporte le rédacteur de la Presse, M. de Cirardin le
désintéressé, M. de Cirardin, le Spartiate, lui retirera
son concours. On sait ce que ce mot-là signifie. Qui-
conque n'a pas le concours de M. de Cirardin, est
traîné par lui sur la claie.
De leur côlé, les légitimistes ne dissimulent plus les
espérances que leur apporte le vote du 10 décembre.
« Ce n'est plus qu'une alfaire de temps, » disent-ils à
mots plus ou moins couverts. Ils sont trois d'humeur
et de langage différents en raison de leur nature et de
leur âge, mais au fond ejusdem fnrinœ : l'Cnion ex-
quotidienne, vieille douairière prudente, qui a vu les
mauvais jours et s'en souvient ; l'Opinion publique,
blanche, fougueuse, héritière en droite ligne des reve-
nants de 1816, et la Gazette enfin, celte fantasque
étoile qui vécut pendant dix-huit ans sur ce thème du
suffrage universel si heureusement appliqué aujour-
d'hui, lien perdrait la tète, si ce n'était déjà fait, ce
cher abbé ! il se permet même à cet endroit des excen-
tricités que son état peut seul faire excuser. Sa mé-
moire, trop nourrie de Montesquieu et de Tacite, lui
donne le change sur la réalité d'aujourd'hui. Ignorant
que nous sommes en République, M. l'abbé se pros-
terne devant la royauté appuyée sur le double suffrage
qu'il prôna pendant si longtemps, et n'entend rien des
voix furibondes qui crient à ses oreilles que le jour des
funérailles de la République sera un jour de deuil
pour un grand nombre, et ipi'il pleuvra des balles sur
sa tombe.
C'est la Iléfortne qui gronde ces menaces, et elle
n'est pas la seule. Avec elle la Démocratie pacifique,
(pacifique! que vous en semble?) et la Révolution dé-
niocratique et sociale, et le Peuple, exhalent leur fu-
reur sur un ton à peu jirès unanime. Peut-être, an
fond, n'ont-ils pas tout à fait tort. — Mais, messieurs,
au lieu de gronder et de menacer, que n'avez-vous su
faire un peu mieux nos affaires, quand vous les aviez
en main, alors que vous étiez les maîtres? Avez-vous
A LUSAGE DES GENS SÉRIEUX.
<09
bonne gnlcc aujourd'hui à crier contre la réaction qui
est votre ouvragi-?
Exagération lic [i.ut it il'aiilii' ot ou sons tonlrairos.
Toi est riHornel bilan do i'o|iinioti ot do la prosso. Uuo
si, au milieu, se trouve quelque bonuole fouille vou-
lant se maintenir dans les borne* de la justice et de
l'impartialité, chacun de lui rire au nez insolemment,
(i'esl ce que la réaction fait au Siècle , c'est ce que la
IU'|)ubli(|ue fait au iSuliounl.
Soyez donc modéré. !
TKSTAMENT IMU.lTKjl K 1)1 SIKI lî i:\III. i: I)i: (illiAl'.DiN
COK:>i:ilS A M. LUITS BON.ll'AIlTK, l'Ol II KAUIE SlITE Ai: LIVllE DE MACIIUVEL
IVinio,
Kn partant pour IaKussioavec lo titre de votre am-
bassadeur extraordinaire, j'é|)rouve le besoin de vous
communiquer mes dernières rolloxions.
Ce petit écrit que vous avez en ce moment sous les
yeux est un véritable talisman ijui doit vous tirer de
tous les embarras dont un gouvonionient peut être en-
touré. Mettez- le soiis votre oreiller la nuit, et portez-le
dans votre poche le jour; il est nécessaire que vous
puissiez à tout moment le consulter.
1°— Entourez-vous d'hommes forts, éprouvés dans les
luttes |>oliliques. Je vous roconimando particulièrement
le colonel Bonnelier : mettez- le où vous voudrez, il ne
sera déplacé nulle part ; (juant au générai Odilon Bar-
rot, mon opinion est qu'il faudrait le mettre à la demi-
solde. Pour ce qui est des choux et navets qu'on a de-
puis longtemps l'habitude de semer en octobre, quoi-
que à mon avis lo mois de novembre soit plus favorable
pour cette opération, il serait peut-être imprudent de
contrarier sur ce point le préjugé populaire; n'y tou-
chez pas avant d'être bieivsùrde votre force.
■2° — J'en dirai autant des radis roses, que je crois de.
voir se semer en tout temps, contrairement à l'opinion
reçue; mais ceci se rattache à un système complot sur
l'agriculture, que j'exposerai en temps ot lieu.
Biiire frais, avoir confiance en Dieu et éviter l'outrée de
M.Crémieux au ministère.
3° — Il serait d'une politiquehabile do pereuaderaux
Français que tous ceux qui naîtront sous votre gouver-
nement seront doux, chastes, tempérants, pleins de
grandeur d'àme et de bravoure. Parla il se ferait beau-
coup plus de mariages, et le mariage, c'est la force des
Etats. — Quand les tragédies vont deux à deux, l'a'^ri-
culture en va mieux. Semer du froment en janvier,
c'est vouloir récolter des cailloux en juillet. Respecter
ses père et mère.
-4° — Il serait d'une politique habile de persuader
aux Français que tous ceux qui naîtront sous un
autre gouvernement que le vôtre seront violents,
injustes, de mauvaise foi et amis de l'arbitraire.
>ous parviendiioz peut-être par ce moyen à vous
faire nommer président perpétuel. — Mettre des
éperons pour monter à cheval et se tenir les pieds
chauds on tout temps. No jamais jurer lo imm ,k' l)icu
en vain.
o»— Qui donne ce qu'il a, donne autant qu'un autre,
et l'on ne peut tirer d'un sac que ce que l'on y a mis.
I.e moineau à la main vaut mieux que la grue qui vole;
un bon tiens vaut mieux que deux tu l'auras; et, com-
me dit cet autre, toujours pèolie qui en prend un. Qui
a fait lundi a fait mardi ; si tu éternues n'attends pas
qu'un autre te dise: Dieu vous bénisse ! Et quand la
sauce est finie, lèche le plat. Ces maximes, résultat
des méditations de toute ma vio, sont la quintessence
de la sagesse.
C"— En fait d'industrie, ce qu'il y a de plus pressant,
c'est de faire remplir de charbon les mines de Saint-
Bérain ; cent mille ouvriers y trouveraient de l'occupa-
tion ; cent mille autres seraient employés à extraire le
charbon apporté par les premiers; il y aurait donc là
du travail assuré à deux cent mille ouvriers. Souve-
nez-vous de ce conseil. Le gouvernement provisoire
aurait bien mérité de la patrie si, au lieu de s'aban-
donner à la ruineuse folie des ateliers nationaux, il eût
adopté ce projet que je lui recommandais cliaque ma-
lin dans la Presse. — Quand les fonds baissent à la
Bourse, c'est signe que la confiance se perd. Alexandre
le Grand disait à son précepteur : — Vous êtes plus
que mon père, car celui-ci ne m'avait donné que la
vie, et c'est vous qui m'avez fait homme. — Chômer
les fêtes et dimanches.
7" — Faites des motsleplus possible, sans toutefoisen
abuser. Votre oncle Napoléon en a fait de sublimes.
Si vous avez besoin de quelqu'un qui vous les prépare,
prenez Bonnelier. — A la Saint-Remy, tous les per-
dreaux sont perdrix; à la Saint-Barnabe, le printemps
a commencé. — Honorer les saints!
Telles sont, prince, les principales recommandations
que ma fidélité me fait un devoir de vous adresser au
moment de monter en chaise de poste. Je les ai rédi-
gées rapidement; je n'ai pu y glisser qu'une anecdote,
le temps pressait, et c'est ce qui m'a empêché égale-
ment d'y faire entrer quebjues prédictions météorolo-
giques, des centuries nouvelles et plusieurs recettes
utiles. Au surplus, je n'ai fait que résumer l'almanach
de Liège et la collection de la Presse, à quoi je vous
conseille de recourir dans les moments difficiles.
ilO
REVUE COMIQUE
— Ce qu'on redoute le plus pourle nouveau ministère,
c'est qu'il se trouve dans son sein deux ou trois uicni-
bres dont le caractère est si difficile, qu'il y a beaucoup
de chances pour qu'ils ne puissent rester d'accord. —
Tant mieux, aurait répondu le président de la Répu-
blique à l'observation qu'on lui en faisait; je n'y serai
pour rien, et leurs querelles m'aideront à donner au
cabinet l'unité qui lui manque.
— On raconte que l'ambassade d'Espagne aurait été
offerte à M. Mole.— Je ne puis accepter, aurait répondu
M. Mole, avec cette politesse qui le distingue ; j'ai re-
fusé cette même ambassade il y a ^29 ans, — et c'était
un ami qui me l'offrait.
_ La Presse, qui a tant fait pour rélection du prési-
dent, commence actuellement à le dénigrer. Après l'a-
voir représenté comme un sauveur, elle essaye déjà de
le perdre dans l'opinion publique. « Ha, dit-elle, les
mêmes sentiments que nous; nous avons les mêmes
sentiments que lui. »
Voilà donc le président rangé, par une seule phrase,
dans la catégorie des Cleemann, des Boutmy, etc.
Le voilà d'abord complice de toutes les fangeuses
calomnies dont on a essayé de salir le dernier chef du
pouvoir exécutif. Louis Bonaparte et Girardin sont, s'il
faut s'en rapporter à /a Pmse, en parfaite communion
d'idées. Ils sont faits pour se comprendre et s'estimer.
Agréable compliment !
= de la pr
RESTAURATION DE CLICUY.
L'Assemblée nationale vient de rétablir la contrainte
par corps. L'honorable corporation des gardes du com-
merce va renaître de ses cendres. Place au phénix de
la signilicalion et du protêt !
La révolution de Février avait fait un atelier de la
maison de détention de Clichy : la voilà rendue à son
ancienne destination. Réparez les serrures, grillez les
fenêtres, forgez de nouvelles clefs, renforcez le nombre
des gardiens, les nôtres seront nombreux , car la mi-
sère est grande. Le citoyen Schylock ne pouvait plus
continuer son honorable industrie : la société lui de-
vait des garanties, la société lui restitue le droit d'in-
carcération. Criez donc vive la République ! citoyen
Schylock.
Les vaudevillistes ont f.iit de Clichy une espèce de
paradis terrestre, un séjour enchanteur où la vie s'é-
coule dans de longs festins, au milieu des éclats de rire
de vingt femmes charmantes, aux détonations de l'Aï
pétillant. Hélas! la race des dissipateurs joyeux s'est
éteinte; les fils de famille se ruinent au lansquenet et
ne font plus de lettres de change.
Et puis, la pruderie philanthropique de nos jours
s'est effarouchée des joyeux ébats des détenus de l'an-
cienne Sainte-Pélagie. 11 y a longtemps que Clichy
était une prison tempérée par une charte constitution-
nelle, mais enlin une prison. Les philanthropes ont
voulu moraliser la dette ; et, au moment où la révolu-
tion de Février a éclaté, on allait proposer d'imposer
le travail aux détenus. Vous figurez-vous l'enfant pro-
digue travaillant à des chaussons de lisière?
La philauthropieavait exiléde Clichy le vin de Cham-
pagne; le punch était mis à l'index. (Plus de Champa-
gne ni de punch !) Aussi les riches banquiers, les in-
dustriels fameux, lesOuvrard de nos jours préféraient-
ils, à l'heure des revers, le séjour de liruxclles à celui
de Clichy.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
111
De petits commerçants, Ans éditeurs ruinés, de pau-
vres gens de li'llres, (im-Kiiios urlisles, l'oriiient le per-
sonnel ordinaire de l'élaliiisseinent. On y trouve des
fruitiers, des commissionnaires, des porteurs d'ean. Ils
ont deux seaux et un tonneau: ne sont-ils pas négo-
ciants?
Allez visiter (llicliy, disions-nous à ceux ijiii nous
chantaient sur ce séjour dos cou|)lels de vaudeville.
La misère, l'ahallenient, l'eniini régnent à Clicliy
comme dans toutes les antres prisons, ("est à peine si
quelques ligures essayent de grimacer la gaieté. Pau-
vres prisonniers! Les uns sont les uniques soutiens
d'une famille nombreuse, les autres ont été arrachés
à leui-s affaires qu'ils commençaient à relever; tous re-
grettent quelque chose ; l'ennui, l'oisiveté, les soucis
du dehors et du dedans les consument. Ils souffrent
par tous les colés à la fois.
L'été, du moins, les prisonniers ont la jouissance
d'un jardin cultivé et entretenu par leurs soins. Si l'a-
milié est souvent oublieuse, si l'amour a encore moins
de mémoire que l'amitié, la famille reste au détenu.
Le père peut entendre les cris joyeux de ses enfants
jouant sous la charmille. La femme apporte sa brode-
rie, et travaille à l'ombre des acacias. Ceux qui n'ont
pas de famille se consolent avec les fleurs. Mais l'hiver
arrive, adieu tous ces plaisirs ! Par la pluie, par la
neige, les courses deviennent difficiles; on n'a pas les
moyens de prendre une voiture ; les petits enfants tom-
bent malades, la femme n'a pas de robe : les visites de-
viennent plus rares. On s'écrit, triste consolation! 11
faut se renfermer dans sa cellule, ou arpenter de long
en large une étroite galerie, au milieu d'une atmos-
phère épaisse d'haleines humaines, de calorifère et de
tabac.
Cela n'empêchera pas les vaudevillistes et les ro-
manciers de continuer la tradition. Clichy-Paphos,
Clicliy-Cytlière, (îlichy de Cocagne ! Puissent-ils eux-
mêmes ne jamais voir le vrai <!licliy!
Le vrai Clicliy est un séjour lugubre, im purgatoire
anticipé, une antichambre de l'enfer.
Et pourtant, sa résurrection a causé des transports
de joie : les reenrs, que le Gouvernement provisoire
avait admis à faire valoir leurs droits à la retraite, en-
tonnent un hymne de reconnaissance en rhonneur de
la Législature.
Ils rêvent de nouvelles captures; ils brûlent de se
signaler par des exploits ; ils reconstituent leur troupe
dispersée, et cherchent de tontes parts les individus
il'assez mauvaise mine pour ne pas déparer leur con-
frérie.
Des physionomies, que la police elle-même repous-
sait comme trop coniprumettaïUes, vont liouver à s"u-
liliser.
Malheur aux débiteurs! Leurs ennemis sont dt-bout,
pleins d'crdeur, restaurés par le repos, allâmes par un
long jeûne. La bande des eiiipuigneurs, prête à entrer
en campagne, répète des chants pareils à ceux que les
sauvages psalmodient autour de leurs victimes.
Vive Clichy! s'écrient-ils; Clichy for ever! comme
(lisent les .\nglais. Il n'est pas hors de propos de citer
les Anglais en celle circonstance.
L'n banquet, peu démocratique et encore moins so-
cial, se prépare pour fêler la réouverture An la dette.
Il réunira, dans une manifestation solennelle, tous les
juifs, usuriers, huissiers, gardes du commerce de Paris
et de la banlieue.
Les frais seront j)rélevés sur le prix des futures ex-
péditions.
D'ici à lin mois, Clichy sera repeuplé ; ses cellules,
qui sentaient le renferme, se rouvriront; la contre-ré-
volution y sera complètement opérée.
Puisse-t-il n'en être pas de même partout ailleurs!
-^
112.
Du nouveau prosiJenl dévoué feudalaire,
Girardin aux lionneurs espérait parvenir.
Vous le voyez ici dans le seul minùlere
Qu'il puisse jamais obU'uir.
Dessiné pjt Fabriizius
Giavé par Ball*nt.
Bill'LEVARD DES ITAl.ICNS.
AL.MiWArii DK 1.1 nr.viF. coulait:.
iiirsrui p.\a nauah»
RIE mcnriiEii, '.j'i
ff ■'!35^ISuÎ^K55^^
Ions de la Soascripdon. — La Revue comiqce formera un ning.nfiiiue volume, grand in-8, publié en 30 livraisons à 30 centime
poste, 40 ce:ilime~ — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Libeui, au bureau de la Retoe, 2, boulevard d
DumiNxaAT, cDiTKim, SI, atr» aioBsixxv. ge Utraison.
me*,
lies
LE CALENDRIER.
■ leiu-
riUble
„„,„._r.nu,l,c.l.narier.n'..pl;q..cpo,. d l«q^ ^^^ ^^^^.^^^ ^,,
moîl wr clvilVres, I» mot alcndncr u'« pas de sons, — il r«iidrait ^"f ,°"'"'°''"
Zr Z^ >™o .w.n..ian ex.c.e.- C'est d'ailleurs U lo ...ot <,„» eho.sU la Con-
«, ioro.,u'enrr.™p,».a le ealendner .«.orie. par l'a..ua,re ,,;, da u
« septembre 179Î et ,ee„t jus,,,'.,. 1" janvier 1806, ,o«r où Qmt 1 v.e r, pu
blicaine et où l'on reprit l'ancien stylo.
„i.,. ,„.» ee mot d'annuaire républicain, le, «^^-^^ -^ ^ '':l;:;:^tT:,
rire. De «inellc bouffonnerie nous parlerons, d sent ils. ucau
l'on ne ponvail rencontrer son patron qi^ 1. condition de s'appe er Rave _ N vo
-Charrue, ou de quelque prénom semblable! V.l l'apparence dn ■■"';"''» ,^'""'
le change sur cet annuaire de la Conv.nlion, qui fut tout ,imp emen le m Ueui,
t plus vrai, le pins utile et en même temps le plu, poétique des caleudrie ,.
L Î2 septembre 179Î, »n décret de la Convention nationa e proclanja la é-
cbéanee du calendrier .ré=orien et le commencement ^1""'^ "Tll\u-m.
de ce Sî septembre même, jour précis où le soleil arrivait A '1'""™
,„.„e eu entrant dans le si,ne de la Balance ^ 9 Heures 18 minutes M seconde
-la veille avait été le dernier jour de la monarchie. Les représentant, du peuple
avaient nrononcé, le H s,-ptembre, l'abolition de la royauté.
ilut d'abord cette llxati'on du commencement de l'année, a,ec le commence-
m.„, d'une s.aison, est pln< rationnelle que le cboi, sans raison du 1 janvier
pour premier jour de la nMre. - C'est Charles IX qui eut la tolaisie de fuer au
î" janvier le premier jour de l'année, qui jusqu'en KM avait commence i P -
m,e.. - Maintenant que la longueur de l'année a été doteimiuée par la connai -
;,„ce e«cte du mouvement do la terre autour du soleil, et que son commence-
ment n'est plus cTposéà parcourir successivement toutes les saisons, il y a presque
de la barbarie à n'en point fixer le premier jour soit aux solstices, soil aux cqui-
„oxos, l'accordant ainsi avec les saisons el les signes. C'est là ce que la Con.enl,
avait compris. . , , ,.
- • -s plus lucide, de plus exact el de plus simple que cel «unuairc reniiuina
L'appellation des jours de la semaine grésori.nne est ridicule;. I'«";:"''"'3"';
i„„„er des noms auxjours do ladécade.lescherche dans l'économie mémo de on sjs-
""" -, -, . ■ ■ 1 i„„ „„ r,;ir.>^sorlir avec un rare bonheur, el
émede division si lucide el si simple, les en railri-ssouir avei
es compose do façon A établir une coi-rolation numéralive entre eux cl I s qmin
tiémes dumois. Chacun des dixjouvs de la décade prend un nom H"' 1""= 'J^^'
ure, et qui, pourtant, conserve dan, sa compos.lion la signilication des nombre,
A;ZL \\ bien 01 e ce nom «cul du jour de la décade indique le quantième
„rdmaiies.SibienqueiOu^om^.^^ul^a^J^^^^.^^^^^^^^^_^^^,^^ ,„al6riel.Eneirol, le,
romrdliaràireT's'onl": primidi.duodi.tridi, etcetc; il est facile :>« -"'F-'i™
que iridi, par exemple, esl le 5, le 13 ou le Î3 d'un mois - el "'"»■/"''"'';"
iôir. Or comme l'o, sait toujours si le mois e,t !i ,on commeneeinen ,i,on
m-lieù «; à sa fin. chaque jour de la décade porte bien réellement avec lu, la date
■""voTircependanl queUsl cet annuaire républicain, qu'il est de mode i' ^'««J
si méprisable et tout h fait digne des désordre, et de 1 isnoranco '>-™l""°
ros, comme veulcut bien dire le, sens trop instruils qui no savent pas encore que
la Convention a autant fait pour la science que pour la libcrlc. Si nou, avons
montré qu
lifiques de
i soit iV la hautei
il calend
noire temps, nous
France le ridicule esl ■
>. Qui le croirait? — di
pourtant rien de bien risible, — (
l'ordonnance technique : on l'a tro
facile de Iravcelir que de comprendre. Le calend
festival du catholicisme que la règle de l'année
connaissance, scien-
réellemcnl utile.
■tel ; c'est par le ridicule qu'on s'est attaqué
celle division scieulifique du temps, il n'y a
; .-.-«n cherché le ridicule ailleurs que dan,
une admirable pensée qu'il était plus
grcçorien est plnlOl le cercle
: sur le mouvement céleste; —
qu
id.ant 13
Le calendrier grégoriei
sont plus qu'un non-!
mœurs, notre religioi
la lune; — et de raSm
lancbe. qui était i\ Ro
s la place du calcndr
r gro;
! fait du latin Don
-elBjo_
1 a gardé pour ses mois et se, jours des i
lens qui sont un contre-sens grossier ave
,. - Ainsi : janvier (le moi, de Janusl; lundi (le jour
e de tous les .lulres mois et jours, sauf un seul jo
™.^ le jour du soleil, et qui, dans le calendrier grégo-
rs, que l'annuaire
s appellations. I-es
mouvoments de la
3)jo
(le jour du Selg
Dans l'annuaire au contraire, le, appellations ridicules disparaissent ; chaqu
mois prend un nom pittoresque, poétique, auquel son harmonie imitati.e et une ingé-
nieuse etmologie donnent une incroyable propriété. - Septembre devien^vei
mi»ire(leraoi3desïcndanges^; —octobre-brumaire (lemois dosbl-umes); no'
bre-frimaire (le mois des froids) ; - puis les mois d'hiver: décembre, jau
février, font nivôse, pluviése, ventôse : — neige, pluie, yent. — (Juin oc piu ^
pressifque les trois noms des mois du piintemps: germinal, floréal, piaina
(sève, fleur, prairie, au lieu de mars, avril et mai. - Enfin, les noms des ti
mois de l'été sont encore plus heureusement sonore, et indicatifs peut-être:
Juin, juillet et août - se ch,ingent en messidor, ll.ermidor, fructidor (les mt
son,, le soleil, les fruits).
Mais c'est dan, la division de l'année, des mois et des j<
l'emporte sur le calendrier, bien aulreiucnl encore que dans
mois grégoriens sont inégaux enlre eux, discordants avec le
lune. On^se fatigue à chercher si un mois est de 23, S9, 30
Cette inégalité est un reste de l'ignorance de, peuples, qui, faisant leur a...„„
trop courte, corrigèrent grossièrement leur calendrier en ajoutant plusieurs jours
i quelques-uns de leurs mois. Au .caudale d'un siècle éclairé, eettefau.se di-
yision de Pannée est conservée dans l'almanach grégorien. La sous-division du
mois lui-même est pire encore.
Pour l'assimiler sans doute aux quatre phases de la lune, on a voulu partager le
mois en quatre parties. Mais, faute de pouvoir diviser 29, 30 ou 31 jour, sans
traction, ou a établi la division sur 28 et fait la semaine de 7 jours; si bien que
le, quatre parties on semaine, ne co-incidenl plus avec la durée réelle au luoi.
Celle sous-di.ision particuliore ne mesure exaclemenl m le mois, m 1 année, m
les saisons, ni les lunaisons. ,
Ces erreurs matérielles, ces incohérentes division, du temps, ce, yestige, de,
époque, de barbarie ou de superstition, l'annuaire républicain les rejette.
C'est avec une haute raison, les certitudcj de la science, la propriété ingénieuse
des mol!, que la Convention a fait son œuvre.
AdopUnl la .ayante division de l'antique Kgypte, qui coupait 1 année en l.
mois e-iux el 1. complétait avec 5 jour, épagomène,, l'annuaire républicain
donne °30 jours à chacun de. 12 mois, et leur surajoute S jours qu, n appart.cn-
n<>nt i aucun moi, et qui achèvenl de remplir le cycle annuel.
Ces cinq jours, qui terminaient chaque année, étaient consacré, â de. félo. pa-
iriolian... On les appelait le, san.-euloll.d... Pour maintenir une coïncidence
eiicle avec le. moo.emenl. célc.le,, l'année ordinaire prenait "" -ixiémo lour
ipai/omiat ou .aM-euloI((d« .eloi, que le comportait la poiilioi
La inbdivi.ion du moi. républicain est rationnelle et eiacle con
née. A l'impo.sible parUge du moi. en quatre partie,, Pannuairo
Ui«e en décade., appliquant ain.i k la divi.ion mensuelle l'admi
numération décimale qni «enail d'être adopté en France.
Le nom de .emaine donné à l'inexacte diyi.ion grégorienne n a point de .en,.
Ce .impie mol de dcc.dc défmil et explique la rigoureuse diyi.ion de l'annuaire,
qui .eut que, du premier an dernier, le» jour, de la décade el le. jour, de I année
préci.eol dan» leur paralléli.mc lonlc» le. phase, du cycle.
\ chacun de ses jours un nom patronymique de saint est attaché. Li
■inuua re d'un peuple qui venait de reconnaître la liberté de, cultes
:h„i,„er un calendrier purement civil au calendrier religieux; dégager
.1 spirituel,- les saints du calendrier grégorien foreu répudiés.
, :éli;cl!it Ôe le calendrier étant une chose é laquelle tout le monde a
foreémcnt recours, on pouvait profiter delà fréquence de cet usage V"' f''"
ûpèuple d'uliles'nolions; que la place ealholiquemenl "«"P- P- '; ^ ' [
il ra ioiiellement remplie par l'admirable abrège d'un "«l" .'''™^ |"" l "; °,
ie rurale. - Sous le coup de celle inspiration, la Convention q, on a pem,
oire aussi «roee qu'on dit, à voir comment elle se préoccupa de I agnculluu
faire aimer les champs, et de couseiUer ces ulilcs travaux du l»'>"u'-=;'' V
.ont la fortune réelle des Liions, la Convention, disons-nous inronisada
eolonne jadis dédiée aux saint Mathias, aux sainte Cunégonde, »' «'» "' O"'" ■""
Rigoberl, Palerue, Runn, Blandiui. Loyola, et autres «'■■"• rrllie 1
sent peut-être en réalité l'Évangile cl la religion moins que la saeiislie,
., richesse, agricole, que la terre fécondée donne au labeur hnniain.
La (01 niion voulue que son .uinuaire en,eign« 4 ton, le, Franc»,, la eon-
ii,,ance des objets de la oilture, des utiles productions de la terre, de, instru-
m;™ aratoire,, 'de. animaux domes.iques, la richesse du fermier. - K comine
livr.riil,\ cotte fantaisie de ramener par le calendrier, livre usuel "J" '
iple français i> l'agriculture, la Convention ne croyait pas faire une cl ose
oimêm bigarre, elle prit la peine de disposer, avec un ordre admirable et
2 pratique qui lui foui honneur, le. nom. des 6™""';»';"'°'' "^: '
.,, fleurs, fruits, piaules, etc., de façon que chaque prodoc Uon « ™- '-
:, il sa place el au quantième où l'homme doitraltendre de la na-
nléres-
luri
jnsi que les légume, et le, bSloi furent
8 la Convention, qui joignirent, comme i
lis eu place de, saints par ces
1 le dit avec complaisance, le
1 de l'équinoxe.
ime celle de l'an-
suliatitue le par-
rable syslème de
Et C'est
barbares ,
^'f l:;nul1i::lnce, la.„b,titution vous .emble-l-elle '""i"""»-'^^
,„e, et l'idée prële-t-elle i rire 1 Croyez-vous qu'il .o,l encore '• «" »P "'" "l
coûter le. bous plaisant, qui aff,rn,ent que la Convention ,i poiis, la ' """'« j,
,,,1'J vouloir .affubler le, Français de prénom. »'"P'''«' :' T.. "'" '"' ,:"' ,f '
jardin de l'annuaire ont été simplemeul introduits dan, le but naît ,1e '""-"'^'"
miler l'homme ,^ la bêle et . la nalure inerte ,^ l'aide d'une P.»'-"?"-; ''^f^-, ;. "J^
La calomnie a fait son chemin cependant; le cierge qui, en 1806, soll.c, la et
obUnlTe rZlisseuien. de l'ancien style, ne ,e fll pa, faute de la propager y
réellement, » l'heure qu'il e.t, trés-peu de gensqu, n'aient I "P " »" '« P "' f"';^'
de cel annuaire républicain, q,ie nou. yeuon. de reliab, . 1er, =''"«;;• '';^;;
Na.,, et Pioeli. .ont toujour. le texte do la méuie gaieté 1 - On b ■■«'«;; ^'^
avec celte bonne plai.anlerie; - nou. cpéron, cependant que no, Ufeue. p.
ront faire changer quelqui
e cèle.
La Contention pensait que l'on ne fait
daud, de, prénoms ii choisir; elle n'avait
raonclalure instructive do l'annuaire pour
Mai, admetton, que certain, patriote,
prénoms comme on eu trouvait dan, l'ar
TMmyU. Sylvie P.n.M, ou mémo Itaii
bien.
p.,o .... .-- -- pour donner aux b;,-
!Crte, pas prévu qu'on prendrait la no-
me série de patron! de son invention,
je .oient avisés d'aller chercher lii de,
^icu calendrier, est-ce que les .Sabine,
et Pioolie de l'annuaire ne valaient pas
du ca-
i do. ge
■pire aux prc.sc. mécanique de La
iphoniect poésie, le» Cloud, Caiilou, Panerao. ol aul
, , ■ . ■ s. p„;= r.l-ce il l'annuaire qu'il faut .'en prendre
lendrier grégorien? — Pui., c.l-ce a aum, ,..c 4
de lilu, ou moin, de goût lui ont emprunte des nom.r
rt enliu ,i l'on regrellail l'ancienne palronymie catholique, ne pouvail-on pas
l'ac;ommoderauxd..e,de l'annuaire, ^ ^ ^^ Z^^:^':^^'!^
"""'•fr'trZltu ^u'hlnLu ; r^Ila^: ,«'.1 esl..aei:î .OUI »
cependant ne saurait (lupiaiic ail uu» wiu" \
"C'r;r:::rd— :;::.:'r::::r;;ur faire quoique piai.ir peu,
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avoir leur, patron, dan, l'annuaire, nou» aveu, mil, lu cg
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rcllcment, la différence de. deux style,
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tout à fait ainsi, el prc.que uotii. ■
Aon. LIREUX.
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ALIANACH RÉPUBLICAm POUR 1849, CONFORME AD DÉCRET DE LA CONVENTION
JAN
Ce mois est d'onlioaire insignifiant. Son nom vient du latin
janua, porte, et januarius oujanilor, portier. Janvier ouvre
eu effet l'année, il ouvre la porte aux mois qui le suivent. Ce
mois est insignifiant, en ce sens qu'il n'a jamais vu et qu'il ne
verra jamais s'accomplir de grands événements; les cœurs,
touchés par les élrennes remues, restent trente et un jours
dans l'attendrissement, état bleu doux, mais qui enlève à
l'homme son énergie et le rend impropre aux grandes choses.
On peut dire qu'en général un mois ne se doute guère de
ce que fera te mois suivant; ainsi. Janvier de 1848 était loin
de compter sur le Février qui l'a suivi, ce qui prouve combien
l'homme est insensé de vouloir pénétrer les mystères de l'avenir.
Le mois de janvier est propice aux mariages, à cause des
relations de société qui s'établissent au sujet des étrennes et
du gâteau des rois. — On verra un mauvais plaisant à qui la
fè?e sera échue, l'avaler adroitement pour s'éviter les frais de
trois bouteilles de cidre qu'eu qualité de roi il aurait dû offrir
à la compagnie : vil exemple de gloutonnerie et en même temps
d'avarice! C'est aussi durant le mois de janvier qu'il se donne
le plus de coups de canifs aux contrats de mariage. — Fem-
VIER.
mes, soyez fidèles à vos époux; époux, ne trompez pas vos fem-
mes! Une loi fort sage condamnait autrefois les époux adultè-
res à avoir le nez coupé. — Si cette loi était encore en vigueur,
disait un railleur, que de gens on rencontrerait sans nez !
Evitez la médisance en vos propos.
Le président de la République donnera des fêtes brillantes.
Un vieux général, admis à ces réunions , avalera de joie sa
culotte de peau, et paraîtra dans un état peu décent aux veux
des dames. Grande rumeur à ce sujet.
Plusieurs promotions auront lieu. Le général Cbann-arnier,
déjà investi du commandement de la garde nationale, de la
garde mobile et de la 1'° division militaire, aura encore
sous ses ordres les troupes des départements, tous nos bâtiments
de guerre et les garnisons des colonies. Le soleil ne se couchera
plus sur ses ordres du jour.
Foire aux places établie chez M. Odilon Barrot.
Guerre des paysans et des percepteurs.
Le nez des légitimistes s'allongera.
M. de Girardin fera plusieurs voyages en Angleterre, ainsi
que l'ami Gilles.
Mois consacré à la fièvre. Trop souvenl les fièvres amènent
les révolutions. , ,
Les cœuis qu'avaient touchés les élrennes ilu mois iirece-
dent ont eu le temps d'oublier toute reconnaissance ; ils se
sont endurcis de nouveau, et se montrent capables des plus
noirs forfails. On voit l'ami trahir l'ami, le fils méconna.lre
l'autorité paternelle, et l'oncle déshériter le neveu.
Des fêtes de plus eu pins brillantes attireront beaucoup de
monde à Ibôtel de la présidence. — Plaintes des voisins que
le bruit empêche de dormir. — Le vieuv général qui avait, le
mois dernier, avalé par mégarde sa culotle de peau au mdieu
du bal, commettra derechef la même inadvorlauce ; mais un
juste e\il en sera la punition.
L'invalide à la lête de bois sera nommé ministre de la guerre
.\ la pLice du général Rulhiêre, beaucoup trop jeune et trop
ingambe pour cet emploi.
Un retour vers les modes et les usages de 1810 se fera re-
marquer aux fêles de la présidence, et passera de la cour i la
ville. Le général Changaniier remettra la gavotte en faveur.
La Gazelle de France publiera un feuillelon hebdomadaire
Irès-piquaut sur les mœurs el les usages parisiens en 1849.
i;e feuillelon aura pour titre : Le/(res d'un Ermite de la
Chaussée-d'Anlin, et on l'attribuera à un malin vieillard,
M. Sarrans (jeune
On verra des .^ens bien portants, et nés sous la Restaura-
tion, traîner la jambe en marchant et afiecler une démarche
d'anciens mililaires. Quelques-uns se mettront des jambes de
bois. Fortune rapide d'un ébéniste qui excellera dans la labri-
calion des jambes postiches.
Un mauvais plaisant saura persuader à la populatuui pari-
sienne que le mois de février est, celle année, de Irenle el un
jours Mais quand les Parisiens verront le 1'^ mars succéder
immédiatement au 28 février, ils donneront la chasse au mys-
lillcateur, qui s'enfuira à l'étranger. — Rapport fait a 1 Aca-
démie à ce sujet. — La mvstificalion étant une des traditions
impériales, un prix de 10,000 francs sera fondé pour l'aiileur
de la meilleure mvslification faite dans l'année.
Conlinuation dJ la foire aux places che^ M. Odilon Barrot.
M Léon Faucher, bien connu par son mauvais caractère,
après s'être brouillé avec tous ses collègues, se fâchera avec
le président de la République, Il perdra son portefeuille vers
le quinze de ce mois ; ses collègues, ivres de joie, s'embrasse-
ront en public à celte occasion. M. de Falloux donnera huit
jours à tous les collégiens de Paris pour célébrer un si beau
jour — Apparition dugrand serpent de mer surlescôtesdeNor-
mandie. — Le théâtre de la Moubnsier obtient un grand succès
avec une pièce intitulée les dernières Avenlures du duc Avod
de Richelieu.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
117
[.KNDHIKR POUR 1819.
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MARS.
On verra tous les jours de vieux soldats, crus morts depuis
iSI'i, reparaître du fond de la Sibérie, et obtenir des pensions
de retraite. Le nombre des gens qui embrasseront cette
profession nouvelle sera si considérable , que, pour éviter
l'encombrement, le ministre de la guerre mettra les places
au concours.
Un programme des conditions imposées aux concurrents sera
public dans le Moniteur.
Les candidats devront particulièrement fournir leur acte de
naissance, constatant qu'ils ont au moins seize ans accomplis,
un certificat de vaccine, et, s'ils sont mineurs, une pièce dû-
ment légalisée par laquelle leur parent ou tuteur les autorise
à concourir pour le retour de Sibérie.
Les traditions impériales reprenant faveur de jour en jour,
M. V. Hugo fera jouer au Tliéàtre-Frani;ais une tragédie inti-
tulée le Faux Smerdis. — Talma acceptera le principal rôle.
Voici ce qu'on lira dans les faits-Paris des journaux :
« On remarque depuis quelque temps, dans les g.aleries du
Palais-Uojal, un original avec des babits délabrés et une lon-
gue barbe, qui gesticule et déclame tout seul contre l'injus-
tice et l'ingratitude des hommes. Les curieux font cercle au-
tour de ce misanthrope qui possède, à ce ([u'on assure, une
assez grande fortune, et n'afl'ecte un extérieur misérable que
pour faire de l'opposition au gouvernement. Ce moderne Gho-
druc-Duclos est, dit-on, un nommé Emile de Girardin, qui
fit assez, de bruit dans son temps.
«M. Odilon Barrot ayant donné sa démission de ministre, se
verra, en récompense de ses vertus, métamorphosé en canard
et placé dans le grand bassin des Tuileries. — Grande partie
de pèche qui aura lieu à cette occasion dans ce même bassin.
Grandes nouvelles d'Autriche, à la suite desquelles M. de
Rotbscbild regrettera la république rouge. — Les vieux de la
vieille ; le colonel Dumoulin, les généraux Piat et Moiitho-
lon, etc., liis d'être méconnus, lèveront une armée de vingt-
cinq hommes et s'empareront de la Colonne. — On les y ren-
fermera avec leur armée, et on les condamnera à la garder à
perpétuité.
L'exposition de tableaux sera plus brillante qu'on ne l'avait
prévu... On y remarquera des chefs-d'œuvre dignes du pin-
ceau des Cancrcnen, des Guérin et des Girodet-Trioson. —
Conversion de M. Delacroix, qui exposera une Danaé visitée
par Jupiter. M. J. Dupré se signalera par un grand paysage
historique, représentant Hippolyte dévoré par un monstrema-
rin. Couture, chargé du portrait du président, le peindra en
Neptune conjurant les Ilots. — Le nommé Jean Borgne, manou-
vrier, se verra condamné par la cour d'Amiens (Somme), pour
avoir tué sa mère, octogénaire, à écrire dix fois : J'admire E.de
Girardin. Jean Borgne s'étranglera pendant la iiuit.
OMBRES CHINOISES DE 1848. MARS.
Partie.
Premières fleurs, premiers bouriieons. Ou eu verra jusque
sur le nez d'un muuilionnaire célèbre.
La France, prospère et florissante, s'occupera beaucoup de
beau\-arls et de llltérature. L'annonce suivante fixera tous
les yeuî ;
« En vente cbez l'éditeur Pagnerre, rue de Seine, \i bis,
le cinquantième volume de I'Almasach des Mi ses. Cet ou-
vrage annuel, véritable Parnasse français, dont il avait fallu
suspendre la publication à cause du mauvais goût littéraire
des dernières années, a pu reparaître enfin, grâce à la réac-
tion salutaire qui s'est opérée daus les esprits. Le numéro eu
vente contient des épigrammes, madrigaux, acrosliclics, bouts-
rimés, bouquets à Cliloris, et autres poésies légères de nos plus
aimables poètes, MM. Hippolyle Bonnelier, Vacquerie, Pouger-
ville,Tissot, Baour-Lormian, Sarrans (jeune), et mesdames Del-
phine de Girardin, Ancelot, Eugénie Niboyet, elc, etc., etc.
« En vente à la même librairie :
(i Le Temple de Terpsychure, ou l'Art de la Danse, poème
didactique eu quatre chants, par M. Vacquerie. [Ouvrage
couronné par l'Académie française.)
€ Le Spectacle de la Salure, poème descriptif en douze
chauts, par M. Th. Gautier, a\cc une préface par M. de Pou-
gervilte. (Deuxième édition.)
« Le Faux Smerdis, tragédie nouvelle, par M. V. Hugo. »
Un chanteur fera la fortune de l'Opéra avec la romance du
Point du jour.
M. X. Durrieu, avant renoncé à la carrière politique, dé-
butera, comme danseur-mime, par le rôle de Télémaque,
daus un nouveau ballet de M. Garnier-Pagès, intitulé l'Ile de
Calypso ; son succès sera colossal dans le pas appelé : « Pas de
mouchoirs. »
Grande fête, dite de la Fraternité, à la suite de quelques
mésintelligences dans la population.— Confiance! confiance'.
— La plus grande franchise régnera pendant quelque temps
dans les rapports des citoyens entre eux, el jusque d-.-i les
opérations de Bourse. Ce sera au point que, laissant de co'.é
les ruses et les sublerfuges ordinaires, on volera ouvertement
des coupons de rentes et même des foulards. — Retour de la
dissimulation.
Un agronome distingué, par un nouveau procédé de cul-
ture, découvrira l'art de faire pousser dans son parc des fau-
vettes et des rossignols artificiels. — Réveil de la Belle au
bois dormant, qui s'était endormie au mois de février 1T49.
Fondation d'un phalanstère aérien sans pivot.
Grande discussion des critiques sur le mérite respectif de
deux tragédiennes. — Le préfet de police fait afficher une or-
donnance sur le musèlement, appliqué à tous les citoyen', pour
les empêcher de parler politique.
U.UBHliS CHINOISES DE 1848,
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A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
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Un vieux brave qui avilit l'ait partie de rexpéJiliou de
Breiiiius à Rome, et qui avail passé pour mort depuis ce temps,
revient dil fond de l'Italie, où il était resté prisonniM-. On le
nomme ministre de la guerre à la place de l'invalide à la tète
de bois. — Le temps vole, emportant dans sa course nos cha-
grins et nos plaisirs.
Grand banquet de femmes libres, où il est décidé que le
mois de mai sera consacré doréiiavanl à madame Eugénie Ni-
boyel. — Le citoyen Sarrans (jeune) meurt de vieillesse; on
lui ouvre les portes du Panthéon. — Un dessinateur, qui êlait
allé en Afrique, le crayon à la main, pour croquer la nature,
se voit lui-même croqué par un lion.
Lu mode des myslifiealions l'ail fureur. Un mauvais ]il.Ti-
sant va trouver M. Alexandre Dumas, el lui persuade qu'il vieiil
d'être nommé président du conseil des niinislres. Sur celte assu-
rance, l'auteur à'Anlony se hàle d'aller prendre possession de
l'hôtel de la présidence. Arrivé là, on lui apprend en riant
qu'il a été victime d'une plaisanterie, et il s'en retourne de
fort mauvaise humeur. Celte mystification, racontée le soir
dans les foyers de lliéâlres, dans les salons et à l'Assemblée
nationale, fait rire tout le monde. Son auteur obtient le prix
de 10,000 francs fondé par l'Académie. — Grand combat de
M. Proudhon et d'un épicier à coups de parapluie.
Un électeur de province, qui a beaucoup contribué à l'élec-
tion de M. Louis Bonaparte, arrive à Paris pour solliciter une
récompense, et ce dialogue s'engage entre lui et un passant;
« Monsieur, où faut-il s'adresser? — Pourquoi faire? —
Pour être récompensé. » Le passant facétieux lui donne l'a-
dresse d'un bureau d'omnibus.
Le cz.ir Nicolas meurt, laissant par testament sa couronne
à son perruquier, et 500 francs de renie viagère à cha-
cun des rois ou reines de l'Europe. — Courbettes des grands
de l'empire devant le perruquier, qu'ils essayent de faire pas-
ser pour le fils naturel de l'empereur défunt. — Le perruquier,
trouvant ces bruits injurieux pour la vertu de sa mère, intente
aux grands un procès en police correclionnelle. — 11 perd
son procès. — Apothéose du perruquier. — 11 publie une or-
donnance relative à son ancienne profession : désormais on
rasera à l'heure, à raison de 1 fr. 2o c., et 1 fr. 50 c. passé
minuit. — Tous ces événements agitent l'Europe.
Ouverture de l'exposition des produits de l'industrie fran-
çaise. On y distingue un télégraphe sélénien, avec lequel
on peut entrer facilement en communication avec les habi-
tants de la lune. Plusieurs banquiers, agents de change et
négociants , en profitent pour aller faire des trous à cet
astre.
Changement de ulilli^lère. M. Emile de Girardin y entre avec
M. Charles Marchai.
O.VIBKES r.lIlNOISES DE 18-48. MAI.
Un nouveau 18 brumaire.
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Vendredi
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Samedi
JULN.
Le général N'arvacz, cliassé d'Espagne, vient à Paris, où il
fonde un bureau d'achat de reconnaissances et de dégagements
des effets du mont de piélé. — Souscription nationale pour
offrir un bouquet à madame Eugénie Niboyet. — Cette dame
est enlevée par M. l'abbé de G , rédacteur d'un journal
bien connu.
Réception de M. Vacquerie à l'Académie française, en ré-
compense de son poème intitulé le Temple de Terpsychore. ou
l'Art de la Danse. M. de PongerviUe le félicite de son retour
aux saines doctrines littéraires. — Une tragédie enragée court
les rues, et cause pendant deux jours de grands malheurs.
Elle est abattue par un gardien de Paris, qui reçoit ses entrées
perpétuelles à l'Odéon, en récompense de son courage.
Nouveaux scandales suscités par le perruquier autocrate de
toutes les Russies. — Il veut contraindre les boyards à porter
leurs bottes fourrées sur la tète. — Plusieurs boyards sont
exilés à cette occasion. — Ukases incendiaires. — Le peri-u-
quier ose demander la main de la reine d'Espagne, qui est
pourvue , et nomme M. Cabet sou premier ministre. —
Plaintes générales. — On découvre que le czar sort tous les
soirs, déguisé, du palais, et va dans une petite boutique des
faubourgs exercer en secret son ancienne profession. Il
donne la princesse, sa lille, en mariage à M. de Balzac, qui
réalise ainsi le rcve de toute sa vie. — Congrès des di-
verses puissances de l'Europe, tenu à ce sujet à Aix-la-Cha-
pelle.
Un monsieur, se disant arrière-petit-neveu et héritier de
Molière, se présente au Théâtre-Français pour toucher les
droits d'auteur du répertoire de son grand-oncle, échus de-
puis 1675, année de sa mort, jusqu'à nos jours, avec tous iii-
téiêts et arrérages. — Élonnement du Théâtre-Français. —
L'affaire est portée au conseil d'État. — Plusieurs poètes tra-
giques imaginent de s'emparer des principales pièces de l'an-
cien répertoire, et de les faire jouer sous leur nom.
Mort d'un grand citoyen. — L'Assemblée nationale, dont
il faisait partie, décide qu'il sera empaillé aux frais de l'État
et suspendu au plafond de la salle des séances. — Nouvelles
élections. M. V. Hugo n'est pas réélu.
La reine de Saba, ayant beaucoup entendu parler de M. Vc-
ron, vient lui rendre visite du fond de l'Orient. Cette grande
reine avoue que tout ce que la renommée lui avait appris sur
cet homme célèbre est bien au-dessous de la réalité. — Elle
s'extasie sur son admirable laideur, et lui brode une paire de
bretelles avant son départ, et lui fait promettre de l'aller voir
à son tour dans sa capitale.
Un décret de l'Assemblée nationale, reconnaissant que le
jeu de billard a été complètement dénaturé depuis l'Empire,
proclame l'abolition des queues à procédés.
A L'USAGE DES GENS SI^IIÎMIX.
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CALENDRIER POUK 1849.
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I ai.i;ndi<ikk HKPrHr.icAiN.
AN 97 DB LA RKrnBI.IQDBi
Iravailleiir et son 8|)ôtru
Pour deux jumeaux nous sonl connus.
L'un par l'aulre ils suiit parvenus;
Us sont tombés, l'un porUuil l'aulrc.
JUILLET.
Grande exposition Je produits d'Iiorliculture dans l'oran-
gerie du Luxembourg. — On y remarque des fruits magnifi-
ques, et particulièrement un melon dont l'odeur se répand
dans tout le quartier. — Un habitant de la rue de Vaugirard,
excédé de celle odeur, déménage sans payer son terme. —
Procès célèbre à ce sujet. — Le locataire prétend avoir le
droit de rompre le bail d'un appartement qui sent le melon.
— Le propriétaire soutient, le Code eu main, qu'il n'y a ijue
le voisinage d'un établissement où s'exerce une profession dite
à marteaux qui puisse valider une rupture do bail; or, l'odeur
du melon ne saurait être considérée comme une profession à
marleaui. — Embarras des juges. — Le melon est apporté h
l'audience. — La cour mangt le melon, et décide, à l'instar de
Saloinon, que le melon a bien son cbarme.
Reprise du ballet des Sabines à l'Opéra.
M. Voron se mel en devoir de rendre sa visite à la reine
Saba. — Son entrée, dans la capitale de cet empire, sur un
éléphant blanc splendidement caparaçonné. — La reine de
Saba lui offre sa main. — De retour en France, M. Véron se
fait construire un palais en bois de cèdre et en or. — Cent
mille ouvriers y travaillent nuit et jour pendant vingt ans. —
M. Véron écrit un livre de maximes et de proverbes. — Il in-
vente pour la pâte Regnauld de nouvelles boites ornées de ver-
set du Cantique des Cantiques.
Grandes chaleurs qui servent de prétcxie à des gens mal in-
tenlionnés pour jeter les passants à l'eau. — Apparition d'un
évéquedc mer sous le |)ont des Arts.
Un journaliste bien connu se livre à des excès tels, qu"il est
condaniiic à recevoir le fouet en plate publique. — La sen-
tence est exécutée par la garde nationale. — Le prix Mon-
thyon est décerné à Scipion l'Africain pour un trait de conti-
nence relaté dans tous les journaux.
La reine d'Espagne abdique et ouvre un atelier de modiste.
Extirpation radicale et définitive des préjugés au moyen
d'une pommade inventée par M. Emile de Çirardin. Sur de
son succès, M. de Girardin publie celle annonce.
« Cent mille francs à quiconque pourra prouver qu'un pré-
jugé politique ou autre a résisté à la pommade dont je suis
l'inventeur. Qu'on se le dise 1 Une pommade nouvelle par
jour! »
Guerre d'épigrammes entre M. Bariol et M. de Falloux.
Celui-ci en décoche une ainsi conçue :
Barrol, de gloire se nourrit :
Aussi, voyez comme il maigrit I
Alais le grand politique répond immédiatement :
Sottise entretient la santé :
Falloux s'est toujours bien porté.
OMBKES CHINOISES DE 18-18. JUILLET.
État de
Paris le suir à iieiil Ijcin-rs.
]44
ALMANACH DE LA REVUE COMIQUE
AOUT
Continuation des grandes chaleurs. — Un philanthrope pro-
fite de la circonstance pour naturaliser, sur le sol de France,
le lion le tigre, l'hyène, le boa-constrictor et plusieurs autres
espccel de serpents"venimeus, originaires des pays chauds —
A l'aide des chaleurs, M. Isamhert parvient à se métamorpho-
ser en nè^re. — U est réduit en esclavage par un colon.
Le Co^tifvlionnel, exaspéré par les progrès du desabonne-
ment, publie l'arrèlé suivant :
\ partir du 1" août, tout individu aspirant à se desabon-
ner au Constitutionnel devra fournir les pièces suivantes :
io _ Un extrait de naissance qui établisse son identité ;
2» _ Un certificat de bonnes vie et mœurs ;
30 _ Son acte de libération du service militaire, constatant
qu'il a satisfait à la loi sur le recrutement ;
40 _ L'autorisation de ses parents ou tuteur, en cas Me
minorité; ... .
S» _ Les quittances de son propriétaire, depuis un an au
moins, constatant cju-il paye son terme.
Nota — 11 ne sera tenu aucun compte des inlirmites pu;-
sinue^ ou morales; le cas de cécité même ne sera pas consi-
déré comme une raison suffisante de désabonnement.
abdication du roi de Naples. - Ce prince vient ouvrir a
Paris un restaurant italien pour la spécialité du macaroni. --
Entrepôt de mortadelles el de saucissons de Bologne. — Il
prend le marquis del Carrclo pour cuisinier. — FiiUire à
Lc'^président de la République prononce un superbe dis-
cours qui élonne bien des gens. - On ne veut pas croire
qu'il l'ait composé lui-même. — Plaisanteries à ce sujet, a la
suite desquelles on va prendre des glaces.
Un chien, que l'on surprend à se mordre la queue, passe
pour le svmbole de l'éternité. — Grand bal masqué dans la
plaine Sa'mt-Denis. — Résurrection du caveau moderne. —
M Clairville, qui en fait partie, s'étrangle, comme Anacreon,
en avalant ui. grain de raisin. — Plus on est de fous, plus ou
rit. „ , , •
M. de Girardin propose à M. Proudhon de s associer avec
li.i ■ (I Pas si béte ! » lui repond M. Proudhon.
Le Tand serpent de mer fait une seconde apparition sur les
côtes de Normandie. Des corsaires s'arment peur aller le com-
baltre , et l'attaquent avec de l'artillerie ; mais sa peau est im-
pénétrable aux boulets. Ne pouvant le vaincre par la force, on
a recours à la ruse : on l'endort en lui lisant un numéro de Ja
Patrie (Journal du soir), et on parvient à s en rendre
maître.
Une jeune couturière, contrariée dans ses inclinations,
s'empoisonne en avalant un numéro de la Presse.
Mort étrange d'un facteur de la poste.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
123
CALENDHIER POUR 1S19.
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c.u,i:Nnnii;it Bi^:i'riii,if;AiN.
AN 117 DB LA KAPDBI.2QDI;.
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Mardi
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1 Uvacinlbe.
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JoM.li
■. Kulae».
Viiitlredi
ïuliaiioii do la Craii.
Sinimli
U Saer<il<car do Mirii:.
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Lun.li
1. Uoiberl,!'..^!..^.
Murdi
p. T.. t. Jean c;lit...i
Mercredi
ilunlr, /■..„,.. iie La, .
Jeudi
i. tuttache.
V;,ll(lr«Hi
1. Mailiie..
Samedi
.. Maur.ce, martyr.
niii<scB«
lie Tliiel».
Lundi
t Corneille, martyr.
M.rdi
1. Firmin, è\é^ae.
SEPTEMBRE
Le Conslilutionnel s'n\icrcev3nt que son arrêté du mois dei'-
nier n'a pas rtiprimé la l'ui-etir ilii dtisabonnement, annonce
qu'il sera désoi-mais rédigé iii latin.
Le peuple juif est enfin délivré de la captivité de Babylone.
— M. de Gaspariu reparait à la Chambre et demande la ré-
vocalion de l'édil de Nantes.
Renibrunisseraent de l'horizon politique. — Le Journal des
Debals public à cette occasion des articles sur l'état des éludes
philosophiques chez les Esquimaux. — Sages conseils qu'il
donne à ses lecteurs.
Ouverture de la chasse. M. Louis Bonaparte, entouré d'un
brillant état-major, tire un lapin et le manque. — Contesla-
lion à ce sujet. — Un r.ipport inséré au Moniteur décide que
M. Bonaparte a tué le lapin. — Protestation d'un gaide-
chasse. — Ce brave homme, père de famille, est destitué,
pour sa franchise, par un ministre trop courtisan. — M. Louis
Bonaparte, apprenant cette injustice, fait venir le garde-
chasse et le rétablit dans son emploi. — La discussion le-
prend de plus belle au sujet du lapin ; les courtisans décident
encore une fois que le lapin est moi-t. — Nouvelle protesta-
tion du garde- chasse, qui est destitué de nouveau par le mi-
Qistre. — Mandé derechef auprès du prince, il obtient de l'a-
Tancemenl, une gratilicalion et la croix d'honneur. — Ce
grand caraclcre se laisse corrompre à moitié; il consent à
avouer que le lapin a été blessé. — Les honneurs changent les
hommes.
Sur la proposition philanthropique de M. V. Hugo, qui ne
veut punir Icscoup.ibles ipie parle repentir, on ouvre les por-
tes de toutes les prisons, et les détenus sont rendus à la liberté.
— HaiMngue de M. Hugo. — Un ex-délenu lui répond : —
Du llaii 1 — De grands vols se commettent dans Paris, à celle
occasion, en signe de réjouissance. — Les citoyens ne sortent
plus qu'en armes, et l'on met toutes les maisons en état de
soutenir un .Mégc. — On décide que les voleurs seront dei-e-
chef empi-isonnés. — Lamentations de M. V. Hugo. —11 pro-
nonce un niagnilique discours pour demander que l'on accorde
<i cliai|ue voleur une pension de mille écus, ,ilin de le vaincre
par la générosité. — Trois cent mille voleurs vont immédia-
tement se faire inscrire à la préfecture de police.
Le perruquier qui a succédé au czar iNicolas, sur le trône de
Russie, fait louetter la mer.
Le procédé d'épuration des marrons d'Inde, appliqué on
graiid, donne les plus magnifiques résultats. Afin de le pro-
pager, le président de la République donne un grand repas,
où l'on ne sci-t que des marrons d'iniledivinement accommodés.
Les discussions au sujet du lapin tiré par .M. Louis Bona-
parte, qui semblaient terminées, reprennent de plus belle et
continuent pendant une partie du mois suivant.
OMBRES CHINOISES IIE ISJh SEPTEMBRE.
La visite d'outre-MdULUu.
ALMANACII DE LA REVUE COMIQUE
OCTOBRE
C'est à l'occasion d'une maladie grave du garde-chasse, que
les discussions reprennent. — Cet honnête homme, près d'ex-
pirer, se reproche sa faihlesse et déclare, en présence de
quatre témoins, qu'il a fait uue fausse déposition au sujet du
lapin, et que cet animal a été réellement manqué et non pas
tué, ni même blessé par le prince. — Cette déclaration, pu-
bliée par les journaux de l'opposition, cause un grand scan-
dale. Le garde-chasse est destitué par le ministre une troi-
sième fois. — Rumeurs dans le pays à ce sujet. — Le prince
Louis Bonaparte perd son prestige. — Souscription nationale
en faveur du garde-chasse et de sa famille. — Les étrangers
profitent de nos troubles civils pour envahir la France. -- Une
armée, envoyée contre eux, perd son temps en folles di.'.cus-
sions au sujet du lapin, et se laisse battre. — Une seconde ar-
mée repousse les ennemis.
Elections générales. — Le pays est divisé en deux factions:
les lapins morts et les lapins vivants. — Les candidats qui se
présentent dans les clubs électoraux sont sommés d'expliquer
d'abord leur opinion sur le lapin tiré par le piincc. — Le
parti des lapins vivants l'emporle. — Juste sujet d'alarmes
pour les amis de la liberté.
Les vendanges s'annoucent sous le plus bel aspect. — Plu-
sieurs hommes des champs reconnaissent leur bonheur. —
Des grives, en état d'ivresse pour avoir mangé Irop de raiMii,
se livrent à des écarts qui blessent la pudeur de 1 autorité. —
OuadriUes aériens et chocnosophiques de ces oiseaux ; cancan
et chaloupanes grivois, qui lont rire même les gendarmes, re-
duil* à les contempler, le nez en l'air, sans pouvoir y mettre
obstacle ; mais la mère n'en permet pas le spectacle à sa
*''''■• .. j 1
Le vin est si fihondant, cette année, que 1 on prend le parti
de supprimer l'eau.
On s'occupe beaucoup de l'expédition d'Alexandre le Grand
dans les Indes. — Protocoles à ce sujet. — L'Angleterre en
prend ombrage et envoie lord Hardinge en Macédoine deman-
der des explications à Alexandre. — Après de longs pourpar-
lers, on consent à lui concéder le royaume de Caliore, à con-
dition ([u il embrassera le mahométisme.
Continuation des chasses de M. Louis Bonaparte. —Un
cerf, lancé dans la foret de Saint-Germain, part en ligne
droite, traverse plusieurs déparlements, sort de France, par-
court l'Europe; et, toujours poussé par les chiens, il passe à
Astrakan, à Calcutta, eu Egypte, traverse à la nage le détroit
de Magellan, remonte les deux Amériques, rentre en Europe
par le'nord de la Russie, el revient se faire forcer à son point
de départ. — Grande renommée acquise pour ce haut fait par
la meute du prince. Nos plus illuslres poètes se disputent
l'hnnneiir de la chanter.
OMBRF? CHINOISES DE 1848. OCTOBRE
Salons d'une foule de couveris et cabinets particuliers.
Arrèlé du garde des sceaux qui enjoint au bâtonnier de
l'ordre des avocats, de remplacer ce titre par celui de baloii-
oiste.
Plusieurs Savoyards arrivent à Paris pour ramoner les clie-
minées et trouvent une société de poeies tragiques en possession
de cet emploi. — Disputes et conil):its à ce sujet. — L'Acadé-
mie prend parti pour les tragiques qui restent maîtres des
cheminées de Paris.
Vente des meubles de M. de Genoude à la requête du gou-
vernement qui ne peut parvenir depuis di\-liuil ans, à olitenir
de ce citoyen, sa cote d'imposition. — Tentative de dcménii-
gemenl nocturne par M. de Genoude. — Cette lenlalivc est
déjouée par la vigilance de l'autorité. — Vente pul)li(|ne. —
L'enchère est poussée lr>''S-haut par deux riches Anglais. —
Le gouvernement se paye de la cote de* impositions et em-
barque M. de Genondc pour l'Anuricine, après lui a\(or
acheté uue pacotille avec le surplus du produit de la vente.
Rétablissement des titres de noblesse. — M. Véron est nom-
mé comte de quelque chose et se fait composer des armoiries
d'après le codex.
Le goût littéraire se purifiant de plus en plus, M. Ancelot
est chargé de retoucher l'.l «droma</we de Racine. — Il est
nommé, en récompense de ce travail , officier de la Légion
d'honneur.
EMBRE.
Plaintes générales contre les poètes tragiques. — Il sont
accusés de réciter des tirades dans les tuyaux de cheminées,
tout en les ramonant. — On rappelle les Savoyards. — Al-
houpements de tragiques à la porte Saint Denis. — Des pa-
trouilles les dissipent.
Symptômes d'un hiver rigoureux. — On voit des bandes
d'oiseaux sauvages traverser les airs, allant du Nord au Midi.
Abond.ince de bécasses. — Quelques-unes se montreiit à
un l)an(iuetde femmes socialesetcommnuautaires.— Naissance
d'un enfant à une tète. — Ce phénomène n'étonne personne.
.\pparition de plusieurs almanarhs qui chantent à l'envi les
louanges du président de la République. — Le Constitution-
nel, quoique rédigé en latin, continue de perdre des abonnés.
Sa raison s'égare, il poursuit les gens dans les rues i coups de
lùlon.
Revues nombreuses au Champ de Mars et dans les théâtres.
Un vaudevilliste connu paraît lui-même sur la scène, et
réalise un vœu formé depuis longtemps, qui consistait à se
montrer au public dans une position renouvelée du souper de
Grandvaux. — Le public trouve la plaisanterie excellente et
ne siflle pas.
On s'aperçoit enfin que le peuple français est le peuple le
plus spirituel de la terre.
Assassinat d'un marchand d'allumetles.
OMBRES CHINOISES DE l84S. NOVEMBRE.
Le I aptême Je la LousUtuliou.
126
ALMANACH DE lA REVUE COMIQUE
GALENDRIEH POUR 1849.
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Lundi 1 .. SyKe<lr«
Ce guerrier que l'on déoigra
Kst rentre iniict dans sa tente.
Pour une revanche éclatante.
Quelque jour il en sortira.
CALENDRIER REPUBLICAIN.
AN 58 nx: LA RÉPUBLIQUE.
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nKCADI
Terrw v#î;^I«I
DECEMBRE.
A roceasioii Ju joiii- ilc l'an, nui s'a|i|)ro<lio, la |iliipart des
grands hommes contemporains sont sculplés en sucre et en
chocolat. — Exposition, chez Marquis, d'un superbe Odilon
Barrot en pain d'épices. — Un Léon de Malleville en frangi-
pane, à la vanille, attire tous les regards.— Félix met en vente
des petits gâleauv contenant, au lieu de crème, des Avond,
des Grémieux et des Léon Faucher en sucre, ainsi que beau-
coup d'autres représentants.
M. Viicquerie, allant on ne sait où, se laisse choir dans un
jiuits. — M. V. Hugo, appelé à son secours, lui fait un dis-
cours avant de le tirer de l'eau. — Rupture de rengagement
de M. X. Durrieu avec l'Opéra ; le théâtre des Funambules
paye un dédit de 50.000 fr. pour se l'attacher.
Un candidat à l'Académie française traverse la Seine à la
na"e pour arriver à l'Institut. — Il fait fausse route et aborde
dans un bateau de blanchisseuses, où on le reçoit.— Réveillon
à l'hôtel de la présidence. — L'année 1849 meurt, par écono-
mie, pour ne pas donner d'étrennes.
Après cela, si vous consultiez d'autres caries que les nôtres,
d'autres étoiles que celles qui sont au bout de notre lorgnette,
les entrailles d'autres victimes que celles qui fument au bout
de notre fourchette, vous auriez, il faut en convenir, des pré-
dictions bien différentes de celles-ci. 11 y a devin et devin,
somnambule et somnambule, vérité et vérité, les bonnes et les
mauvaises, les vraies et les fausses, nous vous en dirions plus
si nous en savions davantage, s'il s'agissait du passé nous se-
rions plus clairvoyants. — Aussi. nous permellons-vous le doute,
mais le doute seulement, sur quelques-unes de nos hypothèses.
D'autres vous affirmeront peut-être qu'au mois de décembre
1849, Henri V sera sur le trône, que le maréchal lîugeaud
épousera la duchesse de Berry après avoir tué en duel le duc
de Lucchesi-Palli, et après avoir fait oublier à la princesse la
petite affaire de Blaye; que M. de Falloux se fera alors voltai-
rien, que M. Thiers se fera socialiste, et que Proiidliou entrera
au séminaire Saint-Sulpice. On vous soutiendra que la du-
chesse d'Orléans, éprise du beau caractère du général Cavai-
guac, lui aura offert sa main par correspondance; le général
aura accepté; il aura adopté le comte de Paris. Louis-Philippe,
heureux enfin comme un roi, aura béni la République en mou-
rant. La clef de la Ibéorie du Circulus aura été trouvée à l'aide
du chiffre 100 par le bon Pierre Leroux. On vous dira que le
pape sera noipmé président d'une République universelle;
que les races rcychcs passeront à l'état fossile; que l'on résou-
dra le problème de la félicité du genre humain. — Que ne
vousdira-t-ou pas? — La République sera renversée, rétablie,
reconstituée, etc., etc. Croyez tout, ne croyez rien, prenez pa-
tience. Dieu est grand, nous sommes petits, et il peut bien
se passer de prophètes.
OMBRES CHINOISES IiE 1S4«.
lil.lKMBllF..
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
127
liKYUii u1':trosi»i:(;tivk di-: is'«h
TAI1I.ETTES D UN TOI RISTK ANGLAIS
JANVIER. — l.'Aiinli'Icnv n'o^l |ii> lri\ii.|iillli'; lis cli.iilistcs
se reimu'iil; ou vciil me coiiliaiiidre i iii'cHrolcr ilaiis les
cunstalles spéciaux. Je piciuls le paili de (itiiller Loiidi-es pour
clierclicr uu séjour plus paisible.
FtVRiEn. — Je loue uu apparlciiieiit à Taris, cl jr le imuMe
svec soiu. Tout est calme; le carnaval pioinel dèlre gai; les
Imls masi|ués commeuccnt. — Révolution. — Je suis reveille
par la fusillade ; mon portier a pris les armes ; un i lui) de-
mof ritique s'élaldil uu premier éta-e de ma maison ; nu-des-
sus de ma tète s'iuslalleul les Imreaux d'un nouveau journal....
Mes pauvres nerfs sont bien malades !
MARS. — Forcé d'illuminer, j'allrape un gros rlmiiic en
allumanl des lampions. On m'invile, en qualilé de représen-
t.inl de la Gran.l.-Brelagne, à honorer de ma présence la
plantation d'un arbre de liberté. — Grand accompagnemeni
de coups de fusil. — Je resie à moitié sourd. — Impossible
de dormir après quatre heures du malin, à cause du vacarme
que font les crieurs publics. Mes nerfs soiil dans uu élal dé-
sespéré. Vente de mon mobilier avec cinquante pour cent
de perle. — Je prends la résolution d'aller vivre sous un
gouvernement despotique.
AVRIL. — ^n-iree à Milan.— ic me meuble une jnlie
chambre sur la Piazza del Duomo.— Révolution. —Les Au-
trichiens bombardenl ma maison. — On me jette un piano sur
la léle. — Vente de mon mobilier, avec soixante pour ceiil de
perte. — Décidément j'irai vivre sous un régime constitution-
nel.
MAI. — Je nie fixe à Berlin. — Révolution. — Ma maison
est occupée iiiililairement , et plusieurs balles sifllent à mes
oreilles. — Venle démon mobilier, avec quatre-vingts pour
cent de perle. — Je me logerai à l'hôlel , et dans un pays
absolutiste.
jiiN. — Me voici à Vienne, hôlel de l'Aigle. — Révolution.
Le gouvernemenl est renversé le jour de mon arrivée. —
Je me jelte dans un cabriolet , dont on s'empare pour faire
une barricade. — On me laisse dedans. — Les deux parti» «c
tiraillent par- dessus ma tête. — En essayant de quitter la
ville, je suis arrêté comme prupagaiidiile , et avant perdu
mon passeport , je suis retenu quinze jours en prison. —Mes
nerfs vont plus mal (|ue jamais.
jiiLLET. — En desespoir de cause, je veux retourner ii Paris,
lorsqu'on m'apprend les .»naire» de Juin. -Je me rejette sur
la confédération germanique. — Arrivée à Hesse-Darmstadt,
au moment où les étmliants déposent l'électeur et cassent les
carreaux.— Obligé de boire avec eux une énorme quantité
de biere.
AOUT.- Visite ii Francfort , capitale de la confédération. —
J'assiste à lieux jours de combat dans les rues , mais je com-
mence à ni'j habituer.
sEi'TEMiiui: ET ocTomiE. — Sijour i Bruxelles, ville Iriste
et monotone. — Pus la moindre émeute en expectative. — Les
émotions me sont devenues nécessaires. Malheureusement l'Eii-
ropes'apaise. —Où pourrais-je me procurer une révolution'?
Mon alïeclion nerveuse m'a repris. — Une Révolution, ou la
mort ! — Rome m'est recommandée.
NovEMBiiE. — Arrivée à Rome à propos , pour assister à
l'assaut du (^uirinal. — Je suis affilié à un club populaire. Je
fraternise avec Brulus, Gergos et Cicerovacchio. Donné au
pape des lettres de recommandation pour un ami que j'ai a
Civita-Vecchia.
DECEMBRE. — Excursiou intéressante dans le nord de l'Ita-
lie ; visite à Maîzini et campagne d'une semaine, avec les in-
surgeants, sur le lac di Guarda. Je lis dans le Times un avis
de °mes parents désolés, qui me supplient de revenir en An-
gleterre ; mais non ! J'ai pris goût aux révolutions, ^lxe la
République ! Vive la Liberté ! Je vais aller faire de la propa-
gande en Ru.-sic ou à Constantinople.
Jusqu'à présent, nous avions fait ii M. de G'irardln l'bon-
neur de le compter parmi les gens qui ont le courage de
leurs défauts et l'orgueil même de leurs mauvaises passions.
Nous le croyions, en un mot, brave dans le mal, et, en qnebpie
sorte, droit dans le travers; nous nous étions trompé : M. de
Girardin est encore plus complet que nous ne le pensions; il
est hypocrite : une petite note publiée dans la Presse, il
y a quelques jours, nous le révèle sous ce dernier aspect. Dans
cet entremet honteux, M. de Girardin se plaint de la publica-
tion de certaines caricatures dirigées contre Devinez con-
tre qui? Contre le général Cavaignac!! 0 tartuffe! M. de
Girardin demandant aide et protection pour le général Cavai-
gnac'.Cela ne rappelle- t-il pas M. de Girardin visitant la
tombe de Carrel"?
Allons, monsieur de Girardin, un peud'audace donc. Dites-
nous tout droit que vous n'avez pense aux caricatures qui se font
contre le général Cavaignac, que quand vous avez vu que, s'il
y avait des crayons disposés à attaquer ce noble vaincu, il y en
avait aussi qui ne craignaient pas de le venger.
Eh quoi ! vous avez outrageusement calomnié pendant trois
mois uu homme de bien, et vous espérez en être quitte pour
dire : « Oublions tout, c'est-à-dire oubliez le mal que je vous
ai fait! » Et il ne se trouverait nulle part un homme de cœur,
sinon d'esprit, pour vous inlliger de sa plume ou de son crayou
le châtiment que vous méritez !
Allons, monsieur le défenseur de la liberté, de la licence, du
cynisme de la presse, élevez-vous, si vous l'osez, contre la
liberté du crayon ! —Vous ne trouverez pas un procureur de
la République, vous ne trouveriez pas un procureur de l'Em-
pire, si Empire il y avait, pour vous défendre, pas un juryjiui
n'absolve, qui ne loue peut-être l'artiste ou l'écrivain coura-
geux qui aurait fait claquer à ïos oreilles le fouet d'une juste
satire !
IS
Lamennais fut le pivciirseiir
Du régime démocratique :
A la fois poëte et penseur,
Des couleurs de la bible antique
11 habilla la poliliiiue
Et tonna contre l'uppresseur.
Sa parole retentissante,
A la guerre nous excitait ;
Maintenant, qu'il nous représente,
(1 reste dans l'ombie et se lait.
C'est qu'au sein de l'aréopage
On fait pour lui trop de tapage ;
Les bruits du monde, trop souvent,
Iroiblenlsa pacilique étude
Il faut, au prophète rêvant,
Le silence et la solitude.
Dessiné pir Faehitzius.
Gravé par lîAUUNT.
Udlll.RVARD DUS ITAI.IKM.
30 <*<'ii<iiii('N la livruiNoii.
niiK niciir.i.iEi', '.i'i
Idltions de la Sonscriptlon. — La Revue comique foimcra un magnifique volume, grand in-8, publié en SO livraisons à 30 centime*,
Ir la poste, 40 centimes — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco) à M. Lireuï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
liens.
DUMIN£B.A-r. XSITKUB, 58, RU« RICHELIEU Q- fJi,raison.
Le GiU'au (li-s Ilois île Islfl.
D«»iné par FaeritziiS.
Gravi' paj Baiilant.
rii.— Tir.; lui prei»e< nlécanic|UC» de LicniMPS fil' «1 Coinp., rue Damielle, 2.
LA SEMAINE.
La Semaiiii? se laissa tomber plulùt qu'elle ne s'assit
sur le fauteuil que je lui présentais.
« Qu'avez-vûus, madame, au nom du ciel ! et pour-
quoi TOUS évanouissez-vous comme une héroïne de co-
médie? Ilolà, quelqu'un 1 vite un flacon, des sels, du
vinaigre, de l'eau !
— Mauvais plaisant! vous riez de ma fatigue, com-
me si elle pouvait avoir i[uelque chose d'extraordinaire
après tant de visites. •
— Vous faites encore des visites?
— C'est mon devoir de Semaine bien apprise. Ne
devais-jo pas offrir mes félicitations au président de la
République française?
— Vous l'avez vu ?
— Comme je vous toîs.
— Décidément, comment es-til?
— Il est blond foncé; il aies yeux petits, le teint
gris, le nez gros, les jambes un peu courtes, le buste
un peu long, et un maintien embarrassé qui ne déplaît
pas dans un débutant. Il ressemble prodigieusement à
Louis Huard. 11 portait l'uniforme d'officier général de
la garde nationale. C'était le cas oùjamais de se montrer
dans tout le lustre civil d'une fonction qui n'a rien de
militaire ; c'est-à-dire en frac noir ; mais le président
tient à porter l'épée : laissons-le jouer au soldat,
— Que vous a-t-il dit ?
— Rien.
— Et aux personnes réunies autour de lui ?
— La même chose,
— En sortant de l'Elysée-National, où êtes- vous
allée?
— A l'hôtel de ville, complimenter M. Berger, cet
heureux Aiivi>ignal qui rem|)]ace M. de Rambuteau
par la grâce de M. Louis-Napoléon Bonaparte. J'ai
trouvé tout le monde dans la désolation ; quand je dis
tout le monde, il s'agit tout simplement des conseillers
municipaux.
— 0 ciel ! ce gros Berger serait-il indisposé?
— Lui, non, mais le conseil municipal; nos édiles
étaient malades d'un déjeuner rentré. M. Berger a cru
devoir supprimer le repas traditionnel du premier
jour de l'an. Dans ces temps de révolution, il faut
bien se montrer, par quelque côté, partisan des ré-
formes.
— Où ètes-vous allée après Ibùtel de ville?
— Ma foi, le monde officiel me paraissait si froid, si
triste, si monotone, que je lai quitté, et je me suis rnise
à parcourir les magasins, les boulevards, les rues, me
mêlant à la foule, regardant, marchandant, bavardant
avec le premier venu. Les bons dialogues que l'on en-
tend ! Si les cadeaux du jour de l'an pouvaient parler
à l'oreille de ceux qui les reçoivent, que d'agréa-
bles surprises ils leur causeraient. — Il y a un an, jour
pour jour, M. le duc d'.\umale a donné à son précep-
teur, M. Trognon, un ours jouant de la guitare, l'ours
et la guitare en bronze. Si l'ours avait pu parler, il au-
rait pu apprendre au précepteur pourquoi le choix de
son élève était tombé sur lui. J'étais dans le magasin
de bronze de la rue de Choiseul où se fit cette empiète.
« Dieu qu'il est laid! s'écria le duc d'Auraale à son
frère Joinville, en apercevant l'ours en question ; de-
vine à qui je vais donner cette abominable bête ? — A
Trognon, dit Joinville. — A Trognon, répondit d'Au-
male.
REVUE COMIQUE
— Et vou^ , madame , savez-vous pourquoi vous
n'avez pas reçu ce bracelet de médailles antiques que
TOUS avait d'abord desliné votre amant : « C est trop
beau pour elle, elle ne comprendrait pas. »
_ Cette broche, à qui la devez-vous , à madame —,
votre rivale, qui Ta refusée...
— Dis-donc, ma femme, si son mari allait être des-
titué, sais-tu que je regretterais diablement les 100
écus que me coûte ce cotTre de Taban.
— Quel dommage! un si bel album à une si sotte
créature.
— Et ces beaux livres, j'aimerais bien mieux les
garder. Que le diable emporte le jour de l'an !
— Que penses-tu de ce cachemire, pour la petite
p..._'ru es fou, moncher, il est trop cher de moitié;
tu vas nous la gâter. Elle sera hors de prix.
Pour qui ce beau Christ d'ivoire sur fond de ve-
lours violet. Pour l'archevêque de Paris ; pour le
curé de la paroisse? — Non, c'est pour la grande J...
Elle est si dévole.
Bon! mais tu oublies quelque chose ; il a quatre
enfants! — Quatre enfants ! — Si tu ne donnes rien
au quatrième, la mère sera furieuse, et l'cifet des
trois premiers cadeaux manqué.— Mais c'est ignoble !
on n'a pas quatre enfants (etc., etc., etc.)
C'est, au fond, une chose assez amusante que le jour
de l'an; et la semaine qui me succédera 'en 1850 aurait
tort de le supprimer.
— L'avenir ne nous regarde pas ; mais, voyons, n'a-
vez-vous donc rien de plus intéressant à me raconter?
— En politique, par exemple, il a été question d'une
foule de nominations bizarres.
— On parlait de certains préfets?
— Amis trop exigeants, dont il f.uuha, au lieu de
préfets, se décider à faire...
— Quoi donc?
— Des ingrats!
— Et les dossiers des affaires de Strasbourg et de
Boulogne : que pensez- vous de cette affaire-là?
— Je pense qu'il y a dans ces dossiers bien des let-
tres curieuses. Ou écrit souvent des choses bizarres,
on fait des demandes excentriques quand on est en pri-
son, llendu à la liberté, on est bien aise de comparer
les impressions d'aujourd'hui à celles d'autrefois ; en
somme, quoi de plus naturel?
Vous auriez donc remis les dossiers ?
— Je ne dis pas cela ; mais enfin, il faut du courage
pour résister au neveu de lEmpereur ; et j'estime
qu'on ferait bien de proposer une souscription pour
décerner une couronne civique à MM. de Malcville et
Bixio.
— Ils l'ont, parbleu, bien méritée! Maintenant,
parlons un peu littérature.
Est-ce que jamais dernière semaine d'une année
s'est occupée de littérature?
— Théâtres.
— Encore moins. Les pièces nouvelles attendent.
Ce qui commence n'aime point ce qui linit, comme di-
rait M. Victor Hugo.
— Est-ce là tout ce que vous avez à me dire?
— Tout.
— Adieu donc. Maintenant que vous voilà reposée,
reprenez votre voyage vers l'éternité. »
Et je vis partir sans regret ce dernier échantillon
maussade et rabougri d'une année qui aura pourtant
vu et fait de grandes choses. Mais que penser d'une
Semaine qui vous débite des bourdes comme le vol des
diamants de la couronne (maintenant de la prési-
denci). Ah! 1848, tu avais commencé par une
révolution, il était indigne de loi de Unir par un ca-
nard !
Invocation à la triade.
Pour Idirc pendant à rinvocation du r acte de (a Juive.
A L'IJSACK DKS CKNS Sl^lilIXX.
,i;S KTUENNKS.
^\... va Ions les juins vnic son ami lî .., i|iii est iria-
v'iv. M... est un t'xtx'llfiit lioiiime ciitii! doux àycs, un
pou bizarre dans sos allures. I.o jour de l'an arrive :
«Que vais-jo dunuor, se dit-il, à la fotutno de mon
ami? Il Taudrait un cadeau <léiiiat, ingénieux, (]iiol(|Me
chose d'agréable et eu iiu'ine temps d'utile, comme il
Convient de la part d'un homme de mon âge.
Je ne puis pas donner un écrin ni un cacliemire; ce
serait une folie inconvenante, eu égard à ma forluiie
et au prix de l'olijet. J'aurais l'air d'être amoureux de
madame B
Des dragées et des sucreries, ce serait bèto. De telles
étrennes ne sont acceptables que de la part d'un mu-
guet de vingt ans.
Une montre ! qu'est ce que cela signifie, une montre?
On nie prendrait pour un horloger. D'ailleurs, ma-
dame B... on a deux.
Un bracelet, des boucles d'oreilles, une broche! tout
cela manque de gravité. Pourquoi pas des breloques
ou des joujoux? Madame B..., quoique jeune encore,
est une femme d'un esprit sérieux.»
M... est en proie, pendant quelques jours, aux plus
cruelles perplexités. Il est célibataire, sans parents
d'aucune sorte. Son unique préoccupation est de sa-
voir ce qu'il donnera en étrennes à la femme de son
ami. Plus il y songe, moins il se décide. Il en perd
l'appétit et le sommeil.
Tout à coup une idée le frappe. Madame B... est
dans une position intéressante, position dont elle sortira
dans un avenir qui n'est pas très-éloigné. Je vais lui
envoyer une layette somptueuse. Ce n'est pas à la
femme que je fais le cadeau, c'est en quelque sorte à
l'enfant qui va venir au monde, et la mère en sera
bien plus flattée que si le cadeau s'adressait à elle-
même. Le cœur d'une femme doit comprendre la dé-
licatesse de ce procédé.
Heureux de cette idée. M... court commander une
layette, et l'envoie, le matin du grand jour, par un
commissionnaire : « Je ne puis pas, se dit-il, courir
les rues à la suite du commissionnaire et me présenter
avec lui, j'aurais l'air d'attacher trop d'importance à
la chose. D'ailleurs un peu de mystère ne gâtera rien,
et je veux savoir si l'on devinera que le cadeau vient
de moi. »
B... est seul chez lui quand le commissionnaire ar-
rive. 11 défait le paquet et voit la layette, qui n'est
accompagnée d'aucun mot d'explication : « Qui dia-
ble, pense-t-il, a pu faire ce cadeau à ma femme?»
Cette idée le rend tout pensif. Il se promène quelques
minutes dans le salon en réfléchissant à l'aventure :
« Parbleu ! se dit-il, la layette ne peut venir que de la
mère de ma femme ou de son oncle. 11 sei're la layette
dans son cabinet, descend, monte en cabriolet et se
l'ail conduire chez sa belle-mère.
B.i. attend que sa iielle-nièrc lui parle île la layelte,
mais il n'en est jias question. Klle lui montre même
deux bracelets qu'elle veut donner en étrennes à sa
lille.
Décidément, se dit B...., la layette vient do l'oncle
de ma femme. Il remonte eu cabriolet; en route il a
des sueurs froides. Arrivé chez l'oncle qu'il trouve en
train de déjeuner, il a la figure si bouleversée que l'on-
cle lui demande s'il est malade. — Ce n'est rien, ré-
pond B..., c'est le grand air qui m'a saisi : — Bois
un verre de rhum, lui dit l'oncle ; à propos, viens donc
voir le chàle que j'ai acheté pour ma nièce. — L'n
chàlo! balbutie B.... L'oncle se fait apporter l'objet
et le montre à son neveu, qui le regarde sans le voir,
fait quebjues observations au hasard, et trouve un pré-
texte pour s'en aller.
Il rentre chez lui furieux, se demandant qui a pu
envoyer la layette : « Ma femme aurait-elle donné à
quelqu'un le droit de commettre une telle imperti-
nence? Est-ce une insulte directe, une provocation?»
11 se rappelle que l'hiver précédent, dans le monde,
un officier de dragons avait montré quelque assiduité
auprès de sa femme. Un jeune homme blond et
exactement frisé s'était trouvé deux fois à son côté, au
spectacle, comme par hasard. «J'aurai le mot de cette
énigme et l'on ne rira pas à mes dépens. »
Sa femme rentre. B..., résolu à dissimuler, ne lui
dit pas un mot du cadeau mystérieux ; mais sa figure
a, malgré lui, une expression sombre et soucieuse.
Survient l'ami M..., joyeux et triomphant. Il attend
qu'on lui parle de la layette ; l'air lugubre de B... lui
fait supposer qu'il tombe au milieu d'une querelle de
ménage. Après une courte visile, il sort en se félicitant
d'être resté célibataire.
La layette est cachée soigneusement dans le cabinet.
B... épie les moindres actions de sa femme; il a l'œil
ai.v»/enètres pour voir si quelque attentif ne fait pas le
pied de grue au dehors. Sa femme sort pour faire des
visites, il la suit de loin; et, dans sa préoccupation, il
manque d'être écrasé par un cabriolet ; il parvient se-
crètement à s'emparer de la clef d'une cassette où sa
femme serre ses lettres ; mais cette correspondance est
aussi innocente que possible.
Quelques jours se passent. M... est venu deux fois;
mais l'air de B... s'assombrit de plus en plus, ce
qui lui ôte l'envie de parler de la layette, a Ils sont
donc en querelle tons les jours? se dit M... Quelle
mouche les piijue? Trois fois heureux les célibatai-
res ! »
Un matin, B..., qui ne dormait plus, se dit : a 11
REVUE COMIQUE
faut que je confie mon chagrin à M... A quoi servi-
raient les amis si ou ne les consultait pas dans les cir-
constances difficiles',"? Depuis que je suis marié, M... -vient
tous les jours chez moi ; il aura peut-être remarqué,
dans la conduite de ma femme, des choses que je n'ai
pas su voir. En tout cas, il m'aidera dans mes recher-
ches ; d'ailleurs, il est beaucoup plus âgé que moi, il
me donnera des conseils. »
B... s'hahilie à la hâte, court chez son ami et lui de-
mande un moment d'entretien secret. Surpris de la so-
lennité de ce préambule, M... renvoie la bonne qui
lui apportait son déjeuner.
« Parle, lui dit-il ; je suis tout à ta disposition, si
tu as besoin de moi.
— Peut-être en aurai-je besoin, répond B.... Je
viens m'épanchcr dans le sein d'un ami. »
M... prend la main de B... et la serre dans les sien-
nes. B..., vivement ému, porte son mouchoir à ses
yeux ; les deux amis s'embrassent par un mouvement
spontané.
a Voici ce que c'est, reprend B... après un moment
de silence. Le jour de l'an, j'ai reçu une layette...
— Je le sais, répond M... tianquillement, je le sais ;
après ■;
— Tu le sais?
— Parbleu ! puisque c'est moi qui l'ai envoyée.
Toi ! s'écrie B... en se laissant aller dans un fau-
teuil. Le diable t'emporte, imbécile !
Imbécile ! répète M... indigné ; imbécile, un ami
de vingt ans ! »
Les deux amis sont à peu près brouillés depuis ce
jour ; on espère pourtant qu'ils se réconcilieront à l'oc-
casion du baptême.
A i;USAGE DES GENS SÉUIEUX.
llî.-J
RÉFORME POSTALE.
Voici la rclorine postale en pleine aclivilé, et lun en
ressent déjà les eiïels. I,cs correspondances prennent
un développenienl inusité ; des parents, des amis, sé-
parés par de longues distances, cl devenus presque
étrangers les uns aux autres, rompent le silence prési-
dentiel qu'ils avaient gardé si longtemps. I,es écrivains
publics sont accaldés de besogne ; les Manuels du style
épistolaire se vendent à des millions d'exemplaires;
les malles plient sous le fardeau des épitres de toute
espèce, qui se croisent dans tous les sens. Les estam-
pilles gommées que l'en plaque sur les lettres pour les
affranchir, ont été d'abord un sujet d'embarras pour
beaucoup de gens; ils les employaient en guise de
pains à cacheter, et ne pouvaient s'expliquer pourquoi
elles ne collaient que d'un côté. Ils sont enfin parve-
nus à en comprendre l'usage , et les ont trouvées si
commodes, qu'ils écriraient maintenant, rien que pour
avoir le plaisir de s'en servir.
Chacun, profitant des avantages delà nouvelle taxe,
s'empresse de solder son arriére. On écrit à ceux que
l'on connaît, et même à ceux que l'on ne connaît pas;
on écrit aux vivants et aux morts. Des individus
qui végétaient isolés au fond de provinces lointaines,
se mettent de nouveau en rapport avec les centres de
civilisation. Ce n'est pas seulement aux ouvriers, aux
paysans, aux conscrits, que la réforme postale est utile.
Des individus aisés, mais enclins à l'avarice, reculaieiil
devant le sacrifice d'un port de lettre, et s'abstenaient
de toute relation épistolaire. Aujourd'hui, ils réparent
avec usure le temps perdu. Le décret postal a mis la
I.ES CRASDES fAtES DE I.A I.IBEHTÉ.
156
REVUE COMIQUE
plume à la main d'une multitude de campagnards,
qui semblaient avoir renoncé à Vart ingénieux dépein-
dre la parole et de parler aux yeux; et il en résulte de
curieuses lettres, dont la Revue Comique offre à nos
lecteurs quelques échantillons.
Saint-Jcan-Pied-de-Vort, r.janvicr 1849.
Il a fallu, mon très-clier, la réloime postale pour vous ilù-
cider à lu'écrire. Je n'ai pas le temps de vous répondre aujour-
d'hui ; mais je vous adresse, ci-jointe, une lettre (juc je ne vous
avais pas envoyée, pour ne pas vous faire payer inutilement un
port exorbitant. Elle vous mettra au fait de mes opinions,
qui sont restées invariables.
Tout à vous,
RolUCIIARU.
Dr MÊME AU MÊME.
5 janvier 1848-
Vous me faites l'honneur, mon très-cher, de me consulter
sur l'esprit des conservateurs do nos départements. Si le Gou-
vernement agissait d'après leur impulsion, il ne serait pasaussi
empêtré qu'il l'est actuellement. 11 ne s'agit pas de contre-
carrer ouvertement l'opinion publique; ce serait tout compro-
mettre. Faites-lui donc une concession insignifuinte, en admet-
tant dans le ministère quobiucs bavards du centre gauche.
Prenez Thiers ou Odilon Barrot, qui n'en est que la doublure,
et dont les déclamations sonores ne feront jamais de mal à per-
sonne. Ajoutez-y quelques nullités, que vous qualifierez har-
diment d'hommes spéciaux. Economistes, financiers, agrono-
mes, fous vous serviront à souhait, pourvu qu'ils soient bien
routiniers, bien bourrés de vieilles idées, bien contraires à
toute réforme efficace. Le public, qui les aura vus dans les
rangs de l'opposition, aura la bonhomie de croire à leurs ca-
pacités et à leur dévouement.
N'oubliez pas de donner satisfaction aux légitimistes en ca-
sant l'un des leurs dans le ministère nouveau. Vous vous ral-
lieriez tout le parti, si vous doimiez l'instruction publique à
quelque genlillàli-e rétrograde, à quelque jésuite de robe
courte, connu par ses préjugés féodaux et sa haine pour le ré-
gime universitaire.
Vous étoufferez bien des criailleries, en confiant les affaires
à des hommes tels que ceux que je vous désigne. Une fois
qu'ils seront installés, laissez-leur le soin de se rendre impos-
sibles, et vous reviendrez, par une voie naturelle, au bon mi-
nistère Guizot.
Agréez, etc.
RoBICUAIlD.
A M. DETERVILLE, LIBRAIRE A rARIS.
Ctiâtiilon-en-Bazoid, 5 janvier 18-19.
Mon cher monsieur,
La réduction des frais de poste me permettra de vous écrire
désormais fréquemment, et je compte sur votre complaisance
pour me répondre et me tenir au courant du mouvement litté-
raire.
Veuillez au préalable m'expédier quelques nouveautés, dont
j'ai ouï parler, et que je désire vivement connaître : la Dot de
Suzette, par M. Fiévée ; Cinq-Mars, roman, par M. le comte
Alfred de Vigny ; la Chronique de Charles IX, par M. Mérimée ;
JJernani, drame en cinq actes, |iar M. Victor Hugo ; la Jéru-
salem délivrée, traduite en vers français, par M. Baour-Lor-
mian, et le Voltaire de M. Touquet. Dites-moi le pri\ du Livre
des Cent-et-Un, qui se vend chez Ladvocat, au Palais-Royal,
Galerie de bois.
Choisissez-moi aussi quelques nouvelles pièces de comédie
dans le catalogue de Barba. Je vous signale Frontin, mari-
garçon, pu- M. Scribe ; une Fête de Né-on, tragédie en cinq
actes, par M. Alexandre Soumet; les Vêpres siciliennes, de
M. Casimir Dclavigne, jeune écrivain qui, dit-on, promet
d'être la gloire du Parnasse français.
Agréez, monsieur, etc..
Cerisier, ancien fournisseur des armées.
A M. RADIOrX, A SAIKT-nÉVERlEN (nIÈVRE).
Paris, 6 janvier 1819.
Cher ami,
La cherté des frais de poste m'a empoché jusqu'à ce jour de
te donner de mes nouvelles. Je puis me permettre aujourd'hui,
sans grever ton modique budget, de t'annoncer que je me jiorte
bien, et que je prospère dans mon commerce d'épicerie. Ma
santé a toujours été satisfaisante depuis longtemps ; seulement
j'ai eu une attaque de choléra, qui a failli m'cniporter. Je me
suis cru un moment perdu, d'autant plus qu'il mourait dix-
huit cents personnes par jour.
Quand viendras-tu nous voir à Paris ? Il faut que lu te dé-
cides il faire ce voyage. Tu trouveras bien des changements,
auxquels tu ne t'attends guère. Figure-toi que l'on a abattu
les rotondes des Panoramas cl la maison de Frascati ! L'Opéia
n'est plus place Louvois : on l'a transféré rue Lepelletier. Ou
a ouvert de nouveaux passages, qui sont très-commodes pen-
dant la mauvaise saison, entre autres les galeries Vivienne et
Colbert. La Madeleine est achevée, et la rue Castiglione est
définitivement livrée à la circulation.
Dans Tattenle de ta visite, je suis avec affection ton vieux
camarade,
MocTET, épicier-droguiste, rue Xeuve-Saint-Merry.
A M. FILOCUARD, A PARIS.
Sjiiu-Gilles-sur-Vie (Vendét).
Mon cher neveu,
Puisque les lettres ne coûtent plus que quatre sous, je serai
charme de correspondre régulièrement avec vous. Vous m'aviez
écrit deux lettres, il y a quelques années; mais je n'ai pas jugé
à propos d'y répondre, pour ne pas nous mettre en dépense.
Tout va bien chez nous. Nous avons été un moment inquiété
par les chouans; mais ils n'ont plus reparu depuis qu'on a ar-
rêté la duchesse de Berry. Mon entreprise de parcs aux huîtres
réussit à merveille. Mes enfants sont tous établis. Si vous avez
conservé des vues sur votre cousine Yvonne, je crois devoir
vous engager à y renoncer, attendu qu'elle est mariée, et
qu'elle a cinq garçons. Dites-moi un peu ce que vous devenez,
et si vous obtenez de l'avancement dans la garde municipale '!
Votre oncle affectionné,
Fii.ocuAKD aîné, propriétaire.
A a. GOB.SECX ET C'^.
Monsieur,
Je sais que vous ne recevez que des lettres affranchies : c'est
pourquoi ma fortune ne m'a pas permis jusqu'à présent de
vods écrire. Mais aujourd'hui, il faudrait que je n'eusse pas
i sous dans ma poche pour me priver du plaisir de vous écrire
que vous êtes un grigou.
Recevez, monsieur, l'assurance de mon respect.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
137
KlUMITATiU.N D'UNE CALUM.ME.
l'Iusicur.s jiiiiiiiaiix ont .-iyiialc Iti iiiutisinu cumplel
(lu présiJt'iit, en pi-ésence des uiilorilûs civiles el iiiili-
laires qui ont dclilé devant lui, le I"' janvier; ces jour-
naux sont mal informés, car le président a pris (jua-
Ire fois la parole en cette niémora!)le circonstance.
I! a daigné dire au re|)résont;int (iuinard, comman-
dant l'artillerie de la garde nationale parisieime: «Ali!
colonel, j"ai été content de votre musique, dimanche
dernier. » l'uis, après quelques instants de réllexion, il
a ajouté : « Kt puis, j"ai été content de vos hommes
aussi, »
Ijn oflicier de la garde nationale de Saint-Denis,
présenté au président, a cru devoir lui adresser un
speech. Louis Bonaparte l'a écoulé avec bienveillance,
et a répliqué gracieusement : « Je voudrais vous ré-
pondre; mais je ne le puis »
On présentait au président le conseil d'état. — L'n
des plus grands corps du pays, disait le présentateur.
a Ail ! oui, répond avec la plus extrême aiïahilité le
président, j'en ai entendu parler. »
M. de Chasselonp, membre du conseil d'état, ayant
eu les honneurs d'une présentation personnelle. « Vo-
tre père était général de mon oncle, » lui fut-il dit
avec heaucoup de bonhomie.
Ces allocations ne sont peut-être pas très-éloquentes,
mais il faut faire la part de l'émotion inséparable d'un
premier début.
UNE UNION LËGIThMÉE.
Personne n'ignore que M. de Noaiilcs se présente à
l'Académie française pour remplacer M. de Chateau-
briand.
M. de Noailles est un vieux tragique que ses rela-
tions d'homme du monde et un certain respect des
convenances ont empêché de faire des tragédies , du
moins ostensiblement.
a Je suis bien malheureux, disait-il un jour, j'adore
la Tragédie, j'en raffole, elle me mène par le bout du
nez, et il m'est impossible, par respect pour.le nom que
je porte, de l'épouser; je ne puis pas même lui donner
le bras en public. Je lui ai loué un appartement, je
l'ai mise dans ses meubles, et je n'en suis pas moins
contraint de dissimuler l'amour qu'elle m'inspire. Cette
.-célérale de Tragédie me joue toute sorte de tours ; elle
m'a trompé avec Latour de Saint-Ybars. Il y a des
moments où je lui flanquerais des volées , si je ne crai-
gnais d'attirer sur moi le courroux d'Apollon.
Funeste grandeur qui me retient ainsi au rivage!
Ainsi parlait M. de ?yoailles à son confident.
— Seigneur, lui répondit le confident, vous avez
tort de vous gêner. Je vois d'aussi grands seigneurs
que vous, si j'ose m'exprimer ainsi, qui ne craignent
pas de courtiser la Tragédie au vu de tous. M. la
Uochefoucauld-Liancourt, par exemple, a-t-il hésité à
montrer sa faiblesse pour Agrippine?
— Il ne l'a point épousée.
— Non, mais il l'a adoptée en présence des autorités
constitués de l'Odéon qui est le treizième arrondisse-
ment littéraire.
— Tu as raison, Arcas. Mais, moi même, ai-je tout
à fait manqué de courage"? Mon histoire de madame de
Maintenon n'est-elle pas, à proprement parler, une tra-
gédie'?
— Je ne dis pas précisément le contraire, seigneur ;
cette histoire est une tragédie et même une tragédie
sacrée ; mais...
— Achève, Arcas.
— Vous n'avez fait là qu'un mariage de la main
gauche.
— Kt n'est-ce point assez pour un homme de ma
sorte?
— C'est trop ou trop peu, seigneur; excusez ma
franchise. La Tragédie ressemble à ces vieilles gouver-
nantes qui ont beau avoir tout pouvoir chez leur mai'.re,
elles ne sont jamais contentes avant d'avoir été épousées
pour tout de bon. Jusque-là ce sont des plaintes conti-
nuelles, des grognements, de mauvais procédés. 2Se
soyez pasétonné si la Tragédie vient quelque jour vous
faire une scène de jalousie en pleine rue.
— Grands dieux ! comment faire, chei' Arcas'?
— Je ne vois qu'un moyen.
— Parle.
— Vous vous faites recevoir de l'Académie.
— Après?
— Une fois reçu, vous faites courir le bruit que
l'Académie vous a imposé la condition de légitimer
votre mariage avec la Tragédie. Vos bans sont publiés
à l'Odéon, vous envoyez des lettres de faire part, et
grâce à ce stratagème qui satisfait aux justes exigences
du monde, il vous est permis dorénavant de donner en
public le bras à la Tragédie et de la conduire dans les
salons. Vous n'aurez plus besoin de la déguiser en
histoire.
— Excellente idée ! Les dieux t'ont donné, Arcas, un
génie souple et fertile. Reste maintenant la question
des visites. Prends ma voiture et un paquet de mes
cartes. Tu en déposeras une chez chacun des quarante
138
REVUE COMIQUE
académiciens. Aie soin que ma voiture stationno un j annoncer mes intentions à la Tragédie, et sécher les
quart d'heure devant la porte, ils ne résisteront pas à pleurs de celle noble amante.
cet honneur que je leur ferai. Moi, je vais de ce pas
LA CALOMNIE A PROPOS DU RÉGEM.
La liberté de la presse serait un fléau si tout le monde
l'entendait comme certains journaux. On imprimera
demain que M. X. est un voleur, et on se croira un hon-
nête homme en imprimant le lendemain, non pas qu'on
s'est trompé la veille, ce serait trop beau, mais que
M. X. prétend qu'on s'est trompé. «Notre impartialité
bien connue, ajoute-t-on, nous fait un devoir d'ac-
cueillir la réclamation de M. X. C'est au public à juger
entre l'attaque etla défense.» Or, l'attaque, c'était vous
qui vous la permettiez; la défense, c'est naturellement
la victime de votre calomnie qui l'essaye, et comment?
par un simple non contre un oui; de façon que M. X.,
pour tous ceux qui ne lisent pas deux jours de suite
votre journal, sera, quoi qu'il fasse, plus ou moins
victime de l'étourderie de quelque petit imbécile de
faiseur de nouvelles, si ce n'est de la lâcheté de quel-
que ennemi embusqué au coin de votre feuille.
I^s journaux qui n'ont pas conscience de la portée
de l'arme qu'ils ont entre les mains mériteraient, plus
souvent qu'ils ne la reçoivent, une sévère leçon. Mentir
d'abord, se démentirensuite, n'est pas un jeu innocent,
ce n'est pas davantage un jeu d'honnête homme.
M. X. a volé le régent, dit un journal, et sept jour-
naux répètent cet ignoble et grossier mensonge. M. X.,
ancien journaliste, et sachant par conséquent ce que
vaut une rectification, fait un procès aux calomnia-
teurs. Ceux-ci se récrient.
C'est en vérité par trop d'ingénuité dans le mal.
La police de la presse ne sera bien faite que quand
elle se fera par la presse elle-même. Les faits du genre
de celui auquel nous faisons allusion, devraient être
signalés à l'indignation publique par les journaux qui
se respectent. Ce serait là de la dignité bien entendue.
Leur silence est plus qu'une faiblesse, c'est une quasi-
complicité.
Du reste, si vous voulez distinguer un journal mal
fait d'un journal bien fait, c'est à ce signe que vous
le reconnaîtrez. Un journal qui a pour patron un in-
dustriel, qui n'est qu'une boutique , accueillera tou-
jours ces sortes de canards. Le vrai journal politique
s'y laissera prendre très-rarement.
Il parait que c'est M. Nettement, qui est rédacteur
en chef de l'Opinion publique, qui, le premier, a ac-
cueilli la calomnie dont nous parlons. M. Nette-
ment passait autrefois pour un journaliste sérieux.
Un journaliste sérieux lit tous les soirs son journal ;
évidemment M. Nettement se garde bien de lire le
sien. Nous comprendrions cette négligence s'il ne s'a-
o-issait que de son plaisir : lire tous les soirs depuis a
jusqu'à z l'Opinion publique, peut n'avoir en soi rien
de bien réjouissant; mais quand on est payé pour cela,
qu'on le fasse.
Vous direz après cela, comme lu Patrie, qu'on est
bien bon de s'occuper de ce que vous dites. — Pauvres
journaux! où en êtes-vous réduits, que vous ayez re-
cours à une pareille défense!
Le ré.ér«d citoyen G.noude pr*«nt. à son jeune mailre sa Odcle noblesse ,u> v.ent de lui donner une nouvelle
preuve de son inaltérable dévouement en votant pour le prince Louis-Napoléon.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
139
I!AI'1'(»i;ts iti. \ \ iMii.iTiui i; wr.c i.\ pipe.
Tons les fuincuis s.ivfiil i]uc le cigare appartient à
raristoiiatie, mais nue la jupe est essenticlleiiieiit dé-
mocratique.
L'usage de la pipe s'est propagé pendant les troubles
révolutionnaires ; elle a dii ses succès aux clubistes de
1703; l'art de la culotter a été imaginé par des «a«s-
cu/otfes. Longtemps proscrite et dédaignée, elle a pro-
lité du 2i lévrier pour s'émanciper de nouveau et ver-
ser des torrents de fumée sur ses obscurs l)lasphéma-
leurs.
Avant cette époque, le cigare régnait sans partage
sur la voie publique ; la pipe en était bannie ; à peine
si elle osait se montrer dans les rues |)opuleuses des
faubourgs. Maintenant, vous la rencontrez partout :
on la voit dans la bouche du capitaliste comme dans
celle du prolétaire ; les meml)res du Jorkeij-club la pré-
fèrent aux panatellos : et, des quartiers lointains où
elle était reléguée, elle est venue prendre possession
du boulevard des Italiens.
Aussi l'industrie des pipes a-t-elle pris un dévelop-
pement considérable. On en a fait en terre émailiée, en
zinc, en noix de coco; on leur a donné les formes les
plus bizarres et les plus variées.
Si quelque cataclysme anéantissait les documents
historiques, nous retrouverions dans une collection de
pipes les annales contemporaines.
Il y a des pipes sur lesquelles on lit, au ccntrc-d'iiiie
couronne de lauriers : 24 février, République fruti-
çaise.
Sur d'autres est figuré l'arbre de la liberté ; d'autres
encore i-c[)rés('nlent la Liberté en personne, tenant
une urne funéraire , avec ces mots: Morts jjour In
jjiitrie !
Les républicains exaltés ont a<lopté des pipes enjo-
livées de trophées d'ormes, de bonnets rouges, et de
barricades. Les modérés culottent des Cavairjnac , des
Lamartine, des Gardes Mobiles, des Vivandiî>res
décorées après les affaires de juin. Les indifférents se
contentent d'.\bd-el-Kader, auquel les sucs du tabac
communiquent une teinte de bistre éminemment
africaine.
I^a pipe a joué un rôle dans les élections ; on a débité,
pour les fumeurs, des briquets à l'effigie des gufl^reeo«-
sins; la tète de Louis Bonaparte transformée en tète
de pipe, a obtenu un succès immense auprès des inva-
lides et des grognards de l'empire; toutefois les con-
naisseurs la refusent, en alléguant qu'elle est trop
creuse.
Si cela continue , il devient nécessaire de créer un
musée spécial, où l'on étudiera l'histoire dans les pipes
a[)rès l'avoir étudiée dans les livres. Le classement
chronologique des modèles de pipes, mettra le public
à même de passer en revue les hommes tt les événe-
ments.
Et puis, que de méditations profondes inspirera la
nature même des objets exposés; que de réflexions sur
l'instabilité des choses humaines, et sur tant de gloires
qui s'en vont en fumée !
JNous recommandons ce projet au futur ministre
de l'intérieur.
Le petit Thiers ptcscnte à son jeune maicre sa jeune épicerie française qui vient de lui téiEoigoer son
attachement invincible en votaat pour Louis-Napoléon.
140
KEVUE COMIQUE
LE COMMANDEMENT DU GÉNÉRAL CHANGARNIEU.
Nous serions depuis cent ans en république, que
les habitudes parlementaires n'auraient pas perdu un
pouce de leur terrain. A propos du commandement
exorbitant du général Chaugarnier, on a encore tout
dit, excepté la vérité.
Tous les orateurs, y compris M. Lcdru-Roilin, qui
devrait bien quelquefois, puisqu'il en a les charges,
user des bénélices que lui donne sa situation de chef
du parti roM(/e, c'est-à-dire oser beaucoup, tous les ora-
teurs se sont cfTorcés de prouver, ce que personne ne
contestait, c'est que le gouvernement avait violé un ar-
ticle de la Constitution en réunissant un pareil com-
mandement dans une seule main.
Mais tous ont déclaré qu'ils mettaient en dehors du
débat la personne du général Changarnier; que ce
n'était point là une affaire de personne, etc., etc.
Or, c'était précisément sur la personne du général
Changarnier, sur le choix qui avait été fait du général,
que devait, si l'on eût été sincèie, rouler tout le débat.
Et en effet, si son commandement eût clé donné à
M. Guinard, par exemple, croiton que M. Ledru-Rol-
lin eût réclamé? — S'il eût été donné à M. Clément
Thomas, croit-on que le Nutiona! eût protesté bien
vivement? — Et enfui s'il eût été donné au général La-
moricière, croit-on que \c Siècle t'en fut alarmé? Non
sans doute.
La question de personne n'était donc pas si indiffé-
rente.
Pourquoi ne pas le dire: la violation de l'article de
la Constitution, qui a eu pour résultat la nomination
du général Changarnier à cet incroyable commande-
ment, n'a pas été un tort, mais une faute, ce qui est
bien pis! La faute a consisté dans ce que le ministère
ayant fait choix, dans la personne du général Changar-
nier, d'un de ses adversaires plutôt que d'un de ses dé-
fenseurs, celte nomination est un danger pour lui et
non une force : la question était là.
Tout le monde le savait, personne ne l'a dit. Mais, en
revanche, on a respecté un vieux préjugé parlementaire
et on a perdu une journée.
CHOSES QUELCONQUES.
On retrouve partout l'iiistoire de Joseph vendu par
ses frères. Les frères de Joseph étaient les politiques de
leur temps.
— La liberté n'est pas si morte qu'on veut bien le
dire; écoutez nos grands orateurs, toute leur po-
litique consiste à lui chanter des dodo pour qu'elle
s'endorme au plus vite. Patience! le /^we«7 de la liberté,
le Jiéceil du peuple sont des chansons dont la mode
reviendra.
— Le présidentactuel de la République, a heureuse-
mciit pour lui, si peu de mémoire, qu'il n'a pu ap-
prendre un mot des petits discours qu'on lui avait pré-
parés pour la réception du jour de l'an. C'est riiistuire
des épinards. « Je n'aime pas les épinards et j'en suis
bien aise, etc. »
C'est Henri Monnier qui a inventé cette bêtise de
génie, et cette autre encoie de M. Prudhomme, qui
est prodigieuse : olez l'homme de la société, tous
l'isolez.
Cette jolie phrase a été gâtée avec quelque esprit
par un de nos hommes politiques. — 11 parlait du duc
d'Angoulême, qui avait coutume de rester court toutes
les fois qu'il avait un mot à dire en public.
Mettez le duc d'Angoulême au milieu d'une société
de gens d'esprit, disait-il, vous l'isolez.
— M. de Malleville a du mérite à se taire : il est clair
qu'il ne veut pas se brouiller avec le président de la
République, ce qui est un sentiment fort louable, ou
que la crainte de quelques récriminations l'a arrête.
Toujours est il que puisque M. de Malleville ne devait
pas tout dire, il eût mieux fait de se taire tout à fait.
Ce qu'il y a de pis dans les affaires de ce genre, c'est
un sous-entendu. Si M. de Malleville eût parlé tout à
fait, il eût peut-cire réussi à prouver qu'il avait agi
en Spartiate. — Il se tait après avoir annoncé un dis-
cours; il s'ensuit que ses adversaires interprètent con-
tre lui son silence. Et pourtant, si les journaux y per-
dent, la morale publique y gagne. Un scandale man-
qué, c'est un beau bénéfice, c'est celui (ju'a retiré
M. de Malleville de sa démission.
— On mettait autrefois autour des pièces de cinq
francs, on met encore au bas des discours ce protocole :
(( Que Dieu protège la France ! » Pauvre France, n'esl-
ce pas comme si on lui disait : Aide-toi, le ciel t'ai-
dera!
— On parle beaucoup des mines d'or de la Califor-
nie, et on s'étonne de l'avidité que mettent tous ceux
qui débarquent dans ces parages à tout quitter pour
aller à la recherche de quelque veine bienheureuse, —
sommes-nous beaucoup moins avides, nous qui, dans
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
Ul
iinp rc'vdliilion, ne voyons i|ii'imt! occasion de nous
niiM- sur les iilacos? — l.fs Californiens quittant leur
tliaiiiii' pcinr alii'c rlieiclior do l'or dans le sable do
leur rivai;.'. — Nous connaissons d'IioinuHes coiuiner-
(.-ants, faisant liien leurs alVaires, qui les ont abandon-
nées pour briguer une place de sous-préfet. Les anti-
clmnibres des ministères en regorgent.
— .\ quoi sert l'expérience en toute cliose et sur-
tout en politique? l>cs T.acédéinonicns faisaient autre-
fois exposer sur la place publique un esclave ivre.
I.'lusloire ne dit pas ([u'il s'en bût ces jonrs-là une
bouteille de \in de moins dans toute la Grèce.
— Il n'y a pas de |\aysoii l'on iirenne plus facilement
qu'en l'rance un caprice pour de l'amour, de l'engoue-
ment pour de i'entbousiasme. C'est pour cela qu'on
dit les Français inconstants; ils ne sont qu'étourdis. —
I.eur tort n'est pas de se reprendre, mais de s'être
donnés.
— Quand on rencontre dans une forêt un arbre mort
en apparence, on lui fait une entaille pour savoir si la
sève vivante ne se caclie pas sous l'écorce desséchée.
Nous venons de faire une entaille à la vieille société;
elle est morte, bien morte, mais cette entaille n'est
pas assez profonde, et des galvaniseurs veulent nous
faire croire qu'elle a encore dos siècles à vivre, et
que cette mort n'est qu'apparente?
— Ce qui l'ait la fmloiie des idées nouvelles, c'est
(pi'elles sont nouvelles. — On rirait depuis longtemps
au nez ou à la barbe de .MM. Considérant et Proudbon,
si ou savait que leurs idées sont grecques, égyptien-
nes, etc.
— M. Marrast a osé menacer la tribune des journa-
listes, d'oii partent incessamment les plus inconvenan-
tes interruptions , de la faire évacuer. I.à-dessus ,
grandes clameurs dans la plupart des journaux, et cha-
cun de rappeler à M. .Marrast qu'il n'est lui-même
fjiùin journaliste.
Si la même menace eût été adressée à toute autre
tribune, celle des anciens députés on des gardes natio-
naux, croyez- vous que ces messieurs eussent montré
cette belle indignation?
Chers confrères, vous qui attaquez tout, qui ne res-
pectez rien, soyez donc moins chatouilleux, ce sera de
bon gont.
— l.a r.é lubliqiii' e>t le (iiilliver de notre temps.
Voilii des Lilliputiens cpii essayent de lui mettre des
lils aux pieds et aux mains, et Gulliver se laisse enchaî-
ner. La patience est la veilu des forts.
— Dans l'ordre du jour du général Changarnicr re-
latif à la réce|)tion des ofliciers de la garde nationale
par le président de la République, on avait remarqué
cette phrase : o Le général Changarnier se réserve de
voir messieurs les ofliciers de la garde nationale avant
la réception. »
Un grand nombre d'ofliciers, à qui il ne convenait
pas de passer ainsi à cette vinte préparatoire, se sont
rendus directement à l'Klysée.
Le plus grand nombre, une fois ce devoir accompli,
se sont arrêtés rue Basse-du-Rempart, n° T^O — Huit
mille cinq cents noms se sont l'ait inscrire ce joui-là
chez le général Cavaignac.
— Un des amis du maréchal Bugcaud faisant allii-
sien an manque d'ordre que tous ceux qui ont connu
le brave maréchal ont pu observer dans ses idées, di-
sait : « Le maréchal a beaucoup d'idées; mallicureu-
sement elles dansent le cancan dans sa tête. »
— A l'occasion du jour de l'an et de la nominalion
du nouveau président de la Républi(iue, beaucouj) de
nos honnnes politiques ont essayé de se faire faire des
habits neufs avec leurs vieux habits. Quelques-uns
avaient beau faire, la marque du galon de l'ancienne
livrée était toujours visible.
— Les principes sont beaux, excellents, magniliqnes.
— Si les hommes valaient les principes, tout irait
bien.
— Les troubles, a dit Montesquieu, ont toujours
affermi les empires. — La France peut donc espérer
être un jour ferme et solide.
— Tous les jongleurs n'avalent pas des épées nues.
— Les plus habiles sont ceux qui les font avaler à leurs
admirateurs.
Jean-Paul Richters avait raison de dire que
présent n'est que le singe du passé. «
Rien n'est plus vrai de notre temps. La science de
la politique est, dit-on, l'art de prévoir; c'est la mar
LE PRÉSENT ET L'AVENIR
1
voici que la politique que nous faisons en ce moment
est l'art de faire revivre le passé, et de nous ramener
d'où nous venons. Ce mot magique en avant, en avant,
que la France a dit naguère, et que toutes les nations
che de l'esprit humain vers un meilleur avenir; mais de l'Europe ont répété après elle, semble maintenauf
m
REVUE COMIQUE
un cri de réprobation. Il s'agit d'ctoufler toutes les
idées grandes et généreuses et de recommencer à vivre
comme on a vécu; et parce qu'on a vécu ainsi, le peu-
ple s'est fait lui-même, il y a un an, l'opération de la
cataracte; mais, trop presse de voir la lumière, il a levé
trop tôt le bandeau posé sur ses yeux malades, et il est
redevenu aveugle. Ne croyez pas qu'il regrette cette
lumière entrevue et qui n'a brillé qu'un jour pour lui.
Il est retombé avec joie dans son obscurité ; n'y voit-
on pas toujours assez pour suivre cette route connue
et ce chemin battu où il marche depuis si longtemps
sans s'arrêter? Pourquoi en prendre un autre?
Le peuple est fataliste; il nie le mouvement. Il s'as-
seoit et regarde du côté de son passé en disant : Re-
commençons. Il n'est préoccupé que de son bien-être
matériel; il sacrifie tout au présent; l'avenir, cette
part du temps, qui est d'essence divine, puisqu'elle
n'existe pas encore, n'est rien pour lui, il n'y croit
pas; comme les aveugles, il ne croit qu'à ce qu'il
touche.
Ce qui fait pour un moment la fortune des idées
nouvelles qu'on veut lui donner, c'est sa misère; mais
il ne pardonne pas à ces idées de ne pas porter des fruits
aussitôt. Il est comme les enfants qui sèment le grain
et qui reviennent dans le champ, une minute après,
pour voir s'il a germé. Dans son impatience, il blas-
phème, il dit qu'on l'a trompé. Il ne tient compte des
efforts qui se font de toutes parts pour lui que s'ils ont
un plein succès. Ne rappelle-t-il pas à ceux qui l'ob-
servent un antique usage consacré dans une ville de
Syrie? Il était permis à tous les innovateurs de pré-
senter au peuple, chargé de les juger et de les appré-
cier, les idées et les innovations qu'ils voulaient intro-
duire dans la société. Ils étaient tenus d'arriver devant
leurs juges, la corde au cou; si, au bout d'un temps
donné, leurs idées étaient déclarées par le peuple mau-
vaises et irréalisables, ils étaient étranglés et mis à
mort pour les punir d'avoir voulu porter atteinte à son
repos et à sa tranquillité.
Cela ne se passe-t-il pas un peu comme cela en
France et de nos jours? N'importe, que les cœurs gé-
néreux, les âmes sympathiques ne se lassent pas; la
société, c'est l'homme avec ses erreurs, ses aberrations,
ses fautes, son ingratitude. Ceux qui se dévouent pour
elle n'en doivent espérer d'autre récompense que celle
que donne le dévouement. Il n'est pas vrai que le
bienfait désintéressé soit plus rare que la reconnais-
sance ; les grands cœurs n'en demandent et n'en at-
tendent point; le peuple le reconnaîtra plus tard. En
attendant sa justice, laissons-le suivre la voie qu'il a
choisie et où il marche, conduit par le hasard. Un jour
viendra où il verra qu'il s'est trompé de chemin ; ten-
dons-lui la main alors pour le ramener, le guider, alin
qu'il ne s'égare pas de nouveau. Ne prenons pas trop
de souci de ce qu'il fait en ce moment. Ceux qui veu-
lent étouffer les idées ne savent pas qu'elles ne peuvent
pas mourir en France. L'heure de les réaliser sonne
tôt ou tard; jusque-là elles marchent dans le monde,
elles pénètrent partout, elles exercent insensiblement
une domination occulte, et finissent par régner au mo*
ment où les esprits rétrogrades croient les avoir com-
battues victorieusement.
LE 1er JANVIER 1849 CHEZ US BEPf BUCOPHÙBE.
« En République, on ne donne pas d"étrennes. n
(C« croquis nous est commuDiqué par l'alné de la famille, jeune homme qui donnait les plus belles espérances ; mais le laisissemenl
qu'il a ressenti de la déclaration paternelle a paralysé, nous espérons pour peu de temps, ses heureuses dispositions )
A I/USAGK DKS (JK.NS SKiUKUX.
HZ
niT.sTioN A i/onDiu-: ni' joii;.
On propose ilc tous fôlés
D'amiiislicr les dcpoilcs.
On Vfiit baser sur lu iliinence
Le nouveniciiieiil qui louimcnce,
Mais ses euueiiiis les pluscliamls
Ne som pas au l'ond des eachols.
De leurs projets la Fraïue est avertie :
Faut il à ces ^eus appliquer l'aninistiCf
Leur laut-il appliquer l'auiuist e ?
Cerlain patriarche édeiité.
De la Kégence est entùté.
Dans sa niarclie retardataire ,
Contre nos lois il déblatère :
Se rapprochant chaque matin,
Du bon système guizotin.
Sou éloquence est par l'ùge amortie,
Faut-il au vieillard appliquer l'amnistie?
Lui faut-il appliquer l'amnislie ?
Un ministre du temps passé
Rêve qu'il sera replacé.
Expert en matière d'intrigues,
Il forme de petites ligues.
Trompe ceux qu'il feint d'appuyer.
Et s'efforce de tout brouiller.
Il triche au jeu pour gagner la partie :
Faut-ilà cet homme appliquer l'amnistie ?
Lui faut il appliquer l'amnistie ?
Un journaliste Iro;) connu,
Par le scandale est pirvonn ;
Déshonorant la politique.
De mensonges il tient boutique,
El sur des hommes estimés
Lance ses traits envenimés.
Par ses écrits la foule est pervertie :
Lui faut-il pourtant appliquer l'amnistie ?
Lui faut-il appliquer l'amnistie ?
Des royalistes peu lenséj,
Hardiment se sont prononcés ;
Ils disent en style biblique :
<< i>ieu eonilamue la Itepulilii|ue !
l'renez les gens di; notre bord ,
Avec le comte de Cliaiiibord. »
Soutiens du trône et de la sacristie,
\oe.s l'aul-il encore appliquer l'amnistie?
Vous faut-il apjiiiquer l'amnistie?
D'un vieil uniforme habillés,
Des grognards aux sabres rouilles,
Pour le neveu qui les patronne.
De l'oncle refont la couronne,
lit pensent traiter en pékins
Les plus fermes républicains.
O champions d'une autre dynastie ,
Vous faut-il encore appliquer l'amnistie?
Nous faut-il appliquer l'amuistip?
r,royez-lc bien, ces songes creux
Pour nous ne sont point dangereux.
Laissons leurs chetives cervelles
(Combiner des trames nouvelles.
Pour l'Empire ou le droit divin ,
Leur ligue se démène en vain.
Son impuissance est notre garantie;
On peut sansdangerleur donner l'amnistie :
Oui, l'on peut leur douner l'amuialie !
Un spéculateur dit tout bas :
« C'est avec l'or que je combats.
Tenons ma caisse bien fermée ;
Et la nation affamée,
Démon courroux craignant l'effet,
Démolira ce qu'elle a fait.
Qu'à la Régence elle soit convertie. »
Faut-il, à cet homme, applic|uer l'amnistie?
Lui faut-il appliquer l'amnistie?
Napoléon Chaviru, dit .Bot^5((j(i'-.S(j!/, Tire-à l'Ai^u, qui a eu l'avantage d'être condamné
27 fois en police correctionnelle, pour avoir, étant ivre, rossé les municipaux en criant :
Vive l'empereur / demande la sous-préfecture de Cognac.
O "T-and ciloven Barrot-Girardiné, ce n'est pas encore le soleil de votre République Polconne
(jui fera changer les tas d'ordures en gigots rôtis et en pommes de terre frites.
Dessiné par Otto. *
Gravé par Rouget.
:, UOl'LI VAIlll DKi ITAI.lKNg,
'30 cculluicH la livruitiuii.
«ir IICIIEtlFt . '■•î.
,l.,l.,;„,.l|!„,.|;
T
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- -^»^J^::
"■^rt
''^^'■^ùwàmm k:jmmii^ÊÊb ^^m/Jmttx^
ondUions de la Sonsrripiion. — La Revce comioi'e formera un magnifique Tolume, ojrand in-8, publié en 50 livraisons à 30 cent. ;
far la posle, 40 cenl. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. LiRKn, au bureau de la Revie, 2, boulevard des
laliens.
SUMINKBAY. ÉDiTETTB., RUE xucHEioEU, 52. 10^ Livraison.
UN NOUVEAU 15 MAI.
Ij Miil.i lf> jiiii* qui iiuus apiiclaieiil anarcliisU's! ! !...
De-sioé par Nadard.
Gravé par Ballant.
Tire ani preiie) miuDiqae de LiompB et Coup, rue namietle, i.
LA SEMAINE.
Je vis entrer chez moi une femme en domino noir,
le visage recouvert d'un masque rose.
M Qui ètes-vous? lui demandai je tout étonné.
— Vous ne me reconnaissez pas ?
— Nullement.
— r,h bien ! je suis la Semaine, et j'arrive du bal
masqné.
— Nous sommes donc déjà en carnaval?
— Je l'ignore au point de vue du calendrier; totit
ce que je sais, c'est que le carnaval a commencé samedi
dernier à l'Opéra. Musard, l'éternel Musard, adonné
le signal des mascarades, et je me suis masquée.
— Ensuite?
— J'ai fait un académicien.
— Qui s'appelle?
^ M. de Noailles, grand seigneur et auteur d'une
histoire de madame de Maintenon.
— Mascarade.
— J'ai fait aussi nommer ambassadeur un membre
du Jockey-Club.
— Encore mascarade.
— J'ai écrit des réclames pour le livre sur la Démo-
cratie, composition touchante dans laquelle M. (aiizot
se console des douleurs de l'exil.
— Toujours mascarade.
— J'ai assisté à une des réceptions officielles du pré-
sident.
— Nous ne sortirons donc pas des mascarades ! Tâ-
chez de me raconter quelque chose de plus intéressant.
Avez-vous tiré les rois?
— .\h ! diable, vous m'y faites penser.
— Vous l'aviez donc oublié?
— Hélas ! on a tant de choses à faire, et la vie d'une
pauvre Semaine est si courte! Mais que faisais-je donc
ce jour-là?
— Cherchez.
— Ah ! j'y suis. J'étais à l'Opéra-Comique, tran-
quillement occupée à entendre le Caïd, et la musique
de -M. Ambroise Thomas m'a fait oublier le gâteau.
— Étes-vous allée au Théâtre-Français?
— ■ Pourquoi faire?
— Pour entendre la comédie de M. Amédée Le-
fèvre.
— Une comédie d'avoué? Allons donc! J'aimerais
autant entendre les chansons de M. Jovial. A propos
de Théâtre-Français, vous savez ce qu'a fait le co-
mité?
— Quoi donc?
— 11 a reçu à corrections une comédie de M. de
Balzac.
— C'est donc comme s'il l'avait refusée?
— .\bsolumcnt; et je conçois parfaitement que
M. de Lamartine passe sans tourner la tète devant la
porte du Théâtre-Français et conduise Toussaint-Lou-
verture à la porte Saint-Martin. Qui sait si le comité
n'aurait pas trouvé qu'il y avait des corrections à faire
dans cette tragédie. J'aurai donc été témoin, dans la
courte durée de mon existence, d'un événement consi-
dérable, imprévu, et que, peut-être, les siècles futurs
ne voudront pas croire.
lis
UEVUE COMIQUE
— Lequel?
— L'achat d'une tragédie moyennant -40,000 francs
de prime. C'est le prix auquel le poêle a cédé Tous-
saint-Louverture. Que diraient Corneille, Racine et
Voltaire, s'ils revenaient au monde? Je trouve que
c'est humiliant pour le drame moderne. Qui est-ce qui
veut donner 40,000 francs pour un drame à M. Victor
Hugo?
— Vous savez bien que M. Victor llugo ne fait |)lus
de drames.
— Que fait-il alors?
— Des romans.
— Pourquoi ne les pnhiie-l-il pas?
— Parce qu'il ne trouve pas de libraires pour les
acheter. «
Après ces quelques nouvelles, assez insignifiantes,
la Sei\irtine, ayant vidé son sac, remit son masque et son
capuchon, et partit dans cet équipage pour le pays
mystérieux où vont les vieilles semaines.
LA POLITIQUE MLSE A LA PORTÉE DES ENFANTS.
(1" JANVlEll.)
l'enfam. — Père, je te souhaite une bonne année.
(// récite un compliment.)
Ce matin, avant l'aurore
Un dieu vint me réveiller;
Il me dit, etc., etc. , etc., etc.
LE PÈRE. — Fort bien, mon ami, viens m'embrasser.
J'ai bien du regret de ne pouvoir te donner d'étrennes.
l'enfaxt. — Tu ne me donnes pas d'étrennes ! A
cause ?
LE PÈRE. — A cause de la République.
l'enfam. — La République ne veut pas qu'on donne
des élrennes aux enfants?
LE PÈRE. — Elle l'a défendu; et ceux à qui on en donne
malgré sa défense, elle les emporte.
l'enfam. — C'est donc bien méchant la Répu-
blique?
LE PÈRE. — Parbleu! c'est une vieille fée, cousine
de l'ogre. Elle a une grande bouche comme l'ogre,, de
grandes dents comme l'ogre, et des cornes sur la tête.
l'enfant. — Alors donne-moi les étrennes en ca-
chette et nous n'en dirons rien à personne.
LE PÈRE. — La République le saurait tout de même ;
elle sait tout, elle entend tout, elle voit tout. Tu veux
donc que la République t'emporte?
l'enfant. — Et où m'emporterait-elle?
LE PÈRE. — Dans le château de l'ogr ^
l'enfant. — Tu m'avais pourtant dit qu'il n'y avait
pas d'ogres et que c'était bête d'y croire.
LE PÈRE. — Je ne vous ai jamais dit cela, monsieur.
l'enfant. — Si fait, père ; et même qu'il n'y avait
pas de fées, ni des jeunes, ni des vieilles.
LE PÈRE. — Je suis sûr que c'est la bonne qui t'a fait
ce sot conte qu'il n'y avait pas des fées, ni des ogres. Je
la renverrai, la bonne.
l'enfant. — Ce n'est pas la bonne, père; c'est toi.
LE PÈRE. — Taisez-vous, monsieur! [Moment de
silence.)
l'enfant. — C'est pour rire, pas vrai, père, et tu vas
me donner au moins un polichinelle?
LE PÈRE. — La République les a tous emportés pour
qu'on n'en donne pas aux petits garç'ons.
l'enfant. — .\lors un tambour ; plan ran plan, plan
ran plan !
LE PÈRE. — La République les a tous crevés. (Une
larme mule dans les yeu.c deVenfant) Vois-tu, petit, la
République est l'ennemie de tout le monde, et tous les
malheurs qui arrivent, c'est elle qui en est cause ; un
enfant bien sage doit apprendre de bonne heure à dé-
tester cette méchante République.
l'enfant, jo/euranif. — Oui, père.
LE PÈRE. — Tu vois que c'est elle aujourd'hui qui
t'empêche d'avoir des étreimes.
l'enfant. — Oui, père.
LE PÈRE. — Tu te le rappelleras bien?
l'enfant pleurant. — Hi, lii, hi. C'est pas la Ré-
publique, c'est toi, père, qui ne veux pas donner un
polichinelle.
le père. — Puisqu'elle les a emportés.
L'E^FANT. — J'cu sais clicz le marchand et des tam-
bours, aussi, hi, hi, hi. C'est pas vrai, la Républi(pie
n'est pas une vilaine fée avec des cornes.
le père. — Avec des cornes et de grandes dents ; et
ton petit chat qui est mort l'autre semaine, c'est la
République qui l'a étranglé.
l'enfant. — l*as vrai.
LE PÈRE. — Et ton petit chien, qui t'a mordu hier,
c'est la République qui lui avait dit de te mordre.
l'enfant. — Pas vrai, le chien m'a mordu à cause
que je lui avais tiré la queue.
LE PÈRE. — Et ton cerceau, que tu as perdu, c'est la
République qui te l'a pris.
l'enfant, frappant du pied. — Pas vrai, pas vrai ! à
preuve que je l'ai retrouvé ce matin sous le lit.
le PÈRE. — Taisez-vous, petit drôle, ou je vous liche
le fouet.
l'knfant. — Tant pis ! c'est pas la République.
LE PÈRE. — Silence, monsieur !
l'enfant. — Hi, hi, hi; c'est pas la République qui
a étranglé le petit chat. Tant pis!
A L'USAGK DES GENS SERIEUX.
liO
LB PKRE. — Ah! tu ne veux pas le taire; attends.
( // lui donne le fouet. )
l'bnpant. — Oli ! Ii\ là!
LR PÈRR. — Ça t"n|i|iren(lia à raisonner, polisson.
l'enfant. — (th ! Ii\ là; oh! là là !
LK pi.:iiK. — C'est la Képul>lic]m' c|iii le fiche le fouet.
l'knpant. — Pas vrai , hi, hi, hi; pas vrai, c'est
toi!
LE rfetiK. — C'est la Itépuhlique, monsieur!
l'k.sfant, exa.ipér^. — Pas vrai ; oh ! là là ; pa.^ vrai ;
c'est toi, c'est tm, c'est toi ! C'est pas la R.!pul)lif|nc qui
nie (ichele fouet... Vive la Ilépuhliquc !
O WASiILNGTOM 0 lUANKMM
Il ne s'agit que de s'entendre, dit .M. de Girardin ;
le mal de la situation vient de ce qu'on n'a (jus encore
assimilé la politique à l'administration d'un journal.
Prenez la Presse pour e.vemple.
Quoi de plus admirable que /« Presse'! C'est carré
par la base, c'est solidement assis, cela jouit d'un tirage
de soixante mille exemplaires. D'où je conclus que l'on
doit me nommer ministre dirigeant.
Suivez en eflfet mon raisonnement.
La Presse csl le seul journal qm soit au-dessus de
ses affaires. Pourquoi? Parce que j'ai su l'asseoir carré-
ment. Comparons maintenant la direction d'un pays à
la direction de la Presse. Si vous parvenez à asseoir le
pays carrément, vous obtiendrez l'équilibre tant cher-
ché. Toute la question est là. Or, comme je suis le seul
homme de France qui ait su asseoir un journal, je suis
naturellement le seul en état d'asseoir un pays, car :
un pays n'est pas plus difficile à faire vivre qu'un
journal. De là la nécessité de me nommer premier mi-
nistre. Que dis-je : premier ministre.... seul ministre !
Eh ! pourquoi pas président, grand nabab! ou mieux
potentat nnivei'sel !
Ainsi parle M. de Girardin avec cet aplomb qui lui
sert de talent. .M. de Girardin ne voit que lui sur la
terre. Il dit chaque malin à ses lecteui-s : Voyez comme
je mets mes bottes ! Voyez comme j'établis mes bre-
telles carrément ! Et il n'a pas l'air de se douter qu'il
y a en France huit à dix millions d'individus qui met-
tent tous les jours des bretelles et des bottes.
Ainsi du reste. La Presse est le seul journal qui
existe. Et le Siècle, monsieur? et le Constitutionnel?
cl le National? et le Journal des Débats? \ppai-em-
ment que ces journaux ont aussi des directeurs.
M. de Girardin .se compare ensuite à Washington
et à Franklin, comme si ces deux grands hommes
avaient inventé les mines de Saint-Bérain et le phy-
sionotype.
« 0 Franklin ! o Washington ! Si vous pouviez revi-
vre parmi nous, on vous traiterait de faiseurs d'alma-
nachs et de rêveurs, et l'on vous laisserait à la porte de
l'Assemblée nationale pour y laisser entrer de beaux
discoureurs! »
.M. de Girardin se trompe. Les électeurs enverraient
à la Chambre Washington et Franklin. Les élccd'urs
ne laissent à la porte que les charlatans et les queues
rouges. C'est leur place.
M. DE NOAILLES A L'ACADÉ.MIE!
L'Académie française vient de nommer M. le duc
de Noailles en remplacement de M. de Chateaubriand.
Que doivent penser de nous les étrangers devant dos
nominations pareilles? — Evidemment, ils doivent
croire : ou que les académiciens ont la berlue, ou que
Béranger, Lamennais, Alfred de Musset, Balzac, et cent
autres, dont le moindre est un écrivain illustre à côté
de M. de ^oailles, sont morts dans la nuit.
Mais, dit-on, M. de Noailles était l'ami intime de
M. de Chateaubriand. — A ce titre, que ne nommait-
on de préférence madame Recamier, qui était aussi
son amie, et non moins intime.
Il va falloir remplacer bientôt M. Vatout. — Que
celui qui était l'ami intime de cet aimable homme se
mette sur les rangs ; quel qu'il soit, ses droits vaudront
ceux de M. de Noailles!
Tt^!egraph,
étalon pur-sang des haras de la poste aux commiss'ons.
150
REVUE COMIQUE
LES FUREURS DU CONSTITUTIONNEL
Le Peuple, de M. Proiidhon, la Réforme, de M. Le-
dru-Rollin, sont écrits par des anges àe. douceur, si on
compare le ton de ces deux journaux à celui du Consti-
tutionnel. Le Père Duchène n'est pas mort, ou, s'il est
mort, son ànie infortunée a passé dans le corps du blond
M. Merruault. M. Yéron aura fait avaler à ce saint
homme, sous forme de pâte Rcgnault, quelque prépa-
ration abominable; il aura mêlé, en sa qualité d'ex-
pharmacien, de la poudre de mouche cantharide aux
verres d'eau tiède dont s'abreuvait d'ordinaire l'ex-sé-
minariste que nous venons, sans pudeur, de nommer
par son nom.
Hélas! mon brave monsieur Merruault, tous les
rou'^es ne sont pas socialistes : M. Proudhon est blême
si on le compare à vous; vous êtes cramoisi. A quelle
extrémité vous portez-vous, mon pauvre monsieur?
Prenez garde aux apoplexies, prenez garde aux cul-
butes, la bile vous étouffe, vous êtes affreux à voir,
déplorable à entendre ; le .\ational vous Irouble-t-il à
ce point? Le lorgnon de son rédacteur en chef, M. Du-
ras, fait sur vous l'effet de l'œil d'un serpent. — Si
vous continuez d'avoir en vue ce lorgnon opiniâtre,
c'en est fait de vous, vous deviendrez enragé.
Mais ne voyez-vous pas, malheureux, que vous per-
dez votre cause, que vous compromettez ce bon
M. Thiers, que vous retardez, par vos fureurs, l'avé-
nement de la dynastie du Constitutionnel ; que vous
faites regretter par anticipation celle du National;
que vous allez fixer le pays sur le Siècle, que c'est à
MM. Barrot et Chambolle que profitent vos violences ;
quec'esttrop de zèle, et qu'on vous flanquera de côte, si
vous n'y prenez garde, comme un serviteur trop zélé'?
Écoutez la voix d'un ami, mon brave homme, cal-
mez-vous. — 11 n'est pas temps encore de montrer le
joli caractère que vous avez ; mentez encore, dissimu-
lez toujours, mettez vos petits couteaux dans vos
poches, cachez vos instruments de supplice, faites-
nous-en accroire encore ; vous qui avez combattu les
jésuites, pensez à ces divins modèles, imitez-les, sinon
vous allez éclairer la France sur ce qu'elle peut at-
tendre de vos patrons. Songez, pieux Merruault,
qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre,
et dites-vous d'ailleurs, imprudent, que vos voisins de
la rue Lepelletier ont des poings au bout des bras,
dont vous seriez fâché d'avoir à mesurer la pesan-
teur. Si M. Thomas se fâchait! Diable, mon cher,
je vous plaindrais.
Si petit bonhomme vit encore, la République n'est
pas morte non plus. — Soyez sage, la prudence est
la mère de la sûreté, et d'ailleurs elle n'exclut pas la
bravoure. M. Véron sera toujours à temps de bien
faire, — il a eu pour amis tant de gentilshommes, ce
bon M. Purgon! — Ne l'exposez pas avant l'heure, sa
modestie naturelle en souffrirait; — et tenez, entre
nous, il est homme à vous savoir gré de reculer dans
la voie où vous êtes. Depuis qu'il s'est déclaré homme
politique, il est devenu responsable ; il a les honneurs,
il lui manquerait les profits, si, quand vous avez dit
uue sottise en son nom, le voisin n'allait droit à lui lui
en demander bon compte. Quand on n'est pas Mars
en personne, quand on ne s'appelle que Véron ou même
Merruault, il faut être poli, faut-il vous le rappeler?
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Gravé par Midderigh et Leblanc.
152
REVUE COMIQUE
UN NOUVEAU J3 MAI.
Depuis sa fondation la République a été menacée
par deux sortes d'anarchistes.
Jusqu'aux journées de Juin elle a eu à combattre
l'anarchie armée, l'émeute. .Maintenant elle est atta-
quée par ceux-là même qui criaient le plus haut
contre l'émeute, par ceux qui ne trouvaient pas de
blâme assez fort contre l'insurrection de juin et la
tentative du 15 mai.
Les premiers voulaient pousser la Républiiiue dans
les voies aventureuses du socialisme, pour étendre jus-
qu'à l'utopie l'application du principe d'égaiité et de
justice. Les seconds veulent, en rétrogradant vers la
monarchie, étouffer à leur profit la justice et l'égalité.
Ceux-là avaient le courage de leur opinion, ils ne
l'ont, hélas! que trop montré. Ils ont nettement dé-
claré leur but et signé cette déclaration de leur sang.
Ceux-ci n'osent pas dire où ils tendent ; ils élèvent
des barricades de pétitions, et, au lieu de sang, ils
versent de l'encre.
Ils protestent de leur amour pour la République, et
ils la détestent. Usent de l'effronterie, les autres avaient
du courage.
Vaut-il mieux avoir à combattre la haine déclarée
ou la perfidie? Lequel estimez-vous davantage de l'en-
nemi loyal qui vient sur vous la poitrine découverte,
ou du tartufe qui baisse les yeux et rampe sur ses
genoux ?
Ces pétitions contre l'Assemblée, dont on fait grand
bruit, n'ont rien qui doive nous surprendre après les
attaques infâmes dont le général Cavaignac a été l'ob-
jet. Deux fois, en mai et en juin, l'Assemblée natio-
nale, par son énergie et la dignité de son attitude, a
sauvé le pays. C'est un crime qu'on ne devait pas lui
pardonner, pas plus qu'on ne l'a pardonné au général
Cavaignac. Coupables d'avoir les mêmes titres à la re-
connaissance de tous, le général et l'Assemblée de-
vaient recueillir la même ingratitude.
Le parti monarchique, ou plutôt les partis monar-
chiques, car on ne sait trop auquel s'arrêter de tous
les drapeaux de la réaction, les partis monarchiques ont
compris que, pour renverser la Républicjue, il fallait
d'abord renverser ses défenseurs.
M. Louis Bonaparte s'est trouvé là par hasard ; on
lui a emprunte le nom de son onde [iour battre en
brèche le général Cavaignac.
Mais ce n'est pas tout que d'avoir écarte du gouver-
nement le noble soldat dont la loyauté et le courage
étaient à l'épreuve de tous les périls et de toutes les
séductions. L'Assemblée nationale, qui ne se montre-
rait pas plus traitable dans l'occasion, est un dernier,
mais un grand embarras pour les réactionnaires, et il
s'agit de la renverser à son tour, ce qui sera peut-être
plus difficile qu'on ne croit.
Avec le nom de Napoléon et l'évocation des grands
souvenirs, poussée jusqu'au charlatanisme, on a bien pu
avoir raisoi. du chef du pouvoir exécutif ; mais cette
arme est brisée dans les mains qui s'en sont servies.
Quel rapport, en effet, trouver entre la bataille de
Marengoet la dissolution de l'Assemblée nationale? On
ne peut pas dire aux représentants : « Retirez-vous à
cause de la bataille d'Ejlau ; résignez votre maiulat au
nom d'.\usterlitz et des Pyramides!
Ce n'est pas que les émissaires de la réaction soient
gens à reculer devant un tel rapprochement; mais c'est
que la simplicité du peu[)le n'irait pas jusqu'à les suivre
aussi loin. Et puis, il y a la bataille gagnée en Juin qui
est bien quelque chose pour des gens qui n'en font pas
leur état, et qui a bien son prix, quoique, à vrai dire,
on ne puisse la comparer à la campagne de Russie ou
à Waterloo. Il faut donc trouver autre chose que les
souvenirs de l'Empire pour décider les électeurs à si-
gner des pétitions contre l'Assemblée.
Les journaux qui rapportent pompeusement ces pé-
titions s'abstiennent prudemment de donner le chiffre
exact des signatures. C'est un petit détail, il est vrai;
mais de ce petit détail pourrait bien dépendre la
question. Sans doute nous respectons l'opinion des si-
gnataires, mais apparemment que ces messieurs n'en-
tendent pas méconnaître les droits des électeurs qui
ne signent pas.
Si les premiers demandent la dissolution de l'As-
semblée, les seconds, par le simple fait de leur absten-
tion, se prononcent dans le sens contraire : or, comme
c'est ici une question de suffrage universel, il doit suf-
fire à la Chambre de relever le chiffre des signatures,
et de comparer ce chiffre à celui des électeurs inscrits
dansle déparlement. Deuxmille signatures au bas d'une
pétition demandant la dissolution de la Chambre, c'est
beaucoup pour les badauds politiques, c'est un obus
qui éclate au milieu de l'Assemblée ; mais si le dépar-
tement qui a fourni ces deux mille signatures compte,
par exemple, cent mille électeurs, ce chiffre menaçant
se trouve ne plus représenter l'opinion du départe-
ment que pour un cinquantième. L'obus est réduit aux
proportions d'une fusée inoffensive.
Il serait puéril d'insister sur ce point et de vouloir
démontrer qu'une Chambre issue du suffrage univer-
sel manquerait à son devoir en se retirant devant l'in-
jonction de la minorité, parce que cette minorité
réunit ses signatures au bas d'une feuille de papier.
Vole ou pétition, c'est toujours une question électo-
rale sous deux formes différentes ; c'est une nouvelle
bataille électorale qu'engage la réaction. Nous avons
respecté l'expression du suffrage universel dans l'élec-
tion du 10 décembre ; nous attendons aujourd'hui de
nos adversaires le même respect pour les volonicsdu pays.
A l/IISAGE DES GENS SERIEUX.
iiiZ
LES PI^TITIONS CONÏliE I/ASSEMRM'E >Allo.\M.i:.
On avait d'abord rcfusi! d'y croire ; mais aiijoiir-
d'iiiii II' doute n'e>t plus permis. Ces pi'lilions exislcnl ;
elles se signent. 1,'Assemlili'e se meurt, l'AsseiiiMi,' est
morte !
Il serait bon de savoir au juste comliieii de sij^natii-
rcs réunissent ces pétitions, l'eut-èlre les journaux qui
les publient daij,'neront-ils quelque jour nous l'appren-
dre. En attendant, n'oublions pas que la Fiance
comi)te sept millions d'électeurs ; ainsi, jus(iu',i ce que
les pétitions contre la (Itiambre aient réuni trois mil-
lions cinq cent mille et une signatures, on pourra ne
pas s'en occuper outre mesure.
Parmi ces pétitions, il y en a de rcs[)ectucuscs, il y
en a d'impudentes; les unes portent crânement leur
bonnet sur l'oreille, les autres révèlent le grand style
des maîtres d'écriture de village secrètement adonnés à
la tragédie.
Les pétitions respectueuses sont en général les plus
enliélées, Basile gagnerait beaucoup d'argent à rédi-
ger des pétitions respectueuses.
Canevas de re f/eiwe de jjotitions.
« Citoyens représentanls,
0 Votre conduite, pétulant la pénible session que
vous venez de traverser, est au-dessus de tout éloge.
« Vous avez été admirables de courage, de zèle et de
dévouement; vous avez rendu de grands services an
pays.
« C'est pourquoi le pays, n'ayant plus la moindre
conliance en vous, vous s.omme de quitter la place.
Vous comprenez combien le pays regrette d'avoir à
vous dire une aussi dure vérité. C'est le cœur plein
d'admiration pour vous que le pays désire se priver de
vos services ; le pays vous vénère, mais il vous donne
congé. Or, il faut se soumettre aux volontés du pays.
« Dans cet espoir, nous avons l'bonneur d'être,
avec estime, considération, reconnaissance, respect,
amour, etc., etc., etc. » [Suivent les signatures.)
Modèle de pétition crâne.
H Sacrebleu !
« Est-ce que vous vous ficliez de nous, citoyens re-
présentanls?
« Comment! vous n'êtes pas encore partis? Qu'est-
ce que cela veut dire? Faudra-t-il donc aller vous pren-
dre par les oreilles?
« L»issez-moi seulement terminer ma partie de bil-
lard, et nous verrons. J'ai quinze points, et la partie
est en vingt; ce sera bientôt fait. Sitôt la partie finie,
si la dissolution de la Chambre n'est pas prononcée, je
bois un petit verre, je m'arme de ma queue d'honneur,
et je viens chercher des nouvelles de ma pétition. Ce
scia iiii 1.) mai paiiriijiu', car ji; respecte la Constitu-
tion.
" Allons,
d'au lies*.
lioupi il est temps de céder la place à
« Lae'inciieix, candidat à la députalion,
miilheiireuxaux dernières élections.»
[Suivent d'autres signatures.)
/'. 'S'. — Au moment d'envoyer la pétition, je la
décachette secrètement pour ajouter un mot à l'insu
de mes co-signataires. .Mon seul but est de remplacer
le nommé Landormy, élu député à mon préjudice,
grâce à l'intrigue. J'offre au nommé Landormy de
jouer loyalement sa place avec moi au billard, en vingt
points, partie liée; si ma proposition lui plaît, je re-
nonce à demander la dissolution de l'.Xssemblée, et je
supprime ma pétition. Fichez-la au feu, je vous y au-
Modèle de pétition facétieuse et conforme au caractère
français.
« Citoyens représentants,
(( Hé, hé, auriez-vous l'intention de vous éterniser,
par hasard? La charge serait bonne.
« Il n'y a rien d'éternel sur la terre; les académiciens
eux-mêmes décèdent après un certain temps d'exer-
cice, quoiqu'ils s'intitulent immortels.
« Prétendricz-vous être plus immortels que des aca-
démiciens? Hi, hi, hi! Le pays s'en lient les côtes.
Il est temps de décamper. Vos banquettes ont besoin
d'être rembourrées, vos lois ont de la barbe et nous
avons ici le petit Cabassol, qui ne cesse de faire des épi-
grammes sur votre compte, .\llons, vieux, il faut par-
tir; hi, hi, hi, allons-nous rire!
" Etdrln,drin, drin, millecompliments. Olié, là-bas,
vous autres, venez signer la pétition. » (Suivent les
signatures.)
Pétition grand style, rédigée par un tragique de sous-
préfecture.
« Citoyens représentants,
M Lorsque les Titans, fils de Titan et neveux de Sa-
turne, croyant avoir des droits à faire valoir, entas-
sèrent plusieurs montagnes les unes sur les autres pour
escalader le ciel et en chasser Jupiter, ce dieu, armé du
tonnerre, les foudroya et les écrasa sous ces mêmes
montagnes.
(I Lorsque les Gaulois, nos ancêtres, sous la conduite
de Brennus, envahirent le sénat romain, la noble atti-
tude des sénateurs assis sur leurs chaises curules im-
posa un moment de respect à ces barbares.
« Ainsi l'Assemblée nationale brave ses ennemis par
sa majesté et son courage.
I5.i
REVUE COMIQUE
«Loin de nous la pi-aentiond'iniiler les Gaulois sau-
vages cl les Titans orgueilleux ! Cependant, il^ est des
bornes à tout, nièuic à la suprême puissance d'une as-
semblée qui... d'une assemblée que... etc., etc., etc. «
(Suivent les signatures.)
rsous voudrions pouvoir multiplier les modèles de
pétitions ; on ne les variera jamais trop, pour satisfaire
à tous les goûts, car il s'agit de réunir trois millions
cinq cent mille et une signatures, ne l'oublions pas.
Trois millions cinq cent mille et une ! Qu'on se le dise !
Allons, messieurs et mesdames, avancez, suivez la
foule; trois millions, ce n'est pas assez; prenez vos
billets, du courage à l'écriloirc!
LES DÉNÉGATIONS.
l/autre jour, un philosopbe sceptique, qui tient à
éclaircir à fond toutes les situations, entreprit une pe-
tite tournée inqnisitoriale.
11 entra d'abord cbcz son voisin le droguiste, qui
s'était signalé avant le 10 décembre par un bonapar-
tisme exagéré.
a Eh bien, voisin, comment vont les affaires? »
Le droguiste ne répondit que par un grognement
inarticulé.
« Vous devez être au comble de vos vœux ; vous
avez enfin un gouvernement de votre choix, car vous
avez voté pour Louis-Napoléon.
— Moi! s'écria le droguiste, j'ai voté pour Louis-
Napoléon? Allons donc; tout le monde sait que j'étais
pour Cavaignac.
_ Je ne savais pas ça, » dit le philosophe, et il
s'éloigna tout rêveur.
11 alla voir un ancien oflicier retraité dont les sym-
pathies impériales lui étaient depuis longtemps con-
nues.
a Eh bien, capitaine, lui dit-il, que pensez-vous de
votre élu?
Qu'appclez-vous mon élu? dit l'officier.
— Mais... Louis-Napoléon.
— Je n'ai point voté pour lui ; j'ai autant d'indiffé-
rente pour le neveu que de vénération pour l'oncle.
Ou ni'avait pourtant assuré...
— On vous a trompé. Tout le monde sait que je me
suis abstenu. »
Le philosophe sortit en réfléchissant profondément.
11 continua son enquête et découvrit, à sa grande sur-
prise, que personne n'avait voté pour Louis-Napoléon.
Ceux qu'il interrogeait prétendaient avoir donné leur
voix à Cavaignac, à Lamartine, à Ledru-Rollin, à Ras-
pail, à Battur, au docteur Watbled, à Abd-el-Kader;
mais quand on leur parlait de Bonaparte, les uns
Le» ral-Thier», ou les amis complaisants.
A i/iîSACK i)i:s <;i:ns sr.iui:i!X.
155
niaient l'avoir apiuiyû, les autres garduioiil le silence;
d'autres réiniiidiiient par des circonlocutions tWasivcs.
I.e |)hilosoplie s'ent'on(;a de plus en plus dans la mé-
ditation; en niarcliant t(5te baissée, il se heurta contre
un de ses amis ([u'il n'avait pas vu depuis plusieurs
mois, le célèbre avocat Bretaudier. Des projets de ma-
riage avaient enlevé ce jeune homme à sa société ac-
coutumée. Il avait assidûment courtisé une demoi-
selle, qui lui était signalée comme imissant à ses qua-
lités personnelles les avantages de la fortune. Désabusé,
après un plus ample examen, Rrelaudier venait de
reprendre le cours de ses hubiludes, et il promit au
l)hilusoplii' de le voir régulièrement.
« Tu ne songes donc plus à é|)ouser mademoiselle
J'*'? dit le |)hilusophe.
— Moi! s'écria Bretaudier avec indignation ; mais
je n'y ai jamais songé ! Qui donc a pu faire courir ce
bruit calomnieux ? »
F,t il entama une longue dissertation |)oiii- ilémon-
trer ipi'il était loin d'avoir eu les pidjels (pi'on lui
supposait.
Mais le philosoplie l'interrompit, et dit en se frap-
pant le front : « Merci! je tiens le mot de mon
éiULMue.
LES RETOURS DE SIBÉRIE.
Seigneur, vous voyez en moi un homme qui arrive
du fond de la Sibérie. Transpercé par la lance d'un
Cosaque, je fus laissé pour mort sur les bords glacés
de la Bérésina; plus tard, le froid me rappela à la vie.
Vous conterai-je ma lamentable histoire? Conduit
dans les déserts les plus allVeux par ces hordes barba-
res, j'ai passé trente ans de ma vie dans les entrailles
de la terre. Moi, un colonel de la grande arméi ! En-
fin j'échappe aux sicaires ; je traversai rAllemaguc
nus-pieds, — oui, seigneur, nus-pieds, — moi, un
ancien colonel! Il ne me restait plus que mes épaulettes
que je portais sur mon cœur. J'arrive à Paris, je cours
au palais, a Oii est mon empereur? criai-jc; c'est
moi qui suis son colonel Chabert. Hélas ! excusez ma
douleur ; je sens les larmes couler de mes yeux à
ce triste souvenir. Le petit caporal ! ah ! qu'avaient-ils
fait de mon petit caporal'? Suffit. L'heure de la ven-
geance va bientôt sonner, ,1e reprends le cours de mon
récit. Privé de la vue du grand homme, je songe à ma
femme. Oh! Evelina, me disais-je, tu panseias les
blessures que la captivité a faites à ton époux. Je n'é-
tais seulement pas rasé, seigneur. Je me présente
comme un pauvre au domicile conjugal. Evelina avait
vieilli. Qu'importe? Je suis Chabert! m'écriai-je. —
Qu'on donne 50 centimes à cet liomme. répond mon
épouse. 50 centimes à moi, Chabert ! Elle était rema-
riée. Vous connaissez cette histoire tragique ; on a fait
un vaudeville avec. Je ne vous en dirai pas davantage.
LECTURE DE t.K PATRIE. EDITION TOPULAIRE A IN SOU.
1. Nous sommes informés que les dîner?, Ktes et réceptions à l'Elysée national commenceront la semaine prochaine.
D'après les renseignements que noua venons de nous procurer, les réceptions du soir auront lieu les mardi et jeudi de
chaque semaine. Les jeudis seront plus spécialement consacrés aux ministres, aux membres du corps diplomatique et
aux représentants, qui tous seront reçus sans invitation. Mais, vu l'exigmté des salons de TElysée, les autres per-
sonnes ne pourront être reçues qu'avec une invitation » (Patrie du 8 avril.)
IS6
REVUE COMIQUE.
Mais permettez-moi de vous faire connaître le secret
de ma vie privée. Obligé de changer de nom par suite
de persécutions nombreuses, je me suis fait apprécier
dans l'industrie, sous le pseudonyme de Lamadou ; j'ai
obtenu quelques succès dans les primes ; j'ai beaucoup
souffert ; l'expérience des hommes et des affaires de
bourse m'est acquise. Le courtier marron renferme
toujours un cœur de vieux soldat. Rien ne m'arrête ;
je renonce à ma profession, puisque le neveu de mon
empereur remonte sur le trône de ses pères ! me voilà ;
je ne suis plus Lamadou, seigneur; voyez en moi le vé-
ritable Cliabert ! Propre à tout, je ne redemande pas
mon grade; il me suffira d'obtenir une place de con-
cierge ou un bureau de tabac, à moins que vous ne
préfériez ni'accordcr un modeste secours en argent ; je
l'accepterais pour la mémoire de mon empereur.
— Monsieur, répondit le secrétaire des commande-
ments, votre histoire est fort attendrissante, et nous
honorons en vous les restes d'un brave ; mais nous n'a-
vons pas cessé un instant depuis ce matin de recevoir
des Chabert ; le prince commence à en èlre importuné.
— Si c'est ainsi qu'on accueille les vieux de la vieille,
riposta Lamadou, je préfère retourner dans les entrail-
les de la Sibérie.
Et Lamadou découragé dirigea imédiatement ses pas
vers un endroit éloigné du boulevard, où il console sa
douleur et cache son ancien grade en exerçant le com-
merce modeste de marchand de contre-marques.
A peine Lamadou élait-il parti, que deux autres
braves se présentèrent. L'un d'eux est connu sous le
nom de Bonnelier, et l'autre sous celui de Dumoulin.
Le nommé Bonnelier élait revêtu d'un uniforme de
garde national, sous lequel il vit depuis le 26 février,
afin de payer demi-place partout, en qualité de mili-
taire. Quant au nommé Dumoulin, il était habillé
principalement avec un gourdin, sous lequel il por-
tait une polonaise à brandebourgs.
— Messieurs, qu'y a-t-il pour votre service? deman-
da le secrétaire des commandements.
— Cré mille millions de tonnerres, mon petit chou,
répondit le Dumoulin, est-ce que vous ne reconnaissez
pas les anciens? Assez d'autres se sont emparés de nos
titres; vous voyez en nous les véritables Chabert ! les
seuls! des Cliabert avant la lettre, mon petit monsieur.
Quant à moi, mon histoire est connue. Dirai-jc que je
m'appelais Lindor? Non, j'étais marchand de bonnets
de coton. Je déposai mon fonds aux pieds du petit ca-
poral ; il en prit une mèche, et me la posant à la bou-
tonnière, me dispensa des autres grades. C'est ainsi que
je devins colonel. On n'a jamais voulu me rendre le
brevet. Qu'importe? Ne suis-je pas autorisé à dire que
je l'ai perdu sur le champ de bataille. .\ujourd'hui,
seigneur, je viens déposer à vos pieds mes justes récla-
mations avec toute la fougue de mon caractère. J'ai
apporté avec moi un autre colonel pour me servir de
jémoin. Saluez, colonel Bonnelier, saluez humble-
ment. Vous voyez , jeune homme , que mon frère
d'armes est dans une tenue respectable et propre à être
admise dans toutes les sociétés; saluez, colonel Bon-
nelier (Bonnelier salue). J'achève mon récit. Ma seule
ambition est de servir le neveu de mon petit caporal
et d'obtenir la permission de reprendre mes épaulettes
dans les cérémonies. Croiriez-vous bien, jeune homme,
que le préfet de police m'a fait signifier de ne pomt
porter en public les épaulettes de mon grade. Voilà ce
que c'est que d'avoir choisi un ancien gendarme. Ces
hommes-là ne respectent rien. Car enfin, suis-je un
Chabert, oui ou non? Je vous le demande, est-ce que
les Chabert n'étaient pas tous colonels? S'ils étaient
colonels, pourquoi serais-je un marchand de bonnets de
colon de Grenoble. Mon dévouement est assez connu
pour qu'on n'exige pas de brevet; d'ailleurs je l'ai
laissé en Sibérie. Parole d'honneur! demandez-le plu-
tôt au colonel Bonnelier. N'est-il pas vrai, colonel,
qu'il est là-bas qui dort sous la neige?
— Ils dorment fous: ne les réveillons pas ! répondit
avec mélancolie le colonel Bonnelier. Vous venez d'en-
tendre, ajouta- t-il, la parole un peu crâne de mon
ami. Nous nous sommes connus à l'incendie de Mos-
cou ; il est resté fort échauffé depuis ce temps-là.
Quant à moi, monsieur le sccréfaire, je suis devenu
professeur de déclamation, sous-préfet de Joigny, où
j'eus l'honneur de célébrer la messe ; puis acteur dra-
matique, honoré des faveurs de M. Guizot et de quel-
ques autres ministres avec lesquels j'avais combattu à
Waterloo. — La garde meurt et ne se rend pas. —
J'enfendis ce mot sublime de derrière une haie, et je
me rendis immédiatement.... dans tous les endroits où
l'on pouvait obtenir quelques encouragements, se-
cours, ou pièces de cent sous attribuées aux beaux-arts
et aux colonels littéraires, réduits à la mendicité. Voilà
mes titres! De plus, monsieur, j'ai la parole facile, la
transpiration abondante ; et les gens qui ne me con-
naissent pas, peuvent croire, à mon tremblement ner-
veux, que j'ai de l'émotion et quelque sensibilité. —
De plus, ami du poète Lamartine. — C'est en Sibérie
que nous nous rencontrâmes. Dans l'un de ses voya-
ges, il apprit que j'étais au fond d'une mine, et il vint
m'y rendre visite. Que vous dirais-je encore? La ma-
nière dont j'ai joué le rôle d'Orosinane me rend propre
à toutes les fonctions qui exigent de la noblesse. Ma
fermeté de caractère est clairement démontrée par
l'habit de garde national que je ne quitte pas depuis
dix mois. Mais cet uniforme commence à èlre un peu
usé : il est impossible que le neveu de mou empereur
laisse un de ses Chabert exposé à l'intempérie des sai-
sons. — Je suis un homme d'esprit et de cœur ; marié,
père de famille; oui, monsieur. Aussi n'est-ce pas en
mon nom que je réclame, c'est en faveur de mesdemoi-
selles Chabert. Quant à moi, mon éloquence me suffi-
rait pour me tenir au-dessus du besoin ; je déclame en
ville, en public et à domicile; et mon uniforme me
A LUSAGR DES GKNS SfiRIKUX.
i57
donne accès partout. Allons, monsieur le wcrdtaire, la
main à la poilio : fuites (|uel(]ue chose pour un pnuvre
aveugle; j'olFie do céder mes épaulettes et mnii bre-
vet de (.'(iltmel au bravo Dniiiouliu ; je ne demande
qu'un enipliii honorable et lucratif, secret, si l'on veut,
mais avec beaucoup de praliticatinns.
— Messieurs les colonels, répcindil le secrclaire des
comniandetuents, vous me seniblez elTecliveinent re-
venir de Sibérie; et il serait diflicile de ne point faire
quelque chose pour vous. Je vous autorise donc à re-
vêtir des costumes de fantaisie, et à vous môler au cor-
tëge les jours de grande revue. Si M. le préfet Rebil-
lot, homme fort rigide sur les questions d'unifurme,
vous demandait à quel corps vous appartenez, répon-
dez-lui que vous êtes des colonels de carnaval et que
vous sortez de l'élat-majordu Cirque-Olympicpie. Etes-
vous contents et satisfaits, messieurs les Cbaberis?
— Pardon, excuse, monsieur, répliqua Bonnelier;
oserais-je vous prier de mettre le comble à vos bien-
faits en m'accordant une avance de cin(| francs; caries
Cosaques m'ont tout enlevé, il ne me reste plus que mes
talents, et Babin exige qu'on paye lu location d'avance.
— Acce|)lez ces deux francs cimpiante lit le secré-
taire des conmiandemenls, il nous est impossible de
faire davantage ; quant i vous, Dumoulin. ...
— Quant ù moi, s'écria fièrement Dumoulin, tan-
dis que Bonnelier tendait la main, quanti moi j'ai le
costume, il ne me manque qu e le brevet !
Extrait du compte-rendu officiel de la grande revue,
publié par l'Événement, la Liberté, et autres Journaux
officieux.
« On remarquait dans le cortège, le colonel Dumou-
lin, et M. Bonnelier, tous les deux achevai, et parmi
les personnes les plusraïqMocliées du président. »
GIRAHDI.NADE TARTUFÉE.
0 Ce n'est [las nous, dit M. de (jirardlii, qui iiuns
« opposerons à la retraite d'une Assemblée élue sous le
« coup de Vintimidation, de la fraude et d^a violence.
« Quand nous abordons la question de la retraite de
« l'Assemblée nationale, nous l'abordons, on le voit,
« sans illusion comme sans ^;«Sô'/o(i.
0 En effet, jusqu'à ce jour, nous nous sommes étroi-
« tement bornés à recueillir dans les journaux des dé-
« parlements la pensée des électeurs (c'est-à-dire toutes
les injures à son adresse.)
« Nous entendons formeHement nous abstenir de toute
« msistance qui pourrait dégénérer en une sorte d'agita-
« tion politique aboutissant à une contrainte morale.
« Ce que d'autres ont essayé le 15 mai par la pres-
« sion de la force , nous ne voulons pas le tenter
« par la pression de la presse. Nous ne voulons pus
« imiter ce que nous avons blâmé.
Un petit conseil en terminant. « Le pouvoir exé-
« cutif n'aurait qu'à s'abstenir strictement de présenter
« à l'Assemblée aucun projet de loi et de prendre au-
(( cune part à ses travaux. »
(Presse (lu 10 janvier 48-19.)
CHOSES QUELCONQUES.
LE KOl DIT A LA REINE, LA REINE IIIT AU KOl.
Le dialogue de la Presse avec la Liberté |)eut rem-
placer le défunt dialogue que nous venons de citer. 11
faut à la Presse un interlocuteur comme il faut à cer-
tains marchands de chaînes de sûreté un compèie ; les
innocents de l'Evénement avaient accepté ce rôle avec
enthousiasme, comment se fait-il que les vieux pour-
voyeurs de la Liberté aient disputé à ces aimables no-
vices ce beau rôle ?
Infortuné Emile ! il ne manquait rien à ta gloire
qu'un donneur de réplique, tu l'as trouvé dans le vé-
nérable Lepoitevin Saint-.\lme. Que penses-tu de ton
bonheur?
— Parmi les idées saugrenues qu'un bourgeois peut
avoir, il faut compter celle qu'a eue M. Véron de vou-
loir être non pas directeur, fi donc! mais ministre des
beaux-arts. — Oui M. Ingres, oui M. Delacroix, oui
M. .Meissonnier, et vous tous Decamp, Johannot, Pra-
dier, etc., vous l'avez échappé belle; — si on avait
consenti à créer un ministère nouveau, tout exprès
pour lui, vous auriez relevé de M. Véron.
— Grand papa, disait hier un enfant terrible à un
vieux général de l'Empire, en voyant servir un superbe
gâteau des rois, il ne faut plus dire : le roi boit, à pré-
sent, mais le président boit; maman l'a dit;.... il boit
donc, M. le président?
— n Le président de la République sort tous les jours à
cheval une heure, et même une heure et demie, quel-
que temps qu'il fasse. » Le Constitutionnel le dit,
le Constitutionnel en est tout lier, et il a bien raison.
Cela signifie , en effet, que M. Louis Bonaparte n'a
pas peur de la pluie ; qu'il ne distingue pas le beau
REVUE COMIQUE.
1d8
"temps du niauva.s; que c'est enfin un dur à cuire,
un vieux de la vieille, sans doute, etc.
Ah ' si M. Bonaparte avait une bonne nispnation,
quelle leçon il donnerait à ces amis adroits à qui il ne
manque que deux pattes pour être les égaux de 1 ours de
La Fonlame. Ne peut-on louer moins - sottement - le
chef d'un pays comme la France? Veut-on nous faire
croire qu'il n'y a à louer en lu. que son courage contre
la pluie, et que son amour pour réquilatiou?
_ Que pensez-vous de la République? avez-vcus
confiance dans sa durée? disaient à un républicain un
légitimiste, un orléaniste et un impérialiste.
"— Je crois, répondit le républicain, que la Républi-
que est indestructible ; — et ma raison, la voici :
Elle a trois ennemis qui ne s'entendront jamais ;
Vous en savez quelque chose. Son salut est dans ce
fait qu'il n'est aucun de vous qui consente à travailler
de bonne fci pour les deux autres. D'accord la veille,
vous vous combattrez toujours le lendemain, et tou-
jours à son profit. — La nation ne tardera pas à faire
cette remarque, qui est bien simple, et alors elle vous
mettra d'accord en vous renvoyant tous dos à dos.
_ Le président de la République a donné à diner,
il y a quelques jours, à M. de Girardin et à madame
de Girardin. Les convives étaient naturellement peu
nombreux ; le jeune M. Hugo, fils du poète de ce nom,
était, dit-on, du petit nombre des invités. — On as-
sure' qu'après le diner, M. le président de la Républi-
que daigna s'entretenir fort longuement avec ce jeune
homme, et qu'il lui aurait dit, en parlant de M. Odi-
lon, président du conseil de son ministère : — M. Bar-
rot' est un fort honorable homme , d'un grand talent,
mais je commence à craindre que ce ne soit pas un
homme pratique.
Quelques amis du président de la République pen-
saient que cette confidence était bien grave et bien peu
pratique elle-même pour être confiée à une si jeune
oreille.
M. Louis Bonaparte a écrit à M. de Malleville une
lettre dont le fond et la forme sont également re-
■rretlables. La publication de cette lettre a été tout à
fait fâcheuse pour le président de la République.
Vous croyez peut-être que les journaux amis de
M. Bonaparte se sont fait un devoir de ne point citer
une pièce aussi défavorable à sa personne. Point. —
Ils s'en sont tous les premiers emparés.
M. Bonaparte a pu apprendre ce jour-là, s'il l'igno-
rait, qu'il y a des journalistes qui sacrifient tout au
besoin de faire un journal amusant, et qu'il en est qui
publieraient le déshonneur de leur père ou de leur
mère, pour n'être pas en retard de scandale et de cu-
riosité avec leurs confrères.
— Il y a des journaux innocents. De ce nombre sont
l'Événement, le Pays, etc., etc. ;
Des journaux spéciaux qu'on ne lit pas, l'Ere nou-
velle, l'Opinion publique, ela-ulres
Puis des journaux qu'on Ut, qu'on achète, et qui
cependant^'existent pas même pour ceux qui les li-
sent, parce qu'ils n'ont aucune autorité morale ; de ce
nombre sont l'Assemblée nationale, la Liberté, etc.
Par le fait, l'opinion tout entière appartient en-
core aux cinq ou six journaux qui existaient avant Fé-
vrier. De tous ceux qui ont été créés depuis, aucun n'a
pris une place définitive et ne s'est classé de façon à
avoir une infiuence appréciable.
Et pourtant, le besoin de journaux nouveaux ré-
pondant à ce que la situation a de véritablement nou-
veau, est évident.
A 1. 1 SACM Di.s (;i:.\s si:i>,ii I x.
ILQ
MIOCCTION iriN COIimiF.U r.l'lArnONNAlHK.
(INTBII l'uOl l.A.)
Air : I/ommes noirs, d'où torteS'Vn
Ciim.iraile?, conimençoiis
Une grave conlt'renc« !
Je sais qu'au vin, aux chansons,
Vous donnez la préférence;
Mais vous i^les en ce inornenl,
Tous les élecleurs du tlepai lemenl.
Pour réffler le son de la France,
TAcliez, s'il se poul, de n'iHre pas gris. '
Signez, mes amis! {Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Pour obtenir le congé
D'une assemblée insolente.
Avec art j'ai rédit,'é
Une requête excellente.
Aux journaux elle parviendra.
Monsieur Girardin la commentera.
Sous le numéro mil cinquante
Dans les faits divers nous serons inscrits.
Signez, mes amis.' {Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Chassons des représenlanls
l'n peu trop démocratiques;
Que la Ch^imbre, à deux ballants,
S'ouvre à d'autres politiques.
Qu'on y place de vieux barbons
Revenus jadis avec les Bourbons.
Partisans des lois despotiques,
Les jésuites môme y seront admis.
Signez, mes amis ! [bis)
Nous dirons que c'est le vcea du pays.
Vous voyez vos député»
Incliner vers la Montagne.
Aux dé-crels qu'ils oui volés
Nous perdons ; le pauvre gagne.
Déjà le i-el est dégrevé.
L'impôt sur le luxe est par eux rêvé.
Pour plaire anx gens de la campagne,
Ils aboliraient les Droits-Kéuuis.
Sit;nez, mes amis ! { Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Vraiment, ces premiers sujets
Trop longlemps gardent leurs rôles ;
Hostiles à nos projets,
Ils pèsent sur nos épaules.
Dés qu'ils auront tourné le do>.
Mêlions en avant le duc de Bordeaux;
Enterrons le vieux coq des Gaules,
El sur son tombeau replantons les lis.
Signez, mes amis.' (Bis)
Nous dirons que c'est le vueu du pays.
On assure qu'avant peu,
Parn tre conduite oblique,
Nous allons lout mettre en feu.
Kl troubler la paix publique.
Pourvu que nous réussissions.
Que nous font à nous les dissensions?
Il faut tuer la République !
Après la bataille à nous les débris!
Signez, mes amis! (Bi'sl
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Un des petits moyens employés .. __ ^..,
département de soixante mille âmes.
ilever cent cinquante signatures dans i
Falloux, disciple de Basile,
Menace l'Universilé.
Aux jésuites il donne asile,
Sous prétexte de liberté.
Il compte les servir, peut-éire ;
Mais les destins sont !ncon>lanls.
Comme le temps, c'est un [îtand maître;
Il doit passer avec le temps.
Dftsiué par Fabbitzils.
Gravé par Uaulant.
Ulil'LtVAnii IIE4 trALlKNS.
30 ecutliiicH la ll%i'HiHoii.
-^ , ■; ,,i,i|,ii||ii;|iii.|i|ii|ii|||!L|,|iiJiiiii
hLE RltlIKI.IEL', 'J2.
idltions de la Sonscripiion. — La Revde comiqie formera un ina<:nifique volume, grand in-8, publié en 50 livraisons à 50 cent. ;
irk poste, -40 cent. On sousi-rit pour 10 livraisons. Pour les déparlements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
4viB. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire {franco) à M. Lirecï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des Italiens.
DUMINERAT. £DITE17B, RUE RICHEIiIEU, 52.
1 1'^ Liviaiion.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour .vponare au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qu, rouvaien
Aul.eux que, pour ne pas dé.-ompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour ils pussent
être dans l'obligation de faire broeber ou relier les couvertures qui se reproduisent d une façon
uniforme toutes k^s seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessm que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celle façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être brocbé sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que celte suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
îa dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
U dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dcrn.ère pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détacbé sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE IA ONZIEME LIVRAISON.
La Semaine. - Un Ministre éternel. - Les Mystères .la Parti honnOto. - Icarie (correspondance part, cuhere). - Réclama-
tions contre lesquelles on pourra bien réclamer. - Le Conservatoire; premier Concert. - Deux Utop.es : une Rue de
Paris • un Disert entre la Californie et le Texas ; un Quai .lu H.vro. - Choses quelconques.
Dessinateurs,
Canifomie Nadard.
Califourchon Xadard.
Cliangarnier Fabritziu
Proposition Raleiu Nadard.
Un nouvel Académicien Nada.d.
Les départements se lèvent comme un seul
homme N.-idard.
Ferm«ntaiion des pétrins Bertall.
Louis.
Baulant.
Baulant.
Baulant.
Midderigh.
libnllilion dfs b-o-s
Vue de Californie
IcirieetCaliforniP
Californie et Icarie
Premier raout chei le sul'sc de l'h'tel de la
présidenre Fabritztus. GaucliarJ.
gi.j„jf Fabrilîins. Leblanc.
Ii'flfiinttleurs.
r.ra«e
iirs.
B.Tla:l.
Midd.
igl.
l'unrh.
Baula
ni.
Derlall.
.laliot
Bertall.
Ja'iot
POUR PARAITRE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÉSAVENTUlUiS
projets — iléccptions — espérances — Icntalinns — travestiss.Miicnts
hjpocrysies — passe- passe— pirfidics — granile culbute ilr-
MOSIEU RÉAC
silTP. DE cahicatctf.s par NAIlMin.
Para.— Tiré tin prewM ^l*««ni^m•J île I.»r»»apic 1,1- «1 r,.„|.., nu
LA SEMAINE.
« Décidément, dit la Semaine, nous avons une fa-
mille présidente.
— Qu'entenJez-vous par là?
— Ce qu'un entendait autrefois par famille royale.
— Et où voit-on la famille présidente?
— Partout. Au théâtre d'abord, oii elle occupe gé-
néralement les anciennes . loges de la cour ; dans le
inonde, et, pas plus tard que samedi dernier, je l'ai
admirée dans tout son éclat au bal du préfet de la
Seine.
M. Murât (on dit le prince Murât) se présente le
premier, suivi de sa feinme et de sa fille.
Entre ensuite madame Demidotî(on dit la princesse
Matbilde), suivie de ses nombreux diamants.
Puis viennent le général Jérôme Bonaparte, gou-
verneur des Invalides (on dit le roi de Westphalic),
accompagné de son Gis, M. Napoléon Bonaparte.
Le colonel Dumoulin et le commandant Max Bon-
nelier, ofiiciers d'ordonnance, ferment le cortège.
Les membres delà famille présidente traversent le
salon, vont se grouper dans un endroit réservé où ils
reçoivent les hommages de tous ceux qui se présentent.
Ce n'est pas tout à fait le défilé de l'ancienne cour,
mais ça y ressemble chaque jour davantage.
Le quadrille dans lequel doit figurer l'un des mem-
bres de la famille présidente est composé depuis long-
temps. Tous les danseurs sont désignés d'avance. Tout
cela se fait encore mystérieusement et sous len anteau,
mais le cérémonial officiel ne tardera pas à être promul-
gué Eu attendant, pour justifier celle demi étiquette.
on se rejelfe sur le prétexte des solliciteurs. Danser
avec le premier venu ! mais vous n'y songez pas, et les
solliciteurs qui profiteraient d'une contredanse pour
glisser leurs placets ! Vous ne savez donc pas ce qui est
arrivé à la princesse Malhilde (prononcez madame De-
midoff)?
— Quoi donc?
— Un monsieur, au dernier bal, s'est présenté à elle
en lui disant : «Madame n'a-t-elle plus de recette à
m'accorder?
— Comment?...
— Oh! pardon, madame, c'était une polka que je
voulais dire. »
Un autre l'a invitée à valser la prochaine sous-
préfecture.
Voici les renseignements que la Semaine m'a four-
nis sur le bai de M. Berger. Cohue. — Peu de toi-
lettes élégantes. — Des diamants eu quantité. — Un
buffet trop vite dévalisé et trop peu renouvelé. — Des
habitants d'Issoire en grand nombre. — Issoire est la
patrie de M. Berger. — Trois mille invités dans des sa-
lons qui en contiennent à peine deux mille. — Trop
de Bonapartes et d'Auvergnats.
Il y aura, dit-on, six bals semblables à celui-ci dans
l'hiver.
Le président n'assistait point à celte fête. Lui-même
recevait ce soir-là après un grand dîner où figuraient
plusieurs maréchaux, les ministres, le commandant
Max Bonnelier et l'ambassadeur d'Angleterre.
Le premier magistrat de la République (magistrat,
162
REVUE COMIQUE
entendez-vous bien?) portait à sa réception son éternel
habit de général de la garde nationale. Celte ténacité
à se déguiser en militaire a quelque chose de vraiment
puéril. Je conçois bien qu'on regrette de n'être pas
général, de n'avoir pas combattu quinze ans en Afri-
que comme Cavaignac et Lamoricière ; mais enlin il
faut se résigner à être ce qu'on est, c'est-à-dire un
penseur de l'école de M. Hugo, un socialiste de la
veille. M. Bonaparte met des épaulettes pour avoir
l'air militaire; c'est comme si Cavaignac publiait de-
main un livre sur le paupérisme, afin de passer pour
un écrivain.
Puisque notre président lient tant à l'iiabil mili-
taire, pourquoi ne porle-l-il pas celui de l'armée de
Thurgovie dans les rangs de laquelle il a servi avec le
grade de capitaine d'arlillerie?
J'ai demandé à la Semaine ce qu'elle m'apprendrait
de nouveau sur les Ihéàlres.
a D'abord, m'a-t-cUe répondu, la rentrée de ma-
demoiselle Rachel.
— Elle ne fait que rentrer depuis deux ou trois ans.
Passons.
— La première représentation de Madame Mur-
neffe au Gymnase. Grand succès, tiré d'un roman de
M. de Balzac, et le Caïd, à l'Opéra-Comique.
— Ensuite?
— La célébration du deux cent vingt-septième an-
niversaire de la naissance de Molière au Théâtre Fran-
çais et à l'Odéon.
— Après?
— La réception d'une comédie en deux actes, d'Al-
fred de Jlusset, intitulée la dernière Soubrette.
— C'est quelque chose. La pièce est-elle en prose?
— Non, en vers.
— C'est beaucoup.
— Les Italiens ont recommencé leurs représenta-
lions sous la direction de llonconi. Ils ont chanté Ce-
ntrentola avec mademoiselb Alboni. La nouvelle
troupe a un chanteur monumental et un banquier ex-
cellent. Le chanteur s'appelle Lablache, et le ban-
quier excellent Delamarre. La nouvelle administration
est donc solide. »
Voilà, en somme, une semaine cjui ne laisse pas que
d'avoir été bien employée, surtout si l'on se souvient
que l'Assemblée nationale l'a terminée en coupant court
aux espérances du grand parti modéré, composé des
citoyens Thiers, Véron et Genoude, lequel grand parti
se flattait du doux espoir de faire sortir un nouveau
13 mai d'une émeute de premiers-Paris.
J'oubliais un roman de XL de Lamartine, — Ra-
phaël, paru aujourd'hui.
A huitaine 1
- lu m'ont dit qae »as la République oq ne faisait plus repasser
le* couteaux ; alors je m'en vas en Canitornie, le pi>y* aux
mines de canifs.
Cliangarnier, revenu de la rive afric>iiio,
A de plus diuix exploits exerce son talent ;
]| voudrait voir finir l'ère républicaine,
Pour briller à la cour en costume galant.
Mais les eaux de senteur, poudres et bergamolles.
Ne rendent pdint la vie à ses cliarmes défunts;
Et le guerrier coquet, malgré tous ses |)arruni',
N'eît pas en bonne odeur auprès des patriotes
Dessillé par Fabritzius
Gravé par Louis.
i64
REVUE COMIQUE
UN MINISTRE ÉTERNEL
n
La Chambre aura beau faire, elle ne parviendra pas
à renverser le ministère.
M. Barrol Ta dit formellement: «Je ne m\'n irai
pas, je ne veux pas m'en aller; ce serait monstrueux.
M'en aller ! ô ciel !
Et pourquoi ne vous en iriez-vous pas"? D'autres
ministres sont bien partis avant vous.
— D'autres ministres , à la bonne heure ; mais
moi ! c'est une idée qui ne peut trouver place dans
ma tète, une idée qui me confond, qui me bouleverse.
C'est la seconde fois que je suis ministre : la première,
je ne l'ai été que vingt-cinq minutes; c'était le 2i fé-
vrier; je n'ai pas eu seulement le temps de mettre une
cravate blanche et de prendre possession. M'en aller!
jamais !
Mais vous n'avez que des échecs à la Chambre !
— Des échecs! je ne sais pas ce que vous voulez
dire ; je ne veux pas vous comprendre. Si l'on vient
pour me renvoyer, je m'accrocherai aux meubles, j'en-
traînerai les fauteuils après moi, je pousserai des cris.
— Rappelez-vous le fiasco ministériel sur la ques-
tion du sel.
— 11 ne s'agit pas de sel ; il s'agit que je nuî jeterai
par la fenêtre si l'on me pousse à bout.
— Songez aux nominations des bureaux pour la
proposition-Râteau.
— Je songe qu'il n'est pas humainement possible
que je m'en aille : la Chambre le comprendra, à moins
qu'elle n'ait un cœur de tigre. Je ne quitterai le mi-
nistère que pour me retirer à la Trappe.
— Un peu de courage, mon brave homme; élevez
votre âme au niveau de votre sublime infortune. Je
vous ai parlé tout à l'heure des ministres tombés ; je
vais vous parler de rois qui ont abdiqué volontaire-
ment. Voyez Charles-Quint renonçant au trône d'Es-
pagne ; Abdalonyme cultivant son jardin, sans souci
de ses droits au trône; Dioclétien retiré à Salone.
Imitez ces grands exemples, Barrot, et quittez de vous-
même un pouvoir qui vous fuit.
Si l'on continue de me tourmenter à ce sujet, je
m'asphyxie avec un boisseau de charbon. »
11 devient fort JifliLile,con)nie on voit, d'avoir raison
d'une telle résistance, et la Chambre ne sait plus com-
ment faire, puisque ses votes ne servent de rien ; c'est
comme si l'on voulait, avec des bulletins blancs ou
bleus, faire sortir une tortue de sa carapace, un lapin
de son trou.
On est allé chercher Samson ; ou lui a dit : «Vous
qui avez enlevé les portes de Gaza, vous sentez-vous
capable d'emporter Odilon Barrot sur vos épaules? »
Samson, qui avait d'abord ôlé sa veste et retroussé
ses manches, a répondu après réflexion : — Décidé-
ment, je ne me charge pas d'une pareille entreprise.
Et il a remis sa veste.
Adressons-nous à Hercule, a dit la Chambre.
Hercule, vous qui êtes un demi-dieu, qui avez tué
le sanglier d'Érynianthe, vaincu Gérion, nettoyé les
étables d'Augias; vous qui portez une peau de lion sur
vos épaules et une redoutable massue à la main, ô
!.M-and Hercule, qui avez accompli douze travaux répu-
tés impossibles, il s'agit d'en accomplir un treizième.
Vous chargez-vous de terrasser et d'enlever Odilon
Barrot? On vous construira un tjmple, on vous offrira
une hécatombe, et votre gloire sera célébrée d'âge en
;ige. Rendez-nous ce service, ô demi-dieu !
— Voyons un peu, répond le demi-dieu.
Il s'approche couvert de la peau de lion, et brandis-
sant sa massue ; mais à la vue de Barrot, qui s'est ac-
croché à un meuble : « Par Jupiter, dit-il, comment
voulez- vous que je vienne à bout de ce gaillard? J'ai-
merais autant forcer de nouveau la biche aux pieds
d'airain, ou dompter une seconde fois le taureau de
Crète. Il m'est impossible de vous rendre le service
que vous me demandez. Avez -vous par là quelque
monstre marin qui désoie la contrée? J'en fais mon af-
faire; quant à cette espèce de Jupiter, il n'y a pas
moyen. Bonsoir, mon ami.
Ainsi parle le demi-dieu, et il s'en va comme s'en
était allé Samson.
Que faire? les repré,sentanls sont consternés. Après
Samson et Hercule, il serait puéril d'envoyer quatre
hommes et un caporal.
LES MYSTÈRES DU
Il s'est égaré dernièrement une adresse des élec-
teurs duVaucluse à leurs représentants; la personne
qui l'aurait trouvée est priée de la rapporter au
bureau central d'où s'expédient, dans le département,
les adresses et pétitions spontanées contre l'Assemblée
nationale
Ce bureau, dont plusieurs personnes niaient l'exis-
tence, a été fondé sous le patronage du Constitutionnel
et de la Gazette. H fournit le modèle de pétitions
contre l'Assemblée, qui doivent se ccuvrir de milliers
PARTI HONNÊTE.
de signatures dans les départements, ainsi qu'il est
arrivé dans le Gers , où la pétition a réuni quatre si-
gnatures (officiel) , et qui rappelle le mot célèbre
d'Odry dans Genwih'e (le Brabant. Eu un instant, il
y eut dix mille lioinmcs au moins rassemblés sur le
carré.
« Dix mille hommes! lui dit quelqu'un ; c'est beau-
coup.
— Le chiffre est peut-être exagéré, mais nous étions
bien trois ou quatre. »
A i;i'SA(;i', his (ii;,\s ski!Ii;i x.
16tt
Il l'st iKiiK- univi' iiii iimIIiciii' à te Imicaii central,
sans pailiT des (|iiatie .sigiialuies de la iiétilioii du Ceis,
qui |)0UV0iil iiieti coinpler aussi [iniii- un désa^ji-t'inenl.
I.C hiireau avait expédié aux électours du Vauelusc
une lellre làiie à l'adresse de leuis représentants.
« Que vonlez-vons i|ue nous lassions de eclte lellie?
avaient répondu les électeurs.
— Parbleu! failes-en ce qu'on l'ait des lettres de ce
genre ; couvrez-la de signatures.
— Fort l)ien : lums allons la eiiu\rir de signatures.
El après?
— A|)rès, vous l'enverrez aux représentants. Sont-
ils donc bêles, ces électeurs!
— Merci ; c'est dit, allons, couvrons la lettre de si-
gnatures! ))
Les électeurs prirent la lettre et en allumèrent leurs
cigares.
Cependant le bureau central faisait le calcul suivant.
« Combien de signatures les liabitants du Vauelusc
peuvent-ils apposer par jour au bas de la lettre à leurs
leprésentants? Ça n'est guère expcditif, un habitant du
Vauelusc; (,i ne doit pas avoir le paraphe facile; ça
sait-il signer seulement?
«Je le crois bien! Le département du Vaucluse
fournit au moins un quart des gens de lettres néces-
saires à la consommation annuelle de Paris. Depuis
Pétrarque, qui composa la plupart de ses poésies à
Avignon, le département n'a cessé de marcher à la tète
de la littérature. Tous les Vauclusiens sont poêles et
journalistes.
« Vous croyez! En ce cas, mettons deux mille si-
gnatures par jour ; en huit jours, nous en aurons seize
mille environ, et dans quinze jours les représentants
du Vaucluse auront reçu la lettre crâne dont nous leur
avons fourni le modèle, n
Le bureau prit patience, et l'on croit que c'est dans
cet intervalle qu'il eut l'idée de la pétition du Gers,
qui devait se couvrir de quatre signatures.
Les (|uinze jours écoulés, le bureau supposa que les
députés avaient reçu la lettre.
— En èles-vous bien sur, Ijureau central? lui dit-on.
— Parbleu ! J'ai fait mon calcul.
— Mais les représentants du Vaucluse n'en ont pas
s(iurilé mol.
— Ils s'en garderont bien : on ne se vante pas de
ces chosts-là ; c'est pourquoi je vais publier le texte de
la lettre dans les journaux ilu parti hnniif'tc.
— Prenez garde, bureau ; celle polissonnerie peut
vous compromettre.
— .\llons donc !
Les journaux in partUioniwte publièrent celle |iièce
qui n'existait pas, et dont ils connaissaient la source
fort peu loyale. Mais voilà qu'aujoui-d'hui les dé|)utés
du Vauelusc écrivent à leur tour qu'ils n'ont jamais vu
ni reçu cette prétendue lettre couverte de signatures.
Qu'est-elle devenue?
Nous n'avons ])ourtant pas entendu dire que la mal-
le-poste ail été volée en route!
Voilà le rideau levé sur les mystères du jiarti hon-
nête. Leparti honnête invente des pétitions et des let-
tres impertinentes; il envoie l'agitation à domicile à
Paris et en province ; il paye des émissaires pour aller
recueillir des signatures contre l'Assemblée, et il ac-
cepte comme électeurs-signataires des enfants dedix ans
(voir les correspondances des départements) ; cl avec
tous ces moyens, le parti honnête parvient à obtenir
quatre signatures dans le Gers, et six mille trente-deux
dans toute la France, ainsi qu'il résulte du relevé fait
dans les bureaux de la Chambre.
C'est ce que les journaux appellent l'immense ma-
jorité des électeurs.
IN'est-ce pas encore le parti honnête qui a invente la
ridicule histoire du vol des diamants de l'Étal et qui
en a accusé un ministre?
Si ce sont là les honnêtes gens, amenez-moi, je vous
prie, quelques coquins ; j'en ferai mes amis intimes.
M. KATiAi', ainsi nommé, parce que sa ptoposilion voudrait faire place nette.
-Vos litres!.. — Voilà mon petit livre. — Non... vos parchemin:
— Voilà. — A la bonne heure ; entrez!
Tous les âéparlemenis se lèvenl comme un seul kimme •
fez : Un seul homme se lève comme tous les déparlements.
ICARIE.
(CORRESFOMI.V^CE r.VRTICL'LIF.RE.
Le 2 de la lune du mal de dents.
Hou ! hou ! liou ! Frappons-nous trois fois les cuisses
et hurlons trois fois. C'est la manière de saluer chez
nos voisins les Nacogdoches. Parlez-moi tie cette poli-
tesse aussi naïve qu'économique ! Dans notre barbare
civilisation, qui de nous, en contemplant l'humiliation
de sa coiffure, n'a pas souvent murraurij sur l'air des
coucous :
Les cliapeaux font gras,
Parce qu'on n'en a guère;
Les cliapeaux sont graf,
Parce qu'on n'en a pas?
Mais ici, sur ces bords aime's du Grand-Castor, sous
ce ciel btini par le grand Cabet, plus de ces douleurs
fili-es de .«oie, plus de ces tristesses bourrées de feutre.
A bas le bonsoir, et bonsoir au bonjour ! On s'aborde
naturellement, à la bonne franquette ; comme les ours
fredonnent et comme les Auvergnats dansent! El youp,
la Catarinetta !
Seulement Catarinetta se prononce Hohkoyhoholmhh.
Quel mot charmant ! Son seul défaut est de con-
sommer beaucoup d'H. Mais vous savez que c'est ainsi
qu'on est convenu d'écrire toujours le sauvage. Plus on
peut y fourrer d'il, et plus on a l'air savant. C'est de
rigueur, comme les K et les V quand il est question de
chinois.
Si V0U9 m'en demandez la raison, vous m'obligerez
fort do me la faire connaître.
Après cela, pourtant, si vous trouviez vraiment trop
d'H dans ce salut, parole d'icarien, je n'y tiens pas.
Dans un caractère si irascible naguère, cette con-
descendance vous surprendra agréablement. Telle est
la moralité du bonheur!
Mon Dieu, oui ! car, en bonne conscience, au sein
de vos cités corrompues, dites-moi quelle âme géné-
reuse ne se révolterait pas? quel cœur indépendant et
sensible ne saignerait pas sans cesse au heurt blessant
de vos lois ridicules?
Veut-on rester tranquillement chez soi , crac, tous
les trois mois, voilà un monsieur qui vient vous de-
mander de l'argent, sous préte.xte que s.\ maison lui ap-
partient. Cette conséquence m'a toujours paru du der-
nier bouffon. Comment ! parce que je suis trop pauvre
pour avoir une maison, c'est à moi de payer celui qui
est assez riche pour en posséder souvent plusieurs?
Est ce assez cocasse ! assez turpide ! assez propriétaire ,
enriir?Ouand j'ai raconté cette plaisanterie au sachemdes
Pieds en sueur, le respectable magistral en a ri comme
un bossu.
Il est juste de dire qu'il l'est à faire honte au clia-
meaii de la plus belle venue.
A l'égard des Pieds en sueur, ayez-en beaucoup
pour eux. Nulle tribu n'est plus justement renom-
mco pour l'aménité de ses mœurs. Longtemps ac-
cusée de manger ses prisonniers de guerre trop
saignants, je dois la relever de cette calomnie. Elle
A i;i!SA(iK |)i;s (,KNS SI'MIIKIIX,
167
les fait rôtir, au contraire, parfaitement à point.
Mais, pour en revenir aux véritables sauvages, à
vous autres, que d'innombrables amertumes viennent
se joindre à cette déplorable répartition des iiiuneu-
bles dans vos Babylones de perversités!
Se promcne-t-on dans les rues , deux rangs de bou-
tiques vous narguent, à chaque pas, de toutes les
choses dont vous êtes veuf pour le quart-d'heure , et
vous agacent de toutes les splendeurs dont souvent,
hélas ! on est orphelin de naissance. — On dirait même
que la Providence prend un malin plaisir à vous con-
duire, précisément, devant ce qui doit le plus irriter
votre douloureuse convoitise.
Vous m'objecterez peut-être que ce serait là un
amusement bien mesquin pour une providence. Je ne
dis pas non; mais, enfin, c'est comme ça.
Ainsi, a-t-on peu ou point diné, vlan! à coup sûr,
un embarras quelconque vous fera subir la torture vi-
suelle de monstrueux homards caressant des pâtés de
foies gras cyclopéens sur une couche de poissons gigan-
tesques aux ventres argentés.
Est-ce une montre en plan dont vous pleurez l'ab-
sence, alors vous ne voyez que des montres; des
montres par centaines, des montres par milliers. II
semblerait que toutes les vitres se peuplent de mon-
ti'cs dans le seul but de railler votre douleur.
Et même sort pour tout et toujours! Pour les ha-
bits éplorés qui boutonnent leurs misères; pour le
linge qui tourne à la guipure ; pour les affiches do
spectacles qui paraissent flamboyer quand on n'a
pas le sou; sans exception ni pitié, cette impla-
cable ironie ne respecte rien et ne se lasse jamais.
Voyons, je ne veux pas jurer, mais, sacredieu,
est-ce donc une existence que ce perpétuel tantalisme?
Par un jour de pluie, prenez un homme dont la
chaussure aspire avidement la boue dans les affres de
l'agonie; et, dans celte humide affliction, conlraignez-
le de s'arrêter devant la sombre insolence d'une bou-
tique de bottier. Cela n'a l'air de rien, tant la chose est
commune. Eh bien! feuilletez les poètes les plus ter-
ribles, et trouvez-moi un supplice plus effroyablement
atroce ! Horreur ! horreur! horreur!
Si Dante allait nu-pieds je lui pardonne cette omis-
sion, .autrement, j'en suis fâché pour lui, mais je le
déclare un médiocre génie.
Icarie! Icarie ! sous tes lois favorables, tout homme
est à l'abri de semblables martyres. Cette douce con-
trée ne rapporte, il est vrai, ni homards, ni culottes, ni
bottes, ni montres, ni pâtés de foies gras, ni pâtés de
maisons; mais si nous n'avons absolument rien, nous
partageons du moins fraternellement tout.
Et c'est là le bonheur!
Quand je dis rien, c'est une erreur. Nous possédons
du hareng saur. De vous à moi, je conviendrai même
que nous en avons un peu trop. — Hareng saur le ma-
tin. — Hareng saur à midi. — Hareng saur le soir. —
Tel est le régime sous lequel nous vivons depuis mou
arrivée, et qui menace d'altérer longtemps encore
l'harmonie de notre constitution.
Sans être personnellement hostile au hareng saur,
je commence à trouver que ce poisson a la vie diable-
ment dure.
168
liKVLF. (.OMIQIK
Pour apaiser (luelquos cmcules qui onl éclaté à ce
sujet irritant, le pouvoir avait annoncé ofliciellement
la |)rochaine arrivée dune cargaison de pois secs, de
pruneaux et de haricots rouges. Désarmée par celte
promesse, l'opposition se remit alors à ronger patiem-
ment son hareng. Mais, ô douleur! voici les tristes
nouvelles publiées ce malin dans notre Moniteur :
En dépit des négociations les plus habiles, les pois
s'étaient montrés assez chiches pour ne vouloir se li-
vrer que contre argent comptant !
Tourmentés par une horrible tempête, les pruneaux
avaient été contraints de relâcher en Angleterre!!
Enfin, pour comble de malheur, des vents contraires
avaient retardé les haricots!!!
En présence de cette désastreuse complication, le
ministère tombera probablement en d'autres mains.
Si les choses se passent comme chez vous, il est à
craindre que ce changement n'en amène pas dans noire
cuisine
Trois soleils ru s iard.
l.a lutte prévue a été terrible. Non-seulement le
ministère des harengs a été renversé, mais Icarie vient
de proclamer un nouveau menu qui accorde à chaque
citoyen trois plats au choix à sou diner. Tous les ha-
rengs saure onl été jetés à l'eau. Force est restée au
peuple. Vox populi, vox Dei. — Nous n'avons plus
rien à manger.
UioiHS Uaton.
P. S. Me trouvant dans la position d'L'golin quand
il a croqué son dernier enfant, je vous serai obligé de
me faire passer quelques pru\isions à l'adresse sui-
vante :
IcARiE. — Sixième désert à droite, Iroisièmc soli-
tude à gauche, qualiième fossé, — au premier au-
dessous de l'enlrc-sol.
Mon ami le sacliem se bleuit respectueusement les
I cuisses à votre attention.
RÉ(:LâM.\TIONS CONTRE LESQUELLES ON POURIW BIEN RÉCLAMER.
On a lu dans la Patrie:
« M. Duchàtel sera à Paris, à ce qu'on assure, au
mois de février, l'n de ses premiers soins sera, dit-on,
de demander aux tribunaux les moyens de rentrer dans
la possession d'une somme de cent mille francs, valeur
approximative d'un nombre considérable de pièces de
vin qui se trouvaient dans les caves du ministère de
l'intérieur avant le 2i Février, et qui ne s'y trouvent
plus. Or, ces cent mille francs de vin étaient, à ce qu'il
paraît, la propriété personnelle de M. Duchàtel. »
La Patrie, par cet article, compromet ses droits au
litre àe journal ordinairement bien informé. Comment
a-l-elle pu s'imaginer que l'ex-minislre de Louis-
Philippe se conlenlerait de réclamer une bagatelle de
cent raille francs? Allons donc!
La note de M. Duchàtel est beaucoup plus compli-
quée. L'honorable membre du dernier cabinet royal
a trop souBerl de la Révolution pour ne pas demander
une réparation solide. Son compte nous a été commu-
niqué, et nous nous empressons de faire connaître à nos
lecteurs cette pièce importante; elle s'élève au chiffre
total de 471,650 francs 55 centimes, ainsi répartis:
500
120
500
48
Avoir été indisposé le 24 février ; pour
frais de médecin et de médecine
Avoir loué uu faux nez el un habit de
laquais pour sortir (le P;iris.
Avoir déchiré un pantalon tout neuf,
en francbissant les barricades ; pour rac-
commodage
Avoir été arrêté à la Itarriérc el forcé
de boire à la santé de la République;
pour une tournée de vin à six
Pour chaise de poste, chevaux el frais
de roule
106 fr. 75 c.
42
5 50
jOO »
Pour un vélcnienl complet : chemise,
caleçon, bis, elc, entièremenl mis hors
de service par suite de l'émotion éprouvée
pendant ccUo journée et aboutie pcudant
le voyage
Pour neltovage de bijoux qui oui été
oxidés
Passage de la !\lanclie : avoir eu le mal
de mer el compromis ma dignité par des
contorsions incompatibles a\ec le carac-
tère d'un homme d'Étal
Séjour à Londres 40,255
Indemnité pour suspension de traite-
ment, pj'ivation d'honneurs, discours
rentrés 100,000 »
Dommages-intérêts pour diilamations,
calomnies, injures graves, mise en juge-
ment 100,000
Pour frais d'altai|ues de nerfs el autres
conirariétés éprouvées par ma femme dans
ces circonstances, el pour imlemnilés de
promesses d'ambassade à mon frère Na-
poléon Duchàtel 100,000 ..
Pour le vin bu par les combattants de
Février 400,000 »
Pour mon linge lacéré et mis en char-
pie pour le service des blessés 50.000 »
471,6o0 55
Les autres ministres se préparent à imiter la conduite
de M. Duchàtel: M. Hébert veut qu'on lui rende sa
simarre déchirée; M. Jayr, qu'on avait oublié, ressus-
cite comme la fille de son homonyme pour présenter
ses réclamations. M. Guizot glissera les siennes dans la
seconde édition de sa nouvelle brochure. M. Salvandy
va publier, à l'usage des ministres, un ouvrage inti-
tulé : L'Art d'être mis à la porte, et de s'en faire dix
mille francs de revenu.
A i;usA(.i; nr.s (.i.ns si.I'.ikiix.
iGO
La position de lllitli^ll^• expulse' \\i devenir désui -
mais liès-avarilagense : on n'anibilionnera |i|ms les
liaiilcs fonctions que pour se faire congédier violenfi-
inenl ; on s'uttadiera ù se rendre impopulaire, ù ne
premlre aucunes niestu'es utiles, à suivre une poli-
tique bien contraire aux vœux du |)ay. Nous soupçon-
nons niOuie qu'on couiuieucc déjà.
Si réuK'ute en fureur gronde autour des ministres,
ils diront, eu se frottant les mains : « Ça va bien! ça
va bien! nous pourrons douiander dix mille francs de
dumninges intérêts ! »
La foule envahira les rues et brisera les vitres. Les
ministres, menacés, multiplieront par mille les indem-
nités à encaisser : chaque pierre lancée leur semblera
une roclie aurifère de la Californie.
I.'holel sera dévasté : on en jetera les meubles par les
fcnèlres. Les minières, en décampant , g' écrieront :
«De mieux eu mieux! notre fortune est faite, u Ils
seront au comble de la joie, si dans leur fuite ils se
cassent quelques membres.
Car c'est toujours le peuple qui paye les pois cassés.
N. B. — Nous ne coimaissons de comparable à la
réclamation de M. le comte Tanneguy-Ducbàlel, pos-
sesseur du clos de Cliàteau-Laflitte, que la réclamation
du roi l.ouis-l'liih|)|)e, possesseur à cette époque du
trône de France, demandant 00,000 francs d'indemnité
pour les lapins tués, pendant la révolution de juillet
1850, dans la forêt de Ratnbouillot.
Il y a pourtant cette différence, que M. Uucliàtel a
perdu à la révolution de l'evricr, tandis que Sa Ma-
jesté l.ouis-l'hilijjpe avait gagné quelque chose à celle
de i8:)0.
VIE DE L\ CALIFORNIE,
D'après un daguerréotype communiqué au Punch d-j Lo:dr<
170
REVUE COMIQUE
LE CONSERVATOIRE. — PREMIER CONCERT.
Dimanche s'est donné le premier concert du Con-
servatoire. Dans le triste temps où nous sommes,
quelle fête ! La musique a ceci de particulier et d'ex-
cellent, je parle de la vraie musique, et de celle de
Beethowen principalement, qu'elle isole celle ou celui
qui l'entend non pas seulement avec ses oreilles, mais
dans son âme, comme dit Pétrarque, qu'elle l'isole,
qu'elle le sépare du monde entier, qu'elle l'arraclie à
tout bruit extérieur — la musique est un bruit inté-
rieur — pour le laisser seul avec lui-même, pour faire
de lui, en quelque sorte, un mort qui écoute, un mort
heureux. C'est à la fois un retour sur le passé, un re-
gard sur l'avenir, et l'oubli du présent, trois biens pré-
cieux. On jouait la symphonie avec chœurs de Beetho-
wen. — C'est de toutes la moins connue en France. La
première partie est un peu confuse, mais la seconde,
mais la troisième, mais l'admirable commencement de
la quatrième? Cela vous rend toutes vos douleurs, tant
c'est poignant et profond; et cela les apaise toutes, les
guérit toutes, tant c'est sublime et salutaire.
« Que pensez-vous de M. Barrot? Son discours de
l'autre jour, si peu gouvernemental, si inutilement
blessant pour l'Assemblée, ne le rend-il pas impossible
désormais?» — Comment dire, sans mourir de honte
pour lui, qu'un des hommes les plus intelligents de ce
temps-ci, mon voisin, m'adressa cette question, mon
Dieu, fort sensée, j'en conviens, — juste au moment
où commençait ce sublime amiante. .le répondis, il
fallait bien répondre, la politesse le voulait, par un
haussement d'épaules. Heureusement, M. Barrot a bon
dos ; et mon voisin mit spirituellement ma réponse
à l'adresse de cet infortuné ministre! Mon cher voisin,
elle était bien pour vous.
Le général Cavaignac était dans une loge, dans une
simple baignoire, avec M. Marie. — Je suis bien sûre
qu'il eût fait la même réponse à la même question. —
M. Barrot, — eh bien ! oui ; c'est un ministre, c'est
un président du conseil. — Mais qu'est-ce que cela est
devant Beethowen? — Du bout de son bâton de chef
d'orchestre, retombant par hasard sur n'importe quelle
grosse caisse, le divin maître n'eût-il pas écrasé les plus
sonores paroles de cet honnête M. Barrot ! — En vé-
rité, comment penser à M. Barrot en un pareil mo-
ment '. 11 y a plus de sourds qu'on ne croit, mon voi-
sin!
Brave général, son bon et énergique visage, si calme,
si impassible dans les plus difficiles moments, je l'ai
bien vu, cette musique l'avait détendu, reposé, pa-
cifié. Ceux que touche le beau ne perdent pas tout
avec le pouvoir.
La loge des princes était vide. Je suis une républi-
caine de la veille (je le dis, parce que eela ne me vieil-
lit guère) ; ce vide m'a pourtant attristée ; j'ai pensé,
non aux princes qui l'emplissaient d'ordinaire, et en-
core moins aux professeurs et aux aides de camp qui
les entouraient naguère, et qui se gardent bien de les
entourer aujourd'hui où ils sont, mais à ces pauvres
princesses que la sévère Marie-Amélie cousait à ses ju-
pons, et dont le Conservatoire était la plus délicate
récréation.
J'ai su bon gré au président de la République de
n'aimer point la musique et de n'avoir mis personne,
pas même lui à cette place, dans laquelle je voudrais
qu'on ne mît plus rien d'officiel désormais.
C'était tout plein ; et quel silence, cependant! Nous
écoutions tous ensemble, amis et ennemis, d'une
même, d'une seule oreille ; quel meilleur moyen pour
être ensemble séparément. Je vous dirais bien que
M. Marrast, président de l'Assemblée nationale, était
dans une loge de première galerie. — Et pourquoi
non? — Je ne l'aimais guère, M. Marrast, il y a un
an ; je l'aime mieux aujourd'hui. — On l'a tant atta-
qué. — Et puis enfin, ce marquis, ce n'est, après
tout, que des sottises d'homme d'esprit, qu'il a pu
faire. — Otez-lui tout ce que vous voudrez ; mettez-
lui plus de paillettes qu'il n'en saurait porter, il res-
tera toujours de lui, 1° que la plupart de ceux qui
l'attaquent ne le valent pas ; 2" que si jamais il retombe
sur sa plume, il saura leur répondre.
M. Duvergier de Hauranne y était aussi. — Si cela
nous valait de lui une brochure de moins; si cela le
corrigeait, cette belle musique, d'être violent comme
s'il était fort!
J'ai aperçu dans un coin, adroite, au rez-de-chaus-
sée, M. Schœffer, un vrai artiste; peinture et musi-
que, ces deux passions s'enchaînent, M. Schœffer est
un si hardi traducteur ; que ne traduit-il une sym-
phonie de Beethowen, lui qui a osé essayer de traduire
Mignon, — de peindre une pensée ! — et qui y s.erait
parvenu, si la tentative n'eût été folle?
Pour parler des femmes, je nommerai la blonde
madame d'Haussonville, connue pour avoir été peinte
par M. Ingres, et l'éclatante et blanche madame Ca-
lergi, une jolie femme sur une trop grande échelle.
« J'en voudrais une réduction, » disait un de ses ad-
mirateurs. Elle était tout en face du général Cavai-
gnac. Pour ne pas donner tort aux absentes, j'ajoute-
rai que la belle madame Delessert et sa fille charmante
étaient remplacées dans leur loge par des dames de la
gendarmerie.
Et enfin, pour en revenir à la musique, je dis que
si quelque chose pouvait augmenter mon goût pour le
paradis et mon désir d'y avoir une place, fût-ce une
place de baignoire, c'est la certitude où l'on paraît être
qu'il s'y donne de perpétuels concerts, et que ces con-
certs sont exécutés par des séraphins, qui surpassent
les artistes même du Conservatoire.
Marir '".
A I/IISAGR DES GENS SKIIIKI A,
DT.rX r TOI' II. S.
LNF. RIE DE PAHI3.
— Je pars pour la Californie.
— Et moi pour l'icarie.
— Je vais chercher de l'or.
— L'or est une chimère ; je n'aspire qu'au hoii-
lieur. Cabet m'a donné l'adresse du bonheur ; il de-
meure sous les ombrages de l'icarie.
— .Moi, je vais pêcher de l'or dans le Sacramento. L'or
est une chimère, et il faut toujours caresser quelque chi-
mère ; sachons en remplir plusieurs sacs : j'en emporte
une douzaine , et je reviendrai chargé comme un mulet.
— Vous comprenez que, pour moi, je méprise com-
plètement votre or ; il vous, faudra fouiller la terre de
Californie, et entrer au moins jusqu'aux genoux dans
le fleuve aurifère du Sacramento. Il est clair que tous
ces efforts doivent paraître bien ridicules à un homme
qui va passer le reste de sa vie à fumer nonchalamment
la pipe sous les arbres du Texas, qui sont les plus
beaux arbres du monde, de même que le Texas est le
plus beau pays qui existe. Je ne vous cache point que
j'emporte plusieurs douzaines de pipes avec moi.
— Quand je serai de retour avec mes sacs pleins
d'or, rien ne me sera plus facile que de ne rien faire
le reste de mes jours ; je pourrai même fumer autant
de pipes que vous, si cela me fait plaisir. Est-ce que
vous prétendez, par hasard, m'humilier avec vos pipes?
— Et vous, avec vos sacs?
— Va-l'en en Icarie, imbécile!
— Et toi en Californie, grigou !
— Fainéant !
— Fesse-Mathieu !
— Si je n'étais pas si pressé, je te corrigerais gratis
de ta paresse.
— Et moi je te couperais les oreilles, quoique ce
soit un travail , et que le travail soit contraire au
bonheur. (Ils partent.)
^jr':~3îc*
11.
UN Dl'sERT ENTRE LA CALIFOKMÈ ET LE TEXAi.
— Tiens! c'est vous?
— Grands dieux ! quelle rencontre !
— Comme vous voilà fait ! Je vous prenais d'abord
pour un singe.
— Et moi, pour un ours. Si vous rencontrez en
route des Icariens qui me poursuivent, dites-leur que
vous ne m'avez point vu.
— Je vous fais, pour ma part, la même recomman-
dation. Je crains d'être poursuivi par un traiteur de
la Californie, à qui je dois une note de cinq cent
nulle francf.
— Moi, on me poursuit pour bien moins que cela,
pour une cuillerée de soupe qu'on m'accuse d'avoir
prise de plus que mes frères communistes, dans la ga-
melle commune et icarienne ; car il faut vous dire que,
depuis mon arrivée en Icarie, nous n'avons fait, mes
frères et moi, que nous battre pour des questions de
gamelle. Quand la gamelle était vide, nous nous bat-
tions parce qu'il n'y avait rien dedans ; et quand elle
était pleine, ce qui n'arrivait guère, nous nous bat-
tions pour ce qu'elle contenait, si bien que c'était
notre unique occupation, et que cet exercice, en nous
donnant de l'appétit, augmentait encore notre fureur.
Enfin, un jour qu'il y avait on ne sait quoi au fond de
la gamelle, il parait que j'y ai plongé la cuillère une fois
de plus qu'à mon tour, de sorte que toute la bande
s'est mise en hurlant après moi, et que vous me voyez
fuyant dans le désert. Mais cela doit vous toucher bien
peu, vous qui avez mangé au point de faire une note
de cinq cent mille francs cliez le traiteur.
— C'est-à-dire que je n'ai fait que mourir de faim.
Imaginez-vous qu'il y a la famine en Californie . et
qu'un poulet s'y vend quinze mille francs, et même il
n'y a plus de poulets; on en est à manger du chien.
J'ai quatre chiens sur ma note, à dix mille francs cha-
172
eun ■ encore m'a-t-il fallu les faire cuire moi-même, le
traiteur n'avant pas voulu s'en charger, à moins de dix
mille francsde plus. Les mines m'ont rappor'.é trois cent
mille francs d'or, et j'en dois près d'un million : les Ca-
liforniens ont voulu me faire mettre à Chcliy; voila
ma position.
— Et où allez-vous do ce i as ?
_ En Icarie. J'ai bon poiL,net : je m'emparerai de
la çaraelle.
— Moi, je vais en Californie. Vous n'auriez point
par hasard quelques restes de provisions sur vous : une
tranche de chien, la moindre des choses?
— Depuis quinze jours, je vis d'un mulot que j'ai
attrapé dans les champs.
Moi, j'ai mangé des sauterelles.
— Matin ! vous n'êtes pas à plaindre.
III
L-N QlAl 111' HWIVR.
— Salut, ô ma patrie !
— Belle France, je te revois !
Tiens ! c'est encore vous ?
— Moi-même. Mais qu'avez-vous fait de vos deux
oreilles ?
—Je les ai laissées en Californie. Il n'y avait plus rien
à manger : le dernier chien avait été mis à la bro-
REVUE COMIQUE
chc par le gouverneur, M. Mason ; alors, me trouvant
sans ressources pour quitter le pays, j'ai vendu mes
oreilles iO.OOO francs à un Espagnol, qui aurait fini
par me les couper pour rien si je n'avais pas voulu les
lui vendre. 11 les a trouvées excellentes. Mais je vois
avec plaisir que vous avez conservé les vôtres.
— Hélas ! elles n'ont pas tenu à grand'chose. Quand
j'arrivai en Icarie, après vous avoir rencontré dans le
désert, on me prit d'abord pour le père Cabet, et je fus
rossé avant tonte explication. Ensuite, comme il n'y
avait rien à manger, nous jouâmes au bouchon à qui
fournirait une grillade à la communauté. Je perdis, et
fus contraint de me laisser couper une tranche d'une
partie charnue située au bas du rable, et que je n'ap-
pellerai pas autrement. Je suis guéri, à la venté, et il
n'y paraît pas, sauf quand je suis assis, parce qu'alors
je boîte sur mon siège du côté droit. Mais, puisque
vous avez vendu vos oreilles .iO,000 fr., vous ne refu-
serez pas de me prèler une pièce de iO sous?
— Quarante Californies qui vous étouffent ! Il ne
me reste pas un liard, et j'ai obtenu du capitaine qui
m'a transporté en France !e passage gratuit, à condi-
tion que je lui cirerais ses bottes.
— .\lors, je vais essayer de vendre mes sacs.
— De quels Sacs parlez-vous ?
— De ceux que j'avais pris à mon départ pour les
rapporter pleins d'or.
CHOSES QUELCONQUES.
— On assure que M. Odilon Barrot aurait dit à un
représentant, que si la chambre résistait, elle serait
brisée comme verre.
« Qui casse les verres les paye, » aurait répondu le re-
présentant.
Ce court dialogue est une preuve de plus que le
président de la République avait bien raison de dire
que le président de son conseil n'est pasun homme pra-
tique.
— L'opinion publique est tout en France. « Cédez
à l'opinion publique, » s'écrient, en s'adressant à l'As-
.semblée nationale, messieurs les chefs de la future mo-
narchie rouge, qui, par parenthèse, nous mèneront,
si on les laisse faire, à une république, laquelle ne sera
rouge que sur l'exemple qu'ils lui auront donné; « cé-
dez à l'opinion publique: vous essayeriez en vain de
lutter contre elle! » Bravo! messieurs; vous qui l'in-
voquez aujourd'hui, vous refusiez de la saluer hier, et
vous essayerez d'y résister demain ! — Prenez garde
qu'il ne vous soit répété alors, une fois encore, qu'il
est trop tard !
— Ce qui gêne la coalition, c'est qu'on ne peut pas
dire des coalises ce qu'on dit des gueux, qu'ils s'aiment
entre eux. — Que les troupeaux qui suivent ces ber-
gers sachent bien une chose, c'est que leurs guides
pourront bien s'entendre pour les tondre, mais non
après les avoir tondus.
— La sagesse n'est elle donc pas toujours une vertu !
Si la République n'avait pas été si sage, si modérée,
qui penserait aujourd'hui à l'attaquer?
— Il y a des gens qui ont cent mille livres de rentes
et d'autres qui meurent de faim. — Toute la question
est là. Tant qu'on n'aura pas résolu cette question, on
n'aura rien fait. — Or, je la crois fermement insolu-
ble, — et j'en conclus que l'impossible étant devenu
nécessaire, c'est à Dieu de nous tirer d'affaire et non
aux hommes. Henri V, Napoléon, M. Pioudhon, el si
vous voulez, l'intéressant M. de Cirardin liii-nièine, y
perdront, chacun à leur tour, leur latin, laleçon leur
fût-elle faite par MM. de Broglie,Tliiers, Giiizot, Mole
et autres, qui n'inventeront jamais rien de plus neuf
que le passé.
Savez-vous pourquoi il faut craindre la misère?
c'est parce qu'un homme qui n'a pas dîné sera tou-
jours de force à manger dix hommes bien repus.
A I/IISACK DRS r.KNS SKUIKIIX.
173
— DiU! aiitonsiilKiri de |)iMirsiiili'S a clé (li'miiiidr'u
contre ili's rP[ii'i'si'iilaiils cDiipalilcs de s'iMim' lialliis
cinliu'I. — M. I)ii|iiii, aiuicii prcu'iiiciii' |,'('iu'ial, a es-
saye avant IHi" de tuer le duel en l'ranee ; le diud a
résisté— fort lienronsenienl.
Où en serions-nous vraiment si l'injure personnelle
pouvait se produire sans danger et rester impunie? —
(Ihateanbriand disait : Si l'on vous donne nn sonftiet,
rendez-en (piatre. Celte maxime du gentilhomme bre-
ton est peu eatlioliquc, mais, grAec à Dieu, elle esl
encore française !
— On voit toujours passer le l)Out de l'oreille :
M. Josse était orfèvre, iM. Hugo est auteui'dramatiqne.
Dans la discussion relative ù la proposition Ratean,
nous lisons : « L'Assemblée a bien fait son cnlroe, il
faut maintenant qu'elle fasse bien sa sortie »
Hélas! monsieur llngo, il ne suffit pas d'enlrer, ni
même de sortir, mais de bien jouer son rôle tant qu'un
est en scène : le vôtre, comment Tavez-vous compris?
«Tous tant que nous sommes, » dites-vous, « nous
nous enivrons bien vite de nous-mêmes? n Qui peut
le savoir mieux que vous, Olympio ! Relisez votre pe-
tit discours revu et corrigé par vons h. l'usage du Con-
stitutionnel ; com[)tez-y les je. Je sais, jk ne sais pas,
JK fais, JE ne fais pas. — Toujours vous ! «J'ai la con-
fiance, ajoutez-vous encore, que dans toutes mes pa-
roles vous sentez l'honnête homme; que vous voyez
bien que c'est une conscience qui vous parle.»
Conscience politique de M. Hugo, puisque vous exis-
tez, puisque vous parlez, dites-lui donc qu'il a un en-
nemi mortel, et que cet ennemi c'est lui-même avec son
incroyable personnalité.
— M. Vivien sera déiiili'iricut vice-priisidenl de la
lîépnliliqiie. Il sera |)résenlé avec M.M. Roulay (de la
Mc'inllicl et llaragiiay-irililliers , dont l'office, tout de
di''vnM('jMeiil, sans doute, sera ainsi de servir de re-
poussiiirs [Miiir assurer l'électirin de M. Vivien.
1 A inilK IILHE IlE M. Ori/.OT.
ï'Mil je niniiilc .1 hi, f.int le iriunde a du lire la
biiiclinre de .M. (iiiizul, dv lu D/hiiocrulii' en l''riince.
La première page écrite depuis février par cet homme
éniinent ne pouvait manquer d'evciter nn vif intérêt,
('e livre répond-il à ce qu'on devait en attendre ?Oui,
au point de vue de l'art ; non, au point de vue politique.
L'œuvre de M. Guizot est ce qu'elle devait être, ce
qu'elle pouvait être, calme, élevée, honorable, — mais
inutile; — c'est une négation; c'est — un exposé
sans conclusion d'idées, dont le défaut n'est pas seule-
ment d'être connues, mais d'être usées. M. Guizot
l'eut écrit dans les mêmes termes, moins la préface,
en janvier 1S48. SL Guizot n'a rien appris : son livre
ne peut donc rien nous apprendre.
Le tort de M. Guizot, comme le tort de M. Thiers,
c'est qu'à un mal nouveau ils cherchent des remèdes
connus. — Ce n'est pas en regardant en arrière, mais
en avant, qu'on pourra sauver la France. Le. passé ne
saurait conjurer un mal qu'il a produit. La rouille de
la lance d'Achille a seule eu le don de guérir les bles-
sures qu'elle faisait. — A[. Guizot, M. Thiers, ne sont
pas des Achilles ; leur plume, aujourd'hui fatiguée, ne
guérira pas ce ([ue, dans ses jours de sève et de vi-
gueur, elle n'a su ni prévenir ni empêcher.
Le premier raout chez lesuî.'se de ru^ tel de la pré-idence.
Leciloyen Berger, qui porte un nom champêlro,
Esl-il de l'Arcadieun tranquille pasteur,
Que dans les prés fleuris il faut envoyer pailre?
Non : le hasard en lit un administrateur.
Admis à l'Elysée, ainsi qu'aux Tuilerie?,
Avec tous les pouvoirs il a su s'arranger.
Si, dans ses grands repas, on veut des sucreries,
Elles ne viendront pas du fidèle Bercer.
Denise pu Fàëritzils.
Gravé p»r Lebunc.
I, nnillEVARD l)KS ITAI.IKN9.
30 <*cii<iiii<'N la livraison.
niT mrnFurt ,
'!if!!lf!!|!f!lii'ffi*|iiif!ii''
i:^uiiiiiiiiiiiiilil]l'uiji|
TSUnrs
didons de la Sonscrlptioii. — La RsvuK comique formera im magnil'ujue volume, grand ia-8, publié en 30 liTraisons à 30 centime?,
• la poste, 40 ceiilimes. — Pour tout ce (jui concerne la rédaction, écrire (franco) à M. Likbdx, au bureau de la Revue, 2, boulevard dej
liens.
DiTMnvsaAT. xDiTSim, ss, au« RicHxx.ixir. jo» Livraison.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour ropoiulrc au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, (jui Irouvaieut
laolieux i\ue, pour ne pas déooni|)léter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brodier ou relier les couvertures (jui se reproduisent d'une (;içou
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures.. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la deinière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de cbaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détacbé sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE l.A DOUZIÈME LIVRAISON.
La Semaine. — Le duc de Bordeaux et sa familleà Fiauensdorrf, près Vienne; détails curieux et aullienliques recueillis sur
place. — Une restauration en peinture. — Réapparition du père Bugeaud à la tribune. — M. Lliermiuier. — Les Répuljli-
coptiûbes. — Les Journaux qui ne paraissent pas. — Choses quelconques — Le Journal^ des Débats. — Au Bal de l'Opéra.
— Le retour de M. Guizot (chanson).
DtssiiMleiir,. Graten.s.
nndeefTetsdelapropssitioncleU. Antoine.. .. Fabritzius. Baillant.
I.» Californie en Cliine , , . Fabrltzius. Baulant.
Périrait du duc et de la duchesse de Bordeaux. Nadard. Bauland.
Quatre ans de 6ou<ay .' .' ,, Berlall. Midderijjh.
Festin de M. de Falloux Nadard. Baulant.
I>ci>ii.al«ii
Le fauteuil du Président Berlall.
Les Votes du 10 DêcemUro Erniaon.
Quelque Énergie Otol.
Le Pûtlefeuile Bertall.
Boulay de U Meuithe Fabritziu
Baulanl.
Nuddingh.
. Leblanc.
POUR PARAITRE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÈSAVLNTUlîES
projets — déceptions — espérances — tentalions — travestissements
liypocrysies — passe- passe — peifidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SI ItE I)E CAIilCAIL'IlES PAU .>ADAniJ.
.init|ll.'l lie LlcOàSPR lil- el Comp.,
rue Datnielle, î.
LA SEMAINE.
Amis ut ennemis, républicains de toutes les cou-
leurs et royalistes de toutes les Inanches, semblent
faire assaut de scepticisme et s'entendre pour donnera
croire qu'il n'y a rien de sérieux dans notre état so-
cial, et que la Constitution elle-même n'est qu'im jeu.
Certes, s'il était une circonstance qui dût tirer le pu-
blic de sa torpeur, c'était la nomination du vice-pré-
sident de la Hépublique. Mais il semble que chacun
ait usé ses forces et ses espérances dans la lutte qui r.
fini par rélection du 10 décembre; et la liste des can-
didats, accueillie daus l'Assemblée par des éclats de
rire peu constitutionnels, a été reçue dans le public
avec une profonde indifférence. Il est vrai que ces can-
didats avaient été choisis de façon à ce que l'attention
publique n'en éprouvât pas d'evcilation dangereuse;
aussi la comédie a-t-elle fini par l'élection de M. Bou-
lay (de la Meurthe). On s'est beaucoup évertué pour
deviner la raison de ce choix ; il est cependant très-
simple, et n'a surpris que les gens qui ne comprennent
pas la République du 10 décembre. Un homme de gé-
nie, un homme illustre par ses talents et ses services,
un nom aimé et connu de la France, aurait gâté la
perfection idéaledugouvernementquedirigo M. Barrot:
pour qu'il gardât son caractère, poui' qu'il restât homo-
gène, l'Assemblée a fait au président la galanterie de
lui donner son ami. Et voilà, dirait Odry, comme la
France se trouve condamnée à quatre ans de Boulay!
— La campagne des royalistes contre l'Asseinblée
continue avec renfort de calomnies et d'injures ; ils
ont enrégimenté jusqu'aux vaudevillistes et aux cou-
pletiers , gens de conscience et de bon goût, qui
ont mis sur leurs tréteaux les représentants de la
France en les couvrant d'ordures toutes girardines.
Malgré cela, les membres de la nouvelle sainte-
alliance ont de la peine à s'entendre : ils se connaissent
■de longue main ; ils se détestent; ils se sont mutuelle-
ment conspués et trahis si souvent, que les uns et les
autres veulent des sûretés et demandent que les condi-
tions soient nettement établies.
Cependant l'Égérie de la présidcMice, M. Thiers, se
fait dévot; il serre la main à M. Uaurenlie, l'apologiste
de la Saint -Barthélémy, devenu son collègue par la
grâce de la révolution de février; il veut que l'instruc-
tion primaire soit donnée aux curés : il fera, dit-il, en
tirant son sabre napoléonien, dix révolutions jusqu'à ce
que l'Université soit rendue aux jésuites. Vainement
on lui objecte ses articles voltairiens du Constitutionnel,
ses discours peu orthodoxes de ministre, son dernier
rapport sur l'instruction secondaire ; il hausse les
épaules : est-ce que les hommes d'Etat de l'école de
Talleyrand n'ont pas été inventés pour combattre le
lendemain ce qu'ils avaient défendu la veille?
M. Guizot fait chorus avec son ancien ami. Son livre
demande nettement que la réaction recherche le con-
cours du clergé, qu'elle laisse son influence se déployer
grandement, puissamment, qu'elle ne lui marchande
pas son prix. Le disciple de Genève, plein des souvenirs
de sa jeunesse, des beaux jours de l'abbé de Montes-
quieu, avec un désintéressement parfait, prêche l'ac-
cord le plus touchant entre tous les ennemis de la Ré-
publique contre le chaos né du temps et du développe-
ment de l'esprit humain, qu'on appelle la démocratie.
Le livre de \a Démocratie, hypocrite manifeste de guerre
civile, restera comme la condamnation flagrante de ce
176
UEVUE COMIQUE
rhéleur plein de rancune, qui, après avoir plongé la
France dans les embarras où elle se trouve, a l'audace
ou la naïveté de venir lui faire la leçon ; il restera comme
le témoignage le plus complet de la suftisance et de l'in-
suffisance de ce puritain aussi vide que pompeux dont
tous les actes ont été en désaccord avecles écrits, et qui
couronne aujourd'hui sa vie par la plus incroyable de
toutes ses contradictions :
Eli! mon ami, lire-raoi de danger;
Tu feras après la liaiangue.
L'Académie française s'est décidément transformée en
hôtel des luvalidesde l'aristocratie; et pour entrer dans
son sein il ne faut plus ni prose, ni vers, ni philosophie,
ni histoire; mais de bons titres de famille, de bons
parchemins, de bons quartiers de noblesse. Ah! le
peuple fait une République démocratique ; il abolit les
litres nobiliaires; il crie contre les ai^islos : nous allons
lui montrer que nous sommes bien les successeurs des
immortels qui ont refusé de s'encanailler avec Pascal,
Molière, Rojisscan et tant d'autres anarchistes.
Vils roturiers.
Respectez les quartiers
De la marquise ne Prelintaille !
Après donc M. le duc Je Noaiiies, diymis intrare
pour avoir copié les Mémoires de la Beaumelle sur ma-
dame de Maintenon, voici venir M. le comte de Saint-
Priest, qui a fait, prétendent lesérudits, quelque chose
sur, contre ou pour les jésuites. Après ces deux actes
de courage, disent les quarante, si la république dé-
mocratique et la république des lettres ne sont pas sa-
tisfaites, un de nous, nouveau Curlius, crèvera pour
laisser un fauteuil vide, et nous y placerons un prince,
oui, un prince, et dont le bagage littéraire vaut cer-
tainement les œuvres de MM. de Noaiiies et de Saint-
Priest. D'ailleursl'oncleétaitderAcadémiedes Sciences,
pourquoi le neveu ne serait-il pas de l'Académie fran-
çaise?
On assure que depuis l'élection de MM. de Noaiiies
et de Saint-Priest, l'aulenr de Monte-Cristo songe sé-
rieusement à être de l'Académie, et s'en croit très-digne.
A cet effet, il rassemble, dit-on, non les cent cinc|uanle
romans ou drames que sa prodigieuse imagination a en-
fantés, mais les titres de son marquisat de la Paille-
terie; on assure qu'il en a trouvé J'aulhentiques dans
rile de Baraturia.
En vérité, qui aurait pu croire que l'Académie fran-
çaise, après la révolution de février, en pleine répu-
blique, justifiât de gaieté de cœur le décret de la Con-
vention qui supprimait les Académies comme étant des
institulions démocraliques, qui n'ont jamais servi au
déveluppement de l'esprit humain?
A force de creuser, la Californi
faire une visite en Cliii
A I/USAClù DKS GKNS SKIUKIJX.
177
Nous avons eu cette semaine un ballet nouveau ù
l'OpiTa, liiillot compliqiiû de concert, dans lequel
M. Saint I.iiiri, le niaii de mademoiselle Ccnilo, joue
du violon en niailie fort habile et danse d'une fa-
çon remarquable. Si j'étais en train de faire des ré-
clames, je dirais : C'est Veshis et Paganini réunis.
Mon appréciation serait peut-èlre un peu exagérée,
mais cnlin il y a toujours quelque chose d'étonnant et
qui cotniuanilf la curiosité à voir le même honmie
briller ainsi dans deux arts qui exigent de longues
études et une vocation spéciale. Ou assure que M. Saint-
Léon est peintre ; nous sommes forcés de convenir éga-
lement qu'il est poète, puisqu'il compose des ballets.
Musicien, danseur, peintre, poète, que lui manque-t-il
pour représenter dignement l'ancien dieu des arts, le
vieil Apollo'?
Le Violon du Dialde rentre dans la calégoiie des
ballets fantastiques; Satan y joue le rôle ])rincipal. Il
donne à un artiste pauvre et inconnu un violon qui le
fait aimer d'une grande dame, en échange de son âme,
bien entendu. Heureusement, quand le quart d'heure
de Rabelais arrive, le bon génie se mêle de l'afTaire,
et, grâce à lui, l'artiste garde son âme et épouse la
grande dame. Pour célébrer cet heureux événement,
on danse au château de la princesse un ballet intitulé:
les Fleurs animées, épisode gracieux dont l'idée a été
puisée dans les dessins de ce pauvre Grandville, dont la
mort, quelques mois avant la République, a laissé un
SI grand vide dans la satire au crayon.
Mademoiselle Cerrito no joue d'aucune espèce d'in-
strument dans ce ballet. Ses jambes lui suffisent, et
elle en tire de merveilleux effets. Pizzicati sur la pointe
des i)ieds, staccati de pirouettes; elle se joue de toutes
les diflicultés de son art difficile. Applaudissements,
trépignements, rappels redoublés, rien n'a manqué à
son triomphe, que la présence du président de la Ré-
publique.
11 paraît que M. Louis-Napoléon Bonaparte tient à
donner des gages aux classiques, et à ne point se
brouiller avec le grand parti de la tragédie. Il est allé
déjà plusieurs fois au Théâtre-Français, et nous n'a-
vons point appris qu'il eût honoré l'Opéra de sa pré-
sence. La salle était pourtant fort belle à la premièie
représentation du Violon du Diable, et il faut dire que
tout le monde attendait le président; la claque aussi
semblait s'attendre à quelque chose, cir une figure
s'étant montrée dans la loge présidentielle, les Romains
ont fait mine de chauffer son entrée, aux grands éclats
de rire des spectateurs. Il ne s'agissait, malheureuse-
ment, que du cousin du président, M. Napoléon Bo-
naparte. Le chef de claque mériterait d'être destitué.
Puisque nous en sommes sur les théâtres, parlons
de la grande question qui occupe en ce moment les di-
recteurs. La commission des théâtres est sur le point
de prendre une grave décision. L'industrie dramatique
doit-elle ôlre libre? Voilà l'affaire. M. Charles Blanc,
directeur des beaux-arts, et M. l'idouard .Monnais,
commissaire de la Républi(|ue |Mès Irs théâtres natio-
naux, se prononcent pour l'ariirniative. Il est à suppo-
ser que leur avis prévaudra.
Le Prop/iète sera positivement joué dans les pre-
miers jours d'avril. Les répétitions se succèdent avec
activité. En attendant, et comme pour faire prendre
patience au public, l'éditeur Grandus donne en-|)rirne
aux abonnés de sa savante et spirituelle Gazette musi-
cale, tout un recueil do mélodies composées parl'illustre
auteur de liobevt-le- Diable.
Le Théâtre-Français étudie VAmitié des Femmes et
la Dernière Soubrette. M. Mazcres et M. Alfred de
Musset seront représentés presque en même temps. La
vieille et la jeune comédie se donneront ainsi la main.
11 est également question d'une pièce en trois actes, in-
titulée le Pamphlet, par M. Ernest Legouvé.
Les Italiens continuent leurs représentations sous la
direction de Ronconi. Ce n'est plus la même troupe,
disent quelques amateurs d'un ton chagrin.
— On ne s'en aperçoit guères en entendant Cene-
rentola.
— Ce n'est pas non plus le même public.
— C'est toujours du moins un public satisfait et en-
thousiaste. Regardez-le applaudir quand mademoiselle
Alboni a chanté.
Les déjeuners reviennent de mode comme sous
l'Empire. Le vice-président de la République a réuni
dimanche matin une cinquantaine de ses amis et leur a
servi des truffes. Il n'y avait qu'un seul ministre à ce
déjeuner.
Il j)araif que la truffe, aux yeux des gouvernants, a
conservé toute sa valeur politique. On donne à dîner
quelquefois. Mais les femmes se plaignent en général
que les ministres et les grands fonctionnaires donnent
peu à danser. Le président de la République devrait
donner l'exemple. Il attend sans doute l'arrivée de la
grande duchesse Stéphanie, son Égérie badoise.
M. Berger soutient en attendant tout seul le poids de
la chorégraphie administrative. On annonce un nou-
veau bal lundi prochain à l'Hôtel de Ville.
Parlons, en finissant, d'un scandale auquel nous nous
associons de tout notre cœur; nous voulons parler de
l'impossibilité où, par suite de l'attitude des étudiants,
M. Lherminier s'est trouvé d'ouvrir son cours au col-
lège de France.
Ce n'est point la liberté de la chaire qu'on attaque
dans M. Lherminier , c'est le cynisme des apostasies.
C'est le démagogue passé du jour au lendemain dans le
camp de l'absolutisme, c'est le professeur faisant acheter
son silence au prix d'une place au conseil d'État, c'est
l'immoralité politique, que la jeunesse ne veut pas
écouter. Les consciences se révoltent, tant mieux ! nous
serons toujours mêlés à ces émeutes-là.
478
REVUE COMIQUE
LE DUC DE BORHEAl X ET SA lAMII.LE
A FHU ENr^nnUlK, PRÈS VIENNE.
IK1A1L5 ClRIEllX ET AlTHKNTIQl ES BËtUEILlIS SMl PLACE.
Nous croyons qu'au luoimnit où les espérances du
parti iégitiniiste semblent renaître, on lira avec intérêt
les curieux détails que contient la note suivante, qui
nous est comnniniquce par une personne que nous sa-
vons bien informée.
Ces détails, recueillis sur place par Tauteur même de
cette note, portent avec eux un caractère de vérité qui leur
donne une valeur réelle. C'est poiu- ne point leur ôter
ce caractère, que nous laissons à cette note, qui n'avait
point été destinée à la publicité, ses redites et ses in-
corrections, en nous contentant d'eu retrancher quel-
ques passages tro]) intimes. Que les gens de bonne foi
qui pensent qu'une nouvelle révolution nieltrait un
terme à nos maux se demandent si ce remède souve-
rain peut nous venir de l'homme et des gens que nous
montre ce qui suit.
L'auteur de celte note, étranger à la France, tou-
riste et non homme politique, est d'ailleurs dans des
conditions complètes d'imparlialité.
NOTE CONFIDENTIELLE.
<c Le duc de Bordeaux habite le château de Fronshorff, à
deux lieux de Vienne-Neustadt, 6 raille allemands de Vienne.
— Ce château est situé dans un pays boisé et accidenté, et le
prince s'y livre aux plaisirs de la chasse qui abonde dans la
contrée.
Le duc de Bordeaux, à 28 ans, étant né le 2!1 novembre
4820. — Il boîte légèrement par suite de l'accident qu'il a
éprouvé à Kirchleng. — Sa taille 5 pieds 1 pouce. — Figure
bourbonienne, gros et ventiu. — Petites moustaches blondes,
barbe légère. — Teint coloré.
« Le prince est traité de majesté par les gens qui l'entourent.
Chaque matin il entend la messe dans la chapelle du château.
Le service divin est dit par l'abbé Trabnquel. Après la
messe, (quand il fait beau) il oliasse jusqu'à midi heure du
déjeuner, après lequel on lui apporte les journaux français et
les lettres de Paris. — Celte lecture faile en comité le conduit
jusqu'au dîner. Le soir on joue le whist dans les apparte-
ments.
ÉnUCATION.
« Le duc de Bordeaux a été confié dans sa première en-
fance et au sortir des mains des femmes, à M. de B.irante; ce
dernier a suivi son éducation jus(|u'eH 1850. — Il fut alors
confié à M. de Blaras, puis à M. de Lcvi, vieux gentilhomme
encroûté et iuilm de préjugés...
o .... Mais M. l'abbé Trebwiuet, vendéen et comjiromis dans
les affaires de 1832, créature de la ihirhesse de Derry, fut
placé près du prince pour diriger sa conscience et son éduca-
tion. — PHTsiONOMiE DE CE PRÊTRE. — Jésuite renforcé, ayant
iuculqué à son élève toutes ses antlilpalbies contre les idées
nouvelles. — En somme, le prince a reçu une direction poli-
tique, morale cl religieuse, qui serait mieux en harmonie avec
les cloîtres du 15' siècle qu'avec les principes de la société mo-
,lpi.|,o. — Tout, du reste, dans la petite cour de Fionshor/f,
prirlc l'empreinte des usages du passé. — Malgré la médiocrité
de la siUiation, on y voit revivre dans ses plus ridicules détails
l'étiipictle minulicuse de la cour de Charles dix. »
RELATIONS DE FAMILLE.
« La duchesse de Berry, devenue énorme, ayant 4 enfantsdu
comté de Lucbczv. — Elle vil aU château de Brunvie, à (>
lieux de Gralz. — Les relations du prince avec sa mère sont
purement poliliques. — Il ne peut lui pardoruicr le frère
qu'elle lui a donné en Vendée...
« .... La duchesse â'Anf/onléine, éniiucniment religieuse,
entretient cette animosité. — La femme du prince â 2 ans de
plus que lui (50 ans). Grande, tnaigre, laide, — ligure dure,
annouç.int un caractère ac.iriatre, et, d'après ce que j'ai pu
voir, dominant son mari. — Assez instruite, du reste, et de
hautes manières. — Dans cette cour en minialure, la cama-
rilla se groupe autour d'elle cl non autour du dite, donl on
apprécie la profonde nullité.»
FORTUNE Dr PRINCE.
. oflO mille francs de renies léguées par ChùHes dix; à la
mort de la duchesse d'Angoulème, sa tante, il hérilero de 500
mille francs de rente de plus. »
ENTOURAGE.
<( Le duc de Levi, viellard, 400,000 livres de rentes, pré-
fère l'exil et une sorte de domesticité de cour à l'indépen-
dance dans sa pairie , pour dominer, surveiller, entourer ce
prince sans valeur morale ni intellectuelle, espèce de Charles
quatre d'Espagne, M. de Levi a accepté celte situation. — -Sa
femme, dit-on, a donné au prince ses premières leçons. Per-
sonne n'est admis près du duc sans s'être adressé à M. de Levi.
« M. de Montbel, ancien ministre de Charles dix^ signataire
des ordonnances, homme d'esprit; il avait eu l'inlcntion de
diri'nr l'éducation du prince dans des voies plus libérales,
mais, homme faible sans fortune, n'ayant aucun ascendant, il
a dû faire le sacrifice de sa manière de voir aux exsigeances
de M. de Levi. — Il vient de se marier en 5""= noces il y a
deux ans. Il a une nombreuse famille.
« M. de Nicolaï, gendre de M. de Levi , M. de Blacas et sa
femme, M. de Menti, M. d'Oguerly, rCprésenlénl à la petite
cour de FrolishorlV le parti des exagérés qui voulaient, avec la
duchesse de Berri, une restauralion à main armée. — Le duc
de Lcvi, par une manie singulière de dominer son élève, mo-
dère ses impatiences et le retient toiijiurs en tiitolle. — t'oMc
Trebuquet, déjà cité, personnage dangereix, l'âme damnée de
la duchesse d'Angoulème, exerçant un empire absolu sur le
prince. — Le duc de Bordeaux est glouton comme était son
père... — Le personnel du château, 23 domestiques.
(c La petite cour de Fronshaff, qui .nail perdu tout espoir
naguère, renaît sous l'influence des ciiconslances, et se dis-
tribue déjà en espérance les ministères et les places de ta fu-
ture restauration. »
A L'USA(;i; i>i;s (;i;.ns skuikux.
no
Les légitimistes ont de tout temps pratiqué la politique sentimentale,
faute d'autre; ils ont toujours la larme à l'œil et des anniversaires tou-
chants ou lugubres à célébrer : c'est le parti par excellence des couplets
de noce, baptêmes et enterrements.
Tantôt c'est un prince qui naît et tantôt une princesse qui se marie;
les douairières du faubourg Saint-Germain brodent de leurs mains le
voile nuptial et le trempent de larmes; il est déjà question de la layette :
tiempons-la aussi de larmes fidèles; puis revient l'anniversaire de la
naissance et du mariage : on pleure de nouveau , et
avant que les mouchoirs soient rentrés dans la poche,
il faut encore payer un humide tribut à un anniversaire
de mort : — Fils de saint Louis, montez au ciel! On
célèbre encore dans quelques hôtels bien pensants l'an-
niversaire du mariage d'Henri IV.
Ce parti de nourrices larmoyantes a eu enfin le bon-
heur de voir une Restauration en effigie : le comte de
Chambord est rentre dans sa bonne ville de Paris, avec
la comtesse sa femme, roulés tous les deux dans une
Dessiné par Nadard.
Gravé par Bavlant.
180
REVUE COMIQUE.
toile de quatre pieds carrés. Les originaux sont restés,
il est vrai, à Corilz ou à Vienne, mais les porlrails ont
franclii la frontière; ils sont en France, à Paris; on
leur a trouvé un Louvre dans l'atelier d'un peintre
quelconque. Ah ! c'est là jouer un bon tour à la Ré-
publique !
Kntrez, nobles seigneurs et no])les dames! le voilà,
c'est bien lui, l'enfant du miracle, un peu grassouillet,
il est vrai, la lèvre autrichienne, c'est-à-dire pendante,
l'œil éteint et digne de la lèvre, le nez classique de sa
race, un nez comme on n'en a vu qu'à Louis XVI II et
àPohcliiuelle. Quant à madame de Chamburd, taisons-
nous; elle est brune, dit-on; mais qu'importe? Nous
ne vous connaissons point, belle étrangère; et vrai-
ment, si c'était une raison pour être reine que d'être
femme et brune, où en serions-nous? Il y a, rien
qu'en Italie, six millions de brunes au moins.
Entrez donc! on fait queue à l'atelier, depuis dix
heures du matin jusqu'à quatre heures du soir. C'est
un Louvre un peu triste qu'un atelier au quatrième
étage ; mais on a les Louvres que l'on peut, dans ce
temps de République. Espérons mieux pour l'avenir ;
à force d'attendrissement, de larmes et d'anniversaires,
il faudra bien, à moins que le diable s'en mêle, qu'une
bonne Restauration en chair et en os succède à cette
Restauration en peinture. Déjà des confréries s'orga-
nisent en l'honneur du trône et de l'autel ; un mor-
ceau de la vraie culotte de M. de Genoude court la pro-
vince, et recueille partout les hommages des fidèles.
On dit même que cette relique fait des miracles ; es-
pérons tout de la confrérie religieuse et politique de la
vraie culotte.
En attendant, le roi et la reine légitimes trônent sur
un chevalet, en faced'un poëleoùbrùle un feu de charbon
de terre, et entourés de bustes, de torses, de pipes tur-
ques et de moulures. Et ce qu'il y a de vraiment beau,
de vraiment grand, c'est que cette royauté de bric à
brac a nue cour et des grands dignitaires. Autour du
portrait de M. de Chambord se tiennent debout les
écuyers, les grands-veneurs, les chambellans et même
aussi, dit-on, un aumônier. Madame de Chambord a,
comme il convient, ses dames d'honneur. Tout cela lé-
gitime, archi-légitime et d'un chevaleresque à faire
pâlir Rayard.
Mais voici le délilé qui commence. Vous entendez de
l'atelier les sanglots des douairières fidèles qui mon-
tent l'escalier, suivies de grands laquais portant les pe-
tits chiens sur le bras. — Par ici, madame, par ici ! —
Grand Dieu! le voilà, c'est lui, je le reconnais! Ma-
dame se jette à genoux devant un buste-charge de Mu-
sard, qu'elle appelle fils de saint Louis , enfant du
miracle, Henri IV -|- I.. C'est un des tours de force du
parti d'avoir trouvé Henri IV -f- 1 pour dire Henri V.
Madame ose baiser an front Musard lils de saint Louis;
mais un des chambellans la prend par la main et la pré-
sente au portrait. 0 vue, ô moment! ô bonheur! C'en
est fait, madame de Folle-Mèche tombe évanouie, mais
le cas est prévu, il y a des sels dans l'atelier.
Puis viennent de petits vieillards ratatinés avec des
queues en salsifis.
Mais qu'est-ce que cela peut faire à laRépublique, ces
queues en salsilis, ces évanouissements de madame de
Folle-Mèche, et cette légitimité à l'huile? La République
se moque môme du morceau delà vraie culotte de M. de
Genoude; elle tient les Tuileries, elle tient le Louvre,
elle peut bien laisser s'établir une cour de garçon dans
un atelier au quatrième. Il y a pourtant des gens qui
s'en inquiètent; c'est -comme si l'on avait peur du
culte des archéologues pour la statue de Sésostris du
Musée égyptien. M. de Chambord descend en droite
ligne d'Aménophis IV -f- I qui avait succédé à Amé-
nophis IV. Je propose à la République de fonder à la
Ribliothèque nationale un cours d'archéologie légi-
timiste.
Qualfe ans de Boula;/!!! (Bon mot dj M. U.ipMi.j
A l/USACK DES (lENS SEIIIKUX.
IKI
Festin donné par M. de Palloux au ministère de ITnstruction publique.
RÉAPPARITION DU PÈRE BUGEAUD
A LA TRIBU.NE DE l'aSSEMBLÉE NATIONALE, LE 24 JANVIER.
— C'est moi, me voici ; reconnaissez-vous le vieux
guerrier?
J'étais donc là-bas, à Excideuil, à passer la revue
(le nos bêtes à laine, sauf votre respect, quand voilà
Mail' Pierre qui s'avance : — Bonjour, mon empéreu,
qu'y m'dit. — Bonjour, Maît' Pierre, que je lui ré-
ponds. Qu'y a-t-il pour vot' service? — Il y a, mon
empéreu, que je n'étions pas content de r.\ssemblée
nationale. — Ni moi, que je lui dis. — Comme ça se
rencontre tout d' même ! Alors faut la renvoyer. —
Tope-là, Mait' Pierre. — Justement j'avions là un
petit morceau de papier que j'avons fait signer par
not' femme et par not' petit gardeus de dindons et
quequ's amis; sans vous commander, une pétition,
quoi ! — Une pétition ! bien, jarni ! Je me chargeons
de la remettre moi-même.
Celte pétition, la voilà. C'est l'expression fidèle des
vœnx de Mait' Pierre.
En vous rapportant littéralement ma conversation
avec lui, j'ai voulu vous donner une idée des mœurs
de cet homme des champs.
Homme des champs moi-même, vétéran de la lu-
zerne et du colza, j'étais plus que tout autre en état
d'exprimer à celte tribune les vœux que les naïfs habi-
tants des campagnes ne cessent d'adresser au ciel pour
votre dissolution. Si la Chambre voulait bien le per-
mettre, je lirais leur pétition; mais il faudrait que
cette lecture se fit au son de la musette et du tam-
bourin, sous le vieil ormeau.
Parmi les signataires, outre Mait' Pierre et son gar-
deux de dindons, il se trouve quelques Faunes et même
des Egypans en chapeaux de paille.
182
REVUE COMIQUE
Vous me rendrez cette justice, que j'apparais ici en
véritable Alcinoiis, la houlette à la main, et seulement
armé de nos pipeaux rusliques. Stapendant, si l'As-
semblée montrait quelque récalcitrance à satisfaire au
vœu de Maît' Pierre et de son gardeux de dindons, on
retrouverait tout à coup en moi le guerrier célèbre,
le torrent, l'ouragan, la trombe de feu. [Applaudisse-
ments à droite.)
Voilà donc le père Bugeaud de retour.
On Ta trouvé fort peu cbangé depuis février. Il nous
est seulement revenu avec un accent périgourdin en-
core plus prononcé qu'autrefois, ce qui tient sans
doute à ses entretiens journaliers avec maît' Pierre.
Outre l'accent, il a rapporté du Périgord quelques lo-
cutions qu'on ne lui connaissait pas jadis. Ainsi, sous
la monarchie, il disait cependant au lieu de stapen-
dant, mais il faut liien faire des concessions à la Répu-
blique.
Heureuse République! Elle a eu pourtant le bonheur
de compter pendant quelques jours M. Bugeaud au
nombre de ses meilleurs amis. On se souvient encore de
sa lettre au Gouvernement provisoire, lellrc écrite pro-
bablement à l'insu de maîf Pierre qui ne l'aurait pas
tolérée, non plus que son petit gardeur de dindons,
élevés tous deux dans les bons principes et partisans de
M. Thiers.
Une lidélité de quelques mois à la République, c'est
])eaucoup, morgue 1 pour un homme comme le père
Bugeaud qui la déteste; mais alors il n'était pas néces-
saire qu'il lui offrît son bras, son cœur et sa Durandal.
Le père Bugeaud, qui n'a pas su combattre la Répu-
blique le 2.1 février, trouve plus commode de venir l'at-
taquer aujourd'hui à la tribune avec la pétition de
niait' Pierre, et l'appui chaleureux de M. Béchard le
légitimiste qui applaudit sans doute, dans la personne
de M. Bugeaud, l'ancien sage-homme de Blaye.
Enfin, p\iisque le voilà revenu , puis?e-t-il monter
souvent pour y donner de ces représentations bouffonnes
auxquelles il nous avait habitués sous la monarchie.
Nous verrons reparaître le discours en équerre et les
discussions carrées ; car si le père Bugeaud a renié son
ancien maître le lendemain de la révolution, et s'il
renie aujourd'hui la République, il faut espérer du
moins qu'il sera resté fidèle au groteKjue.
J
Ma foi, tant pis! ils diront ce qu'ils voudront, je vais toujours examiner le dossier .. de
mon fauteuil... Ça n'a pas l'air bien solide, mais ça pourra le devenir.
A L'USAC.E nr.S r.KNS SftUIKUX.
185
M. i.iii;itMiMi:i!.
M. I.lii'riiiinu'i', i|{ii iiMiit j'i'iKiMcr' à l'aiio suti ciiiiis
sous la Miuiuiicliit', u l'ii la siiigdlic'ic iilcc do tciilcr (l(:
lo ii'|)ic'iiilrc sous la lU'puliliqiio.
M. l.iuM'iiiinioi', nous le (Usons |iiiiii' cimix (|iii l'au-
niioiit oulilii', a t'li5 un Iribuii di' la plus daiigoii'use
ospùoe. — Nous l'avons oiiUmuIu, inlindii de nos pi'o-
pii's oreilles, cvaltei- Aliliaud en pleine chaire à la Soi'-
lionne, et dire à des enfants (nous étions de ces en-
fants), qu'il comprenait tout ce qu'avait de grand un
pareil forfait. — l'n gouvernement fort, ou seulement
lionnèlo, eût fermé la cliaire de M. Mierrninier ; le
gonvernemcnt de Louis-rliili(i|)e crut faire mieux:
— il aclieta M. I.lierniinicL'.
ICst-ceà dire que M. I.liermuiier conscnlit à se taire?
— Non ; il lit |)lns : il entreprit de se donner à lui-
même le plus outrageant do tous les démentis, et, avec
une impudeur que la Bébuls, organe principal de ses
nouveaux amis, ne purent s"cm[)èclier de lléirir , il
prêchait le lendemain le contraire do ce qu'il a\ail piê-
clié la veille.
La jeunesse des écoles, indignée, fit justice de cctle
palinodie. — M. Lherminier, chassé à plnsieui's repri-
ses de son cours, dut subir cette tcirihie leçon.
Aujourd'hui, M. Lherminier, fort d'un arrêt de l'As-
semblée nationale, qui certes ne ^lensail pas à lui en
rouvrant les chaires du collège de France, M. Lhermi-
nier reparait, M. Barthélémy Saint-llilaire l'assiste
dans celle douteuse entreprise; tons deux ccliouent;
iM. liiirtliclcmj Saiiit-llilaiic y comproriud son patro-
nage, la jeunesse des écoles lésiste, comme par le
passé, et qMel(|nes journaux s'écrient : « Lsl-tc ainsi
ipi'on entend la liberté de renseignement'.' »
(Jne ne demandent-ils plutôt à M. de rallouv m
c'est ainsi qu'il entend, non pas la liberté, mais l'Iioii-
nenr de l'enseigneinenl, riionnenr, plus précieux en-
core sans doute (pie la libeit(;'.'
Que i\L Lherminier ouvre un cours à se^ frais cl
non à ceux de l'IUat ; que là, dans une salle où il par-
lera en son nom, rien (ju'en son nom, il se fasse le public
(pii lui convient et auquel il [lent convenir, si un jiareil
public est possible, nous le voulons bien. Voilà ce que
M. Lherminier est libre d'essayer, si bon lui semble.
Mais qu'un gouvernement ait songé à forcer une
jeunesse républicaine ou non, une jeunesse loyale et
lionnèle à aller entendre des préceptes de philosopiiie
et d'histoire sorlifde la bouche de riiomme qui a ef-
frontément renié dans un vil intérêt tout son passé en
un instant, voilà ce qui n'est pas soutenable ; voilà cequi
est absurde; voilà ce qui n'aurait jamais dû être essayé.
Où M. Guizol a eu la pudeur de céder, M. de Fal-
loux comprendra que son devoir est de ne pas insister;
il sentira que la leçon donnée à M. Lherminier cette
semaine est de colles qu'un gouvernement honnête peut
tolérer, et que cet enseignement, pour tout dire, en
vaut un autre, si ce n'est par son droit, au moins par
sa moral itp.
LES VOTES DU 10 DÉCEMBRE. «
Prentz garde, ir.es bons messieurs, si la corde cassait!
iSï
REVUK COMIQUK.
LES JOURNAUX QUI NE PARAISSENT PAS.
Il y a, comme on sait, les journaux qui paraissent
peu, les journaux qui ne paraissent guère, et les jour-
naux qui ne paraissent pas.
Il n'est pas aisé de comprendre la spéculation de
ces derniers.
Le journal qui ne parait pas n'existe souvent que
par un titre déposé à la direction de la lil)rairie pour
déconcerter d'avance les contrefacteurs. Il en est de
célèbres. Le Soleil, par exemple, qui n'a jamais lin
pour personne, le Pi-ogrcs, VOpinion et tant d'au-
tres... On en connaît qui ont changé plusieurs fois de
couleur sans avoir jamais paru.
Et parmi les petits journaux, qui n'a conservé le
souvenir de la Casquette de Loutre? C'était même, ou
du moins cela aurait pu être, un journal quotidien
orné de lithographies à l'instar du Charivari. Cette
feuille fut au moment de paraître à l'époque du ma-
riage de la reine d'Angleterre. Un de ses rédacteurs
avait été invité aux fêtes et cérémonies de la cour. Il
ne put y assister faute de chapeau.
Le Pays a été longtemps au nombre des journaux
susdits. Il fut tour à tour libéral, conservateur, répu-
blicain, bonapartiste, selon les exigences probables
d'un cautionnement fugitif. Il vient enfin d'échapper
aux limbes de la publicité. Le voilà digne de figurer
dans le catalogue de Deschiens, ne dût-il durer que
cinq jours, comme feu le Monde, qui ne put même ac-
complir la durée de la Genèse. Son créateur s'élait re-
posé le sixième jour.
Le sort de la Lanteiiie fut encore j)lus éphémère.
Sa lumière fut, mais ne brilla qu'un soir; le Lampion
l'absorba dans sa vive clarté. La Lanterne était d'un
autre siècle. Le Lampion lui-même s'éteignit aux fa-
tales journées de juin. Mais tout cela n'est pas encore
le journal qui ne paraît pas.
Car un journal qui n'a point encore paru n'est pas,
à proprement parler, un journal.
Celui qui n'a paru qu'une fois serait même à peine
digne de ce titre : journal.
A ce propos, ne poiirrait-ou pas citer cet illustre
numéro du Conslitiilinnnel, sosie du journal de ce nom,
(Hii paiiit un matin seulement, il y a une quinzaine
d'années. La rédaction s'était divisée; il y avait doute
alors sur la question de propriété. Deux Constilittion-
?ie/« pareils d'aspect, mais différents d'idées , se pro-
duisirent à la fois dans les cafés. Paris ge réveilla avec
la stui)éfaclion qu'il aurait à voir se lever deux soleils.
Il existe aussi dans les collections un certain nombre
de faux Débats, voici pourquoi. Un grand seigneur de
l'ancien régime, vivant au fond d'une province, ne
pouvait se figurer que les Bourbons eussent été chas-
sés du trône. Pour flatter sa manie et lui conserver
une illusion d'où dépendait sa sauté, sa femme eut
ridée de faire imprimer... un Journal des Débats de
fantaisie, que rédigeait le précepteur de la famille.
Quelle belle histoire de France on pourrait rédiger
d'après ce curieux journal !
Arrivons à la spéculation la plus hardie dont les
lettres aient conservé le souvenir.
Il faut savoir qu'il existe de braves collectionneurs
hollandais qui récoltent aujourd'hui des journaux à
défaut de tulipes. Une bibliothèque de journaux de
l'ancienne république est, pour les curieux, d'un prix
inestimable. On espère autant de la nouvelle. Mais,
comme on sait, un seul journal qui manque dans une
collection lui ôte beaucoup de sa valeur. On a donc
imaginé défaire tirer un exemplaire unique d'un jour-
nal portant un titre quelconque, qui non seulement
n'aura pas de lendemain, mais qui même ne sera pas
mis en vente. Il se trouve des curieux qui offrent 2 ou
5,000 francs de ce numéro introuvable, dont le titre
ne se révèle au public que par le bulletin de la li-
brairie.
Nous croyons devoir trahir celte industrie nouvelle,
qui serait fort innocente sans doute, si le numéro uni-
que ne se multipliait selon le nombre ou la bonhomie
des collectionneurs.
Il importe que la presse soit enfin moralisée !
La démocratie a eu ses sociétés secrètes, la réaction
veut à son tour avoir les siennes. Si nous sommes bien
informés, une association clandestine s'est constituée,
à la fin de 1848, sous le titre significatif de Club des
répuhlicophnbes. L'une de ses premières décisions a été
celle-ci :
0 Considérant que notre but est de nuire à la Ré-
publique, et de l'attaquer par tous les moyens imagi-
nables; — Considérant que l'un des meilleurs est de
mettre obstacle à l'activité du commerce et à la circu-
lation des capitaux; — Considérant qu'il importe
d'inculquer à nos enfants des opinions anti-répuhli-
LES RÉPUBLICOPHOBES.
caines, et de leur présenter le nouveau régime comme
la source de toutes sortes de calamités;
« Avons décrété et décrétons ce qui suit :
« Les" membres du club s'abstiendront de toutes dé-
penses qui ne seront pas purement jiersonnelles. »
« Ainsi: Plus de cadeaux à nos maîtresses, encore
moins à nos femmes; plus de bonbons à nos enfants,
plus de spectacles, plus de fêtes, plus de concerts, plus
de grands dîners, plus de pourboires aux cochers, plus
de pourboires aux garçons, plus de cigarres, plus d'au-
mônes, plus de payements à nos fournisseurs, etc., etc.»
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i L'enseigoement que je lire de cette nomination, c'est l'invitation de contribuer de toutes
mes forces à raffermissement de la République; je le ferai avec probité, a»ec loyauté,
avec constance, et, s'il le faut, avec quelque énergie. «
De&siné par Otto.
Gravé par Bai LANT.
186
REVUE COMIQUE.
CHOSES QUELCONQUES.
Le National ajinl son iiiari|iii?, le Journal des Dé-
bats devait avoir le sien. — M. le marquis Marrast
vient de donner naissance à M. le marquis Saint-Marc
Girardin. — Lequel de ces deux marquis est le plus
spirituel, lequel est le plus impertinent, lequel est le
plus marquis, pour tout dire? Est-ce le président de
l'Assemblée nationale ou l'auteur de la théorie déve-
loppée par les Débats, sur les gens de peu et les gens
de qiietf/iie chose? — Ombre du président Séguier, ré-
pondez-nous; racontez-nous ce que vous savez sur la
noblesse de celui que vous appeliez Marc Girardin;
et si M. Marc Girardin le désire, nous établirons ses
droits à la geutiUionnncrie.
— « Cela ne nous regarde pas, » dit le Journal
des Débats. Cela veut-il dire que vous n'avez aucun
souci à avoir de ce qui se passe du moment où vous
n'êtes plus le journal du gouvernement, et que la
patrie peut périr sans que vous ayez à vous en émou-
voir? — Si c'est cela, allez-vous-en, émigrez, — M. le
marquis, — ou tout au moins taisez-vous.
— Le journal des Débats avait été parfait de ton,
de mesure et de bon goût, depuis bientôt un an, dans
une position difficile et délicate. Il a renoncé tout à
coup à ce beau rôle. A qui la faute? N'est-il pas tou-
jours trop tôt pour cesser d'être sensé, honorable, et
d'avoir raison à force de raison ?
LE JOURNAL DES DEBATS.
Je n'ai pas fait la République, dit en se frottant les
mains d'un air un peu plus dégagé que sa situation
personnelle, que la situation du pays ne le comporte,
le Journal des Débats. Pardon. Qui .donc l'a faite, non
pas après, mais avant les républicains, si ce n'est vous,
cette république dont vous vous séparez si lestement ù
cette heure, et dont les conséquences pèseraient encore
justement sur vous, alors même que vous viendriez à
bout de la vaincre. De quoi se composent les éléments
d'une révolution, si ce n'est des fautes qui l'ont ame-
née? Ces fautes, qui les a faites? Est-ce/e Nationalou
le Journal des Débats? —M. Guizot, homme de quel-
que chose, ou M. de Lamartine, homme de peu, le
glorieux M. Duchàtcl ou le pauvre M. Dufaurc, l'il-
lustre M. Trezel ou l'inconnu qu'on nomme le général
Cavaignac, les hommes de Louis-l'hilippe, enfin, ces
hommes de quelque chose, ou les hommes de la Répu-
blique, ces gens de rien, comme vous dites?
Vous en parlez trop à votre aise , à dix mois
de distance. Vous vous sentiez la conscience moins
libre; vous vous sentiez plus coupables, peul-èlre,
moins innocents, si vous le préférez, le 25 février!
Vous frulliez-vous les mains, ce jour-là? Auriez-
vous osé vous les laver, vos mains, de ce sang ré-
pandu? Non. Vous vous conduisiez décemment, je di-
rais humblement, s'il ne valait mieux vous reprendre
que vous blesser ; vous reconnaissiez vos torts ; et, de-
vant tous ces désastres amenés par vous, vous sembliez
comprendre que les coupables ce n'étaient pas les vain-
queurs, que vous aviez forcés, réduits à vaincre.
Vos fautes, celte république pouvait vous en de-
mander compte ; l'a-t-elle fait? Non. Elle a été clé-
mente, et vous ne le seriez pas pour elle ; et là où elle
a été magnanime avec vous, vous ne seriez ni indul-
gents, ni même polis ! Hélas ! vous êtes incorrigibles!
Heureusement que la République le sera aussi, et
qu'en dépit de vos efforts pour la pousser à des violen-
ces, elle gardera ce défaut politique, la clémence, dont
vous essayeriez en vain de la faire repentir.
— Jamais temps n'a été plus fécond en phénomènes.
Quelques braves gens croient que le nombre des répu-
blicains diminue : erreur ! Le nombre au contraire en
augmente tous les jours. La République s'enrichit in-
cessamment non-seulement d'individus nouveaux ,
mais d'espèces tout entières, jusque-là inconnues.
Nous avions les républicains rouges, les républicains
modérés, les républicains encore plus modérés qu'on
pourrait appeler les républicains gris-perle, les réjui-
blicains socialistes, soit de la veille soit du lendemain,
puis enfin les républicains bonapartistes.
Nous avons aujourd'hui les républicains impéria-
listes, les républicains régentisles, les républicains lé-
gitimistes et les républicains monarchistes rouges, c'est-
à-dire CCS joueurs intrépides qui prendraient un roi
quelconque dans un jeu de cartes plutôt que de s'en
|)asser.
La République n'est pas si malade, si elle ne doit
mourir que quand ses ennemis seront d'accord.
— Dans la discussion relative à la fixation des ap-
pointements du vice-président de la Rébublique, cha-
cun donnait son chiffre et ses raisons à l'appui. Le
chillVe 18 l'emporta. — C'est un bon chiffre pour
un lioulay, dit M. le procureur-général Dupin,—
expert en calembours comme on sait.
AU «AL DE l'opÉHA.
J'étais samedi passé au bal de l'Opéra, j'eus l'hon-
neur d'y être pris pour un représentant du peuple. Je
A l/USAHR DES CENS SERIEUX.
187
dirai, pour expliinn'i' une inriiiise pour moi si glo-
rieuso, (]u'oii |)uuviiit cotiiptor environ trois cents de ces
lionoraliles dans le foyer, sans préjudice Lien entendu
de cenx(jui pouvaient se trouver dans des loges avec des
t'aux-noz, on dans la salle sous des costumes de pierrot,
d'aricipiiii, de Tujc et autres. « Sacrédié, nie dit un
des |)lus agaçants dominos de l'endroit, à qui je venais
d'offrir, sur sa demande, un bâton de sucre de ponime
de Rouen gros comme un biloii de maréchal, sacrédié,
ça serait pourtant dommage qu'on renvoie a leurs
femmes de province des amours de représentants
comme vous tous. Veux-tu que je monte sur une ban-
quette et que je le fasse signer par toutes les citoyen-
nes ici présentes une pétition, une fameuse, qui té-
moigne de vos vertus et fasse connaître au président
que vous êtes nécessaires à Parif. Parle, dis un mot, et
dans trois quarts d'heure tu as quinîo cents signaturos,
et des crânes, à rhettre sous le nez du petit |)ére Mar-
rasl. Ça va-l-il"? — Je promis à l'aimable masque qui
tint ce discours d'en parlera mes collègues à la première
réunion, et de lui porter au prochain bal leur réponse.
— Les voleurs punissent les transfuges. 1^ société
les récompense. — C'est un des grands malheurs des
rtWolulions d'offrir une prime aux apostasies.
— .Madame Sand, à qui un grand nombre de ses
admirateui's les plus passionnés avaient grand'p'eine
à ()ardoniu'r qu'elle eût oublié qu'elle était avant tout
un admirable poète pour se faire écrivain politique,
publie, dans le journal le Crédit, un roman qui lui
obtiendra sa gnke des réactionnaires les plus endurcis.
La petite Fadette renferme des trésors de poésie, de
simplicité et de candeur, et pas un mol de politique.
LE RETOUR DE -M. (.UIZOT.
Français, me voici parmi vous;
J"ai, pour cjimer voire courroux,
De l'exil subi le supplice.
Montrons-nous généreux et grands,
Eq oubliant nos diOérend-',
Que le passé
Soit un rêve elTacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Je puis sans danger, maintenant,
Paraître sur le continent.
Môme demander .du service.
Depuis que je fus exilé.
Un siècle entier s'est écoulé.
Que le passé
Soit un rêve effacé ;
Embrassoni-nous, et (pie ça finisse.
Mes bons électeurs de Lisieux,
Je reviens; essuyez vos yeux.
Qu'à la Chambre on me rétablisse.
Depuis longtemps votre cité
M'a promis sa docilité.
Que le passé
Soit un rêve efTacé;
Embrassons-nous, et que ça finisse.
kiK de ta ilarquin de Prelinlaille.
Les suppôts de la royauté
Reconquièrent l'autorité.
Au pouvoir chacun d'eux se glisse.
Dans un assez proche avenir.
Je crois que mon tour va venir.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-ncus, et que ça finisse.
Barrot, que j'avais méconnu,
Au ministère est parvenu ;
11 s'y comporte en vrai novice.
De lui pourtant je suis ravi,
Car pas à pas il m'a suivi.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-nous, et que ça finisse.'
Il restaure de bonnes lois;
Il réljblit dans leurs emplois
Les vitiux soldats de ma milice.
Il en a même réélu
Dont le r<ji n'aurait pas voulu.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Vraiment, à le voir diriger
L'intérieur et l'étranger,
On dirait qu'il est mon complice.
En cet homme qui m'insulta.
Je trouve mon duplicata.
Que le passé
Soit en rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Puisqu'il n'e t point de changement,
A rentrer au gi uvernement,
Il se peut que je réus-isse.
Barro!, Guizot, au cabinet,'
C'est bonnet blanc et blanc bonnet.
Que le passé
Soit en rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
— Il le gardera..* — 11 ce le gardera pas! —
Celle adorable boule esl celle de Boulay,
Qui ne se moiicliepas dii pied.'conime on le pense.
Quand, [lour lui conférer la vice-yirésidence,
Dans la botle an ftru.ln chaque boule aboulail,
Boulay dil bravenienl (quoiqu'il ne soil pas nvge ) :
« Képublicain, nioibleu ! loul de bon l'esl Boula) 1
« Et si quel lue j"nr, le royalisle bouge,
« Il sera bel el bien par Boulay sîboulé! »
Desiiné par FaBritzius.,
Gravé par LEBLANC.
nmarvAnn ni!ii itai.ibni.
80 c'oiiHiiioii) la lIvrnlHon.
»ri! mcnp.i.iFc, K2.
iirions de la Conscription. — La Revue comioi'E formera un ma<rnifu]ue Tolumo, grand in-8, publié en 50 llvraifons à 30 centimes,
la poste, 40 cent. On souscrit pour 10 livraisons. Pour les départements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordie du directeur de la
fUK. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire (franco) à M. Lirecï, au bureau de la Revue, % boulevard des Italiens.
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être dans ^obli^ation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une laçon
uniforme loutes\>s seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier leudlet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
I e dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-ilernière pages de cliaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
Dessinateurs. Graveurs.
Nouvelle Tenue Didier. Baulant.
Joujoux d'uD Enfant terrible. Bertall. Midderigh.
Un sabre » Fabritzius. Baulant.
Le Satnmeil de M. Ma.rast Bertall. Midderigh.
lioute de Bourges Didit r.
Eaulant.
Les Araignées
Fresneau • • ■
Conclus on de la Semaine
Fau.her
Dessinateurs. Graveurs.
Nadard. Leblanc.
Fabritzius. Louis.
Ot. Bara.
Fabritzius. Baulant.
POOR PARAITBE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tciilalions — travestissements
liypocrysics — passe- passe — perfidies — gianilc ciilbule de
MOSIEU RÉAG
SlITE DE CARICATLUES PAIi NADAnO.
SOMMÂlUE DE LA TREIZIÈ.ME LIVRAISON.
La Semaine. - Un Sabre. - Le Sommeil de M. Marrast. - Les Arrestations. - Bndgel d'un Représentant. - Voyage en
Europe. — Choses Quelconques.
1>aril.-Tirrc au» presses mécaniques Je Lic«A»Pi. fils el r<..np., me Daroielle, î.
i>)'j
LA SEMAINE.
L'histoire de celte semaine se résume dans celle
d'une journée. Supprimez les grands événements de
lundi, que nous restera-t-il? un vaudeville de M. Ro-
zier aux Variétés, la reprise de la Fêle du village voisin
à rOpéra-comique, un bal chez le fameux colonel
Thom, qui reparait à l'horizon, il n'y aurait pas là de
quoi remplir deux colonnes.
Heureusement MM. Odilon Barrot et Léon Faucher
sont venus à notre secours. Les deux vaudevillistes po-
litiques ont rédigé, en collaboration avec le général
Changarnier, une petite conspiration qui décèle de
grandes facultés dramatiques, une entente des planches
et une science des ficelles qu'on ne se serait peut-être
pas attendu à trouver dans de si jeunes auteurs.
Voici en quelques mots l'analyse de cet ouvrage.
L'amour n'est pour rien dans la pièce de M. Odilon
Barrot, Léon Faucher, Changarnier et Clairville ; car,
pour ne rien cacher, nous devons dire que cet illustre
vaudevilliste a travaillé à la journée de lundi; c'est lui
qui a rédigé la fameuse proclamation finale où on dé-
clare au public qu'il faut en finir avec l'anarchie d'une
façon complète et irrévocable. Or, la donnée de la
pièce a cela de vraiment comique, que les principaux
personnages passent tout leur temps à chercher l'anar-
chie qu'ils ne peuvent trouver nulle part.
En renonçant à ce puissant moyen d'émouvoir les
cœurs, qui s'appelle l'amour , il faut convenir que
MM. Odilon Barrot, Léon Faucher, Changarnier et
Clairville ont fait preuve de beaucoup d'audace. Peut-
on dire que cette audace a été justifiée par le succès?
C'est au lecteur de répondre.
La scène s'ouvre par un roulement de tambours. Ou
bat jusqu'à dix-sept fois le rappel dans ma rue. A cha-
que fois un garde national se rend à ]'a|,pel. Cela fait
juste dix-sept gardes nationaux.
— Qu'ya-t-il, caporal?
— Demandez-le au sergent.
— Que se passe-t-il, sergent?
— Demandez-le au lieutenant.
— Qu'arrive-t-il, lieutenant?
— Demandez-le au capitaine.
— Que va-t-on faire, capitaine?
— bemandez-lc au commandant.
— De quoi s'agit-il, commandant?
— Allons le demander au colonel.
Les dix-sept hommes se mettent en marche pour la
mairie, et nous prenons le chemin de l'Assemblée na-
tionale où se discute la fameuse proposition Grévy.
L'enceinte de la représentation nationale est envi-
ronnée de troupes et de canons. En entrant, il nous
seiiible voir le fantôme du pompier du 1 5 mai traverser
la salle des Pas-Perdus. Ce n'est qu'un aide de camp
du général Changarnier.
Les représentants sont en émoi. Pourquoi ces troupes?
A quoi servent ces canons? M. Odilon Barrot monte à
la tribune, et il se met à réciter un de ces amphigouris
qui étaient autrefois le triomphe du vénérable Odry.
11 parle des éternels ennemis de l'ordre, de la garde
mobile, des Guelfes et des Gibelins, de la pureté de ses
intentions, des Capulets et des Montaigus, de la conspi-
ration des poudres, de la tyrannie des Seize, de la ma-
chine infernale, et enfin de l'irt d'élever des conspira-
tions et de s'en faire trois mille francs de revenu. Après
quoi Odry-Barrot se rend majestueusement à sa place.
11 faut maintenant que le président Marrast s'ex-
plique au sujet de l'appareil militaire qui entoure l'as-
190
REVUE COMIQUE
semblée. M. Marraslse lève de son fauteuil, et déclare
qu'en se réveillant et en se voyant ceint de baionnetles,
il a envoyé demander des explications au général C.lian-
çaruier, en le priant poliment de passer dans son ca-
liinet (style d'avoué).
Le général Cliaugai-nier a répondu non moins po-
liment (M. Cliaugarnier, après M. de Coaslin, est
l'homme le plus poli de France) qu'il avait autre chose
à faire, et qu'il ne pouvait se rendre à l'appel du pré-
sident Marrast, le(|uel a demandé pourquoi on avait
envoyé tous ces soldats sans le prévenir.
— Ah! monsieur, a répliqué M. Changarnier, pour
qui me prenez-vous? Troubler votre sommeil, le som-
meil d'un président; je suis incapalile d'une telle m-
convenance.
L'Assemblée ari de dédain en entendent M. Marrast
annoncer qu'on n'avait point voulu troubler son som-
meil. Les amis du président prétendent qu'en pronon-
çant ces paroles, il avait eu l'intention de faire de
l'ironie. 11 ne s'agissait que de dignité.
Il est résulté de toutes ces explications que le pré-
sident de r.\sseml)lée nationale n'avait point demandé
à être entouré d'un camp; mais que les troupes étant
là, il fallait ies placer sous le commandement du gé-
néral Lebreton, questeur de l'Assemblée. C'est ce qui
a été fait. Peut-être eùl-il mieux valu renvoyer ces
troupes et déclarer qu'on n'avait rien à redouter du
peuple de Paris : ce qui était vrai.
^ous avons remarqué que toutes ces explications ont
été prononcées par M. Marrast avec un accent légère-
ment gascon, qui réparait toujours chez lui au mo-
ment des grandes crises.
La proposition Grévy a été rejetée. Il faut convenir
que personne ne s'attendait à ce dénoùment. L'admi-
rable discours de M. Jules Favre avait réduit à want
les arguments de ses adversaires et pulvérisé le minis-
tère. Nous nous servons à dessein de ces expressions
qui ont le malheur d'être consacrées. L'orateur, et ce
n'est point ici un mot de courtoisie, a obtenu un des
plus beaux triomphes dont la tribune républicaine ait
été le témoin, et, après l'émotion universelle produite
par ce discours, nous en sommes encore à comprendre
le résultat qui l'a suivi. Les uns l'attribuent à nu mal-
entendu, d'autres à la lassitude de beaucoup de repré-
sentants, d'autres à la pression des moyens dramati-
ques employés par MM. Odilon lîarrot, Léon Faucher,
Changarnier et Clairville.
Onze voix de majorité, voilà tout ce que le minis-
tère a obtenu dans une question pareille et après de
lels efforts. Les indécis, les républicains de nuance ont
de bien graves reproches à se faire. C'est le parti Pa-
gnerre qui a décidé le vote en faveurde la réaction. Nous
avons décidément un parti Pagnerre. O mon pays!...
Pour célébrer une victoire que l'éloquente indigna-
lion de Cuinard devait lui faire expiei' le lendemain,
M. Léon Faucher s'est donné le plaisir de faire arrê-
ter le brave colonel de la sixième légion. Forestier, les
membres de la Solidarité républicaine, M. D'Alton-
Sbée, sans compter tous ceux dont nous ne savons pas
les noms. M. Léon Faucher tient à épuiser toutes les
|ouissances du pouvoir.
Une demande d'enquête sur ces événements sombres
et formiilables, comme dirait M. Hugo, est déposée à
l'Assemblée nationale et suit la iilière des bureaux.
Nous saurons enhii peut-être de quel danger la société
était menacée, et pourquoi, dans ce péril pressant, on
n'a convoqué que deux ou trois légions de la garde
nationale, laissant les autres se livrer à leurs affaires
respectives, y compris l'artillerie, qui a cru devoir se
réunir poyr voler au secours de M. Léon Faucher.
Cette journée nous a du moins valu l'avantage d'a-
percevoir notre président à cheval dans la rue de la
Paix, et de le saluer comme tous les citoyens présents
sur son passage aux cris de Vive la République! à bas
le ministère! .M. Louis Bonaparte portait son costume
de Jeune officier de l'ancien opéra-comique.
Lundi matin, MM. Clément Thomas et de Coétlogon,
la Uépublique et lalégitimité, échangeaient nu loyal coup
d'épéeau bois de Boulogne; lesoir, M. Thiers .serrait sur
son sein le jeune Faucher, et lui disait jnrWe cmimo, gene-
rose puer, persévère dans la grande tradition polilupie,
le sac de Scapin estje vrai manteau du pouvoir. On ne fait
quelque chose que par l'intrigue et la haute comédie.
Que signitie ce quelque chose de M. Thiers. Nous le
saurons peut-être plus tard. En attendant, nous en
sommes encore à répéter ce mot qui était hindi der-
nier dans toutes les bouches. Qui trompe-ton ici?
On pourrait bien dire : Qui se trompe? car nous
croyons que MM. Odilon Barrot , Léon Faucher,
Changarnier et Clairville sont dans l'erreur s'ils comp-
tent sur le succès de leur ouvrage. L'intrigue est per-
cée à jour, ils tomberont sous les sifllets.
Une nouvelle tenue.
LES JOUJULX D LN ENFAXT TERRIBLE.
Dessiné par Bertall.
Gravé par Midderigh.
REVUE COMIQUE
UN SABRE.
« Avez - vous
vu, lundi, le gé-
néral Cliangar-
nii'i' sur son che-
val blanc?
— Oui, le che-
val était eruUé
plus qu'il ne con-
venait à sa cou-
leur.
— C'est vrai,
mais M. Chan-
garuier était su-
perbe; il avait un
(aux air du uia-
réciial Hadetski.
— Du maré-
chal Radct.ki et
de Franconi.
— Il rappelait, il est vrai, Franconi pour son ta-
lent d'équitation et par la mise en scène de la journée ;
mais sa véritable ressemblance était empruntée à Ra-
de tbki.
— Moi, je tiens pour Franconi, d'abord à cause du
cheval blanc, quoiqu'il fût crotté jusqu'au cou.
— Le cheval blanc aurait plutôt rappelé Lafayette.
— Préjugé! lafayette avait des cheveux blancs, et
non pas un cheval blanc. M. Changarnier est le seul
général qui ait jamais monté un cheval blanc : cette
couleur voyante ne convient qu'aux exercices du Cu--
que ; les chevaux de cette couleur ont été inventés par
Franconi et ses écuyers.
Soit, mais les moulinets du sabre de M. Chan-
garnier sont du Radetïki tout pur.
C'est encore du Franconi. Dans les pièces mili-
taires du Cirque, les généraux ont toujours le sabre à
la main pour faire des moulinets.
— 11 me semble (jue Radelski ne l'ait guèi'e autre
chose à Milan.
— Je l'avoue, mais Radetski est un guerrier de la
haute école qui possède les traditions. Ces traditions
seinblaieht devoir se perdre : M. Changarnier les remet
en vigueur. Il essaie eu ce moment, dans l'art mili-
taire, une réaction classiijue semblable à celle qu'on
a tentée pour la tragédie, et qui n'a pas eu de succès.
— Voulez-vous dire par-là que W. Changarnier ne
doit pas réussir?
— C'est selon. M. Changarnier réussirait beaucoup
en Russie ou en Autriche. Ce n'est pas un général
français, c'est un feld-maréchul austro-I\usse, un
lionmie de première force pour sabrer des populations
vouées au knout ou à la schlague. 11 n'y a, pour s'en
convaincre, qu'à l'entendre conjuguer le verbe sabrer.
Je sabre, j'ai sabré, je sabrerai, sabrons ! Eh quoi ! la
garde mobile se mutine ! on la sabrera. La garde na-
tionale murmure ! On saura la sabrer. Qui est-ce qui
bouge? Apportez- moi mon sabre ! En Autriche et en
Russie, on se fait des milliers de roubles de rentes avec
l'art d'élever des sabres. En France, cet art est encore
moins productif et moins sûr que l'art d'élever des la-
[,ius.
— Rah ! l'art d'élever des lapins, qu'est-ce que cela
rapporte? 5,000 francs de rentes au plus ; il n'y a pas
seulement de quoi avoir un cheval blanc.
— On s'en passe. Mais pour en revenir à M. Chan-
o-arnier, savcz-vous ([u'il est un peu bien ridicule en
ce moment?
— Ridicule ! ce brillant militaire tout imprégné
d'eaux de senteur !
— Les eaux de senteur ne prouvent rien; c'est
même ce que l'on considère à l'étranger comme une
marque de la légèreté française. Un sabre a beau être
parfumé à l'eau de Portugal, c'est toujours un sabre.
Quand M. Barrot monte à la tribune pour y débiter ses
pompeuses niaiseries, il me semble toujours voir
M. Changarnier debout près de l'orateur, le sabre à la
nuiin, pour forcer les applaudissements. Grâces à lui,
nous avons vu une chose assez rare dans les annales
d'une république : cent mille hommes sous les armes,
et l'artillerie stationnant mèche allumée pour appuyer
les vessies gonflées de vent que devait lâcher M. Bar-
rot. Si M. Barrot avait un lils de dix ans qui s'amusât
à lancer des cerfs-volants, M. Barrot ferait escorter le
cerf-volant de son lils par un régiment de cavalerie,
une division de ligne et deux légions de la garde na-
tionale, pour lesquelles on battrait le rappel à sept
heures du matin ; et M. Changarnier viendrait en per-
sonne, sur son cheval blanc, se mettre à la tète de ces
forces imposantes.
Voilà où l'on arrive en voulant j(uier nu rôle poli-
tiqueàtout i)ri\, — àservirde CosaqueàM. lîarrot lors-
qu'il a besoin d'imposer au pays la re^tauratlon de sa
vieille éloquence. Au moins Radetski prononce lui-
même les discours et rédige les proclamations qu'il es-
corte ensuite avec ses baïonnettes dans les rues de
Milan. Il est vrai que M. Changarnier a déjà prouvé,
notamment dans son entretien avec les chefs de la garde
mobile, que l'éloquence d'un feld-maréchal lui serait
facile au besoin ; quel malheur (lue M. Changarnier ne
soit pas Autrichien 1
J
A i;iISACE DKS GENS SEIUKUX.
193
1,K SOMMF.II, I)i: M. MAUliAST.
S'il y a iiiio iliose sacn'c au iiuhuIi', c'est, à coup sûr,
le :>oiiiiiicil de M. iManast.
Quand M. Mariasl dml, les vonls s'apaisciil, les
(louves sus|ieudciit leur euurs, les passants luarclieiilsur
la pointe tlu jiied, la nature entière craint de le ré-
veiller.
Son valet de clianilire nous a assuré qu'il avait vu
plus d'une l'ois des l'ées entrer par la fenêtre, avec leur
cortège d'esprits aériens, dans laeliainlirede son niailrc.
Titania eilc-inènie serait venue dans sa coquille de noix,
traînée par des papillons. Quand ces visites arrivent,
ajoutait le valet de chambre, je les annonce à haute
voix, car la moindre infiaction aux règles de l'éliquetle
serait punie sévèrement par M. Marrast.
— Et après'/
— Après, je me hâte de soi tir delà chambre ; un soir
que la curiosité m'avait porté à rester, Titania changea
ma tète en une tête d'âne qui resta sur mes épaules
jusqu'au lendemain. N'osant pas rentrer chez moi et
me montrer à ma femme avec cette tète, et me voyant
condamné à passer la nuit derrière la porte, je me per-
mis de regarder par le trou de la serrure,
— Et vous vîtes'?
— Je vis les fées entourer la couche de M. Mar-
rast. Les unes le berçaient, les autres agitaient sur son
visage des éventails |)arfumés et semaient des feuilles
de rose sur son lit. Titania lui disait d'une voix douce
comme le murmure d'une nuit d'été : « Dors, bel ami,
fais des rêves charmants, je t'en conjure. »
Et un sourire divin venait épanouir les traits de
M. Marrast.
— Il rêve! s'écriaient en chœur les autres fées; il
rêve ! ne l'éveillons pas et dansons sans bruit.
Ebloui de ce spectacle, je finis peu à peu par m'en-
dormir.
— Et (juaiid les fées ne viennent pas?
— Alors on vu chercher l'uullier qui chante l'air du
sommeil.
Ainsi parlait ce bon valet de chambre, et l'on com-
prend après cela pourquoi le sommeil de .M. Marrast
est entouré de tant de resi)ects à l'hôtel de la Pré-
sidence.
M. Marrast lui-même l'a dit l'autrejour à l'As-
semblée, quand on lui demandait s'il n'avait pas été
prévenu de la prise d'armes du général Changnrnier.
— J'ai été prévenu, en effet, mais très-lard, parce
qu'on n'avait pas voulu troubler mon sommeil.
— Et pourquoi n'avait-on pas voulu troubler votre
sommeil'?
— Parce que c'était le moment où Titania venait
d'entrer dans ma chambre avec son cortège; elle com-
mençait justement l'air : <x Dors, bel ami, etc. a
— 11 nous semble pourtant qu'un domestique aurait
pu...
— Erreur; d'abord Titania aurait donné à ce ma-
raud une tète d'âne, et puis je l'aurais fait mourir sous
le bâton.
— En ce cas, mettons que nous n'ayons rien dit. Nos
compliments, s'il vous plaît, à Titania, à sa prochaine
visite.
— Je n'y manquerai pas. Maintenant la séance est
ouverte ; je donne la parole au jeune Fresneau.
^^%^\f.l,^^'?^^^
Dormez votre Eommeil, grauds de ia terre. » (Bosst.et.)
\n
REVUE COMIQUE
LES AUUESTATIOISS.
Au lion li'inps des leltres de cadiol, lorsqu'un homme
était coiuluit il la Bastille, et qu'uu parent ou un ami
allait demander la cause de son arrestation, le ministre
répondait avec une grâce charmante : — Raison d'Etat,
mon cher monsieur ; au reste, la justice suit son cours.
C'est à peu près ce qu'en l'an 1"^ de la Uépuhlique
répond M. Léon Faucher à propos des arrestations qui
étonnent Paris depuis lundi dernier. 11 n'y manque que
la grâce charmante.
La justice suit son cours, assure JL Faucher ; nous
n'avons pourtant pas entendu dire que la proposition,
de mise en accusation du ministère ait été adoptée par
la Ciiambre.
Il parait, du reste, probable que les ministres seuls
n'auront point leur part des mandats d'arrêt qui se
sont signés et qui se signent actuellement. On arrête
tout le monde, hors les ministres.
Pourquoi? C'est un mystère d'Etat. Au reste, la
justice suit son cours, comme disait M. Léon Faucher.
Si, pendant qu'ils sont en train, les ministres avaient
l'énergie de s'arrêter eux-mêmes, la majorité de la po-
pulation \errait là une victoire remportée sur l'anar-
chie, et ce serait peut-être un moyen de consolider le
ministère. Nous soumettons humblement cet avis à
M. OJilon Barrot.
On se perd en conjectures sur les crimes commis
par les malheureux que l'on entraîne tous les jours à
la Conciergerie ou dans les forts. Il paraît seulement
qu'il s'agissait d'un vaste complot organisé sous main
puur la défense et le maintien de la République. Les
coquins qui en faisaient partie avaient, dit on, juré sur
un fusil de Février, de défendre l'Assemblée natio-
nale jusqu'à la mort.
Plusieurs faits viennent à l'appui de cette opinion.
Nous avons vu arrêter dans le faubourg Montmartre un
garde mobile qui, sur le passage d'une patrouille de la
2° légion, avait crié : Vive la République ! — Messieurs,
disait le garde mobile aux gardes nationaux qui lui
serraient le collet : Arrêtez-moi, mais ne m'étranglez
pas. Vive la République 1
Nous ne savons pas s'il a été tout à fait étranglé.
Le colonel de la sixième légion, M. Forestier, a été
conduit à la Conciergerie et mis au dépôt avec des vo-
leurs. Il est vrai que M. Forestier a des charges acca-
blantes contre lui , paiticulièrenient la lettre qu'il a
écrite au président de l'Assemblée nationale pour l'as-
surer de son dévouement.
Où en serions-nous si la justice ne suivait pas son
couis?
Avouons-le cependant, le grand complot trouve quel-
ques incrédules pour lesiiuels nous demandons des
mandats d'arrêt. Que deviendra, en effet, la société si
l'on se permet de douter des afiirmations du ministère?
Mais, disent ces incrédules, M. Barrot et JL Faucher
prétendent qu'il y a un complot, tandis que M. Chan-
garnier laisse entendre le contraire. Connnent rnettrez-
vous d'accord ces trois autorités?
D'abord il ne s'agit pas de les mettre d'accord ; il
s'agit de soumettre sa propre raison aux décisions de
M. Barrot. Voyez plutôt ce qui se passe dans les pays
d'ordre et de dis ipline, en Russie, par exemple. Quel-
qu'un s'y est-il jamais avisé de révoquer en doute tes
affirmations de l'autorité? Cependant si l'on y tient, il
ne serait pas impossible d'expliquer les prétendues
contradictions de M. Barrot.
Personne n'ignore, en effet, que M. Barrot, par
suite de ses anciens discours d'opposition dynastique,
est sujet à des hallucinations pendant lesquelles il est
fermement convaincu que Louis -Philippe règne tou-
jours aux Tuileries. De là l'erreur bien excusable qui
lui fait prendre le cri de vive la République! pour un
cri séditieux. 11 y a donc eu complot, sans complot, si
l'on peut s'exprimer ainsi. 11 y a eu complot répu-
blicain contre la monarchie, et ce bon M. Darrot ,
qui, ordinairement, n'est pas très-fort, mais qui l'est
encore moins quand il se trouve plongé dans ses hallu-
cinations, ne s'est pas rappelé que la révolution de Fé-
v,ner avait eu lieu, et il a songé naturellement à répii-
mer un attentat contre la royauté.
Un roi de Macédoine, sujet, lui aussi, à deshallucina-
fions, avait auprès de lui un secrétaire qui ne le quit-
tait jamais et qui lui répétait d'heure en heure : « 0
roi, souviens-toi que tu es homme!» Nous deman-
dons que la Chambre délègue un de ses membres pour
résider auprès de M. Barrot, et lui crier à chaque mi-
nute : « 0 Barrot, souviens-toi que tu es républicain ! »
LE BUDGP:! D'UN REPRÉSENTANT.
Nous avions, il y a un an, des députés qui ne nous
coûtaient rien.
Nous avons à présent des représentants qui nous
coûtent fort cher, — et qu'on a baptisés récemment du
nom de vingt-cinq-francs-jowiens, adjectif un peu
long, mais signilicatif.
Les députés nous coûtaient sim|)leinent des ministè-
res, des places de toutes sortes, des bureau v de tabac, des
recettes, des bourses, des brevets de gardes champêtres,
des missions, des inspections et une foule dépositions.
Les représentants nous coûtent chacun vingt-cinq
francs, c'est-à-dire la valeur d'un souverain d'Angle-
terre, attendu que chacun d'eux est le diminutif d'un
suuverain.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
^95
Viiigl-cinij fruiics par jour, c'cvt un sm l.
Il n'y a pus sans doiile do (iiiui aclicliT lui r(|uipa;;i',
pas (nome une maison do campagne, — oommo disent
les lialelouis on parlant de la i'aiblo somme de ciiiq
cenliincs. Cependant, il ne faut pas non |)lus oracher
sur ce capital. — Vingt-cinq francs, c'est tout si l'on
veut, et si l'on ne veut pas, ce n'est rien.
Vingt-cinq francs, c'est un louis plus onze suis (vieux
siyli;).
Vingt-cinq francs, c'est un Tiapi)l('iin:uif:iru'iito de ce
que le vulgaire appelle un ti(j}-e àciiu/ yriffcs.
Cela représente vingt-cinq bulles, au point de vue
populaire. Il y a même quelques-unes de ces dernières à
recevoir en |)lus, par les représentants, dans les émoules
ou ailleurs, — cola s'est vu.
Et pourtant vingt-ciiui '''ancs, ce n'osl ]ias wuw plus
le Pérou, ce n'est même qu'une légère IVactiun des ri-
chesses minières de la Californie.
Su|)posez seulement que vous vous réveillez nanti
d'un semblable capital ; — qu'en ferez-vousV
Il y en a qui disent : Je n'en serais pas embarrassé ;
j'irais d'abord déjeuner à Torloni.
— MnMiilu'.'
— Ijisuile je prendrais un cabriolet cl j'irais faire
deux ou trois visites.
— Après?
— A|nès, c'est-à-dire avant, je sentirai» le besoin de
qMel(|iicscigarrcs à vingt-cinq centimes (vraie régie).
— VX puis?
— Je m'accorderais un tciii|is m(jral jiour me faire
coiiïi'i' et pour faii'e ma cour aux damejj.
— l'inlin ï
— Je me rendrais à l'Assemblée vers une heure,
dans le cas où la séance présenterait de l'inlérot; si
non j'iiais lire les journaux et prendre un grog au café
d'Orsay.
— Je vous permets encore une partie de billard, et
vous allez voir que vous venez de dépenser au moins
dix francs,
— A peu ]irès.
— I'.emar(iue7, que nous ne comptons ici ni le loge-
mont, ni le costume, ni les menues dépenses qui s'y
rapportent, et qu'il n'est pas injuste d'évaluer à envi-
ron cinq francs, — surtout pour un provincial qui gé-
Route de Bjurges
196
REVUE COMIQUE
néralement luibito un hùtol et prend un tailleur à
douze mois de crédit.
11 reste dix francs encore à employer pour la
soirée.
Vous ne comptez pas la buvette?
On pourrait à la rigueur se contenter du verre
d'eau sucrée de la tribune, — dontl'atlrait pousse quel-
quefois des représentants économes à demander la pa-
role;— mais un consommé, un verre de bordeaux ne
nuisent pas à Téloquence; consacrons-y deux francs en
moyenne ; il nous reste encore huit francs.
— Nous n'avons compté jusqu'ici ni les ports de
lettres, ni les quêtes'?
— Ajoutons un franc cinquante.
— Où dinez-vous?
— Je m'abstiendrai prudemment de Yéry, j'irai dîner
chez Lucas, ou chez la mère Morel.
Vous commencez à vous modérer ; mais il est dif-
licile d'y dépenser moins de trois francs.
— Vous prendrez bien votre demi-tasse.
— Soixante-cinq centimes.
— Je ne songe plus à compter les voitures ou omni-
bus, qui dans les mauvais temps vous seraient néces-
saires pour regagner, en sortant de l'Assemblée, des
quartiers plus civilisés. Mais que ferez-vous le soir?
Irez-vous dans le monde?
— Selon les circonstances. J'v regarderais à deux
fois, sans doute, pour prendre une voiture et acheter
une paire de gants.
— Nous n'avons point parlé du chapitre des pas-
sions.
— N'en parlons jamais !
— Et que vous reste-t-il pour aller au spectacle,
pour jouer au lansquenet ou même au wlnst, pour
acheter des livres, pour encourager les arts?...
— Kien ! rien ! rien !
— 11 ne vous reste pas même de quoi donner cin-
quante centimes à votre concierge si vous rentrez
après minuit. Surtout n'ayez pas de famille ; ceux qui
sont dans ce cas ne se livrent pas, certes, aux dépenses
bourgeoises que nous venons d'énnmérer. — Ils dî-
nent chez Katcombe ou chez les rôtisseurs de ia rue
du Route ; ils fument des bouts-coupés et vont prendre
leur demi-tasse au café Momus. Ils ne portent ni drops
fins ni bottes vernies; on en connaît même qui portent
des sabots. Comptez maintenant les séances, les com-
missions, les réunions, les rapports... Croyez-vous que
chacun d'eux ne gagnerait pas plus à faire un autre
état ou à continuer celui qu'il a quitté?
— Allons! je renonce à la perspective des vingt-
cinq francs représentatifs ; — je pars pour la Califor-
nie, oii chaque travailleur gagne par jour quatre-vingts
dollars.
— Allez , et ne revenez plus !
VOYAGE EN EUROPE.
En ce moment on vote en Prusse, on vote en Pié-
mont, on voteàRome. Depuis Février.chaque peuple,
à son tour, dresse des hustings, et se donne le diver-
tissement du poU et du ballot. Après l'un vient l'autre ;
il en est même qui répètent le morceau. Voilà le scru-
tin installé en permanence en Europe. Ce serait le cas
d'appliquer en grand l'invention de l'urne roulante
que chacun voulait promener en poste à travers les
trente-six mille communes de France.
Devant les chances aléatoires de ces dés jetés à la fois
d'un coin à l'autre du tapis, on comprend que la poli-
tique devient plus que jamais un calcul de probabili-
tés. Autrefois on pouvait, jusqu'à un certain point,
conjecturer et dire • La reine Anne est jalouse de la
duchesse de Marlborough, nous aurons la paix ; le roi
de Prusse a fait une épigraïunie sur madame de Poni-
padour, nous aurons la guerre. Mais à présent il faut
vivre au jour le jour, attendre, en se croisant les bras,
ce qui sortira de l'urne aux mystères. La solution des
affaires est une question de loto.
La plus grave en ce moment, la paix et l'avenir du
monde, est entre les mains de M.M. les électeurs de la
Savoie et du Piémont : M . Gioberti aura-t-il une chambre
démocratique, ou bien les codini (perruques, ganaches,
marquisde Carabas), seront-ils en majorité? Tliast in tlw
question. Dans le premier cas, S. M. Charles-Albert en-
fourche son cheval et s'en va-t'en guerre, et alors
gare à Radetzki ! Dans la seconde hypothèse, chacun
reste tranquillement chez soi, sauf le belliqueux abbé,
qui déménagerait en secouant la poussière de ses squ-
liers et prophétisant contre Israël.
On prétend néanmoins, mais ce sont certainement
des jésuites, des codini qui répandent ce bruit, que
depuis qu'il est entré aux affaires, à grand bruit de fan-
fares et de trompettes guerrières, M. Gioberti s'est
aperçu bien vite qu'on ne fait pas, à beaucoup près, la
guerre aussi facilemtnt qu'on le dit à la tribune ou
qu'on l'écrit dans des livres ; il se serait même con-
vaincu de l'impossibilité absolue oii se trouve le Pié-
mont de luttera lui tout seul contre la bonne armée
de Radetzki. Grand embarras pour le nouveau mi-
nistre. Comment se dédire, lui qui était venu tout ex-
piés pour sonner le boule-selle? Un seul moyen res-
tait: il a dissous la chambre et travaillé de toutes ses
forces les élections pour faire arriver une majorité
de libéraux, allez-vous dire? Non . de rétrogrades
(|ui, en refusant au cabinet de s'associer à sa politique
belliqueuse, lui fourniraient le moyen de sortir de l'im-
passe où il s'est fourvoyé, de sauver sa popularité et de
tonner de nouveau dans l'opposition contre les codini.
Pour un ennemi des jésuites, que vous en semble?
Cette invention-là sent un peu son casuiste.
A L'USAGE DES CENS SÉRIEUX.
197
A Koiiic, rcdiicalioii oiicore arriérde des électeurs se
fait par les grands moyi'iis. Mst-il une situation plus
ciili(iue que celle do ces niulheureux ciccroni, ténor,
et marchands de nuisaï(|nes, qui, avec les Iransleverius,
ci>ni[)usent la |)(i[)iiIalion(le la ville éliMuelle? D'un coté,
le |)a[ie leur dclend de voler, sous peine d'exconimuni-
calion ; de Taulre, M. Sterhini, une manière de Rienzi,
puële, journaliste, dictateur, qui ne sort jamais qu'équipé
en Fm Diavulo, M. Sterhini, disent les amis du pa|)e,
leur met le pistolet sur la gorge et les menace de la
mort s'ils ne vont déposer leur houle. Entre la vie de
l'âme et la vie du coi'ps, pas de milieu, il faut choisir.
Alternative emharrassante ! Plus d'un de ces électeurss
malgré lui, et en cela je l'approuve, voudrait hien s'en
aller. \\ est à Laricia, et sur les liords paisihies du lim-
piiie lac du Nemi, tant de recoins silencieux où il se-
rait doux de humer les lièdes rayons de février à l'abri
de l'âpre hise de l'Apennin et des proclamations désa-
gréables de messieurs du Cercle populaire ! La politique
a-t-elle été inventée pour ces pays du soleil et du far
nientel Que ne la laissent-ils à nous autres infortu-
nés, qui pour nous dédonmiager de l'affreux gâchis
auquel le ciel nouscondamne pendant six mois, avonsdû
inventer les omnibus, les socs articulés, les calorifères,
les revues, les prises d'armes, les factions, les'patrouil-
les, les arrestations, les proclamations et antres récréa-
tions protilabies , dit-on, au gouvcrnemcnt-Barrol.
En Allemagne, on a compliqué la chose. L'esprit alle-
mand n'aime pas les voies droites et les procédés sim-
ples. S. M. Frdddric Guillaume a octroyé à ses ornés
sujets le vote à deux degrés. Grand triomphe pour l'abbé
de Genoude. O'est un roi quelque peu bizarre, que ce
roi Guillaume. Ne voilà-t-il pas qu'il l'emercie de tou-
tes ses forces l'assenitilée de Francfort, et s'excuse de ne
point accepter la couronne impériale que celle-ci était
disposée à lui offrir ? Après cela, il a peut-être des rai-
sons particulières. Et M. de Gagern, qui avait brûlé
ses vaisseaux pour le monarque inconstant? et l'unité
allemande? L'unité allemande, ma foi, nous en voici
hien loin aujourd'hui. Elle est allée où sont les neiges
d'Autan, où sont allées tant de choses depuis dix mois,
en Allemagne et ailleurs.
Aujourd'hui, l'Autriche est maîtresse de la Hongrie,
maîtresse de la Lombardie ; comment parlera-t-elle à
ce fameux congrès de Bruxelles? Derrière elle, l'em-
pereur de Russie se donnerait les airs de ne demander
que horions à donner et à recevoir ; c'est son métier
d'autocrate et de Scythe. D'autre part, la politique
des whigs court grand risque d'être culbutée dès les
premiers jours de la session du parlement. Nous ver-
rons peut-être avant peu arriver les torys ; combien
espèrent voir, à la première fonte des neiges, pour
l'anniversaire de la République, torys. Moujiks et Kai-
scrliks se donnant la main, organiser une ronde de mai
fâcheuse autour de l'arbre de la liberté.
Qui eût dit cela il y a dix mois, quand nous l'avons
planté? Heureusement qu'il en a vu bien d'autres
sans succomber.
Deux insectes hideux oubliant leur proie pour s'entiedévorer.
198
REVUE COMIQUE
AVIS Al'X JOURNAUX liSDÉ PENDANTS.
On proie au gaiivenieinont, et, mallieiirou-eiiunit, c'est par (-luehiues-uus Je ses uiius et de ses délonseurs
iiièine que le bniit se serait éventé, un projet lelleineiit monstrueux, que nous le répétons pour mettre le gou-
vernement en étal de le désavouer.
La démonstration de lundi n'aurait été qu'une ré|iétition : Paris verrait la pièce même se jouer au premier
jour. La ville tout entière serait occupée militairement et silencieusement pendant la nuit. Los départements,
avertis la veille, et sous le prétexte qu'une révolution aurait éclaté à Paris, seraient appelés dans cette ville.
Deux mille arrestations, comprenant en tète les noms des chefs les plus honorables du parti républicain modéré,
les anciens membres du gouvernement et Je l'adminislralion du général Cavaignac, les écrivains les plus dé-
voués au principe républicain, etc. , etc. , auraient lieu à la faveur des ténèbres.
Si nous ne tenions cet avertissement de personnes honorables et convaincues, s'il n'était plus utile au
pouvoir actuel qu'au pouvoir passé, à l'ordre, à la société, plus encore qu'à la République elle-même, qu'un
pareil bruit soit promptement, nettement et énergiquemeut démenti, nous nous serions abstenus de nous en
faire l'écho.— Nous devons à la vérité de déclarer qu'on nous a assuré que quelques membres du gouvernement,
et notamment M. Rarrot, n'étaient pas dans le secret de ce plan insensé.
CHOSES QUELCONQUES.
Nous ne sommes pas légitimistes, il s'en faut de tout.
Nous n'avons jamais cru qu'il pût s'ensuivre, de ce
qu'Henri IV est achevai sur le pont Neuf, que Henri V
fût indispensable à la France ; mais nous croyons pour-
tant qu'il y a de braves gens dans ce parti comme dans
tout autre. — Or, comment les braves gens de ce parti
s'expliquent-ils l'alliance de MM. Rerryer, Tliiers et
Rugeaud'?
Celte alliance monstrueuse ne les révolte-l-elle pas'.'
Quoi! le duc de Rordeaiix accepterait le concours de
l'homme d'État qui a déshonoré sa mère, et du général
qui s'est fait son geôlier! — Mais si cela était, ce serait
tout bonnement ignoble. — 11 n'est pas de simple ci-
toyen, il n'est pas de bourgeois, il n'est pas de famille de
domestiques où un pareil fait puisse s'acccomplir sans
soulever le mépris des voisins, du quartier, de la ville
ou du village ; et ce seraient des gens qui se piquent
d'être des chevaliers qui donneraient de pareils exem-
ples ; nous n'y voulons pas croire, nous aimons mieux
penser, ou que M. Rerryer et M. Thiers se trompent
l'un l'autre, ou qu'ils seront, à la première occasion,
désavoués par leur parti.
Que ceux qui croient possible l'union de ces riv aux
y pensent donc; d'accord la veille, ils ne peuvent être
qu'ennemis et ennemis acharnés le lendemain. — De-
fiez-vous de ces trompeuses transactions.— Chacune des
parties a dans sa poche une contre-lettre frauduleuse,
qui les annulera dès que leur but, qui es! de vous
tromper d'abord, sera rempli.
— Il y a plus d'une manière de faire parler de soi.
H y en a au moins deux : la bonne et la mauvaise.
Pour l'une, il faut faire une belle action devant lé-
moins, pour l'autre, une sottise éclatante.
Érostrate est aussi célèbre qu'Alexandre le Crand. H
dépend de M. Râteau de se croire un aussi grand por-
soiinuge que cet illustre incendiaire, et pourtant il n'est
à la proposition qui porte son nom que ce qu'est un
simple artilleur à la poudre contenue dans un canon,
un porle-mèclie.
— On assure que M. Denjoy est pour quelque chose
dans la rédaction du fameux Courrier de la Gironde.
M. Denjoy serait resté toute sa vie à l'élal de violette
parlementaire s'il ne lui fût arrivé de monter un jour à
la tribune et d'y demeurer crânement envers et contre
tous. Depuis cette époque, M. Denjoy ne se fait pas
faute d'interruptions ; il est clair qu'il brûle de donner
une seconde représentation d'une scène qui lui a réussi,
et de déployer de nouveau son invincible courage.
Ce courage est fort louable, assurément, mais il ne
saurait tenir lieu de tout, et si M. Denjoy est vraiment
l'auteur de certains articles du Courrier de la Gi-
ronde, où il maltraite un peu plus que le bon goût
ne le permet ses collègues de l'Asseniblée, il ferait bien
de les signer.
— S. M. la reine d'Angleterre mit, il y a peu de jours,
avant-hier, si nous sommes bien renseignés, le nez, son
nez royal et retroussé, dans un journal français.
— Qu'est-ce que c'esl que ce M. Râteau, dont le nom
est partout, dit-elle aux personnes qui l'entouraient.
— C'esl un représentant du peuple, lui répondit-on.
— Ils sont neuf cents ; vou s ne m'apprenez rien, le-
prit Sa Majesté ; dites-moi ce que ce Français a lait pour
que tout le inonde parle de lui; c'est sans doule un
homme important dans son [lays, le Robert Peel ou le
Rqssel de son [larti?
Et comme chacun se regai'dait sans répondre, bien
empêché de dire ce que pouvait être un inconnu si
Voici Fresneaii le rojallste;
( Que sainl Falloiix toujours l'assijte! )
Dd l'église légitimiste
C'est le premier enfant de chœur.
Aux succès de tribune il \i>e;
Mais il prouve, quoi qu'on en dise,
Par les discours qu'il improvise,
Plus de mémoire que de caur.
Dessiné par Faeritzics
Gravé par Lovts.
200
REVUE COMIQUE
illustre, une Française un peu étourdie, qui avait eu
l'honneur dï'tre présentée à la reine, étant interpellée
à son tour : « M. Râteau n'est rien du tout, dit-elle;
il est le mari de sa proposition. »
On assure que le prince Albert cul l'espiit d'ac-
cueillir en souriant cette véridique e\plicalion.
Je veux vous dire ma pensée tout entière, s'é-
criait le lu-ave petit M. Fresneau l'autre jour à la tri-
bune de l'Assemblée nationale : « Si l'élection du
m décembreeùt tourné diiréremment, nousaurions eu
d'autres difficultés, mais ce ne seraient pas les mêmes.»
M. de La Palisse a déjà dit ça, lui répondit-on de
tous côtés.
Le petit Fresneau, disait un représentant, est le
troisième ténor de la réaction ; le jeune M. Bérard en
est la quatrième basse.
— Un représentant du peuple faisant allusion à la
roideur, au sec, au croquant de la tenue de l'ex-enfant
prodige de la réaction, M. Fresneau déjà nommé,
a Notre petit collègue, disait-il, a toujours l'air d'être
tombé dans une poêle à frire. »
— M. Chambùllc, rédacteur en chef du Siècle et
membre de l'Assemblée nationale, est à coup sûr l'un
des écrivains dont la presse peut le plus justement s'ho-
norer. Il n'a qu'un défaut, défaut d'honnête homme
d'ailleurs : il est crédule.
Où a-t-il vu SU7- quelques points, dans la rue, les
partis tout frémissants? Où a-t-il vu l'ènotion ex-
traordinaire de Paris, le jour de la discussion de la
proposition Râteau, ou plutôt, comment n'd-t-il pas
vu que cette émotion, si elle a existé, n'avait qu'une
cause, le déploiement imprudent, téméraire, coupable
peut-être, des forces, qui ont été jetées dans Paris
sans raisons suffisantes?
Nous soumettons à la bonne foi de M. Chauibolle
cette proposition : — « Si le gouvernement envoyait
demain matin cinquante mille hommes dans la ville de
Pontoise ; s'il y ajoutait soixante canons, croit-il que les
paisibles habitants de cette ville ne se rassembleraient
pas sur les places et dans les rues pour se demander
de quoi il s'agit? » — Ces rassemblements, si légiti-
mes, pourraient-ils justifier un fait dont ils ne seraient
que les conséquences; l'honnête ville de Pontoise serait-
elle pour cela un foyer d'anarchie? M. Chambolle a
pris l'effet pour la cause.
— Si M. Barrot est un honnête honune, s'il a cédé
à une panique quand il a couvert de troupes Paris tout
entier, et retardé ainsi toutes les transactions commer-
ciales, qu'il ait la probité d'en convenir. — Mais qu'il
recule devant l'idée de chercher des coupables et d'en
inventer au besoin, pour expliquer ce qui n'est qu'une
faute encore, ce qui serait un crime, si des innocents
devaient en i>orter la peine.
Ce ipii prouve que le gouvernement était de
bunuc foi quand il a cru à un complot, c'est, disait
une dame amie de madame Léon Faucher, que ma-
dame Faucher a passé la nuit tout entière au ministère
à travailler avec son mari. — Madame Faucher serait-
elle le chef de cabinet de M. le ministre de l'intérieur?
— M. Favreest un ambitieux, disait lundi, dans un
groupe à la salle des Pas-Perdus, un de ses collègues
qu'irritaient les éloges qu'on donnait à l'excellent dis-
cours qu'il venait de prononcer.
« Ambitieux ! lui répondit un autre représentant ;
ce n'est guère croyable : M. Favre a été sous-secrétaire
d'État de l'intérieur ; il a donné sa démission. 11 a été
sous-secrétaire d'État aux affaires étrangères ; il a
donné sa démission au bout de quinze jours. 11 a pu
être ministre, il a refusé; il a pu obtenir dans la ma-
gistrature des positions éminentes, il a voulu rester
simple représentant.
— C'est égal, repartit M. B... , c'est un ambitieux.
— Je savais bien, dit M. T... , qu'il y a beaucoup
de mulets en France ; mais j'ignorais qu'ils eussent
parmi nous un représentant aussi semblable à eux-
mêmes. B
— MM. les représentants ne se sont jamais fait faute
d ,iM r galamment des cartes d'entrée qui sont mises à
leur disposition par la questure. Toutes ces '.cartes ne
sont pas distribuées à des mères de famille; quelques-
unes vont s'égarer avec une certaine régularité entre
les mains de quelques actrices, qui pourraient bien
avvir des droits sur l'Assemblée nationale.
« Pour que M. Marrast se contente de l'excuse que
lui donne M. Changarnier, qu'il n'a pas voulu trou-
bler son sommeil, disait mademoiselle N..., placée
devant nous le jour où cette fameuse explication fut
donnée par le marquis-président, il faut que M. Mar-
rast... n'ait pas couché chez lui ! »
Avis aux représentants : «M. Marrast n'étant
qu'un président de jour, nous leur conseillons de pro-
céder à l'élection d'un président de nuit. »
Nous engageons M. le ministre de l'intérieur à
prendre un rédacteur moins candide pour les faits
communiqués dont il inonde le Moniteur et la Pairie.
Un gouvernement ne parle pas comme le premier
venu; il ne doit pas répondre à tout, comme un en-
fant vaniteux et indocile ; son langage doit être digne,
et surtout laconique. Qui croira, avec l'article com-
muniqué de la Patrie, du 30 de ce mois, que la foule
criait au président de la République : «Vous pouvez
compter sur nous ; courage! nous vous soutiendrons.»
A L'USACR DKS C.mS SIÎFIIKHX.
201
Que le seiiliiiiciit coiiIlmiii dans celle ]iliruse ait été
dans le eœiir de la foule, nous le souhaitons; mais
l'st-ie ainsi, est-ie par des phrases tcut entières que se
traduit l'adliésiiin du peu[)ie dans la rue? Ce qui nous
porterait à croire que l'auteur ingénu de cette note a
été mal informé, c'est iju'il nie(]iron ait crié : Abasle
ministère '.Or, ce cri a été proféré, non accidentellement,
mais sur tous les |)oinls. L'anleur de ces quelques li-
gnes en sait queli|ue chose; il l'a crié pour sa part
avec un grand nombre de gardes nationaux de sa lé-
gion, ainsi que celui de vive le président I vive la Ré-
publique ! "
lùicoie un peu, et la l'atrii; de M. Delainarie et de
M. Faucher nous racontera que la foule a crié vive
Faucher! vive le ministère!
— Vive le ministère! Kntre nous, c'est un cri qui
n'a encore enroué personne en France.
— Nous signalons à l'iiidignalion dts honnêtes gens
de tous les partis un article de la Gazette des Tribu-
naux, reproduit imprudemment par plusieurs jour-
naux. Quel est l'auteur de cet article? Est-ce M. Baro-
che? est-ce M. Faucher? est-ce un juge d'instruction
inliJc'le, ou tout au moins indiscret?
Si cet article émane du gouvernement, pourquoi cette
forme dubitative? C'est trop|ou trop peu : ces pièces
que vous citez, et qui ne prouvent rien, si ce n'est ce
([ue chacun sait, c'est qu'il y a des partis en France qui
rêvent des folies : elles existent ou n'existent pas. Ce
n'est pas sur des on dit que les textes que vous donnez
vous sont venus; c'est une main qui veus les a livrés.
Quelle est cette main? Quelle qu'elle soit, elle est cou-
pable si ce n'est pas la vôtre ; si c'est la votre, pour-
quoi se cache-t-elle?
Le gouvernement est engngé , dites-vous; il ne
peut pas reculer : il faut à M. Léon Faucher des cou-
pables, sinon il est déshonoré.
C'est précisément cette alternative qui nous effraie ;
elle nous effraie et pour le |)rincipe d'autorité que nous
voudrions respecter, et pour les malheureux qui |)ayenl
cher imc démonstration absurde qu'on voudra justifier
à tout prix. — Ainsi on assure que M. Forestier est
rclikhé. Si cela est, comment appelez-vous l'acte de
folie qui l'a fait arrêter?
La prévention, vous .l'admirez! Si on vous l'avait
appliquée, si on l'appliquait à tout ce qui rêve des révo-
lutions, où seriez-vons, MM.Thiers, Herryer et autres?
— On lit dans tous les journaux :
« Hier, à trois heures, les portraits du duc et de la
duchesse de Bordeaux ont été saisis et enlevés du do-
j micile de M. Pérignon, peintre d'histoire.»
11 est heureux que la lievue comique, en copiant
j avec fidélité les deux portraits incriminés, ait laissé
I nue ressource àla dévotion de messieurs les légitimistes.
1 Les hureaux de la lievue comique sont ouverts. La
procession commencera quand on voudra. 11 faudrait
; n'avoir pas six sous dans ses poches pour se refuser lasa-
lisrartion de voir et d'emporter l'image de nos proscrits.
— Si le général Chaiigarnier est un militaire sé-
rieuï, et nous n'avons aucune raison d'en douter
quelle ne doit pas être sa confusion devant les éloges
qui sont donnés par MM. Véron et Mcrruault à ce qu'ils
appellent son admirable stratégie préventive. — Des
lauriers préventifs! Voilà ce qu'invente le Constitu-
tionnel pour le général de son choix. — C'est sans
doute dans le laboratoire du pharmacien Véron que
M. Merruault, son premier commis, a découvert cette
plante nouvelle.
Conclusion de la
Ce ministre du lendemain,
Des préfets réfornianl les lisle?,
Srme des af;enls royalistes
Sur notre sol répul)li('ain.
Mais, n'importe! point de murmure
Jusqu'au bout laissons-le marclier.
Lorsque la moisson sera mûre
Nous recollerons sans/anWicr.
Desainé par Fabritzii;».
Gravé par Baulant.
■', iwiur.i VAnn nns itaiikns.
ilO «•ciiniiicH la livriiiNon.
R\ r. niciiF.iiP.i', 'li.
PÏJjlîiJ}^^
nditions «le la Sonscrlplion. — Lfi Revde comique formera un magnifique volume, gr^ind in-8, publié en SO livraisons à 50 centimes,
parla poste, -40 cent. On souscrit pour 10 livraisons. Pour les départements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
Hevi E. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire {franco) à M. LinEux, au bureau de la Revue, 2, boulevard des Italiens.
DUMINEnAT. EDITEUR, KDE RICHELIEU, 52.
i l"" Livraison.
AVIS AIX JOrit^AlX »K PAIIIS ET UC« DËPARTEnEÎV'l'S.
Nous aiilorisons la reproduction des articles contenus dans la /tevue comique, à la coiuliliuii :
I" De citer la fievue en lui empruntant ses articles;
2" De limiter, par chaque semaine, la rcprodiiclion au tiers des matières contenues diuis clia(|ut' numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE XiA REVUE COMIQUE
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décom|)léter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans robligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De cette façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix giavures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverlnre, formant la dernièie et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA QUATORZIÈME LIVRAISON.
» TEXTE,
La Semaine. — Violelles parlementaires; Esquisses non Politiques; première Violclle, M. Huré. — Deux grands Matamores
— L'Assemblée et le Président. — La Poule aux Œufs d'Or. — Une Visite à Bourges. — Les Patrouilles avec Canon. —
Lettre d'un Toleur à M. de Heckeren. — Choses Quelconques.
DESSINS.
Deisinaleurs. Grateurj.
Ne réveillez pas le chat qui dort Bertall. Midderigb.
Les budgets, système monarchique Bertall. Jaliot.
Les budgets, système républicain Bertall. Boudeville.
Un mauvais bulletin Fabritzius. Baulaot.
Amende honorable Fabritzius. Boulant.
Monument à Oiilon Barrot Fabr.tiius. Biiula:.!.
Des-sinateurs. Graveurs.
L'œil du rnavichal Bugi-aud Fabritzius. Gauchard.
Le premier club à dissoudre Nadard. Baulant.
Pharmacie conslttuiionnellc Nadard. Moniigneul.
Avis officiel Bertall. Midderigh.
Dunin Fabritzius. Eaulant.
POUR PARAITBE DANS LES PHOCBAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
hypocrysies — passe-passe — perfidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SUITE DE CAHICAICRES PAR >ADARD.
Pirii.— Tirée tut pretMS raécaniquei de LicniMPE Tila cl Comp., me Damielte, i.
LA SEMAINE.
Enfin, le bal de l'hôtel de ville a pu avoir lieu ; cette
fois, le roulement des tambours n'a point fait contre-
mander les toilettes. M. Léon Faucher n'a point
éprouvé le besoin de sauver la patrie, et Paris, enfin,
rassuré et confiant d'ailleurs dans la vigilance du mi-
nistre de l'intérieur, a pu se livrer à tous les plaisirs
de la danse aux sons joyeux de l'orchestre municipal.
M. Léon Faucher ne sait point quelles colères il a
amassées sur sa tète par son rappel intempestif. Ne
pouvait-il, disent partout les femmes du monde, sau-
ver la patrie un jour plus tard, et nous laisser danser?
Les bals ne sont pas déjà si nombreux aujourd'hui
qu'on doive nous en priver sur le premier prétexte
venu ; mais M. Léon Faucher est disposé à braver tou-
tes les impopularités, même celle du beau sexe. Le ga-
lant et pommadé Changarnier, son partner dans la
partie jouée lundi dernier, n'en prendra pas peut-être
si aisément son parti. 11 est si dur d'être haï des belles
quand on exhale de si suaves parfums et qu'on porte
une si belle aigrette de paon à son chapeau !
On a remarqué cependant l'absence du ministre de
l'intérieur au bal de M. Berger. JL Léon Faucher au-
rait-il redouté les reproches des polkeuses? aurait-il
craint qu'elles ne lui fissent expier, par une valse
poussée jusqu'à la mort, sa conduite plus politique que
galante? Aurait-il reculé devant la vengeance desWillis
de la finance, du barreau, du notariat et de la ban-
que? Si M. Léon Faucher faiblit, sur quoi reposera
désormais le salut de la société?
Les dames parisiennes attendent avec impatience
que le président de la République donne le bal qu'il
a juré. Outre l'abolition de l'impôt des 45 centimes,
l'anmistie, la diminution de l'armée, etc., etc., les
partisans du citoyen Bonaparte, comprenant toute
l'importance de l'appui du beau sexe, ont promis for-
mellement qu'il inaugurerait sa présidence par un ma-
gnifique bal. Or, jusqu'à ce jour, aucune invitation n'a
paru avec la bienheureuse formule : On dansera ; et le
président se contente de donner des dîners.
Or, puisqu'il en donne, il est forcé d'en recevoir, et
jusqu'à présent notre président ne s'est guère montré
qu'à table. On dit qu'il y fonctionne très-bien, et les
gastronomes se montrent en général satisfaits de lui.
Quoique l'Empereurmangeàt très-sobrement, l'Empire
fut l'âge d'or de la gastronomie, elles vieilles gloires de
cette branche de l'art proclament avec une noble fierté
que de ce côté du moins le neveu n'a point hérité des
défauts de l'oncle. C'est consolant pour l'avenir de la
cuisine française.
On raconte que le président de r.\ssemblée nationale
ayant invité à dîner le président de la République, ce
dernier n'a pas cru devoir accepter l'invitation C'est
un outrage fait à la dignité de l'Assemblée, disent quel-
ques personnes, et elle ne devrait pas tolérer le mépris
que l'on fait de ses fourneaux. Hélas! les représentants
tolèrent des choses bien plus graves, et ils auraient
bien tort de se lâcher pour un dîner refusé. D'ailleurs,
si l'on en croit les on dit, le président se serait excusé
sans façon sur ce qu'il avait été saisi d'un dérange-
ment subit.
Un incident qui pouvait avoir les suites les plus ter-
ribles a assombri un instant le dernier dîner donné par
204
REVUE COMIQUE
M. Banot, auquel assistaient le président de l'Assem-
blée nationale et le président de la Képuhiique ; la maî-
tresse de la maison jugeant avec raison que la place
d'honneur appartient à ces hauts dignitaires, les met
un à sa gauche, l'autre à sa droite. Aussitôt que ce
placement ofliciel est connu, on entend l'ambassadeur
d'Kspagne qui murmure au milieu d'un groupe de
diplomates.
— Que la droite à coté de la mailresse de la maison
appartienne au chef de TKtat, au Pouvoir exécutif, je
l'admets volouliers ; mais je ne saurais céder le pas au
Pouvoir législatif, l'étiquette du royaume s'y oppose.
— Mais il n'y a plus de royaume.
— Je représente une puissance alliée dos Bourbons.
— Il n'y a plus de Bourbons.
— l.e pacte de famille m'assure la gauche.
— Il n'y a plus de pacte de famille.
— Louis XIV l'a réglé ainsi.
— Louis XIV est mort.
Après bien des pourparlers, et grâce à la médiation
officieuse de l'Angleterre, l'Espagne a enliu consenti
à s'asseoir à côté du pouvoir législatif, mais pendant
tout le repas l'ambassadeur n'a cessé de gémir.
— Hélas, disait-il à M. Marrast, quand ma souve-
raine va apprendre que j'ai violé le pacle de fariiille,
je serai destitué.
— Rassurez-vous, lui a répondu M. Marrast, la
reine d'Espagne a bien autre chose dans la tète que le
pacte de famille.
— Narvaëz m'enverra aux présides.
— Nous ne le souffrirons pas.
— Et s'il demande mon e.xtradition'?
— Elle ne lui sera point accordée.
Prenez garde qu'il ne vous déclare la guerre.
— Laissez donc, il a trop à faire à réprimer les li-
béraux e-pagnols. D'ailleurs , notre armée n'est-elle
pas là";
L'ambassadeur, grâce à la fermeté de ce langage, a
Uni par se calmer. Ou assure qu'il était entièrement
rassuré au dessert; cependant il n'attend pas sans une
certaine impatience la prochaine dépêche de Narvaèz.
Si la guerre universelle allait s'allumer à la suite d'un
diner de M. OdilonBarrot?
Mais toutes ces querelles diploinalico gastrunouu-
ques me fout oublier un plus grave événement. Voici
le citoyen Murât, cx-dauphin des Deux Siciles, qui de-
mande à intenter une action à l'État en restitution de
biens appartenant à son père. Il s'agit tout siuiplemeiit
d'une douzaine de millions, ce qui, dans ces temps de
crise, ne Lisse pas de faire une somme assez ronde.
Vous pensiz peut-être que le citoyen .Minat s'est
adressé aux ti ibuiiaux mdinaires. Le tribunal de pre-
mière instance Cit bon pour les croquants, les prin-
cus du sang royal ont le privilège de convertir l'As-
semblée en chambre de droit civil. C'est à elle (|iie le
dauphin Mural a remis la connaissance de sou procès.
L'Assemblée nationale a trop le respect d'elle-même
et de ceux qui l'ont^nommée pour ne'passe déclarer in-
compétente; mais comment trouvez- vous ce fils qui
vient, à propos d'une question d'argent, réveiller les sou-
venirs désastreux de la conduite de son père lors de la
chute de l'Empire! La France ne demandait pas
mieux que d'oublier les erreurs d'un des lieutenants
de l'Empereur. Ce n'est pas sa faute si on les lui rap-
pelle. L'opinion publique a jugé la réclamation de
M. Lucien Murât avant l'Assemblée nationale, avant
les tribunaux. Ce n'est pas en comptant des écus que
vous empêcherez d'entendre le bruit des coups de
canon que votre père a tirés contre l'armée française.
Douze millions! ce serait une compensation suffi-
sante à l'échec que M. Murât a subi pour le grade de
colone'l de la première légion. Ce n'est point faute de
bon vouloir cependant de la part des électeurs; mais,
au premier appel fait à son éloquence, le candidat n'a
su que balbutier des phrases entrecoupées dans le genre
de celles-ci : « Je n'ai rien fait... j'arrive de l'exil... je
me conformerai à la tradition de ma famille...» Voilà
donc la famille Murât qui a, elle aussi, une tradition.
Nous sommes plus indulgents que vous, citoyen Mu-
rat, pour le passé de votre famille, et nous voulons
croire qu'en demandant de l'argent à la France en un
pareil moment, vous n'obéissez point à la tradition pa-
ternelle.
Nous avons à signaler au monde l'appparition de
M. Râteau à la tribune de l'Assemblée nationale.
Quelques personnes paraissaient douter de son exis-
tence ; il l'a constatée par une mort éclalaule : M. Ba-
teau s'est fait sauter la cervelle avec un amendement
emprunté à M. Lanjuinais; il est descendu dans la
tombe, enveloppé de sa proposition. L'Assemblée na-
tionale semble vouloir imiter M. Bateau ; elle se sui-
cide à petits coups de démentis : républicaine au scru-
tin secret, royaliste au scrutin de division, elle ne fait
plus que donner à la France le triste spectacle de ses
incertitudes, et perdre chaque jour un peu plus de
terrain. Elle aurait pu pourtant, si elle l'eût voulu,
rester maîtresse de la position. Qui l'eût pensé, que le
suffrage universel aurait pour fanatiques ceux-là mê-
mes qui reculaient devant l'adjonction des capacités?
Bira bien qui rira le dernier.
Bien de nouveau en littérature : au théâtre nous
avons eu un vaudeville charmant de M. Bnzier, lu
Pension ulimenlcdre, et un vaudeville détestable de
M. Bajard, le lierijer de Saudijiii/.
A propos, vous savez que la déiuis.siuii de -M. Llier-
minierestdélinitivement acceptée. Le prufesseur nous
quitte, et transporte son enseignement en Suisse. Bon
voyage au libre penseur.
.NE REVEILLEZ TAS LE CHAI QUI DORT.
Dessiné par BtHTALL
Gravé par MlDDERlGH.
206
REVUE COMIQUE
VIOLETTES PARLEMENTAIRES.
ESQUISSES NON POLITIOUES.
rnEMlKUE VIOLETTE : M. IIURK.
Tous les biographes, tons les journalistes, tous les
chroniqueurs, les dessinateurs à la plume et au crayon
n'ont jamais manqué d'offrir au public les portraits
plus ou moins flattés des hommes célèbres. On ne
cesse de répéter que M. de Lamartine est un grand
orateur, on donne la mesure exacte de sa taille, on dit
la couleur de ses cheveux, la coupe de son habit ; il a
des guêtres jaunes et un nez à tabac; on refait dix fois
le même portrait l'un copiant l'autre. M. Crémieux
est un nègre imparfait, c'est connu; M. Hugo est une
cathédrale ; qui l'ignore? M. Jules Favre a des lunettes
vertes, c'est un fait acquis à l'histoire; M. Murât res-
semble à M. Caussidière, M. Caussidière ressemble à
M. Murât, M. Léon Faucher ressemble à un tire-
bouchon, le petit Bérard à un Auvergnat, le joli Fres-
neau à un éperlan frit, chacun sait ça. Mais ce que le
public ne connaît pas, et ce qu'il veut absolument con-
naître, c'est Bourhousson, c'est Vignerte, c'est Gasionde,
c'est vous encore, sémillant Dupont, truffe inodore du
beau pays de la Dordogne, c'est toi aussi, Cbarentais
ignoré, doux et politique Babaud-Laribière, et Ollivier,
qui s'appelle Oémosthènes, et Saint-Albin, qui se nomme
Hortensias, et celui-ci et celui-là , modestes violettes
oubliées dans le parterre des amendements et dans les
plates-bandes des propositions rejetées; Avond, Ma-
thieu, Choque, Callet, Barbançon , Bodet, Lasleyras,
Vezin et Mispoulet.
Oui, le temps est venu d'aller au bois; déjà la na-
ture se réveille, le soleil brille et eflleure de ses rayons
les vitraux législatifs; la serre-chaude parlementaire
resplendit d'un éclat printannier; le tournesol Barrot
se balance sur sa tige majestueuse, la Pivoine Rhuil-
lièrcs sourit au lys Falloux et au réséda Changarnicr,
mollement caressés par la brise présidentielle; il n'est
pas jusqu'au pissenlit Faucher qui ne charme les re-
gards. Allez, allez, ô jeunes iilles ! cueillir desbluets
dans les blés.
Nous allons donc cueillir aujourd'hui, avec le plus
de précaution possible et de manière à ne pas froisser
cette fleur tendre et mélancolique, la violette Huré.
Fleur et simple et modeste, tu as longtems brillé
sur les bords fabuleux de la Scarpe, aux ondes poisson-
neuses. Douai t'a vue. Douai t'a respirée. Douai t'a
chantée, te veniente die, te descendente canebat. Huré
était l'aigle de tous les barreaux du Nord, depuis le
barreau de Lillejusqu'à celui d'Aïuienscxcliisivement.
Il avait obtenu des succès foudroyants à Valenciennes ;
Arras citait ses prosopopées ; Cambrai l'estimait pour
la hardiesse de ses tropes ; sa phrase à quatre membres
avait séduit Dunkerque, et llazebrouk avait frappé en
son honneur une médaille, sur laquelle on lisait cette
inscription flatteuse : Berryero departemerifi, Au Ber-
RVEU DU nÉPARTEMEiNT. Si l'ou nous demande comment
l'aigle douaisien s'est transformé tout à coup en mo-
deste violette parisienne, nous dirons que c'est par un
de ces effets, hélas ! trop ordinaires, de la métempsycose
politique.
Huré est un homme de mœurs douces et simples; sa
redingote noisette atteste l'aménité de son caractère;
il a un chapeau douteux, des lunettes d'or, une parole
facile et un gilet trop court; ce gilet intelligent fait
des efforts désespérés pour rejoindre un pantalon fugi-
tif; mais hélas! comme Léandre, il expire avant de
toucher au rivage.
Soumisà ce régim..leBt-r,CETMsDÉfENSEScourt inutilement après IcBcDCET DES KECETTES,neBttouiour.distancé. Sur Fa rout.,^^
Tmpn.nJ,deTt.. flottantes, a.nort,..en,ents qu'.l rencontre ; n>ais cet ordina.re engendre le Déiicit et le conduit rap.dement a la Banqueroute.
A L'IISACi; I)i;s GENS SIÎRIEUX.
207
Ilurd sidge h gaiiclie à lu première place de la Iroi-
sièine iiaiiqnette de la première travée ; il enire dans la
salle à riuMire juste où lasiîaiice s'ouvre ; il fuit uii pe-
tit tour dans le couloir central avec la satisfaction inté-
rieure d'un homme qui a déjeuné à 52 sous , dit quel-
ques mots à ses deux com|)atriotes Mouton et Tarez,
monte ensuite lentement les gradins, donne une poi-
gnée de main en passant à son ami Conie, et s'asseoit
tranquillement à sa place.
Une fois installé dans sa stalle, Iluré, en speetxleiir
qui sait vivre, ne trouble en rien la représentation.
L'acteur, je voulais dire l'orateur, n'a pas d'auditeur
plus attentif. Il ne se montre pas à toutes les issues
couin)e M. Emmanuel Arago, qui depuis... mais alors
il siégeait au sommet de la Montagne ; il ne voltige
pas de violette en violette, ainsi que ce papillon de Dur-
neu; il ne lorgne pas insolemment les tribunes comme
M. Napoléon Bonaparte, qui ressemble de face à son
oncle et de profil à Polichinelle; il ne gesticule jias
comme M. Tliiers ; il ne dort pas comme M. Quinet;
il n'interpelle pas continuellement le président comme
MM. Denjoy et Taschereaii; il ne dit pas très-bien
comme M. Baze, ni très-mal comme M. Buvignier ;
il ne fait pas de carricatures comme MM. de Luynes,
Ferdinand Lasteyrie , Eugène Raspail , fournisseurs
extraordinaires de la Berne comique, des calembourgs
comme M. Dupin, et des fautes de français comme
M. Fresneau ; il ne se peigne pas continuellement la barbe
comme M. Heckeren ; non : Huré est incrusté dans sa
stalle; il fait partie intégrante de sa banquette, et il
serait à la Chambre comme s'il n'existait pas, s'il n'a-
vait pas été séduit par la futile ambition de continuer
sur les bancs de l'Assemblée nationale les traditions
parlementaires de M. Villemain.
On sait que l'ex-noble pair était légèrement bossu ;
il avait en conséquence des bras démesurément longs
qui traînaient jusqu'à terre quand il était assis : pour
occuper ses loisirs et ses mains, M. Villemain jouait
continuellement avec ses souliers ; son plus grand
bonheur consistait à glisser ses doigts, pouce, in-
dex, médius, annulaire et auriculaire, entre ses bas
et le cuir de sa chaussure. I^ouis-Philippc lui disait
souvent au conseil des ministres : Mon cher Villemain,
vous feriez mieux d'acheter un polichinelle ou de
juendre du tabac comme Lacave-Laplagne. M. Vatout,
ce gros esprit de la cour citoyenne, ne tarissait pas en
bons mots sur ce laisser-aller du ministre de l'instruc-
tion publique ; Cuvillier-Fleury s'en indignait ; Trognon
le citait à son élève comme un modèle à éviter ; Huré a
emprunté à l'ancien pair de France cette innocente oc-
cupation législative; il tient invariablement sa jambe
gauche sur sa jambe droite, et, pendant tout le temps
que dure la séance, ses mains folâtrent avec sa chaus-
sure.
Mais quatre heures sonnent, Huré quitte son banc
Où va Huré? Pourquoi cette fugue à heure fixe? Va-t-il
se promener dans les couloirs pour deviser turfel sport,
avec l'intrépide ridder M. de Laussat? Tramc-t-il une
conspiration contre le ministère? Recueille-t-il les bons
mots de M. Thiers? Non, Huré se rend tout simplement
au café Janniot, ce divan représentatif. Huré, altéré par
les nombreux discours qu'il a religieusement écoutés,
va boire une choppe de bierre. Quand il le voit entrer,
le garçon s'empresse de lui bourrer une pipe. Là, Huré
rencontre ordinairement M. Lagrange, M. Mathieu (de
la Drôme), M. Toussaint-Bravard, et un domino à
quatre vient alors agréablement tempérer les fatigues
d'une discussion trop prolontrée.
Huré est monté une fois à la tribune, c'était dans la
discussion relative au projet de Constitution le pré
texte de cette audacieuse tentative était la présentation
d'un amendement; le motif réel était celui-ci • Huré
avait chaud et soif, il voulait tout simplement boire un
verre d'eau sucrée.
^"'ItT" '' " ?'""•" " y^^^ '"' '"""" '""' '"' =" '''"'" "" ^""^'^^^ "=' '>" -'"W""'e les ^vres inufles. Celui-ci, privé des
emprunts, pr.mes et autres .,.,.eUs .nsa.ubres, perdra bie»,6t .00 .,.lo.,oiot gé»,»,. et n>a,che,a d-scco,d.vec le Budget des He««èl
DEUX GRANDS
La France n'est pns encore revenue de son ad-
miration pour la grande victoire de M. Changarnier
sur l'hydre de l'anarcliie, et les gens du métier ren-
dent les armes à son nouveau système de guerre, ce
sjstème préventif et d'éparpillement qui fera l'éton-
nement des Césars futurs. Le système répressif était
bien décidément l'enfance de l'art, un système rococo
et digne du moyen âge; en efîet, n'était-il pas pro-
fondément ridicule d'attendre qu'il y eut une émeute
et des émeutiers pour les réprimer? Avec le système
préventif, c'est bien différent : avant que l'émeute et
les émeutiers non-seulement soient ués, mais aient
son^é à naître, nous descendons dans la rue avec cent
mille hommes ; nous battons partout le rappel, nous
promenons partout nos canons, nous mettons partout,
à chaque maison, à chaque porte un ou deux soldats,
et nous attendons fièrement ! Puis, quand les habitants
clonnés mettent le nez à la fenêtre et demandent le
pourquoi de tout ce tapage : « Voyez les scélérats, dit
e "encrai de l'armée préventive; ils sont déjoués! ils
MATAMORES.
n'osent accepter le combat'. La victoire est à nous.
Rentrons ! Soldats, je suis content de vous : vous vous
êtes couverts de gloire sur toute la ligne... des boule-
vards! » Vive le système préventif! Enfoncé Cavai-
gnac et les journées de juin !
Le succès de M. Changarnier a été tel que le maré-
chal Bugoaud en crève, dit-on, d'envie; aussi a-t-il
fait aux braves Berrichons un speech périgourdin qui
vaut son picotin d'avoine. Que les Parisiens se le tien-
nent pour dit : avec les Arabes, le vainqueur d'Isly
pouvait garder quelques ménagements, mais avec les
républicains, point de pitié, point de quartier! Il pro-
voque les départements à la guerre contre la capitale!
Raillerie à part, il n'est pas d'exemple, dans les plus
mauvais jours de notre révolution, d'un langage aussi
hideux, aussi brutal, aussi sauvage! Radelski, Jella-
chich , VVindischgraetz sont dépassés ! Est-ce que les
lauriers de ces bombardeurs empêchent M. Bugeaud
de dormir? Et voilà les gens qui sont à la tête du parti
modéré !
L'ASSEMBLÉE ET LE PRÉSIDENT.
L' .assemblée nationale fait décidément la coquette;
tantôt elle dit non, tautot elle dit oui; hier elle faisait
fi de M. Barrot, aujourd'hui elle l'accable de sa ten-
dresse; samedi dernier elle lui jetait sur les épaules la
plus grave des accusations, et lundi, contente de la
leçon, de la peur qu'elle lui a faite, elle lui promet gé -
néreusement son concours. Ces voles si différents, celle
mobilité d'opinions, ce passage subit de la colère à la
confiance, doivent dérouler bien des combinaisons,
bien des calculs; ce n'est pas, à coup sur, de la pub-
lique ferme et constante; mais cela prouve au moins,
contre le dire des royalistes, que r.\ssemblée n'est
point systématiquement hostile au ministère et qu'elle
ne veut que la conciliation. Nous verrons comment se-
ront reçues ses avances; mais nous gagerions qu'elles
n'éprouveront que de la répulsion; l'ingralitiule est la
verlu presque unique que la France a prati(iuée depuis
qu'elle est en République.
A i;iISAGE DRS GKNS SI^RirUX.
200
I.cs explications et les excuses du ministère, soit sur
rarri'stalion dti colonel île la (>• légion, soit sur le linl-
letindu ministère de l'intérieur, soit sur les ci>in|ilols<les
chibs, ont paru bien cliétives et bien inesi|iiiiies ; tuais
ce qui ne l'est pis, ce sont les doctrines que M. Barrola
eu l'audace de metlie en avant sur le pouvoir du pré-
sident,et qui révèlentles arrières-pensées de la réaction.
Vous souvient-il de ces discussions niéla|)livsiques
de la Chambre des dé[)ntés sur la transparence ou la
non-transparence de la royauté, sur le ministère qui
couvrait ou ne couvrait pas suCfisanimeut la couronne;
de ces théories si alambitiuées, si peu compréhensibles
sur le roi qui règne et ne
gouverne pas? On se se-
rait cru à celte belle épo-
que du Bas-Empire où
l'on se battait pour savoir
si la lumière du Mont-
Thabor était créée ou in-
créée. ISos grands hom-
mes d'aujourd'hui, MM.
Barrol , Thiers , etc. ,
étaient passés maîtres en
ces théories à l'aide des-
quelles se jouaient de si
bons tours. Eh bien! on
nous ramène à cela ; que
dis-je?à mieux que cela.
Vous aviez cru faire une
république pour en finir
avec cette autorité d'un
homme contrariant, an-
nulant la volonté de la na-
tion, avec cette confusion
de pouvoir exécutif ayant
part au pouvoir législatif,
aveccet antagonisme in-
terminable de la repré-
sentation nationale et du
premier commis de la na-
tion ; et pour cela, vous
aviez fait \ine chambre
unique qui formule les
volontésdu peuple, et un
président qui les exécute.
MONUMENT EN L HONNEUR Dt" CR.'
La souscription e t ouverte dans les bure
une Assemblée qui est la tête, un premier fonction-
naire qui est le bras; aussi aviez -vous rendu ce ci-
toyen responsable, responsable devant l'Assemblée qui
est l'expression permanente de la volonté nationale.
Tout cela était une erreur: les docteurs de Louis-Phi-
lippe, les théoriciens politiques de l'autre Chambre,
les malins de la monarchie constitutionnelle, ont dé-
couvert que le président est le véritable représentant
de la nation ; que son pouvoir ayant même origine que
celui de l'Assemblée est supérieure celui des députés
du peuple, et que dans le cas de conQit entre eux et
lui, ce Sont les ili'>puli''s qui doivent céder. Kn vérité, on
pouvait concevoir que Charles X et I.ouis-l'hili|)pc se
soient égarés dans de telles prétentions; au moins avaient-
ils une idée politi(|ue, un système de gouvernement, une
théorie, fausse ou vraie , sur la nature et l'étendue de
leur j)Ouvoir ! Cela méritait (|uel()ue considération, était
dignedc quelque controverse. Maisde la partde .M. Louis
Bonaparte ! les cinq à six millions de voix du 10 décem-
iire lui ont donc tourné la tète? F^st-ce que personne ne
les lui a décomposées, ne lui en a estimé la valeur?
Je ne serais pas étonné que M. Bonaparte, qui doit
tout h son oncle, et qui, ainsi que M. de Cirardin nous
l'a révélé, va chercher
près de son tombeau des
inspirations politiques,
n'eût conçu des idées si
étranges sur la nature de
son pouvoir éphémère
dans l'histoire de Napo-
léon. Endécembre 1813,
le corps législatif, sortant
de son mutisme de dix
ans, s'avisa d'adresser de
très-humbles remontran-
ces à l'Empereur sur la
guerre, de très-humbles
supplicationssur le main-
lien des droits politiques
de la France. On sait la
sortie furibonde que fit
Na[ioléonàcetle réclama-
tion courageuse, mais
intempestive : « Au nom
de qui parlez-vous, dit-
il. C'est moi qui suis le
seul, le vrai représen-
tant du peuple ; quatre
fois j'ai eu le vote de
cinq millions de citoyens.
M'aftaquer , c'est atta-
quer la nation ! » Et il
lit fermer le corps légis-
latif.
Je ne serais pas étonné,
dis- je, que M. Bona-
parte, dans son intimité, à l'ombre du grand sabre de
M.' Changarnier, n'eût répété ces paroles, dont cer-
taine allocution de M. Bariot à r.\ssemblée a semblé
la paraphrase tant soit peu déteinte. Mais M. Thiers,
qui écrit l'histoire de l'Empire, devrait bien dire à son
illustre protégé que, lorsque Napoléon prononçait ces
malheureuses paroles, il venait de gagner les batailles
de Dresde et de Hanau et s'apprêtait à faire son im-
mortelle campagne de France. Et cependant, il les
expia cruellement, car, à trois mois de là, ce même
corps législatif prononçait sa déchéance.
SD or>lLON BABROT.
ux de la Reçue comi'
210
REVUE COMIQUE
LA POULE AUX ŒUFS D'OH.
— Ilélas! Iiélas!
— Qu'y ii-t-il? do quoi gémissez-vous?
— Comment vous dire ce qui arrive à M. de Co-
noude?
— Dites toujours; de la part de M. de Geuoude rien
ne urétoniie. Aurait-il inventé, par hasard, la messe à
deux degrés ?
— 1! a fait bien pis : il s'est figuré qu'on l'avait mé-
tamorpliosé en poule.
— Ah bah !
— Et qu'étant changé en poule, il allait pondre un
œuf.
— Un œuf, juste ciel !
— Un œuf, et, qui plus est, uvi œuf d'or. Il se croit
devenu la poule aux œufs d'or.
— Mais qu'en dit le docteur Blanche?
— Que voulez-vous qu'il en dise? il est consterné.
— 11 y a de quoi. At-il ordonné des douches?
— I.e malade refuse d'en prendre. « Jamais, dit-il, on
n'a donné des douches à une poule ; les douches m'em-
pêcheraient de pondre, et si je ne pondais pas, que de-
viendrait la France, puisque je vais pondre un œuf
d'or et que dans cet œuf seront renfermées la richesse
et la prospérité du pays? »
— O douleur! voir ce grand homme dans un si
triste étal! Mais ètes-vous bien sûr de ce que vous
dites?
— Parbleu! lisez plutôt la Gazette, vous n'y trou-
verez que des dissertations sur l'œuf d'or qui sera pro-
chainement pondu par son rédacteur en chef.
— Voilà, monsieur, qui prouve bien le néant de
l'homme. Le grand Pascal voyait toujours un gouffre
béant à ses pieds, et M. de Genoude, le plus grand
génie sans contredit qui ait paru après Pascal, se croit
changé en poule. Ce que c'est que de nous! Mais conti-
nuez de me donner sur cette manie bizarre des détails
qui m'intéressent, tout en me navrant le cœur.
— Que vous dirai-je! Depuis qu'il se croit poule,
M. de Genoude ne veut plus se coucher, et passe les
nuits debout sur une chaise, sous prétexte que les
poules perchent et ne se couchent pas. On a même été
obligé, pour flatter sa manie, de garnir son apparte-
ment de bari'caux pour lui donnei' Pair d'un pou-
lailler. l)è^ que le jour paraît, il pousse d'une voix forte
deux ou trois coquerico! et s'élance en agitant ses bras
comme des ailes, dans sa basse-cour où se trouvent
d'autres poules. Il se mêle à leur troupe, gratte la terre,
se tapit au soleil et cherche à imiter tous les mouve-
ments de ses prétendues compagnes.
— Continuez; vous me faites riie et pleurera la
fois.
— Hélas! les larmes duivent remporter sur le rire.
Quand la cuisinière arrive pour donner il manger aux
poules, M. de Genoude leur dispute les grains de millet qui
tombent à terre, et ce n'est qu'au moyen de mille ruses
que ses amis parviennent de temps en temps à lui faire
manger un heefsleack. Ensuite il dit : « Bon ! je crois que
l'instant arrive de pondre mon œuf d'or,» et il va s'asr
seoir en criant coquerico ! dans une grande corbeille pré-
parée à cet effet. Sa seule préoccupation, c'est qu'on
ne veuille l'inunoler pour lui tirer d'un coup du ventre
tons les œufs qui s'y trouvent renfermés. Celte crainte
lui a fait prendre la cuisinière en horreur, et, dès
qu'il la voit, il s'élance pour lui donner des coups
de bec.
— Pauvi-e femme! je suis sûr qu'elle est profondé-
ment affligée de l'état de son maître.
— Elle en pleure toute la journée ; elle en a les yeux
rouges: la malheureuse fait pitié! Mais ce n'est pas
tout. Témoin des efforts que faisait son maître pour
pondre son œuf d'or, elle a eu l'imprudence de mettre
en cachette un œuf de poule dans la corbeille, pensant
que M. de Genoude croirait l'avoir jjondu, et guérirait
ainsi de sa manie.
■ — La ruse était bonne.
— Au contraire : M. de Genoude a cru, à la vérité,
avoir pondu l'œuf; mais, changeant de marotte, il
s'est mis aussitôt en tète de le couvei'.
— Juste ciel !
— Depuis quelques jours, on le voyait tourner et
gratter autour de sa corbeille d'un air languissant,
comme font les véritables poules quand l'époque de
l'incubation approche : les alarmes que donnaient ces
symptômes n'ont été que trop justifiées, hélas! par un
article de la Gazette d'hier, où M. de Genoude annon-
çait à la France que le moment était venu de cou-
ver l'œuf d'or. « L'incubation ne sera pas longue » ,
ajoutait M. de Genoude.
— Et vous pensez qu'il finira par s'asseoir dans la
corbeille sur l'œuf qu'y a jilacé la cuisinière?
— Je le crains.
— Mais que s'attend-il à faire éclore de son œuf?
— Il compte en voir sortir Henri V. Ce qui est po-
sitif, c'est que l'ceuf va être juliment écrasé. Quelle
omelette !
— Ne m'en parlez pas. Mais, après tout, un œuf
n'est qu'un œuf; et quand M. de Genoude couverait
celui-là, ce ne serait pas un fait sans exemple. On ra-
conte qu'un naturaliste, tombé entre les mains des
sauvages d'Afrique, fut contraint de couver un œuf
d'autruche, et il ne s'en porta pas plus mal. Peut-être
l'état de M. de Genoude n'esl-il pas tout à fait dé-
sespéré. Les poules elles-mêmes guérissent de leurs
maladies, avec le temps; M. de Genoude peut donc
guérir aussi, lui qui n'est poule que dans son ima-
gination.
A i,i'sA(.r, in;s c.KNs sfjuixx.
ÎH
M. mT.F.Arr» faisant (onnmssanci: avec la ville nr; Rornr.rs.
La Conslilulion a eu le lurl de ne pas inéciser la
position que doit occuper le maréchal Itugeaud eous la
République. F.sl-il roi, empereur, pape, généralissime?
On iillMid pour savoir de quelle façon il convient de lui
rendre hommage.
Des personnes bien inf<irmées assurent que .M. lîu-
geaud est seulement commandant de l'armée des .Mpes, !
et que le quartier- général est à Lyon. Alors comment ■
se fait-il qu'on le trouve à Botn-ges se livrant à ses
excentricités hahiluellcs?
Avant lui, c'était le général (Hidinot qui comman-
dait l'armée des .Vlpes, mais M. Oudinol ne s'occupait
que des troupes placées sous ses ordres. Le maréchal Bu-
geaud veut bien nous
apprendre que de
son quartier-général
il a toujours les yeux
fixés sur Pai'is. Ceci
prouverait que M. Bu-
geaud est indépendant
du ministre delà guer-
re et du gouverne-
ment de la Républi-
que. Peut-être consi-
dére-t-il les régiments
des Alpes comme dos
compagnies franches
dont il a la propriété.
Un de ces jours, nous
entendrons dire que
M Bugeand ist allé
avec ses bandes con-
quérir la Sicile et y
fonder un royaume
périgourdin, ou bien
qu'il marche sur Paris pour faire valoir ses droits au
trône.
Le t'ait est qu'il devient assez diflicile de comprendre
la réception qui lui a été faite à Bourges. Toutes les
autorités, y compris le parquet, sont allées en corps lui
rendre une visite officielle. A quel titre, s'il vous plaît?
M. Bugeaud est-il drnc président de la République? On
ne sait qu'en penser, à moins qu'il ne s'agisse d'une
mystification.
Se voyant entouré et fêté par les autorités berri-
chonnes, M. Bugeaud a retrouvé fout à coup ses van-
teries gasconnes un peu compromises, il est vrai, par
la révolution de Février.
Dans le discours prononcé à celte occasion, M. Bu-
geaud commence par se féliciter « de faire connais-
sance avec la ville de Bourges. » Ici nous retrouvons
l'ancien Poinsinet parlementaire qui égayait la Chambre
sous la monarchie. Vovez-vous un homme « faisant
Le maréchal Bugeaud e-sayant uni
toujours l'œil
connaissance n avec une ville! — Lst-cc bien ù la ville
de Bourges que j'ai l'honneur de parler? — A elle-
nu^me, monsieur. — Knchanté de faire votre con-
naissance , madame. — .Monsieur , vous êtes bien
bon.
La conversation engagée dans ces termes, M. Bu-
geaud adresse quelques compliments à sa nouvelle
connaissance.
H Vous êtes une noble et antique cité. Madame.
— Vous êtes trop honnête.
— Je me suis laissé dire que vous aviez de beaux
souvenirs dans l'histoire.
— Quoi! vous avez la bonté de rappeler...
— Certainement.
— Ah! Madame,
que de révolulious
nous avons traver-
sées!
— A qui le dites--
vous !
— Ce qui me char-
me, c'est qu'à tra-
vers toutes ces ré-
volutions vous avez
conservé vos mœurs.
— Les mœurs avant
tout , c'est ma de-
vise.
— Vos traditions.
— Le? bonnes, les
saines traditions.
— C'est bien ainsi
que je l'entends. Vous
avez aussi conservé
vos vertus.
— \\i ! Monsieur, vous me comblez !
— Je vous rends , Madame, un légitime hom-
mage.
— Vous m'en voyez toute confuse.
— On ne saurait vous montrer trop de respect. »
La connaissance faite, M. Bugeaud quitte le genre
galant et troubadour pour prendre ce ton tranchant qui
subjugue les belles; il s'exalte, il brandit son sabre, il
accumule les hâbleries et les gasconnades. C'est alors
qu'il annonce son intention d'avoir l'œil sur Paris.
(La ville de Bourges admire. ) a. Qu'est-ce que je de-
mande, s'écrie M. Bugeaud, pour mettre les factieux
à la raison? quatre hommes et un caporal. Il faut dé-
truire Paris, ce foyer d'anarchie ; Paris ne fera plus la
loi au reste de la France. C'est Bourges qui doit de-
venir notre capitale. (Bourges baisse modestement les
yeux.) \ji. prif^ince , c'est moi avec mon armée des
Alpes, broum ! broum ! ayons l'œil ouvert. On a vu le
ï queue fourrierîste afin d'avoii
sur Paris.
213
HKVUK COMiyilK
24 février ce que je savais faire de mon sahie; je suis
prêt il reciimniencer. l.a République, c'est le goiivei-
neuieiU des Caliliiias. {Conwie il est firrc sur t'/iis-
toire ancienne ! murmure la ville de Ilourges.) Sa-
brons les Caliiinas parisiens ! Cent mille boudjoux! je
IJiétcnds prendre ma revanche du -2i février, et entrer
à Paris à la tète des gardes nationales de province. Sa-
brons, pendons, fusillons; il faut rétablir l'ordre pour
toujours. Vive le 'roi ! » [La ville de Bourges s'éva-
nouit d'admiration en lui demandant ; « Lequel? »)
LES PAinOUlLLRS AYKC (;A^()^'.
« Il n'en t.uil pas doulci-, dit le Constitutionnel , la
patrie \ienl d'éclinppcr à un grand danger, grâce à la
vigoureuse initiative du gouvernement. Ou veut l>ien
reconnaître, ajonte-t-il, que mon altitude énergique a
clé aussi pour quelcjiie chose dans cet heureux lé-
sullal. »
Qu'est-ce qui en doute? Il sufiit d'avoir vu le Cons-
titutionnel combattre pour la cause royale le 2-i fé-
vrier ; on se rappelle, en effet, que ce fut l'héroïque ré-
sistance d'un bataillon sacré composé de MM. Thiers,
Merruau et du pharmacien Véron, qui retarda l'envahis-
sement des Tuileries et donna à Louis-Philippe le
temps de monter en voiture.
Depuis lors le Constitutionnel s'est toujours fait re-
marquer par son courage au premier rang des amis de
Tordre ; c'est ainsi qu'on l'a vu dans la nuit du 28 au
29 janvier parcourir (ièrement les rues pour recon-
naître les dispositions des insurgés, et c'est sans doute
dans le cours de cette dangereuse promenade qu'il a
rencontré ces fameuses patrouilles avec canon faites
par le général Changarnior en personne.
Le journal du pharmacien Véron ne dit pas, mais il
laisse entendre que ses patrouilles à lui étaient faites
avec seringues; c'est du moins le sens qu'on peut don-
ner à un passage assez obscur de son premier-émeute
d'hier. Nous l'avons vu du reste en juin s'élancer sous
le feu des barricades et au Tuilieu d'une grêle de balles
pour donner des lavements aux blessés.
On comprend après cela que la fumée de l'eau
chaude lui moule à la lèle, et qu'il discute avec une
inciuileslable compétence les dis])ositions stratégiques
du général Changarnier. (le qu'il trouve au-dessus de
tout éloge, ce sont les patrouilles avec canon comman-
dées par le général. Vivent les patrouilles avec canon!
s'écrie le Constitutionnel. Vivent l'artillerie et le train
d'équipages ! Le Constitutionnel s'exalte et se laisse al-
ler peu à peu à raconter quelques détails de la bataille
qui n'a ]>as eu lieu, mais qui aurait été terrible sans
les patrouilles avec canon.
« Jamais, dit le pharmacien Véron, on n'a rien vu
de plus formidable que la barricade qui a failli cire
élevée à la Bastille, quoique pourtant celle qui aurait
pu être construite au Panthéon ne lui cède en rien.
Dans la rue Montmartre , l'attitude énergique du
Constitutionnel a empêché les fauteurs de troubles de
déplacer les pavés. Mais c'est surtout dans la rue Saint-
Houoré que l'audace des insurgés n'aurait plus connu
de bornes s'ils eussent osé se montrer. Ce n'est point
une barricade, mais une véritable forteresse qu'ils
n'ont pas élevée en cet endroit, une forteresse avec cré-
neaux, meurtrières, pièces de 24, pièces de 36, pièces
de campagne, obusiers et le reste ; heureusement ils
A L'USAGE DES GENS SIÎRIEUX.
3<3
nvaiciit cniiii)!,' s.iiis li's |):itiiiiuilcs avi-c cniioti cl Mir-
loiil sans r.iltitiiiK' licllM|ii('iisf ilii f'fiiisfitutioimrl.
a Dans ci'llo nn'iiiinalili' jnniih'ciln 'i'.t janvior, ajuiilo
la ft'iiillii VV'iMii, niilli- liails du plus lnillnnt cuniaL'i'
ont illiislré les tlol'ensours dtî runlic, |iic><|iii' Imi., du
ivslo, aimiitu's dn ('nnuliliilidiiiicl. C'csl un de nu-
Sousci-i|)U'ni-s, dunt l'ai u'nnMil, s.ul dit en |)as-anl,
expire dans (jui li|ii('s jonrs, ipii >\sl (Mancé Unil seni
sur lin groupe (\\n n'exislait pas, et l'a dispersé. Un
aiilre, auquel nmis leeoinmauddiis, entre parenthèses,
Je renouveler son aboniienieut s'il ne veut pas épinn-
ver (rinlerriiplion dans l'envoi du journal, un autre,
disons-nous, sans se laisser effrayer par les décharges
de niousqueterie qui ne parlaient pas d'une harricade
qui n'avait point été élevée, l'a escaladée le premier et
a planté dessus un drapeau qu'il ne portait pas à la
main. Nous demandons la croix pour ce brave. »
Ces détails, peut-être liasardés, sont accompagnés
d'antres détails tout à fait épouvantal)les sur les atro-
cités que les insurgés se seraient permises, s'il y avait
eu des insurgés. Ainsi un abonné dn Cnnstilutionnel,
auquel on recommande d'ailleurs d'écrire lisiblement
son adresse, à son prochain renouvellement, ou mieux
de renvoyer une des dernières bandes imprimées, cet
abonné donc aurait pu être scié entre deux planches
par une femme d'insurgé, s'il y avait eu des insurgés,
des planches et une scie. Horrible mégère! s'écrie le
Constitutionnel, avec une horreur bien naturelle. De-
puis le mois de juin, le Conslitutio}inel en veut sur-
tout aux mégères. Mais passons à de nouvelles atro-
cités. Un autre abonné, qui n'a pas été suspendu par
les pieds au-dessus d'un large brasier, ne le doit qu'à
ce qu'il n'y avait ni large brasier, ni corde, ni per-
sonne, pas même une mégère pour le suspendre, et
à ce que d'ailleurs il n'était pas sorti de chez lui.
<tn prolite néanmoins de cette occasion pour le prier
d'envojei- 'i francs .'10 centimes en sus du prix de
son abonnement s'il veut recevoir lu Hihliothique
r/iiiisii-.
Mais ce n'est pas seulement à l'aris que l'on aurait
eu à s'indigner de ces abominations si elles avaient eu
lieu. La province aussi a fourni son contingent d'é-
ineuliers absents, de barricades qui n'ont pas été cons-
truites et d'horribles mégères. Il n'y a qu'à voir, par
exemple, ce qui s'est passé à Sarrcguemincs. A Sar-
regui iMiiies, il s'est passé qu'il se serait passé des
horreurs s'il s'était passé n'importe quoi, ce qui fait
qu'il ne s'est rien passé du tout, faute qu'il se soit
passé quelque chose. Kt ce n'est pas seulement à Sar-
legueniines que ces choses-là se sont passées : les cor-
respondances du Constitutionnet lui apprennent qu'il
s'en est passé autant sur tous les points de la France,
car partout, comme le fait très-bien observer .Merruau,
les mégères se ressemblent, ainsi que les [latrouilles
avec canon.
Imi terminant, le journal du pharmacien Véron an-
nonce que désormais il n'aura aucun ménagement
pour ces émeutiers incorrigibles. On l'a vu en juin, la
seringue en bandonillère, aller sous le feu, porter le
secours de son instrument aux blessés, sans distinction
de parti; il ne se piquera plus de tant de générosité.
Certes, il continuera de faire son devoir; ou le verra,
comme par le passé, s'élancer dans la mêlée, son in-
strument à la main, mais ses bons offices seront exclu-
sivement réservés aux blessés du parti de l'ordre; les
insurgés le supplieront en vain ; rien (lour les insurgés,
pas même quatre gouttes d'eau chaude ; les mégères
elles-mêmes ne parviendront pas à l'attendrir; le Cons-
titutionnel déclare que, par leur férocité, les mégères
ont cessé de faire partie de leur sexe.
214
REVUE COMIQUE
LETTRE D'UN VOLEUR A MONSIEUR DE HECKEREN.
On lisait dans un des Joniiors miinoros de la Paine
le fait suivant :
« Du de nos luuioiables reprosentanis, connu par l'aménité
de son caractère non niciins que par sa s'''>"dc inlluenre poli-
tique, se reposait l'auti-e soir de ses fatigues législatives, en
se promenant avec quelques-uns de ses collègues sur l'asplialte
des boulevards. 11 se délectait à savourer le parfum d'un pa-
natellas. quand un homme vêtu d'une blouse l'aborda, la main
armée d'un cigare encore vierge : « Citoyen, du feu, s'il vous
plait? » dit-iL Le représentant laisse ses collègues continuer
leur promenade, cl offre du feu à son inlerlocntcur. Ce der-
nier alluma son cigare, et rendit le sien à son officieux repré-
sentant, en lui disant : « Tenez, citoyen, ça me fait plaisir.
-Vous n'êtes pas fier. Vous êtes, j'en suis sûr, un bon républi-
cain Je le pense, du moins, répondit le représentant. —
Eh bien! en ce cas, vive la Rèpubliittie démocralique! — Eh
bien! oui, citoyen, vive la République démocratique! — Et i
sociale! ajoute î'incouuu. — Pour celle-là, je n'en suis pas. »
«Quelques mois furent encore échangés entre le représentant I
et l'inconnu, qui s'éloigna ensuite eu lui disant : « Nous fini-
rons par nous entendre. » Le représentant hàla le pas pour
rejoindre ses collègues : il était tard, il voulut tirer sa montre
pour savoir l'heure qu'il était; hélas! la montre avait disparu,
et l'industriel ne lui avait laissé que la chaîne de sûreté, sans
doute comme un témoignage de la fragilité des choses hu-
maines et des chaînes de sûreté. »
N. B. Nous trouvons dans la boîte de la Revue co-
mique la lettre que voici à l'adresse de l'honorable
M. de Heckeren, qui, s'il faut en croire notre singu-
lier correspondant, serait le représentant désigné dans
la note qu'on vient de lire :
« A Monsieur de Heckeren, représentant du Haut-Rhin.
« Monsieur,
« C'est dans l'intérêt de la vérité, et pour ne pas
laisser d'ailleurs peser sur une opinion qui ne m'a ja-
mais rien fait et avec laquelle je n'ai aucune espèce de
rapport, une accusation injuste, que je prends la li-
berté de rectifier, par la voie de la presse, le récit peu
véridique que vous avez cru devoir faire de l'incident
qui vous a privé de votre montre. Quand l'idée m'est
venue de remplacer ma montre que je venais de per-
dre par celle qui était dans le gousset de votre panta-
lon, je me suis demandé par quel moyen je pouvais
m'attirer votre conliance, et comment pouvait s'opérer
entre nous un rapprochement nécessaire à mon projet.
Ma première idée fut de crier eu vous demandant du
feu : «Vive Henri V! » Ce cri l'attendrira, pensai-je
d'abord. Un républicain légitimiste n'y saurait être in-
sensible. Mais je ne m'arrôlai point à cette pensée. Sous
une apparente étourderie, je vous sais lin et rusé ; ce
cri vous eût mis en défiance, et, ma foi, toute réQe.xion
faite, je me dis : «Ce n'est pas là un coup de politi-
que, c'est une affaire de sympathie à établir; crions
Vive Lafayette ! soyons gris, soyons ronds ; Heckeren
est un bon vivant, la candeur d'un pareil cri n'éveil-
lera pas ses soupçons, il se laissera toucher. » Qui fut
dit fut fait, et c'est au cri de Vive Lafayette, souve-
nez-vous-en, et non au cri de Vive la République,
pas plus de la république démocratique que de la ré-
publique sociale, que s'accomplit mon dessein.
« Pourquoi, Monsieur, avoir fait de celte affaire une
affaire politique? pourquoi avez-vous cru devoir vous
prêter à vous-même un bon mot que vous n'avez point
eu à prononcer? avez-vous donc besoin de prouver
que vous n'êtes pas socialiste, vous, qui, au fond, ne
tenez pas même à prouver que vous soyez républi-
cain.
« H faut de la conscience en tout, M. de Heckeren,
dans les petites choses comme dans les grandes ; il ne
suffit pas d'être volé pour avoir le droit d'attribuer à
son voleur des paroles qu'il n'a pas prononcées. — Te-
nez-vous-le pour dit, je vous ai laissé la chaîne de votre
montre, cela méritait plus d'égards.
« Votre Volelr. »
CHOSES QUELCONQUES.
On assure que M. Berryer a été fort mal reçu au
fameux congrès de la rue Duphot. —De son côté,
M. de Larochejacquelein y aurait été traité d'éteignoir.
M. de l'astoret n'y serait pas loléré. M. de Genoude y
est peut-être écouté, mais un peu à la façon de Cas-
sandre. — Voilà pourtant un parti qui se vante de
pouvoir réconcilier toute la France. Réconciliez-vous
d'abord, messieurs, si vous pouvez; — et quand la
chose sera faite, faites-nous le savoir.
— On répétait dans un salon ce mot fameux mais
trop répété de Napoléon : « Dans cinquante ans, l'Eu-
rope sera républicaine ou Cosaque. » — Qu'elle soit
Cosaque, s'écria la jeune et belle marquise de 1'"* dont
le mari est sexagénaire ; notre sang corrompu par la ci-
vilisation ne peut que gagner à se croiser un peu. »
Avis à M. le marquis de P"*'.
— Sous ce titre Violettes parlementaires, nous nous
proposons de faire l'éloge de quelques membres de l'As-
semblée qui ont un grand mérite, et sont parfaitement
inconnus.
Dans une réunion oii il suffit pour s'illustrer d'un
peu d'outrecuidance et de fatuité, ce serait de l'ingra-
titude de ne point aller chercher, sous les feuilles où
elles se cachent avec tant d'abnégation, ces modestes
fleurs que les départements nous ont envoyées. Qu'on
y songe, pour être inconnu, il faut n'avoir ni fait m
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
prononce la moindre sollise depuis dix mois. Les
liommos de l'Iulannic poiiiraionl-ils i)iL'lc'ndro à un
j)lus rare nuTitc .'
— Savi'z-vuus, mon clicr duc, pourquoi la Répu-
blique a |)!us d'avenir (|ne la monarchie, disait le vieux
comte de C... an vieux duc de *". (l'est parce que
nous sommes vieux et que la Hoijuhliiiue est jeune.
— /'lus de révolutions! /y,ùmti mieux la lîépu-
l)li(iue à perpétuité, disait hier un de nos plus li-
ches manufacturiers. La meilleure révolution ne
vaut rien. La République n'est pas de mon goût,
mais elle a pour elle qu'elle exclut toutes les au-
tres prétentions, tandis que toute autre l'orme les
ferait renaître. Henri V nous amènerait le comte de
Pans, le comte de Paris nous ramènerait des tentatives
impériales. Restons tranquilles; faisons notre lit. La
moindre entreprise commerciale a besoin du temps
pour se fonder et d'une mise de fonds ; que la mise de
fonds, que le temps donné à la République ne soient
perdus ni [jour la France, ni pour nous. Un nouveau
changement demanderait des frais entièrement nou-
veaux. C'est assez comme cela. Je me déclare républi-
cain, parce que j'ai été conservateur, parce que je le
suis, parce que je prétends l'être non-seulement de [la-
rôles, mais de fait.
— M. de Lamartine n'a jamais fait un discours plus
vide que celui de mardi : flatteries au président de la
République, flatteries au suffrage universel, flatteries
à la majorité en injuriant sans raison la partie extrême
de l'Assemblée, autrefois son amie, — total : demande
formelle du portefeuille des affaires étrangères ; tel est
le résumé de ce triste discoui-s. — .V. B. M. de Girardin
l'a loué.
— .\prè3 les journées de juin, un grand nombre de
citoyens eurent la pensée d'offrir une épée d'honneur
au général Cavaignac ; le brave général, informé de ce
j)rojet, pria ses auteurs d'y renoncer et refusa ce té-
moignage bien mérité d'ailleurs, de l'estime du pays. —
A propos de la ridicule journée du 29 janvier, qui l'eût
cru ? il est question d'offrir au général Changarnier une
épée d'honneur; en vérité, n'est-ce pas une amève cri-
tique, une satire de cette équipée, et le brave général
n'cst-il pas honteux qu'on fasse pour ce triomphe ima-
ginaire ce qu'on n'a pas fait pour les combats réels
qu'il a livrés aux Bédouins?
— Après la discussion de mardi, le repi'ésenlant
Pory-Papy était tout triste. — Il voit toujours tout en
noir, disait un représentant de Colmar, — émule de
M. Dupin.
— C'est une chose digne de remarque, que les aca-
démies n'ont jamais perdu une occasion de faire acte
de servilité. — M. Faucher, ministre de l'intérieur,
vient d'ètie élu membre de l'Académie des sciences
morales et politiques en concurrence avec M. Michel
Chevallier. — Si M. Michel Chevallier eut été ministre,
l'est lui qu'on eût élu à la place de M. Faucher.
— .M. le maréchal Bugeaud se souvient de son mé-
tier de geôlier. — Il traite la France républicaine
connue il traitait nagui-re la duchesse de Berry. —
« Uiialre hommes et un caporal, dit-il, suffiraient pour
la réduire. »
i\ous lui conseillons pourtant de s'adjoindre quel-
ques hommes de plus.
— M. Giiizol dirait de M. Bugeaud, que sa place
était à Alger, et (|u'il mettait un gouvernement quel-
conque au déli de faire de lui autre chose qu'un gou-
verneur algérien.
— M. lit [M'ésident de la République ne donne pas
de bals : la France ne veut pas payer les violons.
— La France n'est pas tout entière dans le chapeau
de l'Lmpereur ; elle est moins encore avec Henri IV
sur le Pont-lNeuf ; elle n'a pas suivi non plus Louis-
Philippe en exil... Où donc est-elle?
— Vous ne croyez pas à la République ; vous n'avez
pas cru à la monarchie; vous ne croyez à rien, et vous
vous croyez de force à renverser ou à construire quel-
que chose.
11 n'y a que la foi qui transporte les montagnes;
allez où est la foi , — vous y trouverez la force.
Or, la foi, ce n'est pas vous qui l'avez; ce n'est donc
pas vous qui avez la force; ce que vous détruiriez un
jour, la foi le rétablirait le lendemain.
L doit S'introduire chez tous pour voler
— Monsieur, méfîez-T
tous vos effets.
— Monsieur, je ue crains rien : tous mes effets sont protestés.
Cflètre si mal fail, si toiUi, si vilain,
r/est nions Dupin (Laid-Nez), uiaUre en fait de chicane
Prince des procureurs, ami du coq-à-l"ane,
I,a veille démoli, debonl le lendemain .'
Contre la République, à tout propos, il hnce
De ces bzzis poinlus qui lui sont familiers.
Insinuant (pi'un roi cliausscrait mieux la France;
Mais on le voit venir, avec ses gros sou'iers!...
Dessioé par FabritzIiS.
Gravé par Baulant.
11(111. VAFIII lits ITAIIINS.
HO cTiiliiiicH la livrnlHoii.
I. Ml.lltl, .'.2.
iSiiiiM^^
idilions de la Koiiscriplion. — La Revde comiqle formera un magnifujue volume, grinJ iu-8, publié en 50 livraisons à ÔO centimes,
pnrh posle, iO cent. On sous, rit pour 10 livraisons. Pour les iléparlemenls, envoyer un mandat sur la poste à Tordre du directeur de la
Uevi E. — Pour lùul ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. Lir.Eis, au bureau de la Revle, 2, boulevard des Italiens.
DumiNSHAv, ÉDiTEun, RUE RICHELIEU, 52. 1 o"" Liviaison.
AVIS AIX JODRIV'Al'X Ui: l'AItlS ET DE«i DÉIMKTEMENTS.
Kolis autorisons la reproduction des articles contenus dans la Revue comique, à la condition :
I" De citer la Uevue en lui empruntant ses articles;
5" De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans cIkkiuc numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS BE X.A REVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce join-, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les i\\\
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures eu supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA QUINZIÈME LIVRAISON.
La Semaine. — Du Succès de M. Râteau. — Oraisons périgourJiues do M. Bugeaud. — Comment M. Tliiers défend M. Léon
Faucher. — DovouemenI et colique. — M Bugeaud et le Journal des Débals. — Nouveaux détuils sur le duc do Bordeaux
et sur la duchesse de Berry ; la ticvue romique et les journaux Icgiliuiislof. — Proposilion. — Diidogup des morts, par un
visionnaire. — Choses quelconques. — Correspondance.
Dcâsinalcura. Graveurs.
Le* deux marquis Otto. Baulant.
La fièvre de Tor Punch et FabrUzius. Eaulant.
Apparition des naturels Punch et Nadard. Baulant.
L'enfant savant Xadard. Bju'an*.
Le saut de carpe Nadard. Baulant.
L'étincelle électrique Nadard. Jaliot.
Le tour des forts Nndard. Baulant.
Grande jonglerie Nadarii. Louis.
Do-.sinalcurs. Graveurs.
Le tour du bâton Nadard. Baulant.
Le tour des gobelet? Nadard. Baulaui.
La carte pensée Nadard. Louis.
Haute banque Nadard. Louis.
Il s'escanaole lui-mûme Nadard. Montigncul.
La pyramide huma n.-. ... Nadard. Baular.t.
Latnartinc ... Fabritïius. Baulant.
POnn PARAITBE D&NS LES PROCHAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
hypocrysies — passe- passe — perfidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SUITE DE CAniCATCBES PAU NADARD.
Parii.— Tiivfl aux prenKS mécaniques de LiCHAMPB (lU cl Comp.^ nie Damiclte, 2.
LA SEMAINE.
La politique se traîne dans le marasme qui succède
aux grandes crises, les partis se font une petite guerre
d'amendements. Odilon Barrot et Faucher le Grand se
reposent sur leurs lauriers. Pour égayer un peu la si-
tuation, nous n'avons eu que les discours de xM. Bu-
gcaud aux autorités lyonnaises, charmante alla pn-
prida où la politique, la morale, la législation, la
stratégie, les circonstances atténuantes, la guerre des
rues, l'intervention en Italie, se trouvent mêlées et
assaisonnées d'une pointe d'ail périgourdin qui n'est
pas inférieur aux meilleures rémoulades servies par le
facétieux maréchal à ses anciens convives les fonc-
tionnaires de la monarchie.
Le reste du temps on a dansé. Le dernier bal de
l'Opéra a été plein d'animation et de gaieté. On n'en
dit pas autant du bal qui a eu lieu vendredi _chez le
président de la République ; mais les détails nous man-
quent pour en parler savamment. Nous y reviendrons
à notre prochaine Revue.
Nous avons eu une restauration au Théâtre-Français.
M. Mazères a reparu traînant après lui l'ombre de
Picard, h' Amitié des Feynmes est une innocente petite
comédie qui date de 1826; elle portait les cheveux à
lachmoise, les manches à gigot, un ridicule d'acier et
une robe à la Dame blanche. On lui a refait à la hâte
une toilette selon les modes actuelles; mais la pauvre
enfant était empruntée sous ce costume, et malgré
quelques mots d'actualité semés çà et là dans le dia-
logue, Fauteur n'a pu parvenir à cacher la date véri-
table de sa prose, l'âge de sa comédie à la Jocko.
On parle beaucoup depuis quelque temps de réor-
ganiser le Théâtre-Français. Une des mesures les plus
importantes à prendre, serait la réinstallation de
M. Mazères dans une préfecture quelconque. 11 faut
l'exiler à au moins soixante lieues du comité. Espé-
rons que M. Léon Faucher comprendra celte nécessité.
Constatons à l'Opéra une chute qui a été, chose bi-
zarre, l'occasion d'un triomphe pour la danseuse qui l'a
faite. Mademoiselle Maria, emportée par son ardeur,
s'est jetée de la scène dans l'orchestre ; elle est tombée
fort adroitement sur un second violon, M. Tolbèque:
elle pouvait se tuer, et en a été quitte pour la peur.
Une pluie de bouquets a témoigné de l'intérêt que le
public avait jiris à son saut périlleux.
Lisez-vous la Mode? A l'entendre, nous avons com-
mis un crime. Nous l'avons dit, le duc de Bordeaux
boite légèrement par suite de l'accident qu'il a éprouvé
à Kirchleng-Kircberg. Messieurs les compositeurs, pou-
vez-vous vous tromper sur l'orthographe des lieux il-
lustrés par d'aussi grands événements? Savez-vous ijuc
dans tous les dictionnaires de géographie de l'avenir,
on lira : Kirchberg, champ de bataille fameux où le
duc de Bordeaux fit une chute de cheval en combat-
tant les lièvres et les perdrix.
Il boite ! c'est un crime irrémissible de le dire,
aux yeux de certaines gens, et le correctif légère-
ment ne fait qu'ajouter à la grandeur du forfait. L'en-
fant du miracle ne peut pas, ne doit pas boiter. Il
faut avoir tout foulé aux pieds , urbanité française,
sentiment des convenances, respect dû au malheur,
pour soutenir de telles énormités.
Quoi ! ce prince qui frappe par son air de prédesti-
nation (comte de Flahaul), qui serait le roi des priti-
ces (le sculpteur Bartolini), qui semble avoir été taillé
par Dieu pour la royauté (Chateaubriand), qui ne dit
pas une parole qui ne doive être dite, qui ne fait pas un
acte qui ne doive être fait (.M. de Metlernich), qui ne
parle pas sans qu'on croie voir la Dtain de Dieu sur sa
tète un archiduc d'Autriche], ce prince merveilleux,
ce prince charmant, nous avons osé dire que sa dé-
218
REVUE COMlQliK
maiclie était incertaine, et qu'il inenait (în ventre:
profanation'.!! Mais à quoi voulez-vous donc ([uc nous
reconnaissions les lîourbons désormais'?
Il faut être républicain et sorti de la buiie, comme
dit avec tant de grâce gentilhommière le journal {a
Mode, auquel nous empruntons les diverses citations
que l'on vient de lire au sujet du comte de Chambord,
pour prétendre que le lils de tant de rois s'appuie sur
des jambes inégales. Allons donc ! est-ce que Henri IV
boitait? Il est vrai qu'ils ne sont pas Français, ajoute
la Mode , ceux qui insultent au malheur. Eh bien!
nous prenons acte de vos paroles. Ètcs-vous Français,
messieurs de l'ancien régime, messieurs de la grâce,
de l'urbanité, de la générosité, messieurs de l'Œil de
Bœuf et de Fontenoy, lorsque, parlant d'un homme
politique aujourd'hui en hutte aux rigueurs du pou-
voir, et que vous nommez en tontes lettres, vous dites
en parlant d'une fête où il assistait : « Il tomba ivre-
mort sur le parquet, laissant sur le trajet de son en
avant deux les traces les plus démocratiques de son
passage!» Quels charmants détails (et nous suppri-
mons les enjolivements de l'article) pour vos lecteurs
si lins, si délicats, et quel rôle pour des paladins que
de "lisser sous le guicîut d'une prison des chroniques
diffamatoires, et découdre des pamphlets aux réquisi-
toires du ministère public! Allez, hirondelles du scan-
dale, allez gazouiller la médisance et la calomnie sous
les fenêtres du prisonnier !
Ah! qu'on voit bien que vous n'êtes pas républi-
cains et sortis de la boue, lorsque d'une plume élé-
■rante et chaste, de cette plume qui écrit pour la du-
chesse d'Angoulême (une sainte !) et pour la duchesse
de Berry (une si grande dame! nne sainte aussi, sans
doute) vous nous décrivez le président do la République
se plaçant à table à côté de madame M .. sans corset.
M. et madame F... dansant nne sarabande de la Chau-
mière, madame F... exécutant une cachucha vêtue du
costume andaloux tel (lu'il est décrit dans le livre I" de
la C.enèse. Nous bornerons là nos citations, et, en vé-
rité, nous ne saurions aller plus loin ; la rougeur et la
honte nous montent au front. Ces gentilshommes, ces
chevaliers, ces paladins, ces gens-là oublient tout ; ne
craignez-vous pas que ce prince, qui, selon M. de Met-
ternich, ne dit pas une parole qui ne doive être dite,
ne vous écrive : « Messieurs, vous allez trop loin ; mes-
dames M... F... sont, après tout, les femmes de mes
sujets, et je veux qu'on les respecte. »
Que vous accusiez celui-ci d'être un fat, celui-là un
traître, celui-là un voleur, (jui a mis dans sa poche les
diamants de la couronne, ceux-là encore des fous, peu
nous importe ! Nous avons eu le malheur de dire que
le comte de Chambord boitait, il fallait bien user de
représailles; mais du moins, lils des croisés, respectez
le beau sexe, si cela vous est encore possible après
avoir oublié Blaje et tendu la main à celui qui vous
déshonora tous dans le déshonneur d'une femme.
La République n'a pas touché à un cheveu de vos
têtes; elle ne s'en repent pas. Dieu merci. Qu'en eût-
elle fait? Mais, constatons-le pourtant, et mettons en
re<jard de cette clémence vos promesses pour l'avenir.
Nous les empruntons à l'a Gazette de France, faisant,
dans son numéro du l.'i, l'apologie de M. Bugeaud ;
c'est à la République qu'elle parle : uNon, pas de (jrûce!
Il faut que celui qui règne ou qui a régné parla violence,
le sa?ig et la révolution, finisse par la violence, le sang
et la révolution.
Us tomberont. La France seule vivra!
Pas de grâce! M. l'abbé, pas de grâce! c'est vous
qui prononcez ce mot. Si le peuple allait s'en souve-
nir! si le peuple lisait la Gazette !
Décidément nous nous amoindrissons, nous nous
cmiettons, nous nous en allons en poussière, et il n'y
a pas dans l'histoire de notre révolution de spectacle
plus affligeant que celui qu'offre l'Assemblée nationale
dans ses derniers jours. On sent qu'il lui manque le
souffle inspirateur, la chaleur divine, la foi ! Au heu
de prendre une de ces grandes résolutions, un de ces
partis énergiques qui sauvent les nations et immorta-
lisent une réunion d'hommes, elle dispute à la réaction
qui la presse, la somme, l'insulte, un décret, un jour,
une heure!
Quelle différence avec l'Assemblée de l"8U, la
grande Constituante, qui sut non-seulement faire une
constitution complète, mais asseoir la révolution, qui,
|)endant trois ans et demi, résista à toutes les attaques,
à toutes les violences, à toutes les ruses de l'ancien ré-
gime, et s'en alla librement, à son temps, à son heuie,
en «'excluant de l'Assemblée législative, par un élan
DU SUCCÈS DE M. RATEAU.
mprudent de désintéressement excessif! Quelle difft
rence avec la Convention! Elle aussi, vers la fin de sa
glorieuse dictature, était sommée par la réaction roya-
liste de s'en aller et de lui laisser la place libre : la
Constitution de l'an III était faite, disait-on ; qu'avait-
elle à durer plus longtemiis? Elle répondit à ces cla-
meurs par le décret du 12 thermidor, qui portait que
les deux tiers du nouveau Corps législatif seraient néces-
sairement pris dans la Convention. On sait comment
les royalistes essayèrent d'annuler ce décret salutaire
par une insurrection; on sait comment, au 15 vendé-
miaire, les sections aristocrates de Paris attaquèrent la
Convention et furent battues. Il est vrai que du côté de la
Convention était Napoléon, qui scntaitbien que l'avenir
était dans le parti de la révolution, qui se gardait bien
de chercher ses destinées dans la réaction et de ce faire
palroner par le royalisme. Les temps et les hommes
sont bien changés! Autres temps, autres Napoléons!
Ai''
///. .f
Palsaniblcu, cher, ce jeune drôle se dnmxe des airs de se fortifier à son piste.
■ Serions-nous joués, mirquisf
Dessiné par Otto.
irave par Bai last.
La fi-vre de Tor s'empare de toules les nations et de toutes les classes de la société ; chacun s'embarque au plus »ite ponr la Californie.
OUAISO.NS PÉP.IGOURDINtS DE M. DUGEAUD.
La France s'imagine avoir nommé pour chef du
pouvoir exécutif M. Louis Bonaparte; elle s'imagine
avoir une constitution et être, bon gré, mal gré, en ré-
publique. Ce sont des illusions, des erreurs que nous
devons dissiper, car, sans qu'elle sans doute, elle a Je
bonheur de virre sous le régime absolu, d'avoir un
maître, un monarque, que dis-je? un autocrate, et ce
maître n'est pas l'élu de sou choix. En doulez-vous?
Lisez les discours de M. Bugeaud à Lyon.
M. Bugeaud, parce qu'il est général de l'armée des
Alpes, appelle à son prétoire officiers, magistrats, au-
torités de tout genre, et il les prêche, et il les excite,
et il les gourmande, non comnHi pouvait faire Napo-
léon, ce serait injurier le grand homme, mais comme
ont dû faire Attila, Tamerlan et les autres fléaux de
Dieu.
a Ne comptez pas, dit-il aux ofliciers, que nous
ferons la guerre au delà des Alpes. Nous ! nous sou-
tiendrions ces anarchistes de la Loiiibardie contre nos
amis les Autrichiens, contre cette année modèle qui
vient de restaurer la puissance impériale! Allons
donc! on nous prendrait pour des républicains ! D'ail-
leurs, nous avons bien autre chose à faire : l'armée
des Alpes est la réserve de l'armée de l'aris contre les
socialistes, les perturbateurs, les démocrates; nous
n'attendons qu'une circonstance pour les meltie à la
raison. Aussi toute la science militaire dont vous de-
vez vous pénétrer est celle de la guerre des rues, et je
m'en vais vous donner une leçon à ce sujet. » Puis il
se tourne vers les magistrats et leur dit: «Vous vien-
drez avec nous, messieurs, combattre à Paris. En at-
tendant, formez donc de bons jurés et débarrassez-
nous de l'abus des circonstances atténuantes. » Puis il
s'adresse aux conseillers municipaux, aux ofliciers de
garde nationale, et chacun a sou mot, son instruction,
son coup de boutoir. Quant aux lois, à la constitution,
à l'Asserablée nationale, au président de la Républi-
ijiie, est-ce que cela existe? est-ce qu'il y a une autre
puissance en France que celle de M. Bugeaud de la
Piconnerie, duc d'isly'/
Nous ne comprenons pas comment des niagisirats,
des autorités municipales, des officiers de garde natio-
nale, des corps constitués, ont cru nécessaire et utile
d'aller faire la cour au général de l'armée des Alpes,
qui n'a ni ordre, ni avis, ni instruction à leur don-
ner; nous comprenons encore moins tju'aucun de ces
citoyens n'ait répondu aux speechs excentrique de l'é-
trange dictateur qui se révèle à la France, mais ce
que nous ne comprenons pas du tout, c'est que l'As-
semblée nationale n'ait pas UaJuit à sa barre, pour
Appar.tirn des naturels sur les rives du Sacramenlo (Californie).
ses discours séditieux, M. le maréchal Bugeaud, c'est ' voirs, il aurait commis le plus stupide contre-sens, il
que le minislcre et lepi-ésideut ne destituent pas ce pro- | se serait destitué lui-même. Mais riionnèle M. Barrot
lecteur, qui semble leur faire grâce en ne les mettant est-il bien dans le secret de la comédie?
pas dans le fourreau do son épée. M. Barrot a bien dit | Nota benè. Dix mille francs de récompense à qui
qu'il désavouait les paroles prêtées à SI. Bugeaud; trouvera le mot de repaé/f'^-w dans les discours, lettres,
que si le maréchal eût tenu les^propos que racontent conversations publiques de l'illustre maréchal. C'est
les journaux de Lyon, il aurait manqué à tous ses de- un mot qui ne ligure pas dans le patois périgourdin.
COMMENT M. THlEllS DÉFEM) M. LÉON FAUCHER.
Le véritable homme d'Etat du cabinet, ce n'est ni
M. Barrot, qui n'en est que le marguiller, ni M. de
Falloux, qui en est le sous-diacre ; c'est M. Léon Fau-
cher. Ce célèbre ministre a été le premier à com-
prendre toute sa valeur et à reconnaître sa propre
importance. Aussi s'est-il empressé de se conduire,
soit envers lui-même, soit avec les autres, en homme
qui sait son poids, qui n'ignore aucun de ses mérites,
et qui se respecte pour ce qu'il vaut. Tout en lui a
re\ètu une forme digne de lui-même : son atti-
tude est conforme aux sentiments qui agitent sa
grande àme. 11 marchait obliquement ; il tenait du Z
et du tire-bouchon ; il va aujourd'hui droit comme
un I : c'est un irréprochable manche à balai ; rien
n'y manque. Ses cheveux -ont une tenue que des
crins ne désavoueraient pas , ils font tête de loup.
Quand Faucher ne parle pas , il médite ; quand
il parle, il prononce, il juge, il décide. Ses phrases
sont devenues brèves, courtes, sentencieuses; chaque
mot est une maxime d'État. Hier, il essayait humble-
ment de parler à tout le monde ; aujourd'hui, il dai-
gne s'entretenir avec quelques-uns ; il n'est pas jus-
qu'à ses anciens protecteurs sur lesquels sa condescen-
dance ne s'étende.
« Allons, allons, disait M. Thiers, un jour qu'on
parlait devant lui des changements heureux survenus
dans la personne de ce ministre de son choix, ne l'at-
taquez pas ; ne dites rien de Faucher, mon devoir
serait de le défendre : il est très-bon ; il me pro-
tège ! »
REVUE COMIQUE
DÉVOUEMENT ET COLIQUE.
LES JONf.l.EnlES d'l-N S.U.TIMBANQI-E.
L°étiDceU« électrique de 1810<
Ceci se puFsail à Aiios, il y a huit, jniirs.
— Mcssifurs, (lit un des convives, à la santé de
'exilé do Fi'oslidoill!
— Cela va sans dire.
— A la santé de saint Louis.
— Bravo! buvons à Henri IV!
— N'oublions pas Hugues Capet, je vous prie, car
il s'agit de vexer les républicains.
— Il nous manque un portrait de l'exilé. Qu'est-ce
qui a un portrait de l'exilé dans sa poche?
— Il n'y a ici que la gravure du .luif-Errant.
— On pourrait la faire passer pour le portrait de
Hiigries Capot. Légitimité, hérédité, ou la mort!
— Holà, les marmitons! avez-vous ici un portrait,
un buste, la moindre des choses, susceptible de vexer
les républicains, ventre saint-gris!
Un marmiton légitimiste et héréditaire apporte mys-
térieusement un petit buste peint en vert.
— llurra ! voilà l'enl'ant du miracle ! Genou à terre,
messieurs ; suivez son panache blanc! Il n'y arien de
ch»ngé à Avignon, il n'y a qu'un Français de plus.
Pends-toi, brave Crillon !
— Dieux! comme il ressemble à Hugues Capet?
— C'est le cas, je crois, de vexer de plus en plus les
républicains.
— Vexons-les.
— Messieurs, il faut avaler ce buste.
— Comment?
— D'après le procédé de la reine Artémise , grat-
tons dans nos verres le buste du fils de la cape, et
buvons !
— Buvons-le à la santé d'Henri IV. Los républi-
cains ne s'attendent pas à ce bon tour.
— Légitimité, hérédité, ou la mort! Ah! si le
brave (Grillon était ici !
— Il s'est pendu il y a longtemps.
— Grattons le buste!
— Eh doucement, vous là-bas ; vous en prenez plus
(|ue votre part. Tout une joue du lils de saint Louis
y a passé.
— Moi je demande le nez de l'exilé. Qu'on me
racle le nez de l'exilé !
— Procédons avec ordre. Je retiens les deux oreilles
de l'héritier d'une monarchie de quatorze siècles.
— Ventre-saint gris! comme vous y allez! que me
restera- t-il?
— Le menton. Ce n'est pas un morceau à dédai-
gner que le menton de l'auguste lils des rois!
— J'aurais préféré le nez ; mais buvons chacun
notre part dans un verre de Champagne. J'aime à
croire que le Champagne est un vin bien pensant.
— Parbleu 1 le panier qu'on nous a servi a été à la
croisade.
— A la santé d'Henri IV ut Je Hugues Capet!
A i.rs\(.i; m.s (;i,ns skuiiiux.
223
Les convives luirent, mais iU avaiciil cmiiplc ^an^
la couche de vcil <|iii coloriait U'. Iiiisto. L'ii (juait
d'heure après, ils se serraient le ventre. Pends-toi,
Conslittilioniicl , tn n'étais pas là avec la seringue
royaliste ! La présence du Constihitionncl aurait été
plus utile en ce moment que celle de Grillon. On as-
sure que l'un des buveurs en a encore la colique; mais
quel bon tour joué aux républicains !
M. BUGEAUD ET LE JOlItSM. DES DÉBATS.
Nous aimons qu'on soit gouvernemental , mais en-
core faut-il l'être avec discernement, avec raison, avec
esprit, ou tout au moins avec bonne foi. Ce que nous
voudrions le moins contester à nos adversaires, à cer-
tains d'entre eux surtout, au Journal des Drbats, pas-
exemple, ce serait la bonne foi. II faut pourtant choi
sir : ou le Journal des Dfbats n'est pas de bonne foi,
ou il perd le sens quand il croit que les ridicules for-
fanteries du maréchal Bugoaud peuvent être utiles à
un gouvernement quelconque, et qu'elles sont, pour
celui que nous avons le bonheur de posséder, une ga-
rantie, et non un danger. Que le Journal des Débats
se reporte à une autre époque, c'est lui faire une vio-
lence assez douce ; qu'il se rappelle quelles impatiences
causait à .M. Guizot la faconde de M. Biigeaud quand
il était à Alger, et qu'il nous explique pourquoi les
grotesques lazzis qui lui paraissaient souverainement
ridicules et fâcheux quand .AI. Bugeaud trônait en
Afrique, lui semblent acceptables et défendables au-
jourd'hui qu'il fait l'empereur h Lyon. Serail-ce parce
que le Journal des Débats aime moins sincèrement le
gouvernement de .M. Barrot que celui de M. Guizot?
Qu'il le dise, cela n'étonnera personne ; mais qu'il ne
trouve pas bonnes pour la République, une République
dont il déplore tous les jours la faiblesse, des excentri-
cités qui l'inquiétaient pour un trùne qu'il semblait
croire pourtant inébranlable.
M. Bugeaud est un grand militaire, nous le voulons
bien ; nous n'en savons rien ; nousn'en sommes pas juges,
ni le Journal des Débats non plus ; mais il est en même
temps le plus absurde des hommes politiques qui soit en
France. Le directeur et les rédacteurs rfes/^eôfl/s le sa vent
comme et mieux que tout le monde ; qu'ils aient donc
la probité d'en convenir : leur cause n'y saurait pf rdre,
et le gouvernement un peu naïf de M. Barrot ne s'au-
toriserait pas de leur appui, qui ne saurait être sincère
dans une question de ce genre.
S'il faut croire que la guerre soit une spécialité
comme la musique, comme la peinture, comme la
littérature, faites de M. Bugeaud un illustre guerrier ;
comparez-le à Napoléon-Ze-Érranrf, qui avait, il est
vrai , battu autre chose que des Bédouins ; mais
mettez-le, pour sa tenue politique, à côté du bon La-
grange; dites qu'il est fou. C'est la seule excuse qu'on
puisse lui trouver.
I Es JOM.I.KillK' Il CN SALTIMBA . ,IE.
Le tour des forts.
L-? tour du bâton.
224
REVUE COMIQUE
NOrVF.AUX DÉTAILS SUR LE DUC DE BORDEAUX ET SUR LA DUCHESSE DE BERRY.
LA. REVUE COMIQUE ET LES JOURNAUX LÉGITIMISTES.
Nous avions donne, nos leL-leurs ne l'ont pas onl)lié,
dans une note publiée par nous dernièrement, quelques
détails curieux sut- l'éducation du duc de Bordeau.x,
sur sa personne, sur son entourage. Cette note, écrite,
nous l'avons dit, en dehors de tout esprit de parti, par
un étranger, a éveillé les susceplibililés des journaux
légitimistes. Chacun y a repris, ce qu'il y trouvait à re-
prendre. — Qui, une faute d'orthograhe , qui, une
erreur dans l'âge de M. de Levi. — On écrit Froshdorff
et non Fronshorff, s'écrie l'un; M. de Levi n'est pas
un vieillard, s'écrie l'autre, il n'a pas tout à fait
soixante ans! Nous pourrions nous contenter de ré-
pondre aux journaux que nos renseignements ont pi-
qué, que les critiques qu'ils ont faites de ces rensei-
gnements ne prouvent qu'une chose, tant elles sont
insignifiantes, c'est qu'ils portent juste. — Quel âge a
donc M. Lubis, rédacteur en chef de l'i-'/iion, pour
trouver qu'un homme n'est pas vieux à cinquante-huit
ans? Ne serait-il lui-même qu'un agréable vieillard
assez bien conservé, essayant de cacher, sous^une a[)-
parenle jeunesse, son âge véritable? Quelle terrible
connaissance a-t-il, ce bon M. Lubis, delà langue alle-
mande, pour qu'il s'étonne qu'un homme, que nous
lui avons dit n'être ni Français ni Allemand, ait mal
orthogra])hié le mot de Froshdorff.
Henri V, un homme nul! Quel blasphème chantent
en chœur tous les chevaliers du Lys. Eh ! messieurs,
pourquoi Henri V ne serait-il pas un homme médiocre
comme beaucoup d'entre vous? Serait-ce sa faute,
serail-ce un crime? Le hasard qui fait les rois fait aussi
les idiots et les imbéciles. Pourquoi ce jeune homme,
qui était né pour être parmi les uns, ne serait-il pas
aussi parmi les autres? pourquoi serait-il un aigle? les
aigles étaient rares dans sa famille. Vous croyez à l'hé-
rédité, au droit divin, etc.; d'où lui serait venu son
génie, de son père, de son grand -père, ou de son
oncle?
Lu meilleure réponse que nous puissions faire à ces
messieurs, c'est d'ajouter queliiues renseignements nou-
veaux à ceux que nous avons déjà donnés. La précision
de ces renseigncmenls convaincra les plus incrédules
que, si nous n'en disons pas davantage, c'est [jar pure
discrétion. Si nous sommes ]>ien informés, on a su peu
de gré, à Froshdorlf, à ces imprudents amis, de leur
croisade contre la noie de la Revue comique. Les che-
valiers de Froshdorff savent mieux que les chevaliers de
Paris oii le bât les blesse ; le silence , le silence qui a
servi à un autre, c'est ce qu'ils recommandent à leur
noble élève et à ses défenseurs. — Que ceux-ci fassent
leur prolit de ce petit avis.
Nous donnons, comme dans la première note, le
texte même qui nous a été communiqué, en lui lais-
sant ses négligences, ses incorrections, ses fautes, si
l'on veut; quant à ses erreurs, s'il s'en trouve, nous
trouverons bon, nous trouverons juste qu'on les si-
gnale, et nous serions les premiers à les reconnaître,
s'il y avait lieu.
« Los porlrails du duc de Bordeaux ne lui ressemblent pas
(lu loul. La (Igure de M. le duc de Bordeaux est celle d'un
gros enfant , bouffi, colore; ses clieveux sont blonds; il les
porte courts, sa voix n'a rien de viril, pas plus que son as-
pect. C'est un chanteur agréable. Il est très-loin de paraître
son âge. M. de Levi ne le quitte pas dans les réceptions. Le
prince se lient invariablement les mains croisées derrière le
dos sur les basques d'un babil bleu à boulons brillants. Ses
réponses sont stéréotypées quand il parle à un étranger de la
France et de son peuple. M. de Levi guide la conversation et
la ramène dès qu'elle devient embarrassante pour le jeune
prince.
« M. do Levi est un homme de cinq pieds deux pouce.< en-
viron, assez gros, barbe grise, cheveux gris ; il a près de
soixante ans et porte au moins cet âge. Son costume : habit
noir, cravate blanche ; l'air d'un vieux gentilhomme, d'une
grande politesse, d'une incroy:d)le minutie pour loul ce qui
est éliqnctlc. Madame de Levi parait avoir cinquante ans ; elle
est plus grande que son mari ; ses cheveux commencent à
blanchir.
« M. de Montbcl est plus gros que M. de Levi. Il s'est ma-
rié il y a deux ans en troisièmes noces, et, malgré son âge,
il a un enfant, au grand chagrin du duc et de la duchesse de
Bordeaux, qui, dans leur jeune ménage n'ont pu encore avoir
ce bonheur.
« M. le duc de Bordeaux va rarement a. Vienne ; il n'y
couche pas. Depuis les événements de Février, je ne crois
pas qu'il y ait mis les pieds. MM. de Montbel et de Monti
\ vont faire ses commissions. Le duc de Bordeaux et la mai-
son d'Autriche sont plus que froids l'un pour l'autre; il y a eu
jusqu'à de l'inimitié. La politique de Louis-Philippe était par-
venue à faire mettre le duc tout à fait de côlé. Il était gardé,
en quelque sorte, comme un otage par la maison d'Autriche.
Une preuve, c'est que, quand il a quitté GraeU pour aller en
Italie en 1859, il a été obligé de se sauver avec le passepoil
de M. de Levi.
« La duchesse de Bcrry demeure à 6 milles allemands de
Graelz; elle y vil avec son mari, dont elle a quatre enfants.
Le comte de Lucchczy est un homme superbe, assez grand,
type napolitain ; c'était un ol'licler subalterne de l'armée napo-
litaine. La duchesse étant demoiselle l'avait distingué ; c'est
ce qui fit que, quand la famille décida qu'elle devait se re-
marier, elle pensa ii lui. Malgré son apparence de santé, le
comte de Lucchczy ne se porte pas très-bien ; il éprouve de
fréquents dérangements qui contrarient beaucoup la duchesse.
« La duchesse est charitable et aimée des pauvres dans le
pays. Il y a quatre ou cinq ans, elle avait continuellement de.',
visiteurs qui venaient à Graelz et à Gorilz. Depuis la mort de
Charics X, elle vit très-délaissée; elle reste l'hiver et l'été à
la campagne et ne reçoit personne; son (ils la visite à peine
une ou deux fois par au. Une des dernières visites polili(pies
qu'elle ait reçues, c'est celle d'un M. Walsh , réilacteur du
journal 11 Mode, qui a été, il y a deux ans environ, l'occuper
des intérêts de son journal. Ce journal n'est |)oinl en faveur à
Froshdorff: on le trouve trop grossier, et on a peur qu'il n'y
fasse plus de mal que de bien.
A L'USAci: i)i;s (ii:.\s m iui;r\.
225
« M. (Je (iciioudc n pnssé toujours ù FrosliduiH' pour un ulo-
pislu. On n'aime pas les ilcvoueiiieiils ipii ue sont pus restés
oxacleiiiciil dans lu ligne du pis^;. A ce dernier (ilre, l'I'iiwn
leur est assez a|;réablc. On parle souvent cependant à Frosli-
dorlï de l'utililé qu'il > aurait à fonder de nouveaux organes,
mais on re},'retle ([uc les écrivains de talent niaiir|ueiil dans le
parti.
« La Hépul)li(pie a été rci;uo par les lu'iles de Froslidorll'
avec la plus grande joie; il semblait que la cliule de Liuiis-
Pliilippc les laissât sans désirs. Tout ce i|ui a soulenu Louis-
Pliilippe leur est odieux ; ils ont M. Tliirrs en horreur; il
n'est pas d'expression inMillanlc ipie la duclicssc de Iterrv
n'emploie pour le qualiliei'. I.e duc de Bordeaux parlajjc en
cela les idées de sa mère. M. liugeaud est leur licte noire. Ce
n'est pas seulement le geôlier de Blaye qu'ils l'appellent , ce
nom leur paraîtrait trop doux ; on ne parle de lui chez la du-
chesse de Berry et à la cour de Froslulorll' que sous le nom
de SaiiUion, en souvenir du bourreau de Louis XVI. La du-
chesse de Berry et son lils le regardent ronmie l'Iiomme qui
les a le plus déshonorés. Si on dll qu'ils s'allient eu Franco
avec eux, c'est à lorl : l'honneur de femme de la duchesse de
Berry y est engagé. »
Nous nous en tenons à ces citations, les plu» inno-
centes, (lu'on nous en croie, parmi celles que nous
aurions pu faire. Nousaucions pu suivre les demi-dieux
de l(t liazettc dans les voyages qu'ils daignent faire
quelquefois sur la terre; nous aurions pu aller avec le
duc de Iîoideau.\ à Venise, et retrouver les défauts du
père dans le lils; nous ne le ferons pas : nous n'avons
voulu que mettre la réalité à la place de la fiction ; c'est
moins puéticiue, mais c'est plus vrai, cela vit davan-
tage, (le n'est pas notre faute si la moindre vérité suffit
à crever le transparent d'opéra-comique dont les joiir-
nau.v légitimisles entourent leurs singulières idoles.
Tant que saint lîtirii ne nous aura pas apporté de nou-
velle sainte-ampoule, il sera permis aux gens de bon
sens de parler de .M. le comte de Chainhord, qui n'a
rion fait pour la France, avec la liberté dont l'on use
journellement envers des gens qui ont, certes, d'autres
droits que les siens à la reconnaissance du |)ays.
PROPO
Les légitimistes semblent cTaindre de n'avoir pus la
majorité aux prochaines élections, malgré les l)ustcs,
les portraits exposés dans les passages et la brochure de
iM. d'Arlincourt.
— 11 me vient une idée ! s'écrie h ce sujet .M. de Gc- |
noude. Le moment approche de nommer u::e nouvelle 1
chambre; si nous nous abstenions tous de voter! La
plaisanterie serait bonne, ventre saint-gris! Électeurs
qui m'honorez de votre confiance, cultivons ensemble
l'art de négliger le scrutin et Je s'en faire un Henri V
de revenu !
— Vous nous l'aviez déjà proposé au moment de
l'élection du président.
— C'est vrai, et vous n'avez pas voulu m'écouler,
vous avez eu tort; mais il est temps encore de réparer
celte faute.
— Nous ne comprenons pas.
— C'est pourtant bien simple. Vous restez chez vous
le jour du vote.
— Bien, après?
— N'ayant pas voté, vous avez le droit de dire par-
tout que vous êtes restés complètement étrangers à la
composition de l'Assemblée nationale.
— Oui, mais d'autres électeurs voleront, et la nou-
velle Chambre sera constituée tout de même.
— Tant mieux.
— Nous comprenons moins que jamais.
— Suivez bien mon raisonnement. Aussitôt la Cham-
bre constituée, vous faites une protestation sous prétexte
que les députés ne sont pas les hommes de votre choix.
— Fort bien ; alors les élecleurs qui ont voté répon-
dent que le scrutin était ouvert pour nous comme pour
eux, que personne ne nous a empêchés d'apporter notre
bulletin, et que notre protestation, par conséquent, n'a
pas le sens commun.
S m ON.
; — A merveille. Vous riposlez aussitôt par une pro-
! lesialion nouvelle.
— On nous dit avec juste raison que nous sommes
des brouillons.
— Vous répondez : Brouillons vous-i7ièmcs !
— La dispute s'envenime, les esprits s'aigrissent.
— Bravo! on échange des calottes. Vlan !
— Le pays est eu feu !
— Très-bien ! ça marche, les coups de fusil s'en
mêlent ; on se tue, on s'égorge, on se brijle; le com-
merce est anéanti, les ouvriers restent sans ouvrage,
la ruine est générale, les ateliers se ferment, et l'on
s'arrache les vieilles bottes pour les manger.
— Parfait! nous sommes dans le branle-bas, dans
les coups, dans le tapage, dans le tremblement; des cas
d'hydropbobie se déclarent, et c'est alors que quelqu'un
propose une restauration monarchique avec Henri V.
— Je vois que vous m'avez compris.
— Et c'est sérieusement que vous faites celte pro-
position'?
— Parbleu!
— Ah ça, êtes-vous fou, brave homme, ou bien si
vous nous prenez pour des imbéciles? H n'y a donc
aucun moyen de vous faire rougir de tant d'extrava-
gance? Est-ce que vous croyez que c'est beau pour un
prêtre, ce rôle de boute-feu, de tiompelte de sédition?
— Pourquoi pas? Saint Pierre coupa bien d'un coup
de sabre l'oreille à .Malchus.
— Si l'on coupait les oreilles à tous ceux qui le mé-
ritent, les oreilles seraient beaucoup plus rares. Gar-
dez les vôtres, mais retirez-vous quelque part oit vous
puissiez faire pénitence , à la Trappe, par exemple,
mettez-vous au pain et à l'eau ; jeûnez, portez un ci-
lice, donnez-vous le fouet, et laissez-nous en paix.
Allons, à la Trappe, à la Trappe, à la Trappe!!!
226
niLVUE COMIQUE
l.i:S JONGl,EUir.> D IN #.M.Tnill\Nnl F..
1^
Le tour des gobe'.els.
DlALOr.UE DES MOUTS,
l'\U IN VISIONNAIRE.
Une de CCS dernières miils, j'avais peine à m'eii-
ddiniir ; j'eus ridée de lalhiiner ma bougie et de par-
courir quelqîios numéros de 7a Presse qui s'étaient
entassés sur ma table de nuit." Les sables du sommeil
ne tardèrent pas alourdir mes paupières, et je m'é-
lançai bientôt dans le pays dos rêves.
On ne raconte guère ses rêves que dans les tragé-
dies, mais c'était sans doute une vision.
Cela se passait dans un pays... Est-ce bien un pnys?...
dans une région?,.. Mais élait-ce même une région?...
_ Je n'ai rien vu; je n'ai entendu que deux voix. —
Le son de l'une ressemblait au bruit cadencé de la
Irompclle... marine; celui de l'autre imitait le sou de
la flûte champêtre, ou parfois celui d'une clarinclle
en la, résonnant avec grâce dans un oicheslre de
salon.
Mes yeux s' accoutumant à l'étrange atmosphère où
j'étais plongé, il me sembla que l'une des voix sortait
du séjour des ombres et l'autre du sein des brouil-
lards.
Voici quelques IVagments de leur conversation
d'ontre-monde:
PUEMiÈKE VOIX. - Oui-! il est bien ennuyeux de n en-
tendre ici que le b.u.t do la mer qui monte et le bruit
de la mer qui se retire, en roulant ses galets. Les hé-
ros d'Ossian avaient du moins des palais de nuages co-
lorés par les lueurs d'un soleil aulomiial.
DEL-xiÈ,iE voix. - Le soleil des vivants n'éclaire pas
les morts !...
— Âqui le dis-tu!...
— Pour mûi,5e suis semblable à la lemlle lletne.
Tu n'es encore qu'un feuilleton.
HAUTE BASgi E.
SauvoDî le systcrac, les emprunts, primes, amorti-feienu
c( ;nTei pot» de vin monirchiques.
A 1,'iisAr.r, r)F,s gkns si:;hikijx
— Je suis le rcuillclnn (lu Iriiilcniain, ((HiiMic li)i
(vliil ,l,' Il Nrill,'.
— (hii' ilit le lii'ii '.' je iif pins 11' lui'.
— Kl II' lU'M? jr llf l'ili |US lu.
— l'iii l's-lu liicn m'ii?
— Jo lu' lis ([lie iiini-ini'iiii', l'I l'iH'iirc je ni' riii'
relis |i,is.
— C.iiiiiiiiciKMiis. ,1,. |i,uli' l('i;i'ii'iiiiMil sur les avcii-
tuii's ili' iiKi Mf i|iii |ii [■•ic'ili'ii'iil ma ii;uss:ui(i'... .l'Iia-
bilais lo sein lio in.i inèii', el jetais ilc''|iiuiivii ili' loiil
moyen de nre\|)riiTU'r .. .Ii' nsidais à Saiiil-.Mali).
— C'est un pays que je n'ai jamais fréquenli'. J'aiinr
beaucoup la race canine, mais j'aurais craint iK' miii-
pronu'tlre mes tihias.
— Les chiens Je Saint-Malo en aiiraioiil respi'ili' la
lluette élégance.
— Passons. Je pouriais, comme loi, raconter les
préaml)ules de ma vie; je pourrais même remonter
plus liant el décrire les impressions vagues de celle
époque liml)ii|iie où je m'agitais encore dans les veines
de mon père.
— Il est inutile de s'appesantir sur cette idée... .Ma
mère me donna le jour en présence de la mer.
— Kt moi en vue des cimes Alpestres ..
" Je suis l'onlnnl do \.\ ninnlngnc;
« C'est la iniiiilagne... où je suis né! i)
— J'ai été, dit-on, mis au momie dans une cui-
sine... mais aussi quelle cuisine!...
— Pas si belle que celle de mon père, qui lui ser-
vait en même temps de salon.
— Mon enfance fut orageuse comme les flots qui
battent éternellement les cotes Malouines et les îlots de
Saint-Malo.
— Je renonce ci peindre les balancements de ma bai-
celonnette, qui me préparaient d'avance aux ondiila-
LA PYRAMIDE HUIVIAINE
EXECUTEE PAR TOCS LES ARTISTES DE LA FAMILLE DELOYALE.
Les brillants exercices des saltimbanques seront terminés par la
GRRRANDE PYRAMIDE HUMAINE, OÙ l'on verra le Ce èbre Odilon-IUr-
ROT dit THehcule de L'Aisne, surmonté du bouillant Changarnier-
Uekgamoite et du redout^tble Bcgeaud, dont le pareil est à rencon-
trer- Assis sur les épaules de ces deux bocrreacx ues crânes, le forr
BouLAY porîe à bras tendus Falloux, si renommé pour ses ruses rem-
plies de malices. — Mais, me drrz vous, toi qui nous parles, nous Te-
ras-tu app écier et connaître les troi:
pourquoi non, messieurs et mesdames î
présente DlVERGIUR DE Havran.ne,
RaTEAC, le JARDINIER V.CILANT; pu
surnomu.é le vice-Rateau. Ces tioiî
LÉON Faucher, maigre mais nerveux, sur la tête duquel s'élè
PETIT Thiers, dit Adolpiie-le-Lapon, descenlantde Bébé, le
du roi de Pologne et rival de mademoiselle Maria, la petite Laponne
qui a excité et qui excite encore l'enthousiasme sur divers tlicatn-s.
lîrrnmarqcez, s'il vous plaît, à gauch». de Barto- ( 'Hrrcu'e d.
l'Aisne! Vêhon dil te pharmacien, b ittant la caisse avec aisanre et vi-
gueur. Ran plan , ran plan , ran ! A droite de notre ctlèbrc Hercule
vous appcrcevez, in y jettantles yeux, Dl'PIS l'ainé en ciand costume
Alteation, messieurs et mesdames, la main a la poche, du courage à 1;
bourse, U plat est déposé à terre pour recevoir la mor.naie; mais noui
accepterons égaltme t les pièces d'or et même k s pièces de cinqcï
francs ! ■ Un-*, deux '. F.n avant le tambour, ran plan, ran plan, ran !
isii'ur de gauche vous re
NT terrible, à cûte d
voyez à droite Denjoy
nnaget sont surmontés d
228
REVUE COMIQUE
lions Je la vagiio, borçaiU ma nacelle de poëtc laïkiste
de Ni:;:la vers Isciiia.
— Ma première édncalion fut ncgligée, par suite de
la tendresse indifférente de mes parents, qni me lais-
saient courir les rues avec les polissons de la ville, et
les champs avec ceux de la campagne; ma cliemise_
passait souvent aux coulures de ma culotte, en raison
d'un raccommodage négligé.
Pour moi, j'étais à dix ans le plus charmant
enfant de la contrée : beau de visage, irréprochahle de
tenue, aimant beaucoup papa et maman. Pins heureux
que Dodofe, il ne me fut jamais prédit par ma fa-
mille que je finirais sur un échafaiul.
— Nous.qnittons Saint-Malo. Je te passe la descrip-
tion du château de Combouig, de la tourelle oii je re-
posais durant les nuits, de ma jeune sœur dont je lis
plus tard l'héroïne d'un roman, des promenades silen-
cieuses de mon père, en robe de chambre de basin
blanc, et de la voix attendrie avec laquelle ma pauvre
mère chantait la chanson de la Cane.
— Et moi je ne parlerai ni de la captivité de mon
père pendant la Terreur, ni de s£S évasions nocturnes
qui lui perniellaient toutes les nuits d'aller embras-
ser sa famille au moyen d'une corde à nœuds, et de
se retrouver le malin à l'appel des dortoirs pour man-
ger la soupe du malheur.
— Laissons en paix ce cha|)itre des (Uroiulins. Si ton
père n'a pas été guillotiné autant de fois que Charles
Nodier, il est inutile d'en reparler.
— C'est qu'il faudrait passer tout de suite an premier
épisode de mes amours... Elle habitait une tourelle
d'où sa lampe nocturne incendiait mes nuits sidilaires.
— Allons, j'ai dit cela quelque part et partout ail-
leius. Je me tais sur mes premières amours. Le public
est libre de voir en moi le vaporeux René. Je me suis
peint aussi plus lard sons le pseudonyme de Chactas.
— Cette peau rouge m'a beaucoup plu. Je te de-
manderai maintenant de m'accorder trois ans de discré-
tion sur une certaine période consacrée aux erreurs de
ma jeunesse...
— Je vais prendre ce tenipj pour me iv'inémorer mes
campagnes d'Amérique.
Et moi pour publier un in-8° intitulé : Hnphuvl,
pages de la vingtième année.
— Nous reprendrons cet entretien qiiel(|ue jour.
Lt les deux voix s'éteignirent momeiilanément ,
l'une au séjour des ombres, et l'autre au sein des
brouillards.
CHOSES QUELCONQUES.
M. Thiers a peur. Uegardez-le sur son banc, re-
cardez-le derrière ses lunettes , quand il se tait, quand
n parle, quand il rit, quand il piétine, quand il s'agite.
— Il a peur.— C'est qu'il sait que tout le monde est
responsable; Louis-Philippe, qui ne l'était pas, l'est
devenu. — M. Thiers a donc peur. — M. Barrot le
couvre mal, la législative le découvrira tout à fait. C'est
ce triomphe qui effraie M. Thiers. Qu'en fera-t-il? Il
fera de la république, ce sera sa punition. Oui, cette
chambre future, fût-elle composée entièrement de lé-
gitimistes et d'orléanistes , c'est à faire, à continuer, à
affermir la République qu'elle est condamnée. Ce phé-
nomène, nous le verrons se réaliser. On mettrait en
Russie dis millions de républicains qu'on n'y implan-
terait pas la république, vous ôteriez de France tous
les républicains que la république y reslerait. Elle est
dans la nécessité, dans la force des choses; — arrangez-
vous-en donc au lieu de la combattre. Sans doute elle
n'est encore qu'à son berceau, elle commence, elle naît,
elle bégaye, mais la monarchie est dans sa tombe.
— Le président de la République a trouve que sa
présence ferait bon effet à la Bourse. Il s'y est rendu
en calèche découverte. Une petite hausse de circon-
stance avait été préparée à cet effet pour lui fournir
l'occasion de dire aux agents de change : « Je suis bien
aise, messieurs, de voir notre crédit renaître en
France. » Nous n'examinerons pas s'il y avait urgence
à ce qu'une aussi singulière préférence fût accordée au
temple d£ l'agiotage, et si le président de la Répu-
blique a bien fait de faire ce que Louis-Philippe lui-
même, cet adorateur de l'argent, n'a jamais fait; mais
nous demanderons au président de la République ce
qu'il a pensé d'un cri, un seul cri, il est vrai, qui s'est
fait entendre derrière lui au moment oii il entrait dans
le cerceau où MM. les agents de change font tous les
jimrs leur petit commerce. Ce cri, parti d'une seule
bouche : « A bas la Républicpie! » c'est une insulte
qu'il a reçue; s'il ne la punit pas, on croira qu'il l'a
pris pour une flatterie.
— Des personnes dignes de foi nous affirment avoir
entendu sortir de la bouche de M. de Chateaubriand
l'opinion que voici sur l'éducation qu'aurait reçue M. le
duc de Bordeaux.— L'illustre écrivain pouvait avoir ses
rancunes, ses exagérations, ses colères. — Nous répétons
donc ses pandes pour ce qu'elles valent, nous contentant
d'affirmer que les personnes devant qni elles ont été
prononcées méritent toute confiance : — « Je ne sais
pas ce que la nature en avait fait, mais ce que je puis
vous garantir, c'est qu'ils en ont fait un crétin. »
— Savez-vous sur quoi M. Mole appuie le conseil qu'il
donne à son parti de se coaliser avec les légitimistes :
« Le duc de Bordeaux n'aura jamais d'enfants, dit-il,
j'en suis sûr, j'en réponds ; sa femme n'en aura pas plus
que lui. Mes informations sont certaines. » Voilà donc à
A L'USAGE DES GENS SIÎRIEUX,
229
(pioi seiMiiiit allaclides les desliii(5cs de la France! Est-il
hoboiii (le (lualilior celte |io!ili.nie de vieille niainuie!
— IHeu /e l'ciit ! s'écrie M. d'Ailiinuiiil. ^^u'en sait
M. d'Arliiicouit'.'
— La mise en liheilê de M. Aladenize, après celle
de M. Forestier, celle a peu près certaine de M. d'AI-
ton-Shée, que de |)reuves en laveur .lu cun)ploldu 2'J!
— Pends-toi, Faucher.
— M. Jérôme Bonaparte ayant passé la nuit au bal
nias(|ué samedi, a été obligé d'assister en voiture, di-
manche nialin, à la revue de la lésion dont il a l'hon-
neur d être le colonel ; — la fatjgue d'une nuit sans
sommeil ne hii avait |)as permis l'exercice du cheval.
On dit que des gamins l'ont fort embarrassé en criant,
les uns Vive, les autres .1 bas Poléon!
— .Nous engageons les gens qui se plaignent de M. de
Lamartine, et qui croient avoir des torts sérieux à lui
reprocher, ceux à qui il a refusé justice, ou ceux, et
ils sont nombreux, à qui il a tout promis et rien donné,
à lire l'incrojable prospectus qu'il vient de faire de ses
œuvres, publiées par lui-même ; si après cette triste lec-
ture ils n'ont pas pardonne, c'est qu'ils n'ont dans le
cœur aucune pitié pour le génie qui s'égare. Quand un
homme est capable de commettre de pareilles fautes
envers lui-même, qui donc pourrait s'étouner qu'il en
ait pu commettre envers d'autres?
— On disait au passage de l'Opéra, où se débitent et
s'accréditent chaque soir toutes les sottises qui dé-
frayent Paris le lendemain, que des maisons avaient été
mnrcjuéesde rouge, et que ces maisons étaientdésignées
ainsi au pillage par les socialistes, etc., etc. Ces marques
rouges avaient tout bonnement été faites par ordre du
préfet de police, et servaient à désigner la place du nou-
veau numérotage des maisons de Paris. — On a baissé
à l'Opéra sur ce rouge.
— Tous les gouvernements du monde s'appliquent
à dissimuler leurs faiblesses et à cacher les forces vé-
ritables de leurs ennemis. Qu'on nous explique par
quel singulier contresens M. Faucher et M. Barrotont
cru devoir grossir outre mesure le nombre des mou-
lins à vent qu'ils croyaient avoir à combattre.
Si le danger avait été sérieux, s'il avait été réel,
croyez-le bien, bonnes gens qu'on voudrait alarmer,
on se serait bien gardé de crier si haut.
— M. Liadièrcs a fait une brochure, M. Guizot
avait fait la sienne; quoi de plus juste! Mais, pouf
Dieu, pourquoi le Journal des Débats se croit-il obligé
de louer ces sortes de choses-là? Le maître, bon!
mais le sintte...
— .\L Loeve Weimar, ancien consul & Bagdad,
avait scandalisé les Turcs par ses mœurs excentriques,
et son ra|)pel a dû être prononcé. Il aimait une
femme maigre.
— « La républi([ue rouge m'eflVaie moins que vous,
dishit un républicain modéré à un réactionnaire; savez-
vous pour(|uoi?Cc n'est pas parce qu'elle sera plus
douce pour moi que pour vous, c'est parce que je
suis moins poltron. »
COlll'.FSPO.NDA.NCF.
Au direcleur de la Revue coiiii!|iie.
Je vous conjure, Monsieur, par tout ce qu'il y a de plus sa-
cré, (le ne plus ni'ciivoyei- votre ReLue.
Oseral-je vous dlie pourrpioi? Fermez voire porte, et assu-
rez-vous bien que personne ne peut lire m.i Icltre par-dctsus
votre épaule.
Il f.ml que vous sacliicz, Monsieur, tpic dans le canton que
j'habite, il n'est pas permis de se dire républicain; qiioiipie
nous soyons en république. Le maire ne le veut pas, le curé
non plus, le maître d'école encore moins, quoique ce soil au
fond un brave liomme, sincèrement républicain; mais il espère
une augmenlalion de cent francs sur le budget de la com-
mune, et lorsqu'on gagne à peine cent ccus dans son année,
et qu'on a une femme et des enfants à nourrir, on renierait
la monarchie elle-même pour cent francs. C'est pour bien
moins tpie saint Pierre renia son mailre, qui était un Dieu.
J'ai donc été atteint et convaincu de recevoir la Revue co-
mique, ce qui m'a valu un renom do terroriste dans le pays.
Il paraît, Monsieur, que, vous et vos collaborateurs, vous guil-
lotinez (les gens par manière de passe-temps, du moins le
maire et le curé l'assurent, et le maître d'école, brochant sur
le fout, vous compare eu latin à Cacus. Votre bureau serait
une caverne.
Qtie dois-je penser de tout cela? l'n fait trop cerlain; c'est
que voire réputation a déteint sur moi. On me considère,
moi aussi, comme un terroriste. J'étais sur le point de me
marier ; mon futur beau-père m'a fermé sa porte, sous pré-
texte que je nourrissais en secret l'inlenlion de le guillotiner
un jour. Le maire assure quej'atleuds le moment de procéder
au parliige des terres, et le curé dit tout haut que, s'il ne
m'a point encore excommunié, c'est par pure charité cliré-
tienne, mais qu'en tout cas il esl prêt à me refuser la sépul-
ture, à moins que je ne fasse abjuration entre ses mains.
Inutile d'ajouler que les dévotes m'ont en horreur; elles se si-
gnent à mon approche, et j'ai été obligé de renvoyer ma scr-
vanle , parce que, sous prétexte que je suis un véritable
excommunié, ,i qui l'eau et le sel soni interdits, elle refusait
d'en raelire dans mes ragoûts.
Telle est ma position. Que feriez-vous à ma place? Mon
beau-père est un crélin, mais ma future esl très-jolie, et je
dois avouer que vos caricalures l'amusent beaucoup ; je crois
même que c'est ce qui m'a gagné son cœur. Je me vois pour-
tant dans l'alternative de me désabonner à voire Revue ou de
ne pouvoir contracter un .ibonnenicut perpétuel à ma future.
L'amour doit l'emporter. Suspendez l'envoi de la iîet;ue.jus-
qu'à la célébration de mon mariage. Je reprendrai ensuite
mon abonnement, et je vous enverrai pour cadeau de noces
le périrait de mou beau-père et de M. le maire de mu com-
mune. Mon heau-pcre ressemble à Louis XYllL
-Agréez, etc., etc.
L X DE vos ABONNES DE PH0VINCE.
130
Vous avoz reconnu, snn^ ce lisible aspect,
Un homme cini (J'aliord commande le respect;
On se (lit, en pensant à des jonrs de lemiiMes
C'esl nn paralonnrrrc; il a sauvé no-; iCtes!...
Oui Mais lorsqu'on le voit cipricieiisemenl
V( rs l'un ou l'aiilre pftle incliner son aimant,
Osciller de la dioiie à la gauche, on répète :
Est-ce un paratonnerre? esl-cc une girouetle^
l ayt^^- dVL w^uf-
Gravé par BaulaNT.
nul I. VAni> IlES ITAI IKN»
311 (•4'iifiiiK'H la livriilNon.
Ri'K lii<:iiEi.iP.r, 'li.
Ml W,T|l| ^
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1^1 ?ïïr"-'
(HiMÉÉitaBaÉiiÉÉiÉiiiÉHriKàsaaÉanEBBBeaKai
m do la Soiisrnpiion — L R i E i m n i n I [ Mihinio, ffruid in-S, publié en oO livraisons à 30 centimes,
-, , -ile. M) cent. Ou u t i ur 10 I >ri n l ar 1 I prt iit \ er un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
EViE. — Pour tout ce pu cou rne la re la tioD e rire if anco) a M Lireix au bureau de la REvrE, 2, boulevard des Italiens.
STTMIMEaAT EDITEUR, RUE RICHEI.IEU. 52. 10'' LivraisOH.
AVIS AUX JOrRKAUX DE PAUIS ET DE«i DÉPARTEMENTS.
Nous aiiliirisons la roprodiiction des articles Cdiiteiuis dans la Revue cui/iiqnc, a lu euiiililioii :
1" De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
2° De limiter, parcliaqne semaine, la reproduction au tiers des matières conleiuies dans cliiniue numéi-o.
AVIS
AVX SOUSCRIFTE1TB.S DE X.A REVUE COMIQUE
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripleiirs, qui trouvaient
fàclieiix que, pour ne pas décompléler la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dsns l'obligation de faire brocber ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celle façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broche sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA SEIZIÈME LIVRAISON.
TEXTE
La Semaine. — Mieux viul prévenir que réprimer. — VLoleltes parlementaires : Esquisses non politiques ; II. — M. Avond. —
Séance du 19 février. — Le nouveau Cheval de hois. — Encore le Bœuf gnis. — Révélation du système politique de
M Barrot, .'i propos du Boeuf gras. — A propos d'une Loi trop favorable aux Miris. — M. le comte Mortier. — A M. le
vicomte de Falloux. — Choses quelconques. — Le 21 Février. — Souveiiiis du 2i Février.
De3jinaleuri. Grarturs.
Le comte dd Monte-Cristo en Californie. . . Bertall. Midderigh.
De'ix républicaiDS do parti modéré Lorentz. Rouget.
Quelques masques de 1S49 Fabritzius. Baillant.
M. Coqueret Fabritzius. Montigneul.
M. Poujo.ilat Fabritzius. Jatiot.
Distribution des prix du Con£/ifu£ir'nric/. ... Kadard. Bau'ant.
Dessiiialeiirs. Orateurs.
Le nouveau Cheval de Troie Bertall Baulant.
Buste d'honneur du général Bergamotte .. . Fabritzius. Baulant.
MaladroilsBûcherois N.idard. Eaulant.
Réjouissancei. —Système Faucher Niidard. Baulant.
Encadrement Nadard. Bnu'ani.
M. ds Mon'aipnibert Fabritzius. Leblanc.
POUR PARAITBE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
liypocrysies — passe passe — perfidies — grande cidbule de
MOSIEU RÉAC
SI ITE DE CAniCATl'KES PAP. NAUAIllJ.
Parii,— Tiré» «nj preatei mCeaniqiiet de Licnmps fllj el Comp., me Damtetle, i.
>>3/
F. A SEMAINE.
« De quoi me parlerez-vous? demande le lectuur à
la Semaine.
— Parbleu, du carnaval. A-l-il été triste, a-t-il été
gai? Les uns disent oui, les autres disent non, la chose
vaut bien la peine qu'on Téclaircisse.
— Lclaircissons-la.
— Eh bien, le carnaval a été triste, et je crois que
la politique n'y est pour rien. Le carnaval dure de-
puis trop longtemps, on en a par-dessus la tète. Il
faudrait trouver autre chose. Inventer, par exenij)le,
un carnaval d'été, et encore je ne sais pas si ce car-
naval réussirait.
J'ai lu dans les journaux d'hypocrites lamentations
sur la suppression du bœuf gras. M. Jules Janin lui a
consacré une élégie dans les Débats, M. Eugène Gui-
not une oraison funèbre dans le Siècle. Je ne suis pas
bien sûr que le Constitutionnel n'ait point trouvé à ce
sujet quelques phrases touchantes et bien senties. Le
Charivari s'est associé à la douleur générale ; enlin la
Revue comique s'en occupe aujourd'hui. Le bœuf
gras n'a jamais eu plus de succès que cette année où
il n'existait pas. Ce que c'est que de passer à l'état de
sujet d'article.
La vérité est que personne ne s'est aperçu de l'ab-
sence du bœuf gras. C'était une institution usée, finie
comme la monarchie.
Autre symptôme grave. Au dernier bal de l'Opéra,
celui du mardi gras , Musard n'a pas été porte en
triomphe. On a laissé Musard rentrer chez lui à six
heures du matin comme un mortel ordinaire.
Du reste, pas un masque sur les boulevards pen-
dant les jours consacrés, et à peine quelques bandes de
pierrots déguenillés à la descente de la Courtille. Dé-
cidément, le carnaval s'en va !
Dans le monde, ou a remarqué le petit nombre de
bals déguisés, les bals parés ont été fort nombreux au
contiaire. Le bal du Président de la Hépublique a été
surtout remarquable par la quantité d'étrangers et
d'étrangères, Anglais et Anglaises surtout. Les invi-
tations aux Français avaient été distribuées avec une
grande parcimonie, toujours à cause de l'exiguité du
local. C'est sans doute aussi par ce motif que le Pré-
sident de la République n'a pas cru devoir inviter le
colonel Forestier. Un colonel de la garde nationale
tient en effet beaucoup de place dans un salon quand
il sort de prison, après s'être conduit comme le brave
colonel de la sixième légion.
M. Louis Donaparte avait fait dans cette fête les
avances les plus directes au faubourg Saint-Germain.
Nous devons convenir que la République est plus heu-
reuse que la monarchie, et que la légitimité se con-
d'.' d'une façon vraiment charmante pour le neveu
de l'exécuteur du duc d'Enghein, pour l'héritier de
Vogre de Corse. Nous en félicitons sincèrement notre
Président.
En entendant prononcer tous ces noms de l'ancien
régime précédés de leurs titres (il est bon que le Pré-
sident donne l'exemple du respect à la Constitution),
en voyant défiler cette longue kyrielle de blasons am-
bulants, un de nos amis se récriait sur l'absence de la
plupart des notabilités de la révolution :
« Louis-Philippe était trop bourgeois, lui a répondu
un aide de camp du prince, c'est ce qui l'a perdu. »
Gardons-nous dune d'être trop b lurgeois.
Après les bals, il est bien naturel que nous vous
parlions théâtres; la politique viendra en dernière ligne
celte fois. Nous n'avons, en fait de théâtre, que d'heu-
reuses nouvelles à vous apprendre.
Les répétitions du Prophète ont commencé sur le
théâtre. Les débuts de Masset confirment de plus en
REVUE COMIQUE
plus son éclalanl succès. Après 7m(sa/ejn, nous lui en-
tendrons ilianler la Favorite et le Comte Ory.
Le Thcàlre Français joue ce soir la comédie très-
attendue de M. Alfred de Musset, qui prendra défi-
nitivement le titre de Lonison. C'est le dernier rôle
que doit créer mademoiselle Anaïs avant de prendre sa
retraite ; puis viendra le Testament de César, tragédie
dont l'auteur est M. Paul-Dumas-Alexandre-I.acroix.
Les Monténégrins vont passer prochainement à l'O-
péra-Comique eu même toinps que la reprise de 3fa
Tante Aurore.
La Gazza Ladra fait fureur aux Italiens avec ma-
demoiselle Alboni dans Minelln, el mademoiselk' de
Méric dans Iîe|)po.
Le Gymnase prépare un vaudeville en trois actes, le
Douqnet dp violettes, pour mademoiselle Rose Chéri.
Voilà maintenant que les théâtres se mettent à faire
concurrence aux journaux. Le vaudeville puhiie un
journal mensuel, les Variétés ont fait paraître mardi le
premier numéro d'une feuille quotidienne intitulée
le Cnars de la Bourse. Les couplets de ce journal sont
thaiités par Hofiiiann auquel ou adjoindra des colla-
borateurs suivant les besoins de la rédaction. Cette
revue de la journée, avec accompagnement d'orchestre
et de calembourgs, est un empiétement sur les droits
de la presse ; mais nous sommes en république, el le
succès n'est plus un monopole que pour les gens d'es-
prit.
MIF.UX VAUT PRKVKMU Ql i: iU-l'llIMIP..
Un des plus grands malheurs, une des plus grandes
hontes de ce pays, c'est qu'il déshonore chacune des
libertés auxquelles il aspire par l'abus qu'il eu fait.
La calomnie, cette arme empoisonnée, qui était aban-
donnée autrefois à quelques Baziles de bas étage, est
devenue l'arme commune des partis. 11 semble qu'elle
soit l'enfant gâtée de la presse. Comme s'il ne suflisait
pas des armes malheureusement terribles que la vérité
pourrait mettre aux mains de tout parti contre ses ri-
vaux, c'est au mensonge que chacun croit pouvoir de-
mander des forces nouvelles contre ses adversaires.
Certes, si les partis sont coupables d'eu agir ainsi, on
conviendra que les gouvernements qui se laissent en-
traîner dans cette voie odieuse le sont cent fois davan-
tage. C'est cependant ce qui arrive de nos jours Quand
donc MM. Faucher, Changarnier, Rngeaud et aulres,
comprendront-ils qu'il n'est pas permis à un gouver-
nement de relever toutes les armes dont on use contre
lui, qu'un gouvernement qui se respecte a pour de-
voir de se défendre, mais non d'attaquer, et que si un
parti est inexcusable d'user d'armes déloyales, quoi-
qu'il s'en serve à ses risques et périls, contre un gou-
vernement qui lui est contraire, il n'est pas permis à
ce gouvernement d'oublier quand il veut se défendre
qu'imiter ses adversaires c'est autoriser leur conduite,
et que, quand on a derrière soi une armée, des procu-
reurs généraux, la justice, la prison, le bagne, on n'a
pas le droit de faire, eu outre, une guerre de parti-
san à ses ennemis.
La fameuse nin\\mc prévenir vaut mieux que ré-
primer est une des pins dangereuses que puisse invo-
quer nn gouvernement. Prévenir, c'est-à-dire frapper
avant la faute, n'est-ce pas s'exposer à supjioser cette
faute et au besoin à paraître l'inventer.
M. Faucher se lève un malin. « Nous faisons pas
mal de sottises, se dit-il à part lui, nous devons avoir
exaspéré une partie notablt! (le la population pari-
sienne; il se pourrait que l'idée vint à celte popula-
tion de s'insurger contre nous. » Dans le doute, un
ininislrc sensé s'absliendrait, se contentant de se tenir
sur ses gardes. M. Faucher, loin de s'abstenir, part
de sa supposition comme un autre partirait d'une
vérité, et Paris est en un instant sillonné de patrouilles
et de canons. Le mal eût-il existé, un remède de ce
genre eût été pire que lui ; qu'importe!
« Le général Cavaignac, se dit un matin le général
Changarnier, doit trouver odieux le ton que prend
Bugcaud et celui que je prends moi-même en ce mo-
ment. A sa place, je penserais peut-être à exercer
quelque influence sur l'armée. » Donc, le général Ca-
vaignac a cette coupable pensée, et dans un journal
qu'on peut désavouer, on insinue cette odieuse accu-
sation. De quoi vous plaignez vous? Prévenir vaut
mieux que réprimer. Que résuUe-t-il de tout cela?
C'est que la liberté de la presse devient, aux yeux des
gens sensés, responsable de l'abus qu'on en fait, c'est
qu'elle perd son prestige , et que, ne la connaissant
(pie par ses excès, les honnêtes gens s'en fatiguent.
Que dire d'ailleurs des journaux qui se condamnent
sciemment à se démentir au profit d'un gouvernement
(piclconque. Que pense M. Lubis de sa campagne
contie le général Cavaignac? L'auteur de sa note est-
il bien lier?
Le com*e de Monle-Cri«!o, ayant retrouvé, dans lc« descriptions de la
Cali/ornie. le sigtalemcnt de son ile égarée, s'y rend & la hàle, aQn
d'en revendiquer la propriété.
De' sine par Louknt^
ENTRE DEUX HÉl'lBLICAINS DU PARTI HONNÊTE, DIT DE CONCILIATION.
— T'fs-t-uii Louispliilis !
— Et toi, t"es-t-im Henriiiiiirii|iii'l !
Gravé par Rouget.
23-i
REVUE COMIQUE
VIOLETTES PARLEMENTAIRES.
ESOnSSES NON POLITIQUES.
II. — M. AVOND.
J'entie en malièi-c à la f^içon .le riiitarque : Avond
est iiéàPaulhagnet.
Houreux Avond ! il aurait pu naîlio à Elbcuf comme
M. C.randin, à Cognac comnic M. Râteau ou à Palai-
scau comme la Pie voleuse ; mais la Providence, pour
le marquer aux yeux de tous d'un signe falidiquo, lui
donna Paulhagnet pour berceau.
A Paulhagnet, Avond était l'ami de Callet, qui siège
à côté d'Avond à l'Assemblée nationale, premier banc
de la quatrième travée de droite. Les érudits de Paul-
baguet épuisaient, en faveur de ces deux futures vio-
lettes liées par une étroite amitié, les comparaisons
les plus mythologiques. Nisus et Enryale, Damon et
Pythias, Castor et Pollux, Thésée et PirilhoCis ; tels
étaient les types un peu audacieux que représentaient
à l'imagination complaisante de leurs compatriotes les
deux aspirants hommes d'Etat.
Insensiblement, ils abandonnèrent Paulhagnet pour
venir à Paris. Callet se lia un jour très-intimement
avec Pagnon, qui fit la connaissance de Pourrat.
Vers cette époque, Pourrat eut une idée : il rassem-
bla ses amis et leur déclara que son intention inébran-
lable, était de fonder r£'ssor, études politiques, pliilo-
sophiques, palingénésiques et légèrement sociales.
Comme Pourrat était un homme d'une volonté éner-
gique, il fit paraître dix numéros de sa publication, qui
n'obtint pas le moindre succès.
Celui qui s'était fait le moins remarquer parmi les
rédacteurs inconnus de l'Essor, c'était Avond. Au-
jourd'hui encore. Pourrai, qui travaille depuis dix ans
à un grand ouvrage, se plaît à lui rendre cette justice.
Callet avait publié trois articles de haute critique
sur la funeste tendance du théâtre du Panthéon à re-
fuser ses pièces. Pourrat s'en souvient encore et Pa-
gnon aussi.
Après des débuts si extraordinaires, Avond se lança
avec confiance vers l'azur de l'avenir. Il se lit recevoir
avocat pour la forme ; au fond il était sténographe.
Avond faisait le compte-rendu des Chambres pour
la Gazette de France ; personne mieux que lui ne sa-
vait entrelarder les discours de M. de Genoude de très-
bien! très-bien! il excellait dans les sensations prnlon-
f/ées, et on le citait pour la façon vraiment remarqua-
ble dont il plaçait les applnudissemcnts à gauche ci les
murmures à. droite. Les sténogra[ihcs se souviennent
encore de ce célèbre truc inventé par Avond, et dont
ils ont tant abusé depuis. Quand .\vond ne compre-
nait pas le sens du discours d'un orateur, il y suppléait
dans son compte-rendu par ce subterfuge ingénieux :
Les murmures qui régnent dans t' Assemblée ne permet-
tinit pas à la voix df l'onifciir 'de parvenir jusqu'à
Aussi M. de Genoude avait-il riiabilmle de dire, en
lisant les séances sténographiées d'Avond ; Voilà un
garçon qui ira loin.
En effet, le lendemain de la révolution de Février,
Avond alla à l'hôtel de ville. A cette époque, Avond
était républicain de la veille comme tout le monde, li
rencontra dans un corridor M. Crémieux, qui, en sa
qualité d'Israélite, ne fut pas fâché de s'attacher un
rédacteur catholi([iie de In Gazette, et le ramena au
ministère de la justice pour en faire un chef de ca-
binet.
Vinrent les élections. Avond, qui avait eu soin d'en-
voyer depuis plusieurs années la Gazette de France à
Paulhaguet, fut naturellement élu par ses comjiatrio-
tes, qui se firent ce raisonnement plein- de simplicité :
« Puisqu'Avond sténographie les discours des dé-
putés depuis dix ans, il doit en avoir retenu quelques-
uns ; il les récitera tout d'un trait. Cela fera honneur
au pays. »
Callet, lui, fut élu par-dessus le marché.
Nous avons cité les qualités d'Avond, parlons un
peu de ses défauts.
Avond est beau, et il le sait. Avond a un gros ventre
et des jambes courtes; sa figure paraît insignifiante à
la première vue, mais on assure qu'elle s'anime dans
le tète à tète. Avond est adoré, et il en abuse. C'est le
cœur de don Juan dans la peau d'un notaire; il a la
funeste habitude d'oublier ses bretelles et ses paletots
chez les dames qui veulent bien l'honorer de leur con-
fiance; de sorte que le mari, revenant de voyage, est
tout étonné de trouver dans sa garde-robe des gilets de
llanellc exotiques et des pantalons étrangers. Alors,
voilà tout un drame qui se déroule ; des fiots d'encre
sont répandus.... 0 Avond! est-ce contre vous qu'a
été dirigé l'amendement moral de Pierre Leroux?
A rAsscmblée, Avond est triste ; il a cet air profon-
dément ennuyé des intelligences supérieures. Quand
il fait son entrée dans la salle des séances, il traverse
le couloir central en portant les deux mains à sou gi-
let ; quelipiefois il mâchonne un cure-dents, cela a
bon air ; il se laisse tomber à sa place après avoir ac-
cordé une poignée de main à Callet; tousse un peu
pour se faire remarquer, promène ses doigts distraits
dans SCS cheveux en braquant son binocle sur les tri-
bunes peuplées de femmes, et prend une de ces poses
nonchalantes qui rappellent vaguement Eudymion en-
dormi.
11 ne sort ordinairement de cette belle indolence que
A I.IISACK DES r.FNS SI'IUKUX.
235
poiirallt'i- ii'iili'i- ilaiis les iMivinins ilii Iciiir riiiiii-lcM ici.
Je iltiis rendi-i' ci'tlo jiislico à Avdiul, (|iril .i iiiii' li\il('
(l'()|)iiii(iii iiiL'lx-aiilahlc. Je lu! l'ai vu m aiu nu liiiips
se glisser sur les Ijuius de I'()|)|)osili(iu. ne fùl-ie
i|u'uue seconde, pour causer avec un collègue. Avond
ne connaît que le pouvoir. Les lioninics passent, le
principe reste. .\vou(l est pour le principe. C'est ainsi
(]ii'i! a successivement olitenii des poignées de main de
Lamartine, de l^edru-Rolliu, de Flocon, de Séuard,
de Rectirt et de Lieu d'autres ; Vaulabelle lui-niènie
y a passt!. Aujourd'hui, Avond, pour montrer i[u'il est
toujours le même, continueà solliciter des poignées de
main de M. de Faucher et de M. de Falloux. On prétend
même qu'il se rencontre souvent sur le passage d'O-
dilon pour saisir un sourire au vol. Fntre nous, Avond
abuse un peu de l'inlk'xihilité de son caractère. Il de-
vrait ajjporler moins de ténacité dans ses manifesta-
tions amicales, ne fût-ce ijue pour ne pas trop liumi-
lier ceux de ses collègius qui ont déserté le banc mi-
nistériel le lendemain du jour où leurs amis n'étaient
plus ministres.
Avond fuit la tribune. En sa qualité d'ancien sténo-
graphe, il sait les dangers qu'elle recèle. Latet auguis
in herbu, comme disait M. Ihipin à l'époque où le père
Auguis était député. La tribune est le cap des tempê-
tes des journalistes. C'est là que j'ai vu se briser l'es-
quif Bouvet, le brigantin Degeorge et la felouque
f.MiiiHl. Hélas! j'ai recueilli les débris du naufrage
du beau lrois-nu\ls le Diirrieu, en partance pour nu
amendement; et la tartane Lnnglet, et la gondole Du-
pont (de la Dordogne), et tant d'autres embarcations
doublées et chevillées en articles de fond. La galère
capitane Victor Hugo, qui avait lilé un assez joli noMid
sur la mer pacidque de rh'vénement, n'a doublé le
cap parlementaire, après bien des avaries, que [jarce
qu'elle était favorisée -par une forte brise d'antithèses.
Avond, qui n'a pas le pied marin, préfère la discussion
dans les bureaux aux discours à la tribune. La discus-
sion dans les bureaux est, pour la violette inexpéri-
mentée, ce qu'est le plancher des vaches pour le Parisien.
L'homme est double, a dit un philosophe. Cela est
vrai, surtout pour Avond. Il est des jours où, déser-
tant Callet et sa mélancolie, Avond vole comme un
gros papillon à travers les fleurs représentatives. Ces
jours-là, il écrase M. Mole, enjambe M. Thiers, apla-
tit M. Duvergier de Hauranne et fait voler l'abat-jour
de M. Jules de Lasteyrie. A une séance où Avond avait
endommagé l'orteil du joli M. Fresneau, celui-ci dit à
son voisin : « Voilà un gaillard qui se comporte parmi
nous comme un éléphant dans un magasin de porce-
laines... » Mais il faut excuser Avond quand il se livre
à cette course folâtre : Avond va porter à des dames
des billets de tribune qu'il vient d'obtenu' de la muni-
ficence du chef des huissiers, M. Brancas-Duponceau.
SjÉaNXE du 19 FÉVRIER. A PROPOS DES AFFAIRES d'iTALIE.
Cette discussion, qui devient géLérale,
N'est pourtant que grammaticale ;
Les uns pour la papauté.
Les autres pour le pape 6té.
COQUEREL, qui crie et qui jappe,
Dit aux rieurs qui pouvaient s'en donner :
a Vous ne parviendrez pas à me désarçonner
Pourtant il est tombé de la mule du pape.
Po'JotiLAT, qui courut l'Egypte avec Michand,
Parle, avec Coquerel, en un style mi-chaud;
Mais, à propos de ce neuvième Pie,
11 raisonne comme une pie.
236
REVUE COMIQUE
DISTRIBUTION SOLENNELLE DITS PRIX DU CONSTITUTIONNEL.
Le tableau représente le moment où le pharmacien Véron, assisté de Thiers et de Mole, dépose une couronne civique sur la tête du jeune Odi'.on
il va lui remettre le <Tand prix de sagesse politique que lui passe le fidèle Merruault. Parmi les élèves couronnés, on remarque les jeunes Du-
verg.erde Hauranne Falloux, Léon Faucher, Denjoy, Drouj-n de THuis, Berryer, Râteau, deTracy, Buffet, Bugeaud, Changarnier, etc., etc.
LE NOUVEAU CHEVAL DE BOIS.
Nous avons entendu de bons bourgeois se plaindre
de ce qu'il n'y a pas eu de bœuf cette année. Pas de
liœuf gras! disaient-ils dimanche et mardi, en remar-
quant tristement la solitude des boulevards; oîi allons-
nous? A quoi nous sert d'avoir un ministère d'ordre,
un pouvoir fort, un gouvernement conservateur , 'et
l'épée du maréchal Bugeaud suspendue par un iil
sur la tète de l'anarchie, si on laisse dépérir les an-
ciens usages, s'i! n'est plus permis de suivre de la Bas-
tille à la Madeleine et tout le long des rues, le bœuf
aux cornes dorées, avec son cortège de sauvages à che-
val? C'est instructif, agréable à voir, et même on re-
çoit des coups de pied des chevaux du cortège. Est-ce
que par liasard nous n'aurions pas un gouvernement
aussi conservateur qu'on l'avait cru jusqu'à présent?
Ainsi parlent ces bonnes gens, et depuis mardi,
puisqu'il faut l'avouer, M. Barrot est l'objet de graves
soupçons. La confiance qu'une partie de la population
avait placée en lui est altérée; on l'accuse tout bas
d'être sur le point de faire allianceavec M.Ledru-Rollin.
Soyez donc un ministère d'ordre pour qu'on vous
soupçonne de terrorisme !
La population parisienne est bien indigne, en vérité,
de l'intérêt qu'elle inspire au gouvernement. Sauvez-
la aujourd'hui, elle vous accuse demain, et les calom-
nies les plus atroces circulent sur votre compte. Mardi,
dans les groupes, on prêtait ce mot à M. Barrot : « Si
le bœuf gras ose se montrer, je le fais guillotiner à l'in-
stant ! » Ce serait bien odieux, si c'était moins absurde.
Encore si ce propos avait été attribué à M. Ledru-
RoUin!
H faut pourtant que le peuple de Paris, que la France
entière connaissent la vérité ; il faut qu'ils sachent
d'abord que le mot prêté à M. Barrot est controuvé, et
que s'il n'y a pas eu de bœuf gras cette année, cela
lient à des considérations politiques de la plus haute
importance.
La France veut-elle être sauvée de l'anarchie? Voilà
la questirn.
Oui, elle veut être sauvée; alors qu'elle laisse agir
les gouvernements forts et le vigilant père Carlicr.
Le vigilant père Carlier alla donc trouver M. Barrot.
« Monsieur, lui dit-il, l'anarchie est aux abois.
— Je le sais.
— Mais tellement aux abois, qu'elle vient d'avoir
une de ces idées biscornues et extravagantes qui accu-
sent un dérangement dans le cerveau,
— Je n'en suis pas étonné.
— Vaincue le 29 janvier, l'anarchie veut prendre
sa revanche le dimanche 18 ou le mardi 20 février.
— Conspiration grasse, hi, hi, hi.
— Votre Excellence a toujours le mot pour rire.
— Mon Dieu, oui; c'est la pureté de mes intentions
qui me conserve la gaieté, ce don du ciel. Mais ache-
vez, vertueux père Carlier, achevez. Quels sont les
projets de l'anarchie?
A LUSACE DKS GENS SÉRIEUX.
257
— L'anarchie prt'leiid proliler de la licence des der-
niers jours du carnaval. Si vous m'en croyez, vous
su|)|)riinercz le IxiMif j,'ras.
— I,c bœuf gras, père Carlici-, y penso/.-voiis !
Qu'en dira la population parisieniu'.'
— Elle en dira ce qu'elle voudra. Mais savoz-vous
ce que doit être le hœuf gras de celle année?
— Non; sera-ce un cheval, un chien, un lin'iif
maigre, une chèvre? Achevez, vous me faites IVèinir.
— Vous connaissez l'hisloire du cheval de hois (pii
porln les Grecs dans les murs d'illiou, par la faule du
chef de la police de celle ville, qui, j'ose le dire, ne
valait pas le pèi'e Gariier.
— Je connais cette histoire ; j'ai fait mes classes ,
monsieur !
— Eh bien; il s'agit de renouveler celle mauvaise
plaisanterie. I.e bœuf gras de celle année serait à la
vérité un bœuf gras, mais un bœuf en bois.
— Grands dieux !
— Dans les flancs de ce bœuf en bois se cacheraient
les chefs montagnards et socialistes, Proudhon, Gonsi-
déranl, Gabet, l.edru-llollin , Gaussidièrc et l-ouis
nianc, avec leurs satellites armés. Puis, sous prétexte
<le la visite d'usage à l'hùtel de ville, ce monument
tomberait par surprise entre les mains d(!s anarchistes
qui s'y établiraient en qualité de gouvernement pro-
\isone.
— Vous me failes frémir. Mais \ulre rapport e^t-il
bien positif, vigdant Garlier?
— Que trop! Je vous dirai même ipie les souscrip-
tions pour la prétendue l?an(|ue du l'eii|)le doivent
servir à payer la coiislructiou du bœuf de bois.
— 0 mon pays! s'écria M. Barrol, j'aurai donc pu
te sauver une fois encore! »
G'est à la suite de cet entrelien que l'entrée de l*aris
a été interdite au bœuf gras. Et maintenant, bour-
geois naïfs, qui sonj'çonniez les intentions de M. Bar-
rol, demandez pardon à cet homme d'État, et
félicitez-vous d'avoir un gouvernement (|ui a lu
l'Enéide.
238
REVUE COMIQUE
ENCORE LE BCEUF GRAS.
RKVÉLATION nu SYSTEME POLITIQVE DE M. BARKOT A mOl'OS PU BOEIF GRAS.
Nous le (lisions tout à Phoiire, tout le niomlc s'est
demandé avec une profonde inquiétude les raisons qui
cvaient privé le carnaval de sa promenade du bœuf gras.
On s'attendait à une explication du ministère sur nue
si grave innovation ; mais le Moniteur s'est lu ; la Pa-
trie n'a pas une ligne communiquée sur ce sujet; pas
«ne interpellation n'est descendue de la tribune; et
M. Faucher est resté dans son majestueux silence.
Aussi les boulevards , pendant les trois jours gras,
n'étaienl-ils remplis que de gens qui se question-
naient, s'interrogeaient, se disaient mutuellement:
« Pouniuoi n'ont-ils pas fait de bœuf gras? Y aurait-il
encore là dessous de la politi(iue? Est-ce que les cornes
dorées du moderne Apis recelaient quelque nouvelle
conjuration? Est-ce que les mangeurs de veau froid
poussent l'amour de ce mets socialiste jusqu'à conspirer
contre le bœuf? Est-ce que M. Changarnier, au lieu de
profiler, comme tous les jeunes gens, deces joyeux jours
]iour aller voir un bœuf qui est certainement moins à
la mode que lui, aurait encore couru le risque de se
couvrir de gloire en exterminant l'anarchie? Est-ce que
le char qui contenait les divinités de l'Olympe aurait pu
être, comme lecbeval de Troie, une machine de guerre
avec laquelle Proudhon-Ulysse aurait incendié Paris?
Est-ce une concession nouvelle de M. Falloux au clergé?
Est-ce que les pour-boires donnés aux conducteurs du
bœuf ont paru une économie réalisable au président,
ministres, préfet, dont les traitements sont si ré-
duits?»
Eh bien! non. Rien n'est vrai dans toutes ces con-
tf'^.LPl
Au célèbre général Bergamotte. — Buste d'honneur
jeclures, malgré les renseignements du père (larlier ;
le gouvernement voit la chose de plus haut, et M. Bar-
rot a maintenu sa première prohibition. C'est dans
la conduite des détails ipie se reconnaissent les grands
hommes, et nul ne pourra dire que la politique de
M. Barrot, à l'endroit du bœuf gras, est une maigre po-
litique, uuepolitiquede pot-au-feu, une politique entre
cuir et chair, ainsi que tant de gens de mauvais goût
l'ont prétendu. En effet, le ministère qtie les factieux
accusent de pensées réactionnaires et d'intentions mo-
narchiques, a voulu tout simplement donner une
preuve éclatante de ses sentiments républicains, de son
intelligence de la situation, de la profondeur et de la
sévérité de ses principes démocratiques; il a voulu re-
nouer la chaîne des traditions révolutionnaires et mon-
trer que 1818 est le dernier terme de 1789; c'est une
profession de foi, c'est un manifeste, c'est tout un sys-
tème politique qui se révèle à propos de bœuf.
Donc le gouvernement trouve les folies carnava-
lesques indignes d'un peuple libre. Il s'est souvenu
qu'après la révolution de 1789, les Parisiens avaient
d'eux-mêmes, sans le conseil des Berger et des Rcbillot
de l'époque, aboli ces cérémonies de l'ancien régime,
et qu'elles ne furent reprises qu'en 1805, c'est-à-dire
quand la liberté avaitété ensevelie par la gloire. En effet,
M. Faucher, le savantde l'endroit, aenlevé les suffrages
de tout le conseil des ministres et déterminé si résolu-
tion en lisant celte phrase du Journal de Prudhomme
du 13 février 1790 {Révolutions de Paris, n" 32) :
« Nul n'a paru penser aux mascarades, aux orgies,
« aux folies qui avaient lieu à pareil jour, les années
« précédentes. Il n'y a point eu de course de masques
« le lundi ni le mardi, et le peuple n'a pas paru les re-
« gretter. Il a senti toute l'absurdité de cette mon-
« strueuse coutume, et il faut espérer, pour notre hon-
« neur, qu'elle ne se reproduira plus. Ce sera encore
« un des fruits de la révolution. »
Et voilà comment le Californien , le bœuf gras
de 1849, dépouillé de sa royauté parisienne, s'est
trouvé réduit à promener sa majesté exilée dans les
rues désertes du pompeux Versailles, sous les yeux dé-
daigneux des douairières de l'endroit! Quelle chute!
mais aussi quel enseignement philosoplii(|ue! Le bœuf
jetai ides regards mélancoliques sur la ville de Louis XIV;
la ville dont toutes les passions, les affections, les sou-
venirs sont au delà de notre frontière, regardait avec
une ijnrl'nile indifférence le Californien. Marins et
Cartilage revenaient naliuellement à la pensée ; mais, à
la différence de Cartilage et de Marins, ces deux grands
débris ne se consolaient [las du t::ut entre eux.
On dit ([ue l'année prochaine les déguisements seront
interdits, y compris les costumes Lafayette.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
239
\ l'iîoi'os i»im: loi thôp F.woRAni.r, ai \ \i\i;is.
On se plaint tons les jouis iliî i'iiiimoraliU' des ic-
IH-Liscnlauls ilc la niontagno cl de la piufonde peiver-
silé dos ri'présenlaiils du soiialisino. I.a iiioiitague et
le socialisme vienneul de se r. liiliililer gloiieusemenl.
Berquin, V Ami des enfants, et M. de lUiuilly, le célèlire
auteur des Coiisals à ma file, ne sont plus que des
éeoliers dans les questions do nature à intéresser la fa-
mille, si on les compare au citoyen Pierre IjCroiiv.
11 vient d'être décidé, sur sa proposition, (jne tout
homme condamné pour s'ôlre laissé distinguer, tran-
chons le mot, adorer, par la femme de son prochain,
perdrait son droit d'éligihiiité.
Nous le disons tout net, et nous croyons n'èlre
pas plus que l'Aseemblée nationale, les ennemis de la
morale et du mariage, cette loi est ce qu'on peut ap-
peler une bête de loi. L'Assemblée nationale, en la vo-
tant, s'est conduit comme ces grandes sottes qu'on
nomme des prudes parce qu'elles affectent des airs de
vertu liors de toute proportion avec leur âge et leur
expérience bien connue.
Ce pays-ci, quoi qu'on di^c, est un pays moral, sa
moralité, surtout dans les questions de ce genre, n'a
pus besoin de s'appuyer sur la loi. L'opinion publique
sait distinguer mieux que la loi, qui est, qui doit
cire brutale et qui ne juge que le fuit, ceux, parmi les
délits de ce genre, qui touchent à l'honnenr de l'homme
qui s'en est rendu coupable.
Cette loi est contraire à l'esprit de la France depuis
Montaigne jusqu'à >L Thiers, comme le serait une loi
sur le duel. Si Molière eût été représentant, quel que
droit qu'il eût, ce pauvre homme,de voter pour l'amen-
dement du citoyen Pierre Leroux, croit-on qu'il l'eût
aidé de son vole?
Nous relevons, dans le compte-rendu de la Patrie,
une phrase qui nous a paru naïve. « M. Pierre Leroux,
dit le rédacteur de cet honnête article (nous ne le nom-
merons pas), M. Pierre Leroux a eu pitié de nous. »
Que pensent de la candeur de cette ligne les collabo-
rateurs de l'écrivain dont elle émane? L'accepleut-ils
avec toutes les conséquences qu'elle semble indiquer?
s'enrégimentenl-ils avec leur confrère sous la bannière
de ce nous, dont il semble, par une erreur de plume,
nous aimons à le penser, invoquer le bénéfice.
La liste des noms des volants, dans cette circonstance,
serait curieuse à consulter.
« Comment ont voté MM. Thiers, Hugo, de Lamar-
tine, de Heckeren, Avond? se disaient les dames dans
les tribunes. — Et MM. A., /.., C, V., L, etc., etc.,
sait-on leur vole?
— Tout homme ayant une faute de ce genre sur la
conscience, faute connue ou non, s'il a voté celte loi,
est un hypocrite, disait madame de C. dans la tribune
du conseil d'État.— Un lâche, ajoutait madamede V. »
A ce compte, combien y a-t-il d'hypocrites à l'Assem-
blée nationale?
Mais ceux qui ne sont jias hypocrites, ceux qui ont
voté/>o/«-en conscience, que sont-ils donc, s'ils noiit ma-
riés? Voilà ce qui nous inquiète. Et s'ils sont garçons,
i|uc faut-il penser d'eux? Que île paletots ont dû être
laissés par ces messieurs entre les mains des Pntiphar
de leur province. Heureux les tailleurs de ces Jo.seph.
Celle loi, je voudrais que Rabelais pût me dire ce
qu'il en pense. — N'est-ce pas une ]u-ime donnée à la
publicité des délits de cette nature? Cela ne fait-il pas
de l'adultère nn moyen politique? Dix femmes comme
on en comptait plus de vingt dans l'ancien grand monde
politique, ayant pour maris des Décius décidés à tout
soulfiir pour la bonne cause ; oui, dix femmes, intré-
pides, résolues, prêtes à tout, spirituelles et jolies, siif-
iiiaient, à l'aide de cette loi, à désorganiser tout espèce
de parti politique.
« Mais il n'y a donc pas un homme d'esprit dans celte
Chambre ; il ne s'y trouve donc que des pères de fa-
mille malheureux, » s'écriait mademoiselle B, en regar-
dant d'un œil plein de compassion cette vaste enceinte
où abondent les crânes dénudés.
Beaumarchais, où es-tu?
Vous me direz, après cela qu'en .Amérique c'est bien
pis, et que mieux vaut encore priver un homme du
devoir qu'ont les représentants de se regarder sans rire
six heures durant, quand ils font de ces belles be-
sognes, que de l'envoyer scier du marbre dans les car-
rières, comme cela se pratique dans les États de l'Union.
240
REVUE COMIQUE
REJoiisSANCES rATBloTlQUE-. — Système Léon Fauclu
UN MOT SUR M. LE COMTE MORTIER.
RI. le comte Mortier, qui, i l'occasion de son procès avec sa
femme, «oulient avec tant d'esprit el une si extraordinaire lu-
cidité, la Inlle désespérée qu'il a engagée contre ses adversai-
res, et qui, dans sa défense, a trace, des hommes el des clioscs
qui ont passé sous ses yeux, de si curieux portraits, qu'on est
presque forcé de les croire rcssemblanis, était chargé d'afl'aircs
à Berlin, en 1830, quand éclata la révolution de Juillet.
On sait (jue l'annonce de ce grand événement mit en émoi
loulesles cours européennes. Il n'y avait qu'une coalition, se-
lon les diplomates du temps, qui pût écraser la lête de la révo-
lution qui se redressait si inopinément au-dessus des troues
européens. Toutes les frontières des États voisins de la France,
et notamment les fiontières prussiennes, se couvrirent simul-
tancmenl de troupes prèles à entrer en campagne contre nous.
Il n'y avait donc pas une minute à perdre : le sort de la France
pouvait dépendre de la fermeté de son attitude dans ce mo-
ment suprême. M. le comlc Mortier, abandonné à ses propres
inspirations, sans instruclions pour un cas aussi peu prévu, dut
alors prendre conseil de lui-même et de son seul patriolisme.
Sur son ordre, un des altachés de la légation de Berlin se
déguisa en courrier d'ambassade et quitta la ville à franc élrier,
comme s'il était chargé do dépêches pressées pour la France;
mais, arrivé à di,\ lieues de cette ville, il (|uilla, conformément
aux instructions secrète? de M. Mortier, son déguisement, prit
une chaise de poste, et, revenant à Berlin au galop, y (it une
entrée bruyante. Descendu à l'ambassade, il y remit à M. Mor-
tier des instructions qui semblaient venir de France. Ces ins-
tructions, très-nettes, très- franches, Irès-vigoureuses , furent
lues par M. le comte Mortier au ministre des affaires étran-
gères du cabinet prussien. Elles porlaienl en substance que, si
la Prusse ne rappelait pas sur-lc-cliamp ses troupes, la France
ferait entrer immédialemenl sur le territoire allemand une
armée de cent cinquante mille hommes; elles prolcstaienl, par
contie, des intentions paciliqucs du gouvernement fran(;ais
pour le cas où les troupes prussiennes se retireraient. Le ca-
binet prussien délibéra, et le résultat de la délibération fut
qu'il serait obtempéré au désir de la France.
M. Mortier écrivit alors immédialement au gouvernement
français. « Si j'ai eu tort, dit-il, destituez-moi, désavouez-
moi ; il n'y aura que moi de compromis. »
Lo cabinet français, loin de desliluer M. le comte Mortier,
reconnaissant l'immense service qu'il .venait de rendre, le
nomma presque immédiatement ambassadeur ou Espagne,
pour récompenser sa présence d'esprit et sa résolution.
A M. LE VICOMT
Monsieur,
Malgré votre horreur pour l'esprit de libre cxaiuen, vous
n'êtes pas, je suppose, dans la situation du Président de la
République, à qui ses ministres ont interdit la lecture des
journaux de l'opposition.
Peut-être même lisez-vous le Nalional. En tout eus, il est
bon que l'on vous informe d'un article qui a paru dans ce
journal, et dont l'cflet a été très -grand. C'est, à [iroprement
parler, un scandale dont vous faites les frais.
Vous souvient-il, Monsieur, d'avoir publié VHisloire de
Pie V et l'Histoire de Loitis XVI, deux livres un peu trop
compromettants pour un ministre de la République? Dans le
premier, vous exaltez l'inquisition; dans le second, vous faites
le procès à la Révolution française, ou plutôt vous la tra lez
en véritabe inquisiteur du i)on temps. Le National a pris la
peine de publier deux colonnes de citations extraites do ces
E DE FALLOUX.
doux ouvrages, et ces citations vous placent dans une situa-
tion quelque peu difficile, il faut l'avcuier.
Il ressort de vos livres, sur lesquels l'attention a êlé appelée
par le National, que vous êtes un des plus méritants élèves
de l'école philosophique et politique du comte de Maistre.
L'exercice de la raison humaine vus send)le une monslruo-
sité ; la Révolution française est l'uruvrc du diable; tous les
hommes qui ont joué un rôle dans celle magnifique épopée
sont des misérables dignes de figurer dans un auto-da-fé ; le
dernier terme de la civilisation, c'est le pouvoir absolu et la
monarchie du droit divin.
C'est là ce que vous avci écrit il y a trois ans.
Maintenant on peut vous adresser les questions suivanles :
Qu'est-ce que la révolution de Février, sinon la conséquence
de la première révolution de 89? Haïssant l'une, ainsi que
A L'USAGE DES GENS SÉIUEUX.
241
vous 1 iivei cléclaié dans l'Histoire de Louis XVI, vous dcvri
«voir l'autre en liorr. iir. l'ouiquoi diine nvei-vous ncceplé le
niaiulul niiiiislirii! iiiiillc vous a cniilu?
Connu,, niinisln-, vous avci pris reug.ip.nionl de servir et
de défendre une llé|.ul>li(|ue <|iie vous détesIcA eo ic
lioninie. L'amhrlion du pouvoir vous a donc fuit contracter un
enpa);enienl contraire à voire conscience?
Direz-vous qu'en acceptant un portefeuille sous la Hépu-
liliipie, vous n'en êtes pas moins icsié lidele à vos anciennes
opinions? En ce cas, je vous répondrai avec l'Évanyile
qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois. Ou vous re-
nierei l'esprit cpii a inspiré vos livn-s, ou vous trahirez la Hé-
pul>li(|ue.
Nous donnons ici ipu'lques citalicuis des deux livres de
M. de Falloux :
Jugement de M. de Faltunx sur lu dvilisiilion moderne.
— " Le monde a reculé (depuis la suppression de l'inquisi-
« lion); il est descendu graduellement de splière en sphère
« pour venir ahoutir aux abîmes du dernier siècle. »
L'inquisition jusii/iee. — u La toléianee n'était pas connue
« des siècles de foi, et le sentiment que ce mot nouveau lo-
« pnîsenle ne peut être raii;;é parmi les vertus que dans un
« siècle de doute... .autrefois, il y avait, en immolant l'Iiomnie
» endurci dans son erreur, toute chance pour que cette erreur
« périt avec lui, et que les peuples demeurassent dans la paix
« de l'ortiiodoxic. » « Le sang répandu ne l'était qu'a-
« vec la plus vigilante sollicitude pour r.'iuie du coupahie,
« i|uc l'Eglise s'efforçait jusqu'au bout d'éclairer et de re-
o conquérir. »
Opinion de }f. de Falluux sur l'abominable Philippe //,
meurtrier de son Y>r()pre fils. — « Les haines qui le poursui-
« vent... n'étaient et ne sont encore aujourd'hui que les re-
« présailles du fanatisme anti religieux. Il baisait la jnain du
» prêtre qui venait de lui dire la messe! Il n'épargnait ni
« soins ni dépenses pour recueillir ces reliques foulées aux
« pieds et pour transporter en Espagne ces trésors de la foi.»
Voltaire et son école philosophique Jugés par M. de Fal-
loux. — « Que représentait donc Voltaire'.' Quel piinci|)e li-
« béral et généreux la société venait-elle saluer dans le
« chantre infâme de la Pucelle, adulateur de madame de
n Pompadour. de Frédéric et de Catherine? Hélas! il faut
« bien reconnaître l'esprit de vertige et d'erreur qui signale
« aussi le règne des peuples. C'en est fait! Volt:;ire peut
« disparaître maintenant : on ne croit plus à rien : la moquerie
(I universelle viinl d'être couronnée sous son masiiue. »
Il est moralement impossible iiur v.,ii, i, stiei dans celle
position ambiguë, et il n'y a (|ue deux manières d'en sortir :
Désavouer ces deux livres signés de votre nom, les dé.>.3-
vouer oflicielh ni, pleinenniit, depuis le premier mot jus-
ipi'au dernier; — ou bien donner votre démisHon et c|uiller
le pouvoir. Conune homme privé, vos opinions vous appar-
tiennent sans que personne ait le droit de vous en demander
compte; comme ministre républicain, vous en devez compte
au pays. Pas de trahison, c'est le cri de l<uis le» honnêtes
On vous dit
drez-vous?
La llépobliijue atl.iol votre réponse.
nèle homme, monsieur; quel parti prcn-
" Tous les vieux cultes de la France avaient eu leurs
« blasphémateurs, l'avéuemcnt des impies était proche. »
La théorie monarchique du droit divin jugée par .M. de
Falluux. — « On rangeait le sacre parmi les traditions de la
i( servitude. Mais que faisait-on en proposant à Louis XVI la
(1 saïution piqiulaire au lieu de la consécration religieuse?
" .N'etait-te pas llalter le principe aux dépens de la rovaulc,
Il et mettre un arridenl lœureux à la place d'une institution
(I iumiu.ible? »
Opinion de M. de Falloux sur les privilèges de la noblesse.
— (I La noblesse alléguait en outre de glorieuses raisons pour
Il justifier .ses privilèges. Nous ne recevons, murmurait-on
« dans ses rangs, que le prix légitime de no'.rc sang versé à
" Ilots pour ragramlisscment et l'unité du royaume. Nous
« avons abandonné sans partage les carrières et les professions
« lucratives à la classe qui se plaint aujourd'hui. N'esl-il pas
Il naturel que les besoins pécuniaires de l'Étal pèsent sur les
« fortunes acquises à l'abri de nos armes?... »
L'inviolabilité des assemblées représentatives condamnée
par M- de Falluux. — « L'Assemblée se déclare inviolable,
n A partir de ce jour..., c'en est fait des modifications mudé-
« rées, des améliorations progressives. La royauté vient d'ou-
« vrir ses mains généreuses; la révolution rejette la paix et
« Mirabeau montre le poing. Les députés décrètent à la fois
« leur omnipotence et leur iuviolabililé, déchirent leurs man-
« dais et plantent fièrenniil l'étendard de leur usurpation.
« Cette usurpation, transmise de main en main, d'assemblée
« en assemblée, comme le talisman de la révolution, ne s'ar-
« rètera plus que par l'épuisement de ses propres excès. »
Notre cadre trop resireint nous empêche de pousser plus
loin les citations. Il faut lire les deux ouvrages de .M. de Fal-
loux; il faudrait les citi'r en entier.
GHÔSES QUELCONQUES.
Nous trouvons plaisant que dans un temps comme
le nôtre il y ait un parti qui ose jeter comme un re-
proche et une injure à la face de l'autre, qu'il ait cons-
piré.— Qu'était Louis- Philippe duc d'Orléans? —
Un conspiiatenr. — Qui l'a porté au Iione? — l'wn
conspiration. — Que sont les légitimistes? qu'étaient-
ils sous Napoléon, en 1815? qu'élaient-ils sous Louis-
Philippe? — Des conspirateurs et des conspirateurs de
la pire espèce de ceux que l'étranger ramène. — Que
sont enlin les bonapartistes? — Encore des conspira-
teurs. Si Jonc les républicains ont été à leur tonr des
conspirateurs, qui, parmi tous ces bcaux-fiis, pour-
rait leur jeter la première pierre?
— Celte république qu'ils n'aiment pas, elle les a
rendus possibles, elle les a faits ce qu'ils sont. — Où
serait M. Falloux, M. Faucher, M. Buffet, sans la Ré-
publique? Quel roi eût été chercher ])armi eux des
ministres? — Si c'est là le tort qu'a la République à
leurs yeux, nous sommes d'accord avec eux.
— La future législation n'inquiète pas seulement
les républicains, elle inquiète jusqu'aux chefs du parti
rdaclionnaire. - A q-.elle place siégercz-vous, disail-
on à M. Thiois-; - Mu loi, lopoiidil-il. si cela conti-
nue, à la Montagne.
_ Ce mot trouverait sou explication dans le fait
suivant :
Plusieurs candidatures ont été oflertes à M. C.uizot,
celle du C.ard notamment pour les prochaines élec-
tions. ISous dirons tout net que nous ne voyons aucun
inconvénient à ce que M. Guizot fasse partie de la Lé-
gislative , quand M.M. Tliicrs, Mole et Barrol font
partie de la Constituante. Mais ce qui est bon à re-
marquer, c'est que cette candidature a pour ennemis
acharnés, d'une part, le vieu-v M. Mole avec ses jalou-
sies éternelles, de l'autre M. Thiers, moins vieux, mais
non moins jaloux. Nous espérons que la présence de
M. Guizot dans la Chambre , remettrait le parti con-
servateur dans sa véritable voie, et que M. Thiers
apparaîtrait bientôt à tous, ce qu'il est : un brouillon,
un révolutionnaire en arrière, c'est-à-dire un révo-
lutionnaire de la pire esiièce.
Ennemi pour ennemi, nous préférons M. Guizot :
c'est un ennemi plus sérieux.
_ Le président fait de son mieux pour remplir
convenablement les hautes fonctions auxquelles il a
été appelé. U monte à cheval tous les jours, et se
montre toutes les fois qu'il le peut, aux parisiens, dans
son costume de général en chef de la garde nationale
de Paris. — On trouve que ce costume est celui qui
lui sied le mieux. — On avait pensé à ajouter à son
chapeau un beau plumet retombant gracieusement
sur ta gauche, il estregrettable qu'on ait reculé devant
une aussi heureuse idée.
— Cambacérès, prince de l'Empire, se promenait
toujours seul et à pied. Comme on lui représentait
qu'il s'exposait à quelque avanie : « Laissez, laissez,
répondait-il; le peuple aime à voir de près ses princes.»
— La Patrie, journal ofliciel, ment officieusement,
quand elle n'a rien à faire pour le compte du gouver-
nement. Elle avait jugé à propos d inventer que le gé-
néral Cavaignac assistait au dernier bal du président
de la République.
_ Un mauvais plaisant se présenta dernièrement
chez le concierge de M. Véron, et y déposa une carte
ornée d'une corne. « Vous direz , dit-il au con-
cierge, vous direz à M. Véron que je suis venu moi-
mcine apporter cette carte, et que je regrette de n'a-
voir point eu l'honneur de le rencontrer.
C'était la carte du général Cavaignac. Il faut être
juste: M. Véron eut un instant d'étonnement en ap-
prenant l'honneur qui venait de lui être fait; mais le
sentinient de son importance reprenant bientôt le des-
sus; « Au fait, dit-il en se rengorgeant, Merruault,
sur mon ordre, avait dit quelques mots agréables du
général dans un des derniers numéros du Constitu-
tionnel, ce n'est que justice que le général m'en ait
témoigné sa gratitude.
Pendant vingt-quatre heures, M. Véron parla fort
doucement du général Cavaignac.
Un journal légitimiste assurait que Louis-Napo-
léon devait donner son bal le lô, mais qu'il avait jugé
à propos de le retarder, parce que le 13 février est
l'anniversaire de la mort du duc de Berry.
— Nous ne comprenons pas que les véritables ca-
tholiques puissent désirer que le pape soit rétabli dans
son pouvoir temporel à Home. Le souverain temporel
fera toujours tort au chef spirituel de l'Église. Séparer
ces deux éléments contradictoires, était un véritable
bénéfice pour la religion catholique et pour la papauté.
La politique française se fourvoyé donc dans cette cir-
C(mstance et se sépare, sur ce point, il est bon de le
dire, de la politique suivie par le gouvernement du
général Cavaignac.
— Au dernier concert du Conservatoire, un des plus
beaux et des plus complets de la saison, après l'exécu-
tion d'un passage admirable de la Vestale, l'auteur de
cette magnifique musique, M. Spontini, présent dans
la salle, a été l'ohjet d'une véritable ovation.
L'ex-loge des princes est toujours vide ; est-ce qu'on
ne peut donc pas aller à cheval au Conservatoire?
— On ne devrait plus dire : jaloux comme un tigre,
mais jaloux comme un vieux général. M. Lebreton ne
peut pas pardonner au général Lamoriciôre d'être plus
jeune que lui, et cependant plus avancé dans sa car-
rière ; le général Changarnier ne pardonne jias au gé-
néral Cavaignac, qui a servi sous lui en Afrique, de s'ê-
tre trouvé, depuis la Révolution, en situation de lui
donner le commandement de lagarde nationale de Paris.
— Un brave homme, électeur de M. Thiers, se pré-
sente naïvement à lui. « Monsieur, lui dit-il, je vou-
drais avoir de vous la promesse que vous m'appuie-
rez quand la législative sera réunie pour une pétition
que j'auiai à lui adresser aux termes de la Consti-
tution. »
M. Thiers n'avait jamais vu son interlocuteur. Avec
son tact ordinaire, il lui répond cependant : « La
Constitution, la Constitution, c'est un chiffon de pa-
pier. Ne me parlez de rien au nom de la Constitution.»
Que M. Thiers veuille bien se rappeler ces paroles
le jour où il lui arrivera, ce qui ne peut manquer,
de s'appuyer sur cette Constitution et de s'abriter
derrière ce chiffon de papier, la seule garantie que
le pays ait contre des gens de sa sorte, et que des gens
de sa sorte puissent en revanche invoquer un jour de-
vant le pays lui-même.
1 "" ""
- - . -
'21 FKVRIRR.
L'ii an (U'j 1 nous scpare de 1 erc
Dès qu'ils n'ont plus «cnli trembler la terre, i
Qui sur le trdnc assit l'Égalité.
Ciu'il» n'oot plus vu les laves ondoyer.
Tous, exaltant la vertu popula-re.
II» ont rampé jusqu'au bord du cratère.
Criaient alors : • V bas la royauté ! i>
Comme ils sont loin, les jours de Février !
Dans notre ciel, de la démocratie
Les rayons purs conrimeDçaient à briller.
Lei champions des gothiques idées |
Bient't, hélas 1 l'aube Tut obscurcie:
Pour les vieux rois tr ivailknt sourdement.
Comme ilssontloin, les jours deFérrirr!
Des Uberiét, par Kurs coupi lézardées.
Le vain rempa't s'écroule à lojt moment
• Gloire! disait la foule frémissante.
Maître Barrot, fougueux retardataire.
Les préjugéi n'ont plusde lendemain;
S'accroche au char et cherche à l'enrayer; 1
Dupeujlc-roi laman toute-puissante
Vers le passé m-irche le minis'èrc : 1
Aux nations ouvre un lar^c cbemio.
Comme ils sont loin, les jours de Fév-ierl ;
Dans la mans^arde éveillant l'espérance.
Séchons enfin Us pl-urs de l'ouvrier:
On voudrait bien effacer tout vestige
Par un décret supprimons la soufFrance. •
De ce comhal fatal aux rois pervers;
Comme Us sont loin, les jours de Février I
Mais, comme un arbre à l'immortelle tige,
L^l Républiq-Je cend ses rameaux verts.
Quand du volcan étïnce'aîent les flamme^j
Rappelons-nous avec reconnaissance
Où fuyaient-ils, les Tbiers et le- Vérons!
Nos frères morts, que l'on semble oublier;
Quelle terreur avait glacé les âmes
Et des partis méprisant l'impuissance,
Des courtisans, jadis si fanfarons!
Fêtons, amis, les jours de Février.
E. B.
SOUVENIRS E
>E FÉVRIER.
AIR : TeR 1
«uvi,ns-,u,
Ami, c'est moi, ton compagnon de gloirs.
Paris, le soir, éclatant de lumière.
En Février noosncus rimes jadis;
Fêtait sa gloire et son peuple vainqueur ;
Te souTiens-tu de ce jour de victoire
Foyer brû ant dont la France était fière !
Que nous fêtions ensemble dans Paris !
Sbn sem a'orsfaatuit tout d'un ?eil cœur.
Chacun alors chantait nntre 1 uange.
Et tout Français, heureux par la victoire,
Chacun alors chantait notre vertu ;
S*U fut Irnp loin pour avoir combattJ,
La royauté trébuchait dans la fange.
Fier de son nom, prenait sa part de gloire ;
De Février, ami, te souviens-luî
De Février, ami, te souviens-tu !
Te souviens-tu de ces chants héroïques
Un jour, am', de no'.re République
Que dans Paris nous répétions en chœurs!
L'astre radieux semble s'être voilé ; i
Par ses vieux a rs, la vieille République
C'est que d'un nom le prestige magique j
Pour la nouvelle échauffait tous les cœurs.
Pour un in-ta't a le peuple aveuglé; '
Le peup'e alors, sous son pis énergique
Mais l'ombre cesse et le peup'e regarJe
Foulant le trône à ses pied- abattu.
Où le conduit un sentier trop battu....
D'un mâle accent criait ■ la République !
— Toi qu'il a mis à sa tête prends garde !
De Février, ami, te souviens-tu t
D; Février, ami, te souviens tu! ,
Fraternité, mot oubl é du monde,
S-, de nos droits les gardiens infidèles 1
Ton nom sortait de tous nos cœurs joyeux.
Laissaient violer ce dépôt précie:ix.
La Liberté, l'Égalilé féconde
Élus du peuple, à son poivoir rebetl-s,
A les côtés rayonnaient dans nos cieux.
S'iU gouvernaient non pour lui, mais pour eux;
11 n'était plus ni douleurs, ni misères.
Sur les débris de no'^re République
Et le p'us pauvre était le mieux venu :
S'ils élevaient un pouvoir ab oïu.
Un peuple libre est un peuple de frères 1
Nous crierions tous à ce peup'e hérol-ine :
De Février, ami, te souviens-tu î
D^ Fé/rier, peuple, te souviens lu *
V n
^B
Coslunie monacal, œil vitreux, Uiiil lilafaici.
Sourire liéal peint sur un masque de plaire,
Du pair MoniaUmbcrt tel est raspecl cafard.
On dit qu'au fond il est d'humeur assez folàlre.
Il déteste Volt.iire, il liait quairevinyl-neuf,
El si jamais tu suis les conseils, noble France,
De ce (ils des croises sorti de Vœil-debœuf,
Tes jours ne seront pins (|ue des jours Je souffrance.
Dessiné par Fabritzics.
Gravé par Baulant.
nom. VAIII) ttV.H ITAI.IRNA.
30 eeiitliiit'iii la IKi'uIhoii.
m p. nicnp.i ip.ir, '.ri.
IM,\M:\'UH;.\,l,t.,.
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Œil
s de la SonsorJ|>lîon. — Lii Revue comioie fornifra un mAi;nirH(ne volume, snnd in-8, pulilic en 50 livraisons à ÔO ceiilinies,
le, iO cent. On sousi rit pour 10 livraisons. Pour les iléparlenients, envoyer un niiindit sur la poste à l'ordre du directeur de k
Ievie. — Pour tout ce qui concerne la rédactioa, écrire (franco) à M. LinEix, au bureau de la Revue, '2, boulevard des Italiens.
DUMIMXaA'X'. ÉDITEUR, RU£ KICH£I.I£Ç, 52. 1 T*" Liviainon.
4kTIS AVX JOVRIVACX DE PARIS ET DES DÉPiiRTEiYlEKTS.
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■1" De citer la lievue en lui empruntant ses articles;
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Pour répondre au tlésir exprimé pnr un graud nombre de souscripteurs, (pii liouvaient
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nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume comj)let, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que celle suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière el l'avanl-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIP.i: [)E LA DIXSEPTIÈML LIVRAISON.
TEXTE
Leroux.
La Semaine. — Confession dn Conslitntionnel. — M. Morlier et M. DanJré. — Les Prûcaulions de M. Pierre Le
Saint Falloux. — Comme quoi le Président de la République est une Mine de Calil'ojjile. — Quelques Mots ;i propos du
dernier Livre de M. de Lamartine : Raphaël. — Choses quelconques.
DIFFERENTS POINTS DÉ VUE SOUS LESQUELS 0>- VOIT M. P. J. PROODHON.
Au point de vue des gens qui ont quelque chose — Des gens qui n'ont rien. — Du premitt passant venu. — Des vaulevillisles et autres fanlaisi^tes.
— D'un antagoniste. — Des acrob.-îtes. — De bien des gens. — Dj la portière, 70, rue Maxariae.
Série de Luit dessins par Bebtall, gravés pur MM. Jaliot, Baulant, Midderigli et Leblanc.
LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE .«OSSIEU REAC.
Inlrnihiclion. — Comme quoi mossieu Réao a toujours er-s'é. — Chap'irc fr. - Naisfanee e! pw^rililés
Feuilleton au trayon par Nadaru, gravé par Baulanl, Jaliol, f)iolol el Gaufliard.
Ce premier numéro contient vinçt-quatre gravures. — La suite paraitra dans les procliains numéros.
Dessiiulciiri. Graveurs.
Ta. de r.'jouissancc B„l„l,_ ca.ilant.
Réveil de Pi,Trc Leroux -. „,,(„„, Midde.ijh.
Dnvergier de Huurannc , N.-dard. Baulant.
Avis. — Nous apprenons que des courtiers d'abonnement se sont pré.<eiitcs chez plusieurs représentants en
se disant envoyés par M. Lircux, el même en exhibant de prétendues lettres signées de lui.
Nous désavouons formellement, au nom de M. Lireux et au nom des administrateurs de notre publication,
l'indigne abus qui a été fait et qui pourrait être f:iit du nom de M. Lireiix.
liques i]c LicKAMPB M., et fomp.,
LA SEMAINE.
Nous avons célébré le premier anniversaire de la
révolution de Février d'une façon un peu triste, mais
enlin nous l'avons célébré. Pour bien des gens, cette cé-
lébration faisait question. MM. Odilon Barrot et Léon
Faucher se sont cependant décidés à prier pour la Ré-
publique. Sachons-leur gré de cette concession.
Les choses se sont, du reste, passées fort convena-
blement entre deux haies de troupes. On avait seule-
ment oublié d'inviter le corps diplomatique à la céré-
monie de la Madeleine. En tout, excepté en politique,
le ministère actuel pourrait s'appeler le minis/ère de
l'oubli. Il oublie d'inviter une partie du bureau de
l'Assemblée nationale au bal du président ; il oublie
de faire parvenir au corps diplomatique des lettres
d'invitation pour l'anniversaire du 24 février; l'autre
jour, le ministre de la guerre, M. Hhuillères, oublie
de se rendre à la séance de r.\ssemblée le jour oii l'on
discute l'admission des officiers aux fonctions repré-
sentatives. Du reste, cet excellent M. Barrot et ces bons
MM. de Falloux et Léon Faucher que n'ont-ils pas
oublié?
Les républicains de toutes les nuances ont fêté l'an-
niversaire du 24 février par des banquets. Aucune
manifestation publique n'a eu lieu. Les journaux or-
ganes des diverses fractions du parti démocratique
avaient engagé les bons citoyens à s'abstenir. On s'est
contenté de porter à la colonne de la Bastille des cou-
ronnes d'immortelles.
L'année dernière, à peu près à pareille époque, je
rencontrai sur le boulevard un journaliste de ma con-
naissance , pensionné de M. de Salvandy, chevalier de
la Légion d'honneur par la grâce de \\. Duchâtel, ami
des princes, cité pour la vivacité de son dévouement à
la dynastie d'Orléans.
« Il faut en convenir, me dit-il, je me suis trompé;
je reconnais franchement mon erreur.
— Laquelle?
— La Ilépublique était possible en France. Ce qui
se passe sous nos yeux le prouve parfaitement.
Je m'abusais également sur les républicains. Point
de représailles , la confiance et la modération par-
tout. Le peuple de Paris a été vraiment admira-
ble ; je me rallie décidément à des institutions qui
produisent de tels caractères. D'ailleurs, à quelle bran-
che nous raccrocher désormais? Il n'y a que la Répu-
blique qui puisse nous sauver. Je vais porter mon
adhésion à l'hôtel-de-ville. o
Je me trouvai samedi dernier face à face avec le
même individu.
« Où allez-vous, me donianda-t-il en m'abordant
sur le boulevard.
— A la cérémonie funèbre, lui réponJis-je, pour
les victimes de Février.
— Vous êtes donc incorrigible?
— Comment, incorrigible?
— Je veux dire républicain.
— Vous ne l'êtes donc plus?
— Moi, républicain! Est-ce que je l'ai jamais été?
Fi donc! La République n'est bonne qu'aux États-
Unis, elle ne saurait convenir à un grand pays comme
la France; voyez plutôt : partout la méliance, le dés-
ordre. Il n'y a qu'un retour à la monarchie qui puisse
nous sauver.
— Vous ne pensiez pas ainsi il y a un an.
— Voudriez-vous me faire passer pour un républi-
cain de la veille? moi le bouc émissaire de toutes les
iniquités ministérielles aux yeux de la presse de l'an-
cienne opposition. Vous auriez de la peine à réussir.
24G
nKvuK (:o.Mioui<:
Adieu, il faut que je vous quitte paur portor un :u'-
licle a» Coiistilutiotiucl. »
Le royaliste était reveuu à ses anciennes symjiatliies.
Quoi d'étonnant? il n'avait ])lus peur. Je suis sûr que
le 21 février M. Véron aurait exécuté, sans trop se
faire prier, un pas devant l'arbre de la liberté planté dans
la cour de l'Opéra. David dansait bien devant l'arciie.
11 faut rendre justice aux légitimistes : eux seuls ont
])ersévéré dans leur conviction et sont restés franciie-
ment républicains. On se rappelle que M. de Laroclie-
jacquelin, non content de déclarer qu'il consentirait
à être ambassadeur de la République, déclarait (ju'il
acceptait la déclaration des droits de l'homme de \\o-
bespierre. Ceci se jiassaitdans une réunion électorale,
car M. de Larocliejacquelin se portait candidat à la dé-
putation de Paris. Depuis cette é]ioque, le candidat
robespierriste a mis sans doute pas mal d'eau dans son
vin, mais il est toujours resté fidèle ainsi que son paiti
au gouvernement démocratique. Nous n'en vouions
jiour preuve que l'empressement avec lequel les légi-
timistes entourent la personne et ornent les fêtes du
président de la République.
Le faubourg Saint-Germain boudait Louis-Philippe,
qui cependant était un assez bon gentilhomme, et il se
])récipite dans les salons de M. Louis Bonaparte. On y
a vu paraître dernièrement la duchesse de Poix. 11
paraît quec'est tout à fait la liiie fleur de l'aristoci'atie,
et qu'en ne pouvait souhaiter pour la République une
adhésion plus éclatante.
11 y a des gens soupçonneux et défiants qui ne se
rendent pas bien compte de ces adhésions, et qui pré-
tendent qu'elles cachent une arriére-pensée. Soup-
çonner le parti légitimiste ! des gens si religieux, allons
donc !
« Qu'y a-t-il d'extraordinaire après tout, me disait
un membre du congrès de la rue Dupliot, dans la con-
duite des légitimistes à l'égard du président? N'est-il
pas bon gentilhomme? Son oncle, le marquis de Biio-
naparte...
— Est-ce que maintenant l'aristocratie se décide à
lui accorder ce titre?
— L le faut bien, puisqu'il est prouvé maintenant
([ue les Buona|)arle montaient dans les carrosses du
roi. C'est donc chez le neveu du marquis deBuonaparte
(juc nous allons. Quant au président de la République,, .
— Vous ne le connaissez pas.
— Nullement.
— Fort bien. J'approuve assez cette distinction.
Dansez donc chez M. le marquis de Buonajiarte, du
iiioineiit que la Réiiublique n'est pour rien dans vos
pastourelles et dans vos chasstz-croisez, le reste ne nous
regarde pas. »
lin attendant, pendant que les légitimistes s'amusent
chez le neveu du marquis de Buonaparte, on arbore
le drapeau b'aiic dans les villes du midi, les anciens
verdets tombent à main armée sur ks n'piililiciiins,
I ariiK-e do la foi s'organise sous le pseudonyme d'armée
de roiihc, on attaque soiirdeiiieiit le gouvernement
du présiileiit de la République, et la République elle-
même. Hélas! .M. Louis Bonaparte n'a pas l'air de
s'en doiiler. Ou, nul il a mis son uniforme et passé un'
régimenl en revue, il fuit {|u'il se repose. Le reste re-
garde M>L de Fallouxel Léon Kaiiclicr.
^ous devons coiislalcr, vu pailaiil du miiiislre de
l'inlérieiii-, (iii'il n'a desliliié (|iruiii' soixantaine de
fonctioiinaiii's nqnililicaiiis pendant la semaine qui
vient de s'ocoiiIlm-, 11) a aint^lioralinn.
Puis(|iKMU)us|iarl(iiis(le dc>lhiilinii, le pauvre Cham-
pagne l'a échappé belle. Vous allez nie dein.mder ce
ipie c'est que Champagne.
Champagne est le nom liUéiaire i|ni' l'on donne au
iIomesti(|ue du général Chaiigarnier. Champagne s'ap-
pelle tout siniplt'inonl Baplisie; mais le vainqueur du
■2!) janvier esl (lop l'onipad.jiir pour se servir de ce
prénom nilniicr.
Or, saiiidli dernier, (diligé d'aller à la cérénioiiie
fnnèhre, le général sonna.
« (Champagne !
— Meviiui, mon général.
— Mon unilurine!
— Il e.>l prêt sur cette chaise.
— I': SiL'-le moi. »
Cliain|)agne [iii'senle runil'orine. Le général le re-
garde.
(( Chanipa^iiL-?
— Ci'iiéral.
— Voii« êle? un niais. Vous me donnez mon uni-
forme de f;iaiiile leniie. Allez me chercher tout ce que
j'ai de plus petite tenue, inaroulfle ! Ce sera toujours
assez bon jimir des républicains. »
Baptiste, je veux dire Champagne, apporte la |ilus
\ieille capote de M. Cliangarnier.
<i .Maintenant, mon cheval.
— 11 esl prêt dans la cour.
— Voyons. ))
M. Cliangarnier s'approche de la fenêtre.
« Que vois-je? .Ma housse neiiw, Champagne?
— Général. .
— Vous n"a\ez pas pour drux liards d'esprit; failes
remplacer celle housse par celle dont je me sers quand
il [lient.
— J'ai cru, général, que comme c'étaitjourde fêle...
— Fêle pour (jui? 'l'aisez-vons, bélitre, où je vous
chasse ! »
Champagne s'e^t tn. Lu mot de plus, et sa destitu-
tion était certaine. Ce (jiie c'est que de confondre les
anniversaires, et de croire qu'un général républicain
devait asslsler en grande tenue à la céiéinonie du
"l't février.
La représentation de la comédie de AL Alfred de
Musset, IjiuIsoii, ,1 êli'; le véiitabli' l'véïiement litté-
raire de la semaine. Celles coiiu'die a toutes les qualités
Din-Khi-NTs poiMs D!-: vfi-: sors ïj:s(i| i*:i.s on \nir m. p. j. l'imi dhon.
Le sieur Proudhon comme l'envisagent les gens qui
quelque chose.
Le citoyen Proudhon tel quMI apparaît aux gers qui
Au point de rue du premier pnssoni vemt :
Un monsieur bien ((^riant qui s'est mis
des lunettts, afin de re point être pris pour un
Ait point de vue d'un anlngonisle :
Proudhon
considéré comme Considérant
le cocsidère.
Au point de vue des vaudevillistes
et autres Jantaisistes :
L'n citoyen charmant, qui offre une excellente
mine a exploiter.
Au point de vue de bien
des gens :
Uq homme de beaucoup de
talent, qui a
înfîLimeDl dVsprît.
Au point de rue des acrohntes :
Un gaillard très-adroit, qui a compris que,
pour être remarqué,
il ne faut pas agir et penser comme les autres.
PAR EERTaLT..
Au point de vue de la porz-^r*. 70, me Mazarxne :
Un excellent Incataire, payant exactement son terme
donnant 10 fr. d*étrennes, n'ayant ni chi-n ni chat, et \
du tout fier avec le moade.
2i8
HEYUE COMIQUE
de slvle qui distinguoiit son auloiii- ; mais ello manque
de doveloppemenls scéniqnes, et sa donnôe n'est point
suflisaniment logique. M. de Musset s'est trompé, mais
il faut mieux se tromper comme M. de Musset que
comme AI. Mazères. Mais nous avons une nouvelle bien
plus intéressante à vous annoncer, une nouvelle qui
fera plus pour la comédie que MM. Empis et Mazèics
réunis. Le parterre reparait, le parterre qui avait
donné sa démission depuis si longtemps, le parterre
ilu Tliéàtrc-Français a demandé la Marseillaise, le
parterre du Gymnase sillle les pièces réactionnaires du
citoyen Clairville ; l'esprit public renaît , soyez sûrs que
la Comédie renaîtra avec lui. Nous ne vous parlerons
pas de \' Habit vert, de MM. Alfred de Musset et Emile
Augier ; on aurait pu défier cliacun de ces deux char-
mants écrivains de faire séparément celte balourdise.
S'ils ne s'étaient cotisés, ils auraient, à coup sûr, été
l'un et l'autre incapables d'éci'ire une pareille pauvreté.
CON FESSI ON DU CO.\S TI Tl TIO.XNEL.
M. DE GENOLDE. — Mcls-loi à gcnoux, vicux péclicur.
LE CONSTITUTIONNEL. M'y Voilà.
— Tu veux donc à ton tour défendre le trône et
l'autel?
— C'est mon plus ardent désir.
— Pourquoi?
— Je me suis laissé dire que le trône et l'autel
avaient des chances.
— Fort bien. Confesse tes fautes, vieux pécheur.
— J'ai longtemps suivi les sentiers de riui(iuilé.
— Après?
— J'ai été libéral sous la Restauration, j'ai préconisé
le Voltaire-Touquet; j'ai même fait semblant d'être
républicain après Février.
— Moi aussi ; il n'y a pas de mal à cela. Après ?
— J'ai méconnu les services rendus par les jésuites
à la civilisation.
— Fichtre ! ceci est plus grave. Continue, pécheur.
— J'ai attribué aux jésuites l'apparition du grand
serpent de mer.
— Philosophe, va! Ensuite?
— Sachant que les jésuites étaient vénérés des po-
pulations pour avoir importé le dindon en Europe, j'ai
inventé la pâte lîegnault afin de leur faire concurrence.
— Ce fut un tour abominable, mais ce n'est pas
tout.
— .Non, ce n'est pas tout; car, voyant que la pâte
Ueguault réussissait moins que le dindon, j'osai, |)our
me venger, publier le Juif-Errant, d'Eugène Sue.
— Polissonnerie insigne! Continue, esprit fort!
— J'ai écrit beaucoup d'articles sur l'intolérance du
clergé et les refus de sépulture; j'ai même demandé
que tous les curés fussent tenus de jouer du violon
eux-mêmes pour faire danser les villageois le diman-
che, sous les arbres de la grande place.
— Ces fautes sont grandes, mais jusqu'ici la poli-
lA VIE flIBIiIÇUE ET FIIIVÉE SE MOSSIEU REAC<
Introduction. — Comme quoi mossieu Réac a toujours existé.
C'est en eiïet mossieu H'iar i\n\ lit consommer par un vaulour PtoméUlée
pbur avoir volé te feu du ciel et voulu le donner aux homoieâ.
C'est lui qui se moquait de Noé, l'inventeur du vin
A l.'liSA(.K DliS GKNS Sl.ltll I \.
249
tii|ii(' piiiiil ) rli'i' i'li'aii;;i'ii'. Voyons un pcn l'i'lat ili'
ta cdMSfiL'ni'L' on iioliliqnc.
— J'ai ()S(" l(uiini'r en liilicnln l'iMifant dn niiiiulc!.
— V('nli('-saint-{;i'is! Apiès?
-■■ ('.'c>{ moi, ([uanJ j'i'tais au pouvoir dans la per-
sonne du petit Tliieis, qui ai fait anèter la duchesse
(le Dei'i'y et (jui ai essayé de la déshonorer.
— Ceci ne sort pas des moyens peiinis dan^ la |)0-
liliqne honnête, et nous en ferons bien d'antres, s'il
piait à Dieu. Allons, pécheur, courbe ton l'iont dans
la poussière et récite ton iitcâ culpû. Sais-tu senletucnt
réciter ton meù culpù, im|>ie que lu es?
— J'ai servi la messe dans mon jeune temps.
— Nous irons ensemble à la prochaine proces-
sion. Maintenant relève-loi, frère, je te pardonne. Tu
jiiics lie ne plus irhjnilici' dans les erreurs passées?
— - J allendiai i\\n' la l'iépolilique soit par terre.
-- (l'est tout ce «iiTil faut. Jn-que-là nous signons
un traité d'alliance'.'
— Je le signe à deux inaiii^.
— rrnnclienient, .sincèrenjcnt, sans aucune arrière-
pensée?
— I.c jour n'est pas plus pur que le fond de mon
cœur.
— .\lors, embrassons-nous, (//.s s'embrassent.)
— Ah! fichtre! Tu m'as monln, tiaitre!
— Et toi, tu m'as em|)orté la moitié du nez, lîazile!
N'importe, embras.sons-nous derechef, et montrons-
nous ensemble à la foule étonnée.
[Ils paraissent au balcon , en se tenant par le bras.)
M. MORTIKR ET M DANDRÉ.
iM. Mortier vient de gagner son procès. La liberté
lui est rendue. M. Dandré se fût arraché les cheveux,
si son coiffeur ne le lui eùtdéfendu, quand cette funeste
nouvelle lui est parvenue. On assure que le chef du
cabinet de M. Dronyn de l^'Huys, que la déposition de
M. Mortier a failli rendre célèbre avait vécu sur l'es-
pérance que la condamnation de son ancien patron
infirmerait ce que sa trop piquantedéposition avait de
fcàcbeux pour son caractère ; et en effet, si M. Mortier
n'est pas fou, qu'est donc M. Dandré?
M. Dandré désespéré, va, dit-on, intenter un procès
en diffamation à M. le comte Mortier, à cette fin de
prouver: i" qu'il sait l'orthographe; 2° qn'il n'est
pas aussi expert que l'ex-ambassadeur le prétend,
dans l'art de mettre sa cravate ; ô<> qu'il y a des com-
missionnaires qui font mieux les courses que Ini ; 4" en-
fin qu'il est plein d'esprit, quoi qu'on en dise.
On prétend que, depuis cette malencontreuse dé[)o-
sition, M. Dandré a été accablé de lettres de félicita-
tions de tout le corps diplomatique. «Vous nous ap-
prendrez à mettre notre cravate, disait l'un. — Combien
faut-il de temps pour aller de la Bastille à la Made-
leine, montre en main, disait l'autre; je voudrais en-
treprendre ce voyage. — Comment s'écrit omelette?
I>A VIE FUBIiIQirS XT PRIVEE SE MOSSIEU BÉAC.
ISTRODf CTION. — Comme quoi mossieu Jicac a toujours eiislc.
N'est-ce point encore mcsi^ieu Réac qui,
délivré d'esclavage par Moïsg, regrettait
amèremeat les ognons d'Egypte!
Et Htti donnait la ciguë à Socrate!
Et qui exilait Aristide!
250
REVUE COMIQUE
demandait un troisième; y met-on un /(, comme dans
Astrakan? »
Une pétition aurait été adressée en oiilro à son ex-
cellence le ministre des affaires étrangères par le corps des
courriers du cabinet. « Monsieur ie ministre, disaient
ces messieurs, on assure que vous n'avez nommé
iM. Dandré chef de votre cabinet que pour lui créer
un précédent, et que votre intention secrète est d'en
faire un courrier. ISous nous faisons fort, monsieur le
ministre, de prouver à votre excellence qu'on a surpris
sa religion, et que M. le comte Mortier a llalté M. Dan-
dré, quand il a parlé de ses aptitudes comme coureur.
M. Dandré ne dépasse aucun de nous à la course ;
mettez-nous aux prises avec cet indigne rival ; que le
Champ de Mars nous soit ouvert, et que celui de nous
qui sera dislancé par lui, ne fût-ce que d'une demi-
tète , perde à l'instant sa place et votre estime. »
Si la course a lieu, nous en donnerons le résultat.
LES in\F:C.\UÏIONS DE M. PIEP.RE I.EUOIX.
L'amendement de 5L Pierre Leroux a porté ses fruits.
On a vu l'Amour illégitime s'enfuir chassé parl'Hymen
qui lui lisait le nouvel article de la loi électorale sur
les incompatibilités de l'adultère avec les fonctions de
député. L'Amour en pleurs s'essuyait les yeux avec ses
ailes, et l'Hymen, renonçant à la tunique classique, avait
adopté, pou^la circonstance, une robe d'huissier. Ceci
va amener une révolution dans le costume mytholo-
gique.
« Ou ne peut pascotn-ir deux lièvres à la fois, on ne
sert pas deux maîtres, disait l'Hymen à l'Amour. Tu n'as
pas trop de tes journées tout entières pour faire les yeux
doux à la maîtresse, pour guetter son passage, pour
faire le pied de grue sous ses fenêtres, pour lui envoyer
des bouquets, ou pour l'accompagner à la promenade.
Où prendrais-tu ensuite le temps d'aller à la Chambre,
d'étudier les questions, de monter à la tribune? Les soins
politiques te feraient négliger tes devoirs amoureux,
ou bien c'est ta maîtresse qui ferait du tort à la patrie ;
d'un côté ou del'aulie, lu négligerais tes rendez-vous.
.Allons, va-t-en; je t'en fais sommation, parlant à ta
personne.
— Mais, non, répondait l'Amour, il y a temps pour
lout; voyez plutôt ce qui est arrivé à M. X. Sa femme a
un amant qui est encore plus occupé que le mari.
— Soit ; mais l'incompatibilité n'en existe pas moins ;
on a vu des orateurs-amants mêler leurs idées à la tri-
bune et réciler des madrigaux en présence d'un audi-
toire chauve, tandis que d'autres prononçaient à leur
maîtresse un discours sur la question slave. D'ailleurs,
le principe cr-l admis, l'amendement est adoplé. ainsi
éloigne-toi. Au surplus, si l'Amour a des ailes, n'est-ce
pas pour voUiger? »
H est certain que si l'adoption de cet amendement
a contrisié des cœtirs sincèrement épris, d'autres y ont
trouvé un prétexte pour revenir à la vertu et ahan-
IiA VIE PUBIiIQUE ET FB.IVÉE DE MOSSIEU KEAC.
Introduction. — Comme quoi mossiVi; Ninc n iMijmrs exis/é.
Cj'ii ri(!:.;:lai! 1rs Tarquirs
Taniaii la continence de Sex
poqstaiile peiipli: à les rappeler.
Qui refusait des vaisseaux à Christophe Colomb.
Et se déguisait en mate'ot pour
faite révolter son équipage.
A i;us\r.K nr.s gkns sérieux.
donner les sentiers du vice i|iii ((iiiiinciiciii'iit à Ilmii'
piirailre monoloiies.
On cite une femnii' liliii ((ininit' ilaiis la sniii'li'; pa-
risieniuM]ni a dit à hiui niniinl : u Mon ami, il faut nous
séparer; j'en mourrai, mais il le faut. Je ne ■.'eux (las
iMre un ohslicle à voire fortune |)olili<]iie, je ne veux
pas vous fermer l'enliée de la Cliauilire. .Mun ecnin* se
dérliiro, et il ne fallait pas moins que l'anuMulemenl de
Pierre lirons pour me déterminer à cette cruelle sé-
paration.
— Si votre cœur se décliire, a n'pomlu i'ainaiil, le
mien se brise; mais je me dois avant tout à ma pairie,
et ce qne vons venez de me dire, j'y songieais depuis
quelques jours, liésiiant et ne sachant trop comment
l'exprimer. Adieu donc, et failes des vœux pour celui
qui n'aura plus d'autre consolation que de penser que
votre cœur a compris le sien, n
Il s'en faut néanmoins que partout on se soit aussi
bien accommodé de l'amendement de M. Pierre Le-
roux, a Qui fra|)pe par l'amendement périra par l'a-
niendenient, » dit l'Kvangile; cette menace pourrait
bien s'accomplir si le cclèlire socialiste ne se met pas
en garde contre les séductions vengeresses de certaines
femmes au désespoir.
La beauté veille, ce n'est pas pour M. Pierre Leroux
le moment de dormir. Qui tirera vengeance du terri-
ble amendement? Quelle femme assez séduisante on
assez habile fermera les portes de l'Assemblée natio-
nale à l'homme dont la faroMclie vertu a fait l'erniei-
les portes de tant de boudoirs?
Il Oonnneinons par Irriuer la mienne! a dit d'abord
W. Pierre Leroux ; puis nous verrons. Portier, je vous
défends de laisser monter chez moi les femmes an-
dcssous de cinquante ans, et encore! Ninon a fait
Inurner des tintes à quatre-vingts ans. .Mademoiselle
Margot, inabonne, vous n'avez (|iie qnarantc-cinq ans,
je vous chasse; mais comme je n'ai en qu'à me louer
de votre service, je vons re|)rendrai qLiand vous aurez
cent ans passés. Quelle rediugnre mellrai-je? Celle
que je porte depuis 1 82K, lorsijue je rédigeais le Globe,
est d'une coupe trop gracieuse et d'un drap encore
trop frais. De bleue, elle est devenue verte ; j'attendrai,
pour la porter encore, qu'elle soit devenue jaune. J'é-
piouve le besoin d'être hideux, afin que si une femme
ne recule pas devant l'idée de m'enlever, elle n'ose du
iiiiiins me saisir qu'avec des pincettes.
« .Mes cheveux, qui, à ce qu'on raconte, reçurent
les soins d'un coiffeur, un soir de gala, vers 1817 ou
1818, ne perdront rien à être recouverts de quelques
toiles d'araignée; j'en mettrai aussi sur mon chapeau,
et j'aurai soin, avant de m'en coiffer, de le faire écra-
ser par une roue de cabriolet, alin qu'il achève de per-
dre cette apparence de forme qui le classe encore
parmi les objets de son espèce.
« Quant à ma chaussure, je vois bien que je vais
èire contraint de renoncer à mes souliers lacés ; il y a
des moments où, lorsque j'ai rencontré sur le boule-
vard un décrotteur socialiste qui m'a ciré de force, on
prL^ndrait de loin mes souliers pour une chaussure
vernie. Heureusement j'ai découvert dans un coin du
Il A VI£ F0BZ.I9DE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Introduction. — Comme quoi mossieu Réac a toujovrs existé.
Qui, sous le pseudaayme d'U.nac le Calife
mettait le feu a U bibliothèque d'Alexandrie.
2b2
REVUE COMIQUE
grenier une vieille paire de bulles de postillon, rongées
par les rats, qui iront à mon pied. Maintenant, si je
me pose quelques verrues sur le visage, une loupe
entre les deux yeux et un faux nez, j'échapperai peut-
être aux séductions qui me menacent. »
C'est en cet état que M. Pierre Leroux s'est rendu
hier à la Chambre. Une femme ayant retouinc la tète
pour le regarder en roule, il est allé immédiatement
faire sa déclaration cliez le commissawc du quartier.
SAINT FALI.OUX.
On ne sait pas assez quel saint homme nous avons
dans la personne de M. de Kallouv. Voulez-vous jouir
des douceurs infinies de l'édification, voulez-vous être
attendri, touché, ému jusqu'aux larmes, allez au
Bourg-d'Ivré avec M. de Kalloux, que l'on canonisera
bientôt, s'il faut en croire l'union.
Qu'est-ce que le Bourg-d'Ivré, où prenez-vous le
Bourg-d'Ivi'é? L'Union, qui est le journal officiel des
marquis de Carabas, nous apprend (jue c'est au Bourg-
d'Ivré que sont situés les domaines do la famille de Fal-
joux. Dans ces lieux, où se sont perpétuées les saines
traditions féodales, il y a naturellement beaucoup de
pauvres; mais on s'en console en songeant que ces pau-
vres sont invités à dîner tous les ans, le mardi gras,
et qu'ils sont servis à table par un membre de la famille
Falloux.
Les autres jours de l'année, il est très-probable que
ce sont les Falloux qui sont à table et les pauvres qui
servent.
Cette année, c'est notre jeune ministre de l'instruc-
tion publi(]ue qui a servi les pauvres. Dire de combien
de bénédictions a été entouré M.Alfred, ajoute /'6>iîon,
ce serait impossible. M. Alfred, c'est le petit nom de
M. de Falloux. Au Hourg-d'lvré, on ne connail que
M. .\lfred, on ne jure que par le petit M. Alfred, et il
n'y a pas dans tout le canton un pauvre diable qui re-
fusât de tourner la broche pour M. .\ll'red, en atten-
dant qu'il soit canonisé.
Quant aux pauvres diables, ce n'est jamais eux que
l'on canonise, et quoiqii'ils tournent la broche trois
cent soixante-cinq jours de l'année, ce n'est pas eux
non plus qui mangent le rôti, excepté le mardi gras,
lorsque M. Alfred, comme Leclèro, des Variétés, dans
son rôle de ministre de la reine d'Yvetot, noue autour
de ses reins un tablier de cuisine, enfonce un bonnet de
coton sur ses oreilles et rédige une omelette au lard,
avec son portefeuille sons le bras.
C'est assez pour que r Union se déclare édifiée. Les
journaux légitimistes ont la fibre sensible et versent
des larmes d'attendrissement à propos des soupes phi-
lanthropiques des marquis deCarabas.Quant aux sirhpies
bourgeois, aux républicains, il est bien entendu que,
loin de secourir les pauvres, ils cherchent, au con-
traire, à affamer la population. Cependant, qu'un Cara-
I,A TI£ PUBI.IQI!E ET PBIVEE DI: MOSSISU REAC.
Introduction. — Comme quoi mossieu Hèac a toujours existé.
RI
1
Qui, traquant les Albigeois, s
I Tatz tout , Dieu reconnaîtra
Et qui cndn ji-la t a'
de Bicêtre Salomon
l'inventeur de la vapeur.
A L'USAGE DRS GENS SERIEUX.
253
lias (|(ifl( iiiii|ii(' r,i>sc (lislril)iier un lioissoaii de pommes
(le luire sur ses doni.iiues, les feuilles iégilituistes ot
tliivoles se prosiernent el enlomuiit iincaiitii|ue de joie.
0 (larabus I ù suint lioniiue ! ô siiinles poiiiiues de
lerre ! ô saiut boisseau ! un boisseau tout iieul", et des
poiunies de terre qui étaient presipie des triiiïes ! Et
avec (|uelle f;iiice M. le iiiai(piis plongeait iui-inènie le
bras dans le iHiis>('au, et en retirait les pommes de
terre une à une, donnant celle-ci à Jean , celle-là à
MalhieLi, l'anlre à Lucas ou à (Inilhuiine ! Les séra-
pliins du haut dn ciel, ayant accordé leurs harpes, ac-
compagnaient ce tableau des sons d'une musique cé-
leste ; les auges souriaient à ce spectacle, ne sachant
ce qu'ils devaient le plus admirer, des pauvres, des
pommes de lerre, du boisseau ou du marquis de Ca-
rabas !
Les feuilles légilimisles parlent do là pour exalter
les avantages et le bonheur de la pauvreté ; elles en font
presque une profession à laquelle on ne saurait s'a-
donner avec trop d'ardeur, la seule d'ailleurs qui
n'exige ni éludes préparatoires, ni certilicals de capa-
cité, ni diplôme, ni conditions d'âge, la seule eiiliu
qui soit à la portée de toul le monde.
Elles citent des exemples de rois qui ont demandé
l'aumône par Ininiilité chrétienne, de reines (jui lavent
les pieds aux mendiants, de ministres, comme .^^. Al-
fred, qui les servent à table.
Pauvres, nos amis, disent les feuilles légiiimisles,
c'est vous qui connaissez la vraie gloire. Restez pau-
vres, restez gueux, restez mendiants. Qu'est-ce que la
richesse? Un lourd fardeau qui occable ces infortunés
maripiis de Oarabas. Ah ! s'ils pouvaient s'en débarras-
ser, s'il leur élait permis de porter comme vous le b;l-
ton et la besace ! nuiis la Providence ne l'a pas voulu :
la Providence a exigé qu'ils fussent riches, afin de dis-
tribuer aux panvresdiables qui n'ciiit lien, des pommes
déterre presque aussi belles ipie di's triilfes, dans des
boisseaux tout neufs. Par la même raison, la Provi-
dence a exigé qu'il y eût des gueux pour recevoir ces
pommes de terre et admirer ces boisseaux. Car s'il n'y
avait pas de pauvres, à quoi serviraient les marquis de
Carabas?
(i'est encore pour cela que la Providence a voulu
que les mar(]uis de (larabas se partageassent un mil-
liard d'indemnité payé par le peuple, milliard que les
Carahas ont reçu en pleurant, en se lamentant, en sup-
pliant le ciel de détourner d'eux ce calice, mais le ciel
leur a répondu : « J'enlcnds que Tua volonté soit
faite ! » Et il a fillii que celle -volonté se fît; par là
le ciel, en augmentant le nombre des bienheureux ap-
pelés à crever de faim, a montré ses préférences pour
cette classe de la société.
0 vous donc, qui avez la gldire de ne posséder rien,
soyez-en fiers! Nous vous laverons les pieds, nous
vous servirons à table de loin en loin,, nous chanterons
vos louanges pourvu que vous consentiez à toujours
rester pauvres; enfin nous nous engageons à vous faire
manger des faisans dans l'autre monde pourvu que
vous ayez toujours la patience de tourner la broche
dans celui-ci.
X.A VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE BIOSSIEU B.EAC.
Chapitre l*^*". — Hcac en/mit. — Naissance et puérilités.
Mossieu Kédc vint <iu UiOuuc eu i«u
rayant porté onze mois.
Pour début, il mcrd fa nourrice
la gro'isesse une envi
(fl c avait envie de loul),
le jeune Eéac, sur ce prétexte, prend tous
les joujoux de ses camarade'. .
Soi
RKVUE COMIQUE
COMMK QVOl l.E PRESIDENT DE I. \ HÉITRIIOIE EST INE MINE DE CAIIEORNIE.
Di'ciiiément les fonds haussent, et la linancc est dans
la jubilation. Vous croyez peut-être que cela tient à ce
que la République se consolide, inspire de la confiance,
entre dans nos habitudes, et en, délinilive, n'est pas,
comme disent les bonnes gens, aussi nuire ou anssi
rouge qu'elle paraissait. Erreur! tous les piliers de la
Bourse vous diront sans (lalleric que cela tient à la
visite que le président a faile au temple de IMutus.
Il a désensorcelé le 5! Heureux président! devant lui
la prime et le report s'é|)anouiFfent, les Heurs de la rue
Yivienne s'inclinent, les loups cerviers s'appiivoisent,
les piles d'écus deviennent souples et llexibles. Aussi,
pourquoi dorénavant nous inquiéter de l'embarras de
nos finances'? Avec une visite de Louis-Bonapaile à la
Bourse, le cœur descapilali^tes s'aniolliia, les L-mprunls
se rempliront, l'aigent coulera à Ilots dans le Trésor;
la C.ilifornie n'a pas de mine qui puisse rivaliser avec
celle du Président; tout ce qu'il touche devient or.
Qu'on nous jiarle maintenant du don (]u'avaient nos rois
de guérir certaines maladies! Notre premier magistrat
fait bien d'autres miracles; seulement nous le prierons
Irès-humblemcnt de ne pas oublier qu'à la nouvelle
de la bataille de Waterloo, la Bourse, ce thermomètre
de l'opinion publique, cette pierre de touche du pa-
triotisme, a fait monter le 5 de 10 IV.
P. S. Di'puis la visite du Pi-ésidenl, les actions de
Strasbourg et de Roclogne sont irès-rccherchées; elles
ont subi une hausse considérable. N'est-ce pas flatteur
pour le président.
QUELQUES MOTS A PROPOS DU DERNIER LIVRE DE M. DE LAMARTINE ■. ItÀl'H.lKL.
Nous dirons IVaiicliemeiit pourquoi nous n'avons puinl en-
core parlé (le cette œuvre nouvelle de M. de Lamartine. Nous
redoutions ce livre pour son auteur. Parler de soi csl tou-
jours un écueil ; parler de soi i|uanJ ou a la |icrsonua!ilé de
M. de Lamarline, ce pouvait être plus qu'un écueil, ce pou-
vait cire un véritable naufrage. Ce n'clait pas pour le lalenl
de l'écrivain que nous avions peur, mais pour son caractère.
Le litre même de ce livre, [laphaêl, nom amhilieuv, d'au-
lanl plus anibitiLMix que l'auteur, en l'expliquaul, ajoule en-
core, au lieu (le Pattéimer, à ce qu'il a de présomptueux par
lui-même, ce nom nous avait prévenu défavorablement. Trou-
ver le génie en défaut, perdre du respect et de l'admiration
Qu'on a pour lui, c'est un péril devant lequel nous reculerons
toujours. Si donc, après avoir enlin ouvert Raphofl, nous eu
parlons aujourd'hui, c'est parce que nous avons à réparer les
torts de nos pr('^jugés contre lui.
IiA VIE FUBUÇUE ET PHIVÉE DE MOSSIEU ILEAC.
ChapiT'ie I*^. — Rêne en/nnt. — Naissance et puérililéf.
Gourmand
sel passions t:
ins que Tolfiir,
vent parfois leur châtiincnt
elles-n
Commepremiére éducation
les croqi
rignemcnts les plus complets sur
luemiiaines passés, pri^sents et à
donne les
tous
Ses éludes historiques se bornent
à apprendre qu^- l'inquisition éiait une institution
philanlh opique et modn
A i.i sAi.i iii;> (.i;ns stuiKux.
235
l)isiiiis-K. 1(1111 ml : iivcc Ions SCS «léfttuls, ovrc son action
pour iiiiisi .lir.' iiij|i(isMl)|,., nvcc son caraclèies ind(.-liiii<i pliilnt
encore c|iu mil déliiiis, Hafilmfl n'en csl pns iiiuiiis iiix' iin\rc
imiiéiiss.ilili'.
Si des leinp- phis ralincs avaient vu iiailre ce livre, son
succès eût été iininense ; ce .«.ucccs , le temps le (;raii<lirn
tous les jours, il lui r, ndia ce rpie Idccision a pu lui ùl.r de
soiidaiiitte.
M él.iil iiiinuil (piaiid nous avons oiiverl la première de ces
pajjes. presipie toujours toucliaiiles, souvciil siildimes ; il élait
six heures du malin i|uaud nous somiius arrivé à la dernière.
Jamais livre ne nous a plus diiiiloureuseiiieul é Le lec-
teur qui n'a pas pleuré sur Julie morte, comme si c'était à
lui-ménic ipie la mort l'eut .ulevée, ce lecteur n'a jamais ou
n a pas encore aimé, (^e liwe n'aura d'alliées que parmi ceux
pour qui nu' semhlahle amour n'est ni un souvenir, ni une
cspLTaiice. Cet allieismc ne sera Icgilimc que pour ceux duul
ce chaste et pur amour condamnera le présent ou le pissé.
Quant à ceux qui ne voyeut dans l'amour qu'une l'emme,
et dans une femme ([u'iiuc maîtresse, ce livre n'est pas plus
l'ail pour eux ipie la peinlure pour ceux qui ne voyent dans le
tihlcan d'un mailrc qu'une loile et qu'un cadre; dans uu beau
cl magniliiiur paysage que des arhres qu'on peut couper, que
des Iroupcauv qu'on peut tondre ou mener à l'ahalloir.
Ceux-là rironl, si ban leur semble, de ces amours de poitri-
naire ; d'autres en pleureront au point d'être obligés d'inter-
rompre leur lecture, qui n'en seront pour cela ni moins sains
de ciT-ur, ni moins sains de corps que ces prélendus esprits forts.
N aime pas qui veut! n'aime pas même quiconque croit ai-
mer! Je n'elonnerai ipic les sots en disant que l'amour vrai est
aussi rare que le génie, aussi rare que la vertu parfaite, aussi
rare que la beauté idéale, et que, dans ce Paris, dont la moilié
se livre à l'aulrc tous les soirs, il serait aussi diflicile de trou-
ver vingt ilrcss'aiinant d'un amour véritable, que vingt h«iunics
d'un incunteiilablc génie.
t.e qui nous a plu et nivi dans ce beau livre, c'est que le»
r.iils, n'y fu-sciit-il» pas vrais, <l nous avouons ipi'ils sont sou-
vent invraisemblables, presque tous les srnlimenls en sont sin-
cères ; ce n'est pas seuleinenl de la poé ie, c'est de la vérité.
HayhaH prouve, envers el contre tous, <|ue M. de Lamartine n
aiiné au moins une fois dans sa vie, pins el mieux et autre
chose ipie lui-même.
Aussi ce livre lui fera-1-il pardonner bien des fautes. Julie
est, A coup sûr, légale dlleloise, l'égale de Laure, l'égal.- de
la Julie de Sainl-l'reux. Kllc est aussi vraie el elle est plus
poétique. .Nous ne rcclierclierons pas si, peiid.ml que l'uuleur
élait eu train de créer à coté de la vérité vraie c|u'il ne pouvait
pas due. une vérité plus vraie encore, la vérité élernelle qu'il
pouvait dire. Il n'eut pas mieux fait de séparer Julie de Ra-
(diacl par lidée du devoir, qui eût moralise son oeuvre, que
par l'idée de la mort. — Qu'est-ce que la mori, pour d.-ux
amants"? — .Mais nous ne lui ferons pas les reproches qu'il
adresse si justemeul d'ailleurs à Uous^ean. Il ne s'agil pas de
refaire les livres, mais île les admirer sincèrement quand ils sont
dignes de l'élre. Or, Raphaél est de ceux qu'on peut a.lmirer.
.M. de Lamartine a lire des merveilles des laules mêmes de son
plan. Si donc, son œuvre n'est pas parfaile, que nous im-
porte? Que si vous vous demandez: Pourquoi Julie meurt-
elle'? je vous réponds : Demandez plu'ôt a M. de Lamartine'
SI Dieu n'a pas bien fait de l'enlever a la terre?
Elle csl morte, parce qu'elle devait mourir Madame de
AA'arens n'cùl-clle pas clé lieuiciise de mourir ava:.l d'eu ar-
river au perruquier?
Dr, il y a un perruquier dans toutes les exislenres ; souhai-
tons à toutes les Julies, soi.hailons à tous les Uapli cls de
mourir avani de l'avoir seulement entrevu.
lA VIE FVBI.IQU£ ET PRIVÉE DE MOSSIE0 RÉAC.
CuAPirnE 1". - ni.ce.»fnnt - X.n^m^c, ri p„c,aUf,.
Ses bons înstiDcis se développa
le jeuDe Réac griffe
et mord une petite portière.
Et, entendant venir,
et à crier comme un aigle pour
mbrouiller la question.
il vit dans la cuisine ui
qui soinmt-illail et conçu.
l'heureuse pensée de ]!:i brûler
les moustaches.
lis le chat qui ne dormait qu'à
demi lui sauta au Lez, et...
j (lo ttiitt à la prochaine livraison).
3S6
REVUE COMIQUE
CHOSES QUELCONQUES.
Quelques amis particuliers de M. Louis lîonaparle
disaient de lui, quand il fut nommé président de la
République : « Pourvu qu'on le laisse monter à die-
val, changer d'uniforme suivant son humeur, et met-
tre des plumets de toutes sortes à ses chapeaux, soyez
sûrs qu'il sera content, et qu'il laissera fonctionner ré-
gulièrement la Constitution. »
H eût fallu avoir mauvais caraclère pour refuser le
peu qu'on demandait, la nation l'accorda. — Le prési-
dent eut la fantaisie de s'habiller en général de la g.irdi'
nationale, on n'y prit pas garde; il sa fût habillé en
archevêque, qu'en bonnes gens, on l'eût laissé faue.
_ 11 aimait le cheval, on le vit à cheval avec plaisir,
et on reconnut qu'il n'y avait que M. Bancherqui put
lui rendre des points de ce côté. Quant à ses plumets,
à ses grands cordons, on s'accorda à trouver qu'ils lui
donna'ient assez bon air, du moment où il prenait
plaisir à les porter.
Mais l'excès en tout est un défaut. Un projet a élé
présenté au conseil des ministre pour la formation de
la maison du président. Ce décret était nn véritable
décalque de l'ancienne maison impériale. Il devait y
avoir un maréchal du palais, M. Vaudrcy ; un grand
chambellan (nous ne savons à qui était destiné cet em-
ploi); deux préfets du palais, MM. Laity et Persi-
gny, etc., etc.
C'était trop. — Le conseil a refusé, et il a bien fait.
— Les amis du prince, ses amis de la veille (tout
parti a et aura sa veille), lui conseillent de se faire
nommer empereur de la République ; d'autres pensent
qu'il suffirait qu'il fût nommé d'abord président à vie.
Si le président de la République a envie d'entendre
crier : « Vive Henri V ! Vive la régence ! et, en défini-
tive. Vive l'anarchie! Vive la rouge! « il n'a qu'à écou-
ter ces beaux donneurs de sots conseils.
Atis au président de la République.
Les invitations aux réceptions de l'Élyséc ne sont
pas faites en son nom, mais au nom de l'un de ses ai-
des de camp de service. — C'est là une coutume de la
monarchie qui n'était pas déjà de trop bon goùl sous
Louis-Philippe. — Ce retour à une forme ancienne
jette nn peu de ridicule sur ces invitations, et donne
d'ailleurs lieu àquelques abus; le président ferait bien
d'y mettre ordre.— Voici un exemple, entre d'autres,
des abus que peut cnliaîner la coutume dont nous
parlions.
Une dame, madame B... , désirait une invitation pour
le bal de la présidence ; sa lille, fort jolie personne,
désirait voir le président. — Un vieux général, chargé
par cette dame d'obtenir une invitation, s'adressa à
l'aide de camp chargé de dresser la liste des favorisés.
uNousn avons plusde place, répondit l'aide de camp.
D'ailleurs, mon cher général, qu'est-ce que c'est que
madame B...? A-t-elle nn titre? —Certainement,
répondit malicieuscmont le vieux général ; madame la
comtesse de B .. est connue de tout Paris. »
«Une comtesse! reprit l'aide de camp, que ne le
disiez-vous tout de suite, mon cher général. Voici
votre lettre ; dites bien à madame la comtesse que je
suis trop heureux de pouvoir lui être agréable. »
Je vous laisse à penser si, en entrant dans les sa-
lons du président et en s'entendant annoncer et saluer
très-haut du tilre de comtesse, mesdames B... , qui
sont deux femmes d'esprit, durent être surprises et
confuses! Ce ne fut que quand le vieux général leur
eut expliqué le mystère de kMir annoblisseiiient qu'elles
prirent le parti d'en rire.
On assure que ce soir-là il y avait plus d'unecomlesse,
voire quelques duchesses de la façon du vieux général
dans les salons de l'KIysée.
_ Il a été puéril d'abolir les titres, ce serait bête
de penser à les rétablir, car ce serait impossible. La no-
blesse n'ayant de prix, à ce qu'il parait, que quand elle
est ancienne, qui peut espérer garder de nos jours assez
longtemps nn litre quelconque pour que la sanction du
temps puisse jamais s'y ajouter'?
Un ancien ministre du pouvoir exécutif reçut
dernièrement, un matin, la visite de deux messieurs
fort polis, qui venaient, an nom d'un de leurs amis,
M. Z, lui demander satisfaction d'un soufllet qu'il au-
rait donné la veille à cet ami dans un théâtre.
M. X, fort intrigué d'ajiprendre qu'il avait soufflette
quelqu'un sans s'en douter, demanda à ces messieurs
la permission de les accompagner chez la personne qu'il
devait avoir insultée.
M.Z, placé devant M. X,fut obligé de convenir qu il
n'avait jamais eu l'honneur de le voir. Mais tirant alors
de sa poche une carte qu'il avait échangée avec son
brutal agresseur, « C'est pourtant bien votre carte, »
dit-il.
Cette carte était en effetunecartede rancienministre.
« Ma foi, monsieur, dit M. X à M. Z, consolez-vous,
j'aimerais mieux avoir été insulté comme vous l'avez
été, que d'avoir été votre insulteur, qui ne peut être
qu'un lâche et un misérable. »
llparaîtquecelincroYableprocédéestmoinsrareqiion
ne devrait le penser. On racontait à cette occasion que.
sous la Restauration, un certain M. de C"*, fort connu
pour sa lâcheté, avait toujours dans sa i-oche des
cartes de M. de Bondy, réputé un des meilleurs, le
meilleur tireur de Paris à cette époque.- Ce M. deC"*
„c manquait pas, dès que l'occasion s'en présentait, de
tiier la carte de M. de Bondy, et de l'olTrir à ses aggres-
seur^ Cette singulière rouerie ne fut pas découverte
A L'USAGE Di:S GENS SÉRIEUX.
2S7
(lu pii'iiiicr ciiiip, le iKiiii lie .M. (lu Bondy ayant sans
(loiilo ri'li'iiii i)ciuic(iii|i (le pcisoinu!!! di- (Inniier siiit(i
uux iid'.iiii's ([110 M. (le C" avait eiilaiiuV's (•(IVontc-
lIlLMltSIHIS 8011 Illllll.
Ce (lit lin |)i(iviiicial, ipii iic C(iiiii,iissail pas la c^pn-
lalicin i\c M. lie l'x.iiily i|iii ({(Voiivril la iiiiViic. .M. d..
(:*•' lui iliVoin.-il : il ne S(; liallit pas, mais ill'iU haldi.
— Nous citons, on nous conlcnlaiit de les souligner,
quel(]iies lignes du Moniteur ipii iiiériloraieiil d'i-lre si-
gnalées, du haut de la tnliiiiie do rAsseiiiMée iialiuiiale,
à l'iiidignalion du |)ays :
(( Quelques désordres se sont inanifeslés sur divers
M points de la France, à Toccasion de l'anniversaire du
((2i février ISIS.
« L'anarchie ne s'e.-t pas contentée partout, comme
« à Paris, cV envoyer ses comparses crier atifottr d'un
» édifice religieux ou dans un banquet avorté : Vn e
M LA RÉPrilLlgUE DÉMOCIIATIQIIE ET SOCIALE ! »
1 1 n'est pis vrai qu'on ai t crié à Paris : Vive la liépubli-
que démocratique et sociale '. (juand le président estentré
dans la Madeleine pour !e service du 2i février ; mais
il est vrai que des cris wnummcs de Vive la /iépublique !
ont, en elîet, accueilli son entrée.
\'ive la lîépublique ! Ce cri que les bataillons en-
voyés par toutes les légions de Paris ont crié avec tant
d'ardeur, cela veut dire, et il faut que le président le
comprenne, que le pays est las de révolutions, et que
l'affermissement de la Kcpuhliqne est le but que se
proposent, ainsi que lui à coup sûr, tous les honnêtes
gens, tous les amis de l'ordre et de la liberté.
— Li question es tcrieiire se complique tous les jours.
Si iM. Diduyii de l/lluis n'y prend pas garde, lu situa-
tion de la hance, i|iii était excellente vis-à-vis de Vé-
li'ang(;r sous son prédécesseur, va être coinproinise
gravement, sinon perdue, enlic ses mains, l'.ien n'é-
tait plus facile (pie de garder l'altitude en même temps
ferme et conciliante que M. Bastide avait prise et
fait accepter par toiiles les puissances. «La France
n'inlrrvi.Midra pas, suit; mais vous n'interviendrez
pas non plus. »
Si la Hépiiblique est écrasée à Rome par les Aiitri-
cliiens, si elle est écrasée à Florence et à Livourne, ce
sera pis qu'une honte pour notre gouvernement, ce
sera un véritable crime politique. — Non, sans doute,
nous ne sommes pas solidaires de toutes les réim-
bliques; mais le sommes-nous donc de toutes les mo-
narchies? Les Autrichiens ont évacué Ferrare, mais
comment en sont ils sortis? Et d'aiKeurs où sont-ils?
— La province n'est pas républicaine! s'écrient les
journaux réactionnaires, et les maladroits enregistrent
chaque jour avec une sorte de fureur des faits (]ui ten-
draient à prouver que non-seulement elle est républi-
caine, mais qu'elle le serait trop à notre sens. — Voir
les grands combats livrés par l'autorité à des bonnets
rouges, dont le temps avait déjà pâli les couleurs au point
d'en faire des bonnets roses.
Ce qu'il nous faut, ce sont des bonnets de coton
blancs, avec la rosette verle, sans doute. Va donc pour
les bonnets de colon. — Comballre des emblèmes ou
des moulins à vent, c'est à peu près tout un, à nos
yeux. Nous serions demain M. Faucher, — ce dont
D'eu nous garde, — que nous éviterions ce ridicule.
isiiijliîliiiiilii
C'fst aujoura-hui le 24 février. Vous allez me donner un joli petit
morceau de veau; mais pas de réjouissance surtout... M. Barrot n'en
veut pas, m moi non plus.
P.erre Leroux perdait ses capacités po itiques et é ectorales!...
A son lever, il remercie Dieu et la Triade...
Ce n'était qu'un rêve!!!...
Cului dont vous voyez l;i miiih! airabilairi",
Duvergier de llauraniie, illiislre par son péri'.
Au bon temps où hrillail le salon docliiiiaii>,
Mérita le burnoui de ih a du can'ipé.
Plus tard, en Février,— liélasi funeste date! —
Quand les marrons cuisaient sous la ceudre écarlale
Pour les liur du feu, le elial p éla sa p.ilte;
Ht vous savez comment il se irouve dupe !
Raton, pleiu de dépil, pour se veuyer, pul.lie
1),'^ l)rocliures par-ci, des hrocliures par-là,
Des lirorhures loiijour.s et l'on conçoit cela.
Ses auvres u\laut pas de celles qu'on reUe!
Dt;!i3iné par Nadakd.
Gravé par BauLANT.
«illLIVAIlll niS IIAI.IKNS.
30 <Tii(iiiirN la livraison.
me RicnELiEi, m.
UfM'mnmf^'
*ji'^'/i iji.jitj
dilions de la Sonscripiîon. — L i Rr.vrE roMioiE fxrnii ri iiii iimjtiiI |i \ Uim , jr nul ui-^, |iul lit i n SO 1 \rii«on« a "0 contimes,
rla poste, -4(1 cenl. 0» sous.rit [.lour 10 livraisons. Pour les il^p-irl, iiioiit;. lih \ir un niii ilit ~iir h pn-tp t 1 ..rilii. ilu diucUur di la
!vrE. — Pour toul ce qui conrerne la rédaction, écrire [franco) à M. Lireix, au bureau de la Revtf, 2, boulevard de? Italiens.
BVMIIirEKAT. ÉDITETTR, RUE niCHEI.IX1T, 52. 1 S*" Livtaison.
AVIS AUX JOCUl^AUX DE PARIS ET DÈS DÉPAUTEMENiTS.
Nous autorisons la reproduction des articles contenus dans la Rmie comique, à la condition :
lo De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
^2° De limiter, par cliaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans clui(]uc numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour rôponilre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessm ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jom- sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA DIX-HUITIÈME LIVRAISON.
TEXTE,
La Semaine. - Les Vaudevilles Réactionnaires. -L'Arbre du 24 février. - Lettre de S. M. Changarnier L -, dit Bergamotte,
roi de Paris, Bnç;nolet, Surosne et autres lieux, à S. M. BugeauJ I't, dit Biigeniard, roi de Lyon, Bourges et lieux
circonvoisins. — Si un Mari a droit de vie et de mort sur sa femme. - Les Faux Sous-Oniclers. - Choses Quelconques. —
Les Faucheurs de la Républinue.
LE CONSTITUTIONNEL DRPOVILLANT LE VIEIL HO.MME.
Grande vignette par Bettall, grvée par Baulant.
LA VIE PUBLIQI F. ET PUIVM DE MOSSIEU ItEAC.
Chnpltre 7«T. - Naissance et puérilités. — Chapilre II. — Éducalion morale et philanthropique. — Vocation.
Feuilleton au crayon par Nadaiu), gravé par Baulant.
Ce numéro renferme une gravure. — La suite paraîtra dans les prochains numéri s.
D»9Hinaleiirs. Graveurs.
Entrée au Banquet Bertall. Leblanc.
Indigestion socialiste TiulM. Midderigh.
Le Pousse-Café lianM. Midderigh.
MONSIEUR LE COMTE MOLE.
Type par Fabritiius, gravé par Baulant.
Parif,— Tirée »u« presses mécaniques de T.icniMPK fil» ol Homp., rue Damielle, î.
LA SEMAINE.
Il parait que la grande préoccupation à la cour du
Président est le bal de la mi-carème.
On sait que la marotte du Président est de donner
un bal masqué.
Ici plusieurs diflicultés se présentent. N'est-il pas
à craindre, par exemple, que des invités prennent des
costumes qui rapp